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Décisions

CJCE, 5e ch., 21 mars 1991, n° C-60/89

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Monteil, Samanni

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Moitinho de Almeida

Avocat général :

M. Tesauro

Juges :

MM. Rodríguez Iglesias, Sir Gordon Slynn, Grévisse, Zuleeg

Avocat :

Me Fourgoux

CJCE n° C-60/89

21 mars 1991

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par arrêt du 7 novembre 1988, parvenu à la Cour le 1er mars 1989, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de la notion de médicament et à sa définition en droit communautaire.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de poursuites pénales pour exercice illégal et complicité d'exercice illégal de la pharmacie dirigées respectivement contre MM. Samanni pour avoir, dans le magasin "Casino" dont il était directeur à Marseille, vendu de l'éosine à 2 % et de l'alcool à 70 % modifié, et Monteil pour avoir, en tant que directeur de la centrale d'achat du groupe "Casino", approvisionné le premier de ces deux produits.

3 Estimant que ceux-ci devaient être considérés comme des médicaments dont la vente est, en vertu de l'article L. 512 du Code français de la santé publique, réservée aux pharmaciens d'officine, le syndicat des pharmaciens des Bouches-du-Rhône s'est constitué partie civile contre les intéressés.

4 Condamnés par le Tribunal correctionnel de Marseille, le 14 juin 1988, chacun à 8 000 FF d'amende, un franc de dommages et intérêts et 2 000 FF au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, MM. Samanni et Monteil ont fait appel de ce jugement devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, en faisant valoir que ni l'éosine à 2 % ni l'alcool à 70 % modifié ne pouvaient être considérés comme des médicaments, au sens ni de l'article L. 511 du Code de la santé publique ni de l'article 1er de la directive 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1965, 22, p. 369).

5 C'est dans ces conditions que la juridiction nationale a posé à la Cour une question préjudicielle portant sur le point de savoir "si l'éosine à 2 % et l'alcool à 70 % modifié sont des médicaments dont la vente est réservée aux pharmaciens, tels que définis par le droit communautaire européen ".

6 Pour un plus ample exposé des faits, du déroulement de la procédure ainsi que des observations écrites présentées devant la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

7 La question posée par la juridiction nationale se subdivise, en réalité, en deux. Par la première, elle cherche à savoir si des produits du type de l'éosine à 2 % et de l'alcool à 70 % modifié entrent dans la définition communautaire du médicament donnée par la directive 65-65, précitée. Par la seconde, elle voudrait savoir dans quelle mesure le droit communautaire permet à la législation interne d'un État membre de réserver la vente des médicaments aux pharmaciens.

Sur la qualification de l'éosine à 2 % et de l'alcool à 70 % modifié

8 Il ressort des pièces du dossier et des débats menés devant la Cour que la qualification des deux produits en cause est à examiner tant au regard de la directive 65-65, précitée, qu'au regard de la directive 76-768-CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques (JO L 262, p. 169).

9 La directive 65-65, modifiée à plusieurs reprises, définit la spécialité pharmaceutique comme "tout médicament préparé à l'avance, mis sur le marché sous une dénomination spéciale et sous un conditionnement particulier ".

10 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 65-65, précitée, est un médicament "toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales", et, selon le deuxième alinéa, est également considérée comme médicament "toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme ou à l'animal en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques chez l'homme ou chez l'animal ".

11 Cette directive donne ainsi deux définitions du médicament : une définition du médicament "par présentation", une définition du médicament "par fonction ". Un produit est un médicament s'il entre dans l'une ou dans l'autre de ces définitions.

12 Il convient d'ajouter que ces deux définitions ne peuvent pas être regardées comme rigoureusement distinctes. Comme l'indique l'arrêt du 3 novembre 1983, Van Bennekom, point 22 (227-82, Rec. p. 3883), une substance qui possède des "propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales", au sens de la première définition communautaire et qui pourtant n'est pas "présentée" comme telle, tombe en principe dans le champ d'application de la seconde définition communautaire du médicament.

