CA Aix-en-Provence, 2e ch., 25 janvier 2007, n° 04-03925
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Verrecchia (ès qual.), Fluides Equipements (SARL)
Défendeur :
Air Liquide Santé France (SA), Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon
Conseillers :
MM. Fohlen, Jacquot
Avoués :
SCP Blanc Amsellem-Mimran Cherfils, SCP Latil Pennaroya-Latil Alligier
Avocats :
Mes Darmon, Bretznner
Faits, procédure et prétentions des parties
Suivant une " convention-cadre de sous-traitance " en date du 15 juin 1998, formalisant des relations commerciales qui avaient commencé dès le mois de février 1998, la société Carboxyque Santé et la SARL Fluides Equipements, créée en janvier 1997, sont convenues que la SARL Fluides Équipements exécutera habituellement, en sous-traitance, des travaux d'installation de matériels et d'équipements (canalisations et autres) pour la distribution de gaz et fluides comprimés en milieux médicaux et hospitaliers, travaux qui avaient été confiés à la société Carboxyque Santé. Cette convention avait été conclue pour une durée de trois années à compter de sa prise d'effet, soit le 15 juin 1998, une dénonciation étant possible " au moins trois mois avant sa date d'échéance initiale ". Le 7 août 1998, la société Carboxyque Santé annonçait à la SARL Fluides Équipements un regroupement des activités de deux filiales d'Air Liquide et leur fusion au sein de la SA Air Liquide Santé France. Les relations commerciales se sont poursuivies jusqu'à la déclaration de l'état de cessation des paiements de la SARL Fluides Equipements, intervenue le 31 octobre 2000, et la liquidation judiciaire de la SARL Fluides Equipements prononcée, le 17 novembre 2000, Maître Verrecchia étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement contradictoire en date du 12 décembre 2003, le Tribunal de commerce de Salon-de-Provence a débouté Maître Verrecchia, ès qualités, de l'ensemble de ses demandes en réparation dirigées contre la SA Air Liquide Santé sur le double fondement d'une pratique anti-concurrentielle et de la rupture brutale d'une relation commerciale établie et a condamné Maître Verrecchia, ès qualités, à payer à la SA Air Liquide Santé France la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Maître Verrecchia, ès qualités, a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et moyens de Maître Verrecchia, ès qualités, dans ses conclusions récapitulatives en date du 14 septembre 2006 tendant à faire juger :
- que la SARL Fluides Équipements, dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la SA Air Liquide Santé France, son partenaire commercial " exclusif ", a participé, à la demande de ce dernier, à des ententes illicites lors d'appels d'offres pour des marchés d'équipements de certains hôpitaux,
- que la SARL Fluides Équipements, à l'instigation très forte de la SA Air Liquide Santé France, n'a plus répondu à partir du 30 octobre 1998 aux différents appels d'offre pour complaire à son donneur d'ordres,
- que la SA Air Liquide Santé France a littéralement " asphyxié " la SARL Fluides Equipements en ne lui confiant plus de travaux à exécuter en sous-traitance et en lui retirant des marchés de maintenance concernant les équipements réalisés,
- que l'ensemble de ces comportements a conduit au dépôt de bilan de la petite structure (11 salariés au jour de l'ouverture de la procédure collective) et a réalisé la rupture brutale de la relation commerciale établie, devenue exclusive, observation faite que la SA Air Liquide Santé France avait la volonté d'éliminer un concurrent et que le motif qu'elle a allégué tardivement et qui tiendrait à une absence d'habilitation à des normes est fallacieux,
- que le préjudice subi par la SARL Fluides Équipements est représenté par le passif déclaré de la liquidation judiciaire, soit 505 817,35 euro et est constitué, en outre par des éléments " d'ordre commercial, social, financier ou autre " pour 609 796,06 euro et par la perte de certains marchés à hauteur de 152 449,01 euro ;
Vu les prétentions et moyens de la SA Air Liquide Santé France dans ses conclusions récapitulatives en date du 3 octobre 2006 tendant à faire juger :
- que les difficultés de la SARL Fluides Équipements sont dues à des causes étrangères à son donneur d'ordres (à savoir son incapacité à s'adapter aux nouvelles normes exigées et une scission en son sein avec création d'une autre structure concurrente),
- que l'intervention du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie est irrecevable et ne peut, en toute hypothèse, tendre à la condamnation d'un opérateur économique à une amende civile,
