CA Rouen, 2e ch., 28 juin 2007, n° 06-01580
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cyber Marketing Services (Sté)
Défendeur :
Société de conseil en organisation qualité et informatique (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bartholin
Conseillers :
M. Lottin, Mme Vinot
Avoués :
SCP Colin Voinchet Radiguet Enault, Me Couppey
Avocats :
Mes Delsart, Dubosc
Exposé du litige
La société SCOQI, concepteur et propriétaire des droits portant sur des progiciels qualité diffusés sous la marque Qualitel a, le 2 juillet 2001, conclu avec la société Cyber Marketing Services (ci-après dénommée CMS) un "contrat de distribution et de revente pour des produits informatiques relatifs à la qualité", avec exclusivité de distribution dans un certain nombre de pays.
Ce contrat était conclu pour une durée de 36 mois et il était stipulé en son article 15.4 "exception faite des cas de résiliation précités, le présent contrat sera résilié de plein droit en cas de non exécution d'une ou plusieurs obligations. Cette résiliation interviendra dans les 15 jours après mise en demeure de s'exécuter, expédiée par lettre recommandée par la partie victime de l'inexécution et demeurée infructueuse.".
Par lettre du 19 juin 2002, la société SCOQI a, faisant état de dysfonctionnements constatés, demandé à CMS de remplir ses obligations contractuelles résultant des dispositions des articles 4.9, 8.1 et 11.2 lui indiquant qu'à défaut de respect dans les 15 jours elle se verrait contrainte de résilier le contrat.
Par lettre du 4 septembre 2002, elle lui a adressé une nouvelle mise en demeure lui demandant d'adresser le compte rendu prévu à l'article 4.9, l'état des ventes prévu à l'article 4.8 et de régler la facture du 11 mars 2002 de 1 045 euro conformément à l'article 11.2.
Exposant que la société CMS persistait à ne pas respecter les clauses du contrat, la société SCOQI lui a, par lettre du 31 octobre 2002, notifié la résiliation du contrat à ses torts, la mettant en demeure de cesser de distribuer et commercialiser les produits conçus et réalisés par elle.
Par acte du 9 avril 2003, la société CMS a fait assigner la société SCOQI devant le Tribunal de commerce du Havre aux fins de voir dire et juger illégale la rupture du contrat et la voir condamner à lui payer la somme de 230 000 euro à titre d'indemnité.
Par jugement du 10 février 2006, le Tribunal de commerce du Havre a :
- reçu la société CMS en ses demandes, les déclarant mal fondées
- débouté les parties de leurs autres et plus amples demandes
- condamné la société CMS aux dépens et à payer à la société SCOQI la somme de 1 000 euro par application de l'article 700 du NCPC.
La société CMS a interjeté appel de ce jugement.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 11 mai 2007 pour l'appelante et le 28 mars 2007 pour l'intimée.
La société CMS conclut à la réformation du jugement, à ce que soit écarté des débats le constat d'huissier en date du 3 septembre 2002, à ce que soit jugée illégale la rupture du contrat de distribution et en conséquence à la condamnation de la société SCOQI à lui payer la somme de 230 000 euro à titre d'indemnité outre celle de 4 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société SCOQI conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société CMS à lui payer la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce
Aux termes de l'article 4.2 g) du contrat "le distributeur s'engage à établir un compte-rendu trimestriel de son activité relativement à la commercialisation des produits objet du contrat. Ce compte-rendu comprendra notamment la synthèse des actions commerciales engagées, un prévisionnel de vente détaillé sur les six mois suivants, la répartition des ventes réalisées par produit et par revendeur."
La société CMS soutient avoir largement rendu compte de son activité en se rendant à plusieurs reprises au Havre dans les locaux de SCOQI et avoir, quand il ne se rendait pas sur place, transmis des fichiers par e-mail.
Si deux témoignages attestent de visites au Havre, lesquelles ne sont pas contestées par la société SCOQI qui évoque les "visites qu'elle a pu faire", il ne résulte d'aucun élément qu'il aurait été alors rendu compte de l'ensemble des éléments prescrits par l'article susvisé.
En effet, les attestations font état de visites (l'un des témoins évoque une visite le 21 mars 2002, l'autre le 26 avril 2001) et de la remise à cette occasion de disquettes sans contenir aucun récit du contenu des discussions engagées à ce moment et sans qu'il s'en déduise que les témoins aient constaté eux-mêmes ce que contenaient les disquettes remises devant eux, étant observé au surplus que s'ils affirment que la disquette a été remise "comme cela était fait régulièrement" il ne résulte pas de leur témoignage qu'ils avaient constaté eux-mêmes ces précédentes remises.
La société CMS elle-même ne prétend pas que les fichiers prétendument transmis (dont elle indique qu'ils étaient établis à partir du logiciel générateur de numéros de licences) contenaient l'ensemble des renseignements demandés.