13 L'article 1er, paragraphe 1, de la directive 76-768, précitée, définit le produit cosmétique comme "toute substance ou préparation destinée à être mise en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue exclusivement ou principalement de les nettoyer, de les parfumer et de les protéger afin de les maintenir en bon état, d'en modifier l'aspect ou de corriger les odeurs corporelles ".

14 Comme le relève son cinquième considérant qui précise que cette directive "ne vise que les produits cosmétiques et non les spécialités pharmaceutiques et les médicaments", les règles posées par la directive 76-768, précitée, ne concernent que les produits cosmétiques et non les médicaments.

15 Si, en conséquence, il n'est pas exclu que, dans les cas douteux, la définition du produit cosmétique soit rapprochée de celle du médicament avant qu'un produit ne soit qualifié de médicament par fonction, il n'en demeure pas moins qu'un produit qui présente le caractère d'un médicament ou d'une spécialité pharmaceutique n'entre pas dans le champ d'application de la directive 76-768 et est soumis aux seules dispositions de la directive 65-65, précitée, et de celles qui l'ont modifiée.

16 Cette conclusion est, d'ailleurs, la seule qui soit conforme à l'objectif de protection de la santé publique que poursuivent l'une et l'autre directives, dès lors que le régime juridique des spécialités pharmaceutiques est plus rigoureux que celui des produits cosmétiques, compte tenu des dangers particuliers que peuvent présenter celles-ci pour la santé publique et que ne présentent généralement pas les produits cosmétiques.

17 Dans ces conditions, alors même qu'il entrerait dans la définition de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 76-768, un produit doit, cependant, être tenu pour un "médicament" et être soumis au régime correspondant s'il est présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies, ou s'il est destiné à être administré en vue de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions organiques.

18 Il y a donc lieu de rechercher si des produits du type de l'éosine à 2 % ou de l'alcool à 70 % modifié entrent dans la définition du médicament.

19 Compte tenu des observations qui précèdent, diverses circonstances invoquées devant la Cour par MM. Samanni et Monteil, pour démontrer que les deux produits en cause entrent dans le champ d'application de la directive sur les produits cosmétiques, ne peuvent pas être regardées comme significatives.

20 Il ne peut en être ainsi, en particulier, de ce que l'éosine à 2 % et l'alcool à 70 % modifié sont "appliqués superficiellement" sur la peau, car ce peut être, également, le cas de médicaments, ni de la mention de précautions d'emploi comme celle de "Ne pas avaler", ni de la circonstance que ces produits ne sont pas "destinés à être ingérés, inhalés, injectés ou implantés dans le corps humain", car, si la directive 76-768 exclut de son champ d'application les produits qui ont ce mode d'emploi, elle ne fait nullement entrer dans son champ d'application les produits qui auraient pour simple caractéristique d'être utilisés autrement.

21 Il est toutefois constant et, d'ailleurs, également indiqué par MM. Samanni et Monteil et par la Commission que l'éosine à 2 % et l'alcool à 70 % modifié présentent des propriétés antiseptiques et antibactériennes.

22 Comme le relève la Commission, lorsque l'éosine à 2 % et l'alcool à 70 % modifié sont présentés comme antiseptiques et antibactériens pour le traitement ou la prévention d'infections et de lésions de la peau, ils entrent dans la définition du médicament par présentation, au sens de la directive 65-65.

23 Il convient cependant d'ajouter que, selon l'arrêt du 30 novembre 1983, Van Bennekom, précité, la notion de "présentation" d'un produit doit être interprétée de façon extensive et qu'il y a donc lieu de considérer qu'un produit est "présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives" au sens de la directive 65-65 non seulement lorsqu'il est "décrit" ou "recommandé" expressément comme tel, éventuellement au moyen d'étiquettes, de notices ou d'une présentation orale, mais, également, chaque fois qu'il apparaît, de manière même implicite mais certaine, aux yeux d'un consommateur moyennement avisé, que ledit produit devrait, eu égard à sa présentation, avoir les propriétés dont il s'agit.