- que le grief d'entente anti-concurrentielle n'est pas démontré en l'absence d'éléments pertinents et objectifs versés à l'appui des allégations de Maître Verrecchia, ès qualités,
- qu'au surplus, les conditions pour que l'entente soit susceptible d'être sanctionnée ne sont pas remplies, la participation de la SARL Fluides Equipements à une prétendue pratique anti-concurrentielle ne procédant pas de sa " décision libre et volontaire ",
- que les conditions pour que soit reconnue une rupture brutale de la relation commerciale ayant existé entre les parties font défaut à trois niveaux : absence de relation commerciale établie, absence de rupture imputable ou à l'initiative de la SA Air Liquide Santé France et existence de justes motifs pour rompre le contrat tenant à l'impossibilité pour la SARL Fluides Équipements de se conformer aux normes de sécurité exigées,
- que les autres griefs avancés ou évoqués par Maître Verrecchia, ès qualités, tenant à l'abus de position dominante et à l'abus de dépendance économique ne sont pas avérés, faute notamment de situation de dépendance économique de la SARL Fluides Équipements vis-à-vis de la SA Air Liquide Santé France,
- subsidiairement que l'évaluation du préjudice tel que proposée par Maître Verrecchia, ès qualités, est exagérée, 1- la perte des marchés pour lesquels la SARL Fluides Équipements n'a pas soumissionné, est aléatoire, 2- Maître Verrecchia n'a pas qualité pour solliciter la réparation du préjudice découlant du défaut de paiement des créanciers de la SARL Fluides Equipements et 3- le préjudice dit complémentaire n'est pas caractérisé ;
Vu les prétentions et moyens du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie dans ses conclusions déposées en date du 28 avril 2006 et développées à l'audience par Monsieur Baumès tendant à faire juger que " la rupture des relations commerciales mises en œuvre par la SA Air Liquide Santé France vis-à-vis de la SARL Fluides Equipements constitue un trouble à l'ordre public et a comporté un caractère brutal au sens de l'article L. 442-6-1-5° du Code de commerce " ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 24 novembre 2006.
Motifs et décisions
Attendu que le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie tient de l'article L. 470-5 du Code de commerce le droit de déposer devant les juridictions civiles ou pénales des conclusions et de les développer oralement à l'audience, ainsi que de produire les procès-verbaux et rapports d'enquête ; que l'intervention volontaire à titre principal du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence est permise pour l'application des dispositions du livre quatrième du Code de commerce qui comprend notamment l'article L. 442-6-I 4° dudit Code dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi dite " NRE " n° 2001-420 du 15 mai 2001, article sur le seul fondement duquel le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a déposé et développé des conclusions ; que ce faisant, la partie intervenant volontairement à titre principal pour la première fois en cause d'appel n'a pas soumis à cour d'appel un litige nouveau et n'a pas sollicité à son seul profit des condamnations qui n'auraient pas été soumises à l'examen des premiers juges ; que l'article L. 470-5 du Code de commerce confère " au ministre de l'Economie " un droit autonome à agir " devant les juridictions civiles ou pénales pour l'application des dispositions du livre quatrième " du Code de commerce ; qu'en l'espèce, l'intervention volontaire au débat à titre principal du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie aux côtés de Maître Verrecchia, ès qualités, est recevable comme tendant uniquement à l'application de dispositions insérées au livre quatrième du Code de commerce et à conforter l'argumentation de Maître Verrecchia, ès qualités, déjà développée en première instance et tendant exclusivement, par l'application de l'article L. 442-6-I-4° dudit Code, à la reconnaissance du caractère brutal de la rupture des relations commerciales ayant existé entre les parties ; qu'il n'est pas exigé pour la recevabilité de l'intervention du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie que ce dernier justifie qu'il a ressenti une atteinte personnelle (d'ordre général) à l'ordre public économique, distincte du dommage subi par l'une des parties ;
A) Sur l'action en réparation fondée sur l'article L. 420-1 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi dite NRE n° 2001-420 du 15 mai 2001.
