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Décisions

CA Paris, 13e ch. corr., 25 juin 2007, n° 06-09012

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

MM. Waechter, Geraud-Charvet

Avocat :

Me Guin

TGI Créteil, 13e ch. corr., du 26 avr. 2…

26 avril 2006

Rappel de la procédure :

La prévention :

X Christian a fait l'objet d'une convocation notifiée, sur instructions du Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Créteil, par un officier de police judiciaire, selon les dispositions de l'article 390-1 du Code de procédure pénale, contre émargement le 23 février 2006, pour avoir :

- à Fontenay-sous-Bois (94), courant septembre 2004, trompé l'acheteur ou contractant sur la quantité livrée de fromage inférieure à la quantité du produit annoncée sur l'étiquette, objet du contrat, livrée par défaut de tarage de la pré emballeuse du rayon fromage,

* à Fontenay-sous-Bois (94), courant février 2005, trompé l'acheteur ou contractant sur la quantité livrée en vendant des barquettes contenant des tournedos contenant un pourcentage excessif de bardage, le consommateur payant le morceau de barde en excès au prix de la viande de bœuf, les risques inhérents ou les précautions à prendre pour l'utilisation, les modes d'emploi et les contrôles des marchandises objets du contrat,

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire à l'encontre de X Christian, prévenu, a déclaré X Christian :

- coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant septembre 2004, à Fontenay-sous-Bois (94), infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 213 du Code de la consommation,

- coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, faits commis courant février 2005, à Fontenay-sous-Bois, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,

et, en application de ces articles, l'a condamné à une amende délictuelle de six cents euro (600 euro),

Décision :

Rendue contradictoirement à l'encontre du prévenu, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence.

Monsieur l'Avocat général requiert la confirmation du jugement entrepris.

Par voie de conclusions, Christian X sollicite, au contraire, l'infirmation du jugement attaqué et son renvoi des fins de la poursuite.

Sur le contrôle du poids des fromages préemballés, il invoque l'absence d'élément matériel de l'infraction en faisant valoir que les conclusions de la DGCCRF reposent sur un raisonnement particulièrement contestable et sur de prétendues constatations, souvent contradictoires.

Il soutient par ailleurs que l'élément moral des infractions fait défaut en l'espèce,

Il relève en effet que contrairement au délit de "publicité de nature à induire en erreur", la simple négligence du prévenu, à supposer d'ailleurs qu'elle soit établie, ne suffit pas à constituer l'élément intentionnel de l'infraction de tromperie et qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir sa mauvaise foi,

En ce qui concerne le poids des fromages préemballés, il souligne, en substance, que les absences de tarages constatées étaient dues à des erreurs du personnel et qu'au moment des faits il avait pris ses fonctions seulement depuis 8 jours de sorte que l'on ne peut lui imputer la responsabilité des manquements allégués.

En ce qui concerne la question du pourcentage de barde pour les tournedos, il fait observer que l'analyse du poids de l'ensemble des produits contrôlés montre que plusieurs pièces avaient un pourcentage de barde bien inférieur au pourcentage de 13 % évoqué dans les usages et que les quelques excès de barde allégués ne procédaient d'aucune volonté de tirer un profit injustifié ;

Rappel des faits :

Les premiers juges ont exactement et complètement relaté les circonstances de la cause dans un exposé des faits auquel la cour se réfère expressément.

Il suffit de rappeler que le 24 septembre 2004, à 14 heures 45, des agents de la DGCCRF se présentaient au rayon de fromages de l'hypermarché Auchan, à (94120) Fontenay-sous-Bois et contrôlaient le poids des barquettes de fromages préemballés.

Ce contrôle mettait en évidence que l'opération de tarage de la préemballeuse était très aléatoire et que le consommateur n'était pas toujours livré de la quantité de produit annoncée sur l'étiquette, une partie de ce poids étant en fait constitué d'emballage, payé par le consommateur au prix du fromage.

Il apparaissait que les absences de tarage constatées pouvaient être dues à des erreurs du personnel.

Vu les articles 132-29 à 132-34 du Code pénal,

- a dit qu'il sera sursis totalement à l'exécution de cette peine, dans les conditions prévues par ces articles,

- a dit que la présente décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre vingt dix euro (90 euro) dont est redevable le condamné,

Les appels :

Appel a été interjeté par :

- Monsieur X Christian, le 4 mai 2006, des dispositions pénales,

- Monsieur le Procureur de la République, le 4 mai 2006 contre Monsieur X Christian,

Sur ce, LA COUR

Sur le défaut de tarage,

Considérant que les agents de la DGCCRF n'ont pas pesé les morceaux de fromage mis en vente mais procédé à un raisonnement statistique consistant à calculer un "poids moyen" de préemballage puis à soustraire ce "poids moyen" du poids des produits "emballage compris" en estimant par extrapolation qu'il correspondrait au poids de tous les emballages utilisés ;

Considérant que le poids réel des morceaux de fromage et du préemballage utilisé pour chacun de ces morceaux n'étant pas établi, une telle méthode ne permet pas d'affirmer indubitablement que tel ou tel produit aurait été emballé sans opération de tarage ;

Considérant au demeurant que le délit de tromperie suppose, pour être constitué, que les faits aient été intentionnels c'est à dire commis de mauvaise foi ;

Considérant à cet égard que la DGCCRF précise, dans le procès-verbal clos le 5 novembre 2004, que "le constat du technicien de maintenance ...incite à penser que les absences de tarage constatées étaient dues à des erreurs du personne!" ;

Que la cour observe que Christian X, qui avait pris ses fonctions 8 jours auparavant, n'avait pu, dans un si court délai, organiser l'ensemble des rayons produits frais ;

Considérant que les agissements reprochés ne résultent d'aucune intention frauduleuse ;

Considérant que la mauvaise foi n'étant pas caractérisée en l'espèce la cour infirmera le jugement querellé en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de tromperie par défaut de tarage et relaxera Christian X des fins de la poursuite de ce chef ;

Sur le pourcentage excessif de bardage ;

Considérant qu'en ce qui concerne la question du pourcentage de barde pour les tournedos, l'analyse du poids de l'ensemble des produits contrôlés montre que plusieurs pièces avaient un pourcentage de barde inférieur au pourcentage de 13 % évoqué dans les usages ;

Qu'en moyenne, le pourcentage de barde était même inférieur à ces usages (sur un total de 38 pièces, 20 pièces présentaient un pourcentage effectif de la barde inférieur à 13 %) ;

Considérant que par ailleurs les agents de l'administration n'ont pas précisé la date d'emballage des produits alors qu'il est constant que le poids de la viande préemballée se réduit quotidiennement d'environ 3 % par un phénomène d'exsudation qui n'a pas été pris en compte, puisque le poids net à prendre en considération est celui du produit au jour de son conditionnement, de sorte qu'il est possible que le nombre des articles dont la barde était excessive soit inférieur à ce qui a été retenu par la DGCCRF ;

Considérant en définitive que la cour observe que le fait que des anomalies pondérales aient été constatées à la fois à l'avantage et au désavantage du magasin démontre que les excès de barde reprochés ne procédaient d'aucune volonté de tirer un profit injustifié ;

Considérant que les agissements poursuivis ne résultant d'aucune intention frauduleuse, la cour infirmera le jugement querellé en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de tromperie par excès de bardage et relaxera Christian X des fins de la poursuite de ce chef ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre du prévenu, Reçoit le prévenu et le Ministère public en leurs appels, Infirme le jugement critiqué, Relaxe Christian X des fins de la poursuite.