24 Si, selon le même arrêt, la forme extérieure donnée au produit en cause peut constituer, à cet égard, un indice sérieux sans être, toutefois, exclusif ni déterminant, il y a lieu de préciser que cette "forme" doit s'entendre non seulement de celle du produit lui-même, mais aussi de son conditionnement, qui peut tendre, pour des raisons de politique commerciale, à le faire ressembler à un médicament, et qu'il faut tenir compte de l'attitude d'un consommateur moyennement avisé auquel la forme donnée à un produit peut inspirer une confiance particulière, du type de celle qu'inspirent normalement les spécialités pharmaceutiques compte tenu des garanties qui entourent leur fabrication comme leur commercialisation.

25 En ce qui concerne le point de savoir si l'éosine à 2 % et l'alcool à 70 % modifié doivent être ou non qualifiés de médicaments par fonction, le fait qu'il s'agit de produits antiseptiques et antibactériens n'est pas à lui seul déterminant. En effet, même limitée à ceux qui peuvent contribuer à prévenir ou à soigner les maladies, la gamme des produits antiseptiques et antibactériens est très large. Elle comprend aussi bien des savons ordinaires auxquels nul ne reconnaît la qualité de médicaments que des antiseptiques puissants utilisés en chirurgie, auxquels cette qualité ne peut être refusée.

26 Il y a lieu de relever que, selon les États membres, l'éosine à 2 % et l'alcool à 70 % modifié sont inégalement connus et utilisés, employés dans des conditions diverses et leur composition est complétée par des adjuvants différents.

27 Or, si la directive 65-65, précitée, a pour objectif essentiel, comme l'indique son quatrième considérant, d'éliminer les entraves aux échanges des spécialités pharmaceutiques au sein de la Communauté et si, à cette fin, elle donne, en son article 1er, une définition de la spécialité pharmaceutique et du médicament, elle ne constitue cependant, comme le relève l'arrêt du 30 novembre 1983, Van Bennekom, précité, que la première étape de l'harmonisation des réglementations nationales en matière de production et de distribution des produits pharmaceutiques.

28 En cet état du droit communautaire, il est difficile d'éviter que subsistent, temporairement et, sans doute, aussi longtemps que l'harmonisation des mesures nécessaires à assurer la protection de la santé ne sera pas plus complète, des différences entre les États membres dans la qualification des produits.

29 Dans ces conditions, il appartient aux autorités nationales de déterminer, sous le contrôle du juge, si l'éosine à 2 % et l'alcool à 70 % modifié constituent ou non des médicaments par fonction au sens de l'article 1er, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 65-65. A cet égard, il y a lieu de tenir compte des adjuvants complétant la composition du produit, de ses modalités d'emploi, de l'ampleur de sa diffusion, de la connaissance qu'en ont les consommateurs et des risques que peut entraîner son utilisation.

30 Il y a donc lieu de répondre à la première partie de la question préjudicielle :

a) que l'éosine à 2 % et l'alcool à 70 % modifié sont des médicaments au sens de l'article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 65-65-CEE, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques, lorsqu'ils sont présentés comme possédant des propriétés curatives ou préventives;

b) que la qualification de ces produits au regard de la seconde définition du médicament énoncée à l'article 1er, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 65-65-CEE doit être faite compte tenu des adjuvants complétant la composition du produit, de ses modalités d'emploi, de l'ampleur de sa diffusion, de la connaissance qu'en ont les consommateurs et des risques que peut entraîner son utilisation.

Sur le monopole des pharmaciens

31 Il apparaît de l'arrêt de renvoi et de l'ensemble des pièces du dossier que la juridiction saisie au principal établit un lien entre la qualification d'un produit comme médicament et sa vente exclusive en pharmacie.

32 Il est donc nécessaire de rappeler, à titre liminaire, l'objet de la réglementation communautaire en matière de médicament.

33 La directive 65-65, précitée, ainsi que les différentes directives qui l'ont modifiée ont pour seul objet de donner une définition communautaire du médicament et de la spécialité pharmaceutique, à l'exception, d'ailleurs, des spécialités pharmaceutiques mentionnées à l'article 34 de la deuxième directive 75-319-CEE du Conseil, du 20 mai 1975 (JO L 147, p. 13), afin de délimiter le champ d'application de la procédure harmonisée d'autorisation de mise sur le marché qu'elle a instituée dans le but de faciliter la libre circulation de ces produits.