Attendu qu'en vertu de cet article, seul invoqué expressément par Maître Verrecchia, ès qualités, sont prohibées certaines pratiques anti-concurrentielles, telles les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de fausser ou restreindre le jeu de la concurrence sur un marché et lorsqu'elles tendent à : 1° limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, 2° faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse, 3°... et 4° répartir les marchés...; que Maître Verrecchia, ès qualités, allègue que par convention tacite entre la SA Air Liquide Santé France et la SARL Fluides Équipements, son sous-traitant placé dans un état de " soumission " économique, une action concertée (échange d'informations antérieurement au dépôt des offres) a été menée à l'occasion de certains appels d'offre émanant de structures hospitalières pour l'installation et la fourniture de dispositifs de fluides et gaz médicaux afin que le marché de travaux soit attribué à la SA Air Liquide Santé France qui " rétrocéderait " son exécution à la SARL Fluides Équipements ; qu'il apparaît de pièces émanant de la SA Air Liquide Santé France, au moins en une circonstance, qu'une certaine concertation a existé entre les parties à l'occasion d'un appel d'offres ; que, ainsi, invitée suivant courrier en date du 18 juin 1999 par l'hôpital Paul Desbief à Marseille à présenter une offre pour des travaux de son ressort (lot " fluides médicaux "), avant le 20 juillet 1999, la SARL Fluides Equipements en possession d'un fax émanant de la SA Air Liquide Santé France en date du 19 juillet 1999 afférent à la décomposition du prix global proposé par la SA Air Liquide Santé France, soit 417 577 F HT, concernant cette offre, a formulé, le même jour et postérieurement, une offre pour un prix global et forfaitaire de 460 048 F HT, supérieur à celui communiqué, prix qui n'a pas été retenu ; que cet exemple accrédite l'affirmation de Maître Verrecchia, ès qualités, selon laquelle il était convenu entre la SA Air Liquide Santé France et la SARL Fluides Équipements des échanges d'information sur les prix auxquels chacun soumissionnerait ; que cette manière de procéder est reconnue par la SA Air Liquide Santé France dans un compte rendu de ses entretiens avec la SARL Fluides Équipements qu'elle a établi, en janvier 2000 ; que ce document souligne la corrélation entre 1- " la montée en régime des affaires amenées par la SARL Fluides Équipements qui se fait rapidement sentir " depuis la conclusion du " protocole de sous-traitance " et 2- le fait que la SARL Fluides Equipements " abandonne progressivement les cotations en direct " c'est-à-dire ne répond plus aux appels d'offres pour des marchés de travaux attribués à la SA Air Liquide Santé France et qu'elle exécutera néanmoins en sous-traitance ; qu'en toute hypothèse, la SARL Fluides Équipements ne fait pas la preuve qui lui incombe, qu'elle aurait été victime des effets sur le plan économique des ententes anti-concurrentielles qu'elle dénonce après y avoir participé ; que Maître Verrecchia, ès qualités, reproche en réalité à la SA Air Liquide Santé France de ne pas avoir respecté des accords tacites concernant quatre appels d'offres présentés comme biaisés concernant des travaux que la SARL Fluides Equipements devait exécuter en sous-traitance, mais qui ont finalement été exécutés par des filiales de la SA Air Liquide Santé France ; que Maître Verrecchia, ès qualités, sera débouté de sa demande en dommages et intérêts pour perte de marchés à concurrence de 152 449,01 euro, fondée sur une prétendue pratique anti-concurrentielle qui ne visait aucunement à éliminer a priori la SARL Fluides Equipements des marchés de travaux et dont elle n'a pas été la victime ; que la SARL Fluides Équipements reconnaît expressément dans son courrier du 12 novembre 1998, 1- qu'elle agissait en qualité de " prestataire de services " de la SA Air Liquide Santé France lors de l'étude de marchés de travaux pour leur " définition et chiffrage " avant les appel d'offres et 2- que la SA Air Liquide Santé France lui " répercutait " certains marchés qu'elle avait préparés (dont elle était " à l'origine ", selon sa formule) et qui avaient été attribués à la société Carboxyque Santé ou à la SA Air Liquide Santé France,
B) Sur l'action en réparation fondée sur l'article L. 442-6-1-4° du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi dite NRE n° 2001-420 du 15 mai 2001.
Attendu que la notion de relation commerciale établie recouvre à l'évidence les relations commerciales ayant existé entre les deux opérateurs économiques, qui s'inscrivaient dans une convention-cadre de sous-traitance organisant par avance de manière générale un grand nombre de relations ponctuelles à venir, liées à l'adjudication de marchés privés ou publics de travaux ; qu'il ressort des pièces du dossier et du rapport du ministère de l'Economie, des Finances et de l'industrie qu'un flux d'affaires important a existé entre les deux opérateurs économiques ; que, ainsi, la société Carboxyque Santé dans un courrier du 24 mars 1998, avant même la signature de la convention-cadre, envisageait de confier à la SARL Fluides Équipements l'exécution de travaux et une activité de maintenance pour 3 367 000 F HT; que Maître Verrecchia, ès qualités, produit des documents, non sérieusement et pertinemment combattus par la SA Air Liquide Santé France, afférents au niveau d'activité ayant été existé ; qu'il apparaît que la SARL Fluides Équipements a réalisé pour le compte de la SA Air Liquide Santé France un chiffre d'affaires HT de 3 324 000 F en 1999 et de 2 523 000 F en 2000 (sur une période de 10 mois seulement), qui représentaient respectivement 71 % et 99 % de ses chiffres d'affaires totaux ; que la SA Air Liquide Santé France qui avait imposé un mode particulier de relation commerciales (un sous-traitant auquel était délégué des "missions " d'étude de marchés et de représentation du donneur d'ordres) n'ignorait pas la situation de dépendance économique de la SARL Fluides Équipements ; que celle-ci s'en était ouverte à plusieurs reprises auprès de la SA Air Liquide Santé France, indiquant qu'elle procédait à des embauches pour pouvoir répondre aux ordres de sous-traitance ;
