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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 24 mai 2007, n° 05-05378

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Puma France (SAS)

Défendeur :

OHR Rodeo's (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

M. Remenieras, Mme Le Bail

Avoués :

SCP Naboudet-Hatet, SCP Verdun-Seveno

Avocats :

Mes Bereza, Anstett Gardea, Astruc

T. com. Paris, du 21 févr. 2005

21 février 2005

Vu l'appel déclaré par la société Puma France du jugement prononcé le 21 février 2005 par le Tribunal de commerce de Paris qui l'a déboutée de toutes ses demandes contre la société OHR, qui l'a condamnée à lui verser la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et qui l'a condamnée aux dépens;

Vu les dernières conclusions, signifiées le 15 février 2007, par lesquelles la société Puma France, appelante, demande à la cour:

- d'infirmer le jugement déféré,

- de condamner la société OHR à lui payer la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- de lui interdire de vendre et de proposer à la vente des chaussures marquées Puma ou de tout autre produit marqué Puma sous astreinte de 1 000 euro par jour, par marque, par référence et par produit à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

- enfin, de la condamner à lui verser une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les uniques écritures de la société OHR, intimée, signifiées le 18 janvier 2007, par lesquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de la condamner à lui verser une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Sur ce,

Considérant que la société Puma France, qui avait confié à OHR la distribution dans son magasin situé 53 rue Saint-Denis à Paris de chaussures revêtues de sa marque, lui a notifié par courrier du 2 février 2001 sa décision de ne pas l'agréer en qualité de distributeur de la marque Puma, car ne "répondant pas favorablement aux critères objectifs et qualitatifs définis dans le cadre du contrat de distribution que [sa] société met en place auprès des professionnels de notre profession"; qu'elle lui accordait toutefois un délai de 3 mois pour se mettre en conformité avec l'ensemble des critères définis en lui indiquant que, si tel n'était pas le cas, au terme de ce délai, elle se verrait alors contrainte de mettre un terme à leur collaboration dans les 6 mois; que, par lettre datée du 7 mai 2001, Puma France a informé OHR qu'elle ne répondait toujours pas aux critères exigés, en particulier en ce qui concerne "la qualité de la présentation des produits des marques" et en ce qui concerne la présence de certaines marques et lui a dès lors fait part de sa décision de mettre un terme à leur collaboration, en l'informant toutefois que sa position pourrait évoluer dans le cas où il serait constaté que "la mise en conformité est devenue effective"; que, par courrier du 5 novembre 2001, Puma France a notifié à OHR la fermeture de son compte client, tout en lui rappelant à nouveau : "Il est bien entendu que cette situation pourrait être reconsidérée et conduire vers une reprise de notre collaboration dans le cas où votre position viendrait à évoluer favorablement" ; que, dans le courant de l'année 2003, soupçonnant la société OHR de détenir et d'offrir à la vente des chaussures portant sa marque alors qu'elle ne l'approvisionnait plus, la société Puma France a requis du président du Tribunal de grande instance de Paris l'autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon dans ses locaux; que ces opérations, conduites le 26 mai 2003, ont permis de constater que le magasin exploité par la société OHR détenait et offrait à la vente environ 200 paires de chaussures de marque Puma France, le dirigeant de l'intimée expliquant à ce sujet qu'il s'était fourni "chez d'autres revendeurs ou grossistes eux-mêmes agréés Puma France", pour l'essentiel la société Basane; que c'est dans ces conditions que la société Puma France, reprochant à la société OHR d'avoir commis à son détriment des actes de concurrence déloyale, l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 50 000 euro en réparation de son préjudice;

Considérant que la société OHR demande à la cour de rejeter les prétentions de l'appelante en avançant, d'une part, que celle-ci doit démontrer la régularité de son réseau de distribution sélective et, d'autre part, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, dès lors qu'elle ignorait l'existence de la clause concernant l'interdiction de revente à un commerçant non agréé qui figure dans le contrat de distribution conclu entre Puma France et la société Basane;

Mais considérant que c'est à l'intimée, qui renverse ainsi la charge de la preuve, qu'il appartient de démontrer que le réseau de distribution sélective mis en place par Puma France serait illicite au regard des dispositions du règlement n° 2790-1999 de la Commission du 22 décembre 1999, ce qu'elle n'avait d'ailleurs pas soutenu en 2001, alors que, candidate dans les conditions qui ont été relatées au réseau de distribution sélective de Puma France, elle avait été pleinement informée des critères objectifs et précis qui devaient être remplis par les distributeurs;

Considérant que OHR ne peut ainsi utilement se prévaloir d'une ignorance de l'interdiction qui est faite à un distributeur sélectionné et qui est inhérente à tout contrat de distribution sélective, de vendre les biens ou les services concernés à des distributeurs non agréés;

Considérant que la société Puma France est dès lors fondée à soutenir que le fait pour la société OHR d'avoir participé directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence, engage en effet sa responsabilité et l'oblige à réparer le préjudice causé en application de l'article L. 442-6 I, 6° du Code de commerce;

Que, compte tenu des éléments dont elle dispose et notamment du nombre d'articles en cause, le préjudice causé à la société Puma France, qui est caractérisé par l'atteinte à son image de marque mais non, par surcroît, comme elle le soutient, par des agissements parasitaires et par l'usurpation de son nom commercial, sera réparé par l'allocation d'une somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts;

Que rien, toutefois, ne justifie l'allocation de dommages et intérêts complémentaires sous la forme des intérêts au taux légal du jour de l'assignation jusqu'au jour du paiement qui est sollicitée par l'appelante;

Considérant que, compte tenu de la nature des agissements commis par la société OHR, Puma France est également fondée à demander à la cour d'interdire sous astreinte à l'intimée de vendre et de proposer à la vente des produits portant la marque Puma;

Que la demande de publication de l'arrêt à intervenir qui, dans les circonstances de l'espèce, n'est pas fondée, sera rejetée;

Par ces motifs, Infirme le jugement déféré, Condamne la société OHR à payer à la société Puma France la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts, Interdit à la société OHR de vendre et de proposer à la vente des chaussures marquées "Puma" ou tout autre produit marqué "Puma" sous astreinte de 1 000 euro par jour, par marque, par référence et par produit, à compter de la signification du présent arrêt, Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société OHR à verser à la société Puma France la somme de 5 000 euro au titre de ses frais irrépétibles, Déboute la société Puma France de ses autres demandes, Condamne la société OHR aux dépens de première instance, qui comprendront notamment le coût du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 26 mai 2003, et aux dépens d'appel et admet la SCP Naboudet Hatet, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.