34 Cette constatation est étayée par le préambule de la directive 85-432-CEE du Conseil, du 16 septembre 1985, visant la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certaines activités du domaine de la pharmacie (JO L 253, p. 34). Celui-ci précise, en effet, que "la répartition géographique des officines et le monopole de dispensation des médicaments continuent de relever des États membres ".

35 Il en résulte qu'en l'état actuel du droit communautaire, où aucune harmonisation des règles relatives à la commercialisation des médicaments à l'intérieur de chaque État membre n'a été réalisée (arrêt du 27 mai 1986, Legia, 87-85 et 88-85, Rec. p. 1707), la détermination des règles relatives à la distribution, proprement dite, des produits pharmaceutiques demeure de la compétence des États membres, sous réserve du respect des dispositions du traité et, notamment, de celles concernant la libre circulation des marchandises.

36 De même, les États membres peuvent, sous la même réserve, soumettre des produits qui n'entrent pas dans le champ d'application de la directive 65-65, précitée, qu'il s'agisse d'autres médicaments ou de substances ou compositions pharmaceutiques ou encore d'autres produits qui s'en rapprochent, à un régime restrictif de la vente ou de la commercialisation (arrêts du 30 novembre 1983, Van Bennekom, précité, et du 20 mars 1986, Tissier, 35-85, Rec. p. 1207).

37 Comme l'a déjà jugé la Cour, une législation qui limite ou interdit certaines formes de publicité et certains moyens de promotion des ventes, bien qu'elle ne conditionne pas directement les importations, peut être de nature à restreindre le volume de celles-ci par le fait qu'elle affecte les possibilités de commercialisation pour les produits importés. Il ne saurait être exclu que l'obligation dans laquelle peut se trouver l'opérateur concerné soit d'adopter des systèmes différents de publicité ou de promotion des ventes en fonction des États membres concernés, soit d'abandonner un système qu'il juge particulièrement efficace, puisse constituer un obstacle aux importations, même si une telle législation s'applique indistinctement aux produits nationaux et aux produits importés. Cette constatation vaut, à plus forte raison, lorsque la réglementation en cause prive l'opérateur de la possibilité de pratiquer non pas un système de publicité, mais une méthode de commercialisation qui lui permet de réaliser la quasi-totalité de ses ventes (arrêts du 15 décembre 1982, Oosthoek's Uitgeversmaatschappij BV, 286-81, Rec. p. 4575, et du 16 mai 1989, Buet, 382-87, Rec. p. 1235), comme une méthode de vente par correspondance.

38 Il en résulte qu'un monopole, conféré aux pharmaciens d'officine, pour la commercialisation de médicaments ou d'autres produits, par le fait qu'il canalise les ventes est susceptible d'affecter les possibilités de commercialisation des produits importés et peut, dans ces conditions, constituer une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, au sens de l'article 30 du traité.

39 Toutefois, l'existence du monopole des pharmaciens peut être justifiée par l'un des intérêts généraux mentionnés à l'article 36 du traité, au nombre desquels figure la protection de la santé et de la vie des personnes. En outre, étant, en principe, indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés, ce monopole peut également être justifié par la protection des consommateurs, qui, selon la jurisprudence de la Cour, figure parmi les exigences impératives qui peuvent justifier une mesure susceptible d'entraver le commerce intracommunautaire (arrêt du 11 mai 1989, Wurmser, point 10, 25-88, Rec. p. 1105).

40 En l'absence d'harmonisation des règles relatives à la distribution tant des médicaments que des produits dits de "parapharmacie", il appartient aux États membres de choisir le niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique.

41 En ce qui concerne les médicaments au sens de la directive 65-65, précitée, il y a lieu de tenir compte du caractère très particulier du produit et du marché en cause qui explique que tous les États membres connaissent, bien que selon des modalités variables, des règles restrictives pour leur commercialisation et, en particulier, un monopole, plus ou moins étendu de leur vente au détail au profit des pharmaciens, en raison des garanties que ces derniers doivent présenter et des informations qu'ils doivent être en mesure de donner au consommateur.