Attendu que la relation commerciale établie a été rompue à l'initiative de la SA Air Liquide Santé France qui, (elle et ses filiales), y a mis fin en ne confiant plus à la SARL Fluides Équipements l'exécution de travaux et lui retirant les marchés de maintenance ; qu'il s'agit d'une rupture de fait, au mois d'octobre 2000, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures caractérisées par une ancienneté de relations depuis le mois de février 1998 et consacrées dans une convention-cadre d'une durée de trois années expirant le 15 juin 2001 ; que la rupture a découlé du comportement de la SA Air Liquide Santé France qui brutalement a écarté son cocontractant qui était placé dans une situation de dépendance économique après l'avoir mis à mal en allongeant les délais de paiement ; que le carnet de commandes de la SARL Fluides Équipements comptant onze salariés pour les travaux restant à réaliser à la fin du mois d'octobre 2000, était très réduit (environ 170 000 F) et n'assurait plus la pérennité de l'entreprise ; que selon la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Rhône, la SARL Fluides Équipements a "vécu en 2000 exclusivement sur les marchés conclus au temps de la société Carboxyque Santé" ; qu'il est de fait que la SA Air Liquide Santé France qui conteste de manière théorique d'une part, les documents versés au débat par la SARL Fluides Équipements, ayant une force probante suffisante, et d'autre part, les constatations opérées par des administrations, ne verse au débat aucune commande ou ordre de service concernant des chantiers nouveaux pour l'année 2000 ; qu'il est effectif que la durée des contrats de maintenance a été réduite ;
Attendu que la SA Air Liquide Santé France ne peut invoquer pour justifier la rupture de la relation commerciale établie le fait que la SARL Fluides Equipements aurait été dans l'incapacité de faire face aux normes de sécurité exigées s'agissant de travaux portant sur des dispositifs hospitaliers ; que la SA Air Liquide Santé France n'a jamais invoqué au cours de l'exécution de la relation contractuelle et encore au mois d'octobre 2000 de difficultés liées au non-respect, allégué tardivement, de la norme NF EN 737-3 ou du marquage " CE "; que la SA Air Liquide Santé France ne verse au débat aucun document relatif à des plaintes ou des réserves de maîtres de l'ouvrage ou de centres hospitaliers ; qu'elle se borne à indiquer que des normes nouvelles étaient devenues obligatoires alors qu'elle n'a à aucun moment fait état de changements de normes ; qu'il appartenait à la SA Air Liquide Santé France, si tel était le motif de la rupture, de pour le moins l'évoquer et d'inviter son sous-traitant à se conformer aux normes nouvelles;
Attendu que compte tenu de la courte ancienneté des relations commerciales établies, mais de l'importance du courant d'affaires existant entre les entreprises, de la situation de dépendance économique de la SARL Fluides Équipements vis-à-vis de son donneur d'ordres, dépendance imposée par celui-ci et de la spécificité et de l'étroitesse du secteur économique considéré (installation d'équipements hospitaliers spécifiques), il convient de fixer la durée du préavis à quatre mois, délai qui aurait pu permettre à la SARL Fluides Équipements, société nouvellement créée, de reconvertir son activité ou/et de rechercher de nouveaux donneurs d'ordres afin de remédier à la désorganisation découlant de la rupture ; que le préjudice réparable est celui directement causé par la brutalité de la rupture et non par la rupture elle-même ; que l'importance du passif déclaré à la procédure de liquidation judiciaire, soit 505 817,35 euro ou 3 317 944,31 F par rapport au dernier chiffre d'affaires, celui de l'année 2000 (2 536 000 F pour dix mois d'activité, soit environ une moyenne mensuelle d'environ 250 000 F, le chiffre d'affaires du dernier mois d'activité, soit le mois d'octobre 2000 s'élevant à 380 000 F) donne à penser que la brutalité de la rupture n'est pas la cause de la liquidation judiciaire, prononcée très rapidement après le retrait de la SA Air Liquide Santé France, et que le passif de la liquidation judiciaire n'a donc pas été généré exclusivement par la rupture ; qu'il convient d'allouer des dommages-intérêts au titre des gains manqués pendant la période qui aurait été nécessaire pour la reconversion de l'activité (15 000 euro par mois x 4), et au titre des pertes annexes éprouvées (30 000 euro), soit la somme totale de 90 000 euro.
Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 2 500 euro au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, Reçoit l'appel de Maître Verrecchia, ès qualités comme régulier en la forme ; Déclare recevable l'intervention volontaire à titre principal en cause d'appel du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie ; Au fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau, condamne la SA Air Liquide Sauté France à porter et payer à Maître Verrecchia, ès qualités, la somme de 90 000 euro à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et celle de 2 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la SA Air Liquide Santé France aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'avoués associés Blanc Ansellem-Mimran Cherfils, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.