Le seul fait que la société SCOQI n'ait adressé une première réclamation que le 19 juin 2002 n'établit pas en soi qu'elle avait reçu les éléments attendus.
Quoi qu'il en soit, mise en demeure à cette date de respecter à la lettre les dispositions de l'article 4.2 g) du contrat, la société CMS n'a pas entendu le faire, répondant au contraire le 22 juin que " sommes-nous devenus vos subordonnés ? Devons nous rendre allégeance encore plus souvent que chaque trimestre ? Croyez vous que nous n'avons que cela à faire ?... en effet vous savez pertinemment que nous nous sommes rendus en vos locaux à quatre reprises en un an. A chaque fois nous avons fait un large compte rendu de nos activités vous décrivant. De grâce laissez nous travailler en paix et cessez ce petit jeu des lettres recommandées stupides... ".
Dans le cadre de l'instance, la société CMS ne produit aucun exemplaire de ces états qu'elle prétend avoir transmis et dont il lui aurait été loisible de produire une copie si elle les avait réellement établis, étant observé que d'ailleurs dans le courrier précité elle n'en évoquait pas l'existence.
L'article 8.1 stipule quant à lui : "le distributeur fait parvenir au fournisseur le 20 de chaque mois le récapitulatif des ventes effectuées le mois précédent. Le fournisseur établira à partir de ces informations la facture correspondante."
La société CMS prétend avoir adressé ses états des ventes des 4e trimestre 2001 et 1er trimestre 2002, ce dont attesterait l'émission d'une facture du 11 mars 2002 portant la mention "selon vos états de vente".
Il sera cependant observé que cette facture datée du 11 mars ne saurait prendre en compte un état arrêté au 31 mars 2002, état que, dans son courrier du 22 juin 2002, CMS prétendait avoir envoyé par mail à cette date.
Il sera en outre relevé que, dans son courrier du 22 juin 2002, CMS affirmait transmettre à nouveau ces états et joindre celui arrêté au 22 juin, pièces qui ne sont pas jointes au courrier produit aux débats dans le cadre de l'instance.
Là encore, il aurait été loisible à CMS de se ménager une preuve de l'établissement de ces états en en gardant une copie plutôt que de répondre sur un ton polémique à la deuxième mise en demeure en indiquant notamment ceci "il est urgent que vous appreniez à lire, car notre réponse du 22 juin à votre courrier du 19 juin est nous semble-t-il assez explicite..., relisez-la et vous aurez la réponse à vos trois articles du contrat cités.".
Il résulte de ce qui vient d'être exposé qu'un manquement aux obligations fixées par les articles 4.2 g) et 8.1 du contrat est établi, quand bien même le manquement relatif au non-paiement d'une facture (dont le montant n'est cependant pas réclamé) est quant à lui insuffisamment établi, la société SCOQI n'apportant aucun élément de réponse à l'affirmation de CMS selon laquelle cette somme aurait été réglée par imputation sur une facture due par Monsieur Gallet, imputation qui résulte des dispositions d'un arrêt rendu ce jour dans le cadre d'une autre instance opposant effectivement ce dernier à SCOQI.
La société CMS ne prouve pas que ces manquements seraient invoqués de mauvaise foi.
En effet, pour preuve d'un changement de politique commerciale annoncé en avril 2002, elle invoque un courrier en réalité adressé à Monsieur Gallet au titre de son activité exercée sous l'enseigne "Michel Gallet et compagnie", et non à elle, sans démontrer au surplus qu'il résulterait implicitement des termes de ce courrier que la société SCOQI avait décidé de se passer de son réseau de distributeurs.
Cette intention ne résulte pas davantage de la signature le 28 janvier 2003, soit après la rupture, d'un contrat avec la société Ingeform, la société CMS n'opérant aucune démonstration à cet égard quant aux intentions malicieuses de la société SCOQI qu'elle traduirait.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que la société CMS avait commis des manquements qui justifiaient la résiliation et a débouté cette société de ses demandes.
En cause d'appel, la société SCOQI ne fonde pas son argumentation relative aux manquements de CMS sur le contenu du procès-verbal dressé le 3 septembre 2002, procès-verbal que la cour n'a pas à examiner dès lors que, la résiliation étant justifiée, le préjudice subi (au sujet duquel ce constat est évoqué) n'est pas examiné : la demande tendant à voir écarter ce constat des débats est donc sans objet.
Les dispositions du jugement ayant débouté la société SCOQI de sa demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ne sont quant à elles pas critiquées et seront donc confirmées.
Il y a lieu d'allouer une somme complémentaire à la société SCOQI sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Condamne la société Cyber Marketing Services à payer à la société SCOQI une somme complémentaire de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société CMS à payer les dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.