42 Il convient, toutefois, d'observer que, si, dans la partie susmentionnée du préambule de la directive 85-432, précitée, le Conseil constate et, par conséquent, reconnaît l'existence dans les États membres d'un monopole des pharmaciens, il ne le définit pas, car ce monopole n'est pas une notion de droit communautaire.

43 Il en résulte que, si, en principe, les États membres peuvent réserver la vente au détail des produits qui entrent dans la définition communautaire du médicament aux pharmaciens et si, dans ces conditions, leur monopole peut, pour ces produits, être présumé constituer une forme adaptée de protection de la santé publique, la preuve contraire peut être rapportée pour certains médicaments, dont l'utilisation ne ferait pas courir de dangers sérieux à la santé publique et pour lesquels la soumission au monopole des pharmaciens apparaîtrait manifestement disproportionnée, c'est-à-dire contraire aux principes définis par la Cour pour l'interprétation des articles 30 et 36 du traité.

44 En ce qui concerne les autres produits, comme ceux dits de "parapharmacie", qui peuvent être très divers, si un monopole est conféré aux pharmaciens pour leur commercialisation, la nécessité de ce monopole, pour la protection de la santé publique ou des consommateurs, doit, quelle que soit, d'ailleurs, la qualification des produits en droit national, être établie dans chaque cas et ces deux objectifs ne doivent pas pouvoir être atteints par des mesures moins restrictives du commerce intracommunautaire.

45 Il appartient à la juridiction nationale d'apprécier, au regard de ces critères, le bien-fondé des poursuites dont il est saisi.

46 Il y a donc lieu de répondre à la seconde partie de la question préjudicielle :

- que, en l'état actuel du droit communautaire, la détermination des règles relatives à la distribution des produits pharmaceutiques demeure de la compétence des États membres, sous réserve du respect des dispositions du traité et, notamment, de celles concernant la libre circulation des marchandises;

- qu'un monopole, conféré aux pharmaciens d'officine, pour la distribution de médicaments ou d'autres produits peut constituer une entrave aux importations;

- que, si un État membre choisit d'en réserver la distribution aux pharmaciens, une telle entrave est, en principe et sauf preuve contraire, justifiée en ce qui concerne les médicaments, au sens de la directive 65-65;

- que, s'agissant des autres produits, quelle que soit leur qualification en droit national, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si le monopole conféré aux pharmaciens pour leur commercialisation est nécessaire à la protection de la santé publique ou des consommateurs et si ces deux objectifs ne peuvent pas être atteints par des mesures moins restrictives du commerce intracommunautaire.

Sur les dépens

47 Les frais exposés par le gouvernement italien et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé par la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

Statuant sur la question à elle soumise par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 7 novembre 1988, dit pour droit :

1) a) L'éosine à 2 % et l'alcool à 70 % modifié sont des médicaments au sens de l'article 1er, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques lorsqu'ils sont présentés comme possédant des propriétés curatives ou préventives.

b) La qualification de ces produits au regard de la seconde définition du médicament énoncée à l'article 1er, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 65-65-CEE doit être faite compte tenu des adjuvants complétant la composition du produit, de ses modalités d'emploi, de l'ampleur de sa diffusion, de la connaissance qu'en ont les consommateurs et des risques que peut entraîner son utilisation.

2) En l'état actuel du droit communautaire, la détermination des règles relatives à la distribution des produits pharmaceutiques demeure de la compétence des États membres, sous réserve du respect des dispositions du traité et, notamment, de celles concernant la libre circulation des marchandises.

Un monopole, conféré aux pharmaciens d'officine, pour la distribution de médicaments ou d'autres produits peut constituer une entrave aux importations.

Si un État membre choisit d'en réserver la distribution aux pharmaciens, une telle entrave est, en principe et sauf preuve contraire, justifiée en ce qui concerne les médicaments au sens de la directive 65-65-CEE du Conseil.

S'agissant des autres produits, quelle que soit leur qualification en droit national, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si le monopole conféré aux pharmaciens pour leur commercialisation est nécessaire à la protection de la santé publique ou des consommateurs et si ces deux objectifs ne peuvent pas être atteints par des mesures moins restrictives du commerce intracommunautaire.