CA Douai, 2e ch. sect. 1, 23 mars 2006, n° 03-07515
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Brousse
Défendeur :
Beaumont Automobiles (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
Mme Geerssen
Conseillers :
MM. Rossi, Zanatta
Avoués :
SCP Masurel-Thery-Laurent, SCP Carlier-Regnier
Avocats :
Mes Campagne, Squedin
Vu le jugement contradictoire prononcé le 19 novembre 2003 par le Tribunal de grande instance de Béthune, statuant commercialement, qui a débouté Monsieur Bernard Brousse de toutes ses demandes, constaté la résiliation de plein droit du contrat d'agent service signé le 20 avril 2000 et condamné Monsieur Brousse à payer à la SA Beaumont Automobiles la somme de 1 800 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu l'appel formé le 26 décembre 2003 par Monsieur Bernard Brousse; Vu les conclusions déposées pour celui-ci le 15 décembre 2005
Vu les conclusions déposées le 29 décembre 2005 pour la SAS Beaumont Automobiles;
Vu l'ordonnance de clôture du 6 janvier 2006;
Attendu que Monsieur Brousse (ci-après l'agent) demande à la cour de prononcer la nullité de la clause de résiliation de plein droit, en la qualifiant de condition potestative, ou, subsidiairement de constater l'absence de preuve des faits reprochés et de dire abusive la rupture des relations commerciales le liant à la société Beaumont Automobiles, ainsi que de condamner celle-ci à lui payer la somme de 106 715 euro à titre de dommages avec intérêts au taux légal à compter de la demande, outre la somme de 3 049 euro au titre de ses frais irrépétibles;
Attendu que la société Beaumont Automobiles (ci-après le concessionnaire) conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. Brousse à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Attendu que les deux pièces (72 et 73 du bordereau de l'avoué de M. Brousse) communiquées le 10 janvier 2006, après l'ordonnance de clôture, seront écartées des débats, ainsi qu'il est demandé:
Sur ce :
Attendu que la société Beaumont Automobiles, concessionnaire Peugeot, a conclu avec Monsieur Brousse, précédemment lié à la société SIAN, un contrat à durée déterminée intitulé " contrat d'agent service " et daté du 1er janvier 1991 ; que le concessionnaire s'était encore engagé par un même contrat signé le 28 avril 1998 et prenant fin au plus tard le 31 décembre 1999 ; qu'il écrivait, le 29 septembre 1999, qu'il confirmait le non-renouvellement de ce dernier contrat, puis, le 8 décembre 1999, qu'il informait l'agent que " pour le 20 décembre 1999 l'ensemble du Plan d'action prévu sur décembre [n'était] pas réalisé " il maintiendrait " sa position quant au non-renouvellement " du contrat d'agent service au 1er janvier 2000;
Qu'un contrat d'agent à durée [in]déterminée était signé entre les parties le 20 avril 2000, prévoyant (article VIII) un préavis de résiliation de six mois, sous réserves de certaines dispositions, notamment en cas de non-respect des méthodes, normes ou standards du constructeur ou des dispositions de l'article 3 de l'annexe 1, relatives à l'identification et aux standards que l'agent s'était engagé à respecter au plus tard le 31 décembre 2000 ; qu'était jointe à ces documents une énumération des standards concernés, qui fait apparaître que l'agent reconnaissait devoir se mettre en conformité, pour le mois de juin, en ce qui concerne les documents commerciaux et la propreté de l'agence, ainsi que pour les commandes de travaux remis aux clients, l'acquisition d'un opacimètre et l'existence d'un correspondant au conseiller technique (CT) ; que ces cinq " standards " font partie de l'énumération des 22 " standards " fixés dans un document intitulé " standards agents Les Repères 2000";
Attendu que l'agent reconnaît ne pas avoir respecté la totalité de ses engagements, notamment ceux concernant l'opacimètre, à cause de son coût élevé ; qu'il affirme avoir satisfait à ses obligations relatives aux documents normalisés, la propreté de l'agence, le matériel informatique et la documentation technique;
Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure que l'agent s'est fait livrer courant avril 2000 des documents pour répondre aux exigences du concessionnaire ; que si le prix d'un opacimètre, supérieur à 15 000 F (HT), doit être comparé au résultat annuel de plus de 200 000 F de l'intéressé, ce qui rend peu pertinent l'argument fondé sur le coût de ce matériel, le concessionnaire ne précise pas en quoi cet appareil était indispensable au maintien des relations contractuelles; qu'il convient de se référer à l'ancienneté des relations existant entre les deux entreprises ; que le concessionnaire n'apporte pas davantage de précisions sur les conséquences de l'absence d'un correspondant au conseiller technique, qui devait être le fils de M. Brousse, ni sur les procédures d'habilitation ou de formation de ce correspondant ou d'un référent technique ; que rien ne permet d'affirmer que les obligations relatives aux relations avec la clientèle n'étaient pas respectées à la date de la rupture, le fait, reconnu, qu'ils ne l'étaient pas en avril 2000 étant à cet égard sans portée;
Attendu que les dispositions de l'article L. 442-6 I 5° sont d'ordre public, et qu'il ne peut y être fait obstacle par des clauses permettant une rupture sans préavis alors que l'inexécution du contrat n'a pas un degré de gravité suffisant;
Qu'il n'est pas démontré que les manquements établis aux engagements souscrits en avril 2000 étaient d'une gravité telle qu'ils justifiaient une rupture immédiate;
Qu'il est également reproché à l'agent dans une lettre du 25 mai 2000 et dans la lettre de rupture du 2 janvier 2001 un certain nombre de défaillances dont la réalité est contestée et n'est pas établie ; que ces reproches portent sur dix-huit points dont les plus graves correspondent aux cinq engagements mentionnés ci-dessus et les autres à des " critères " qui n'avaient pas été repris en avril 2000, tel celui concernant les ouvertures pour les portes ouvertes (" standard 13 ") ou le "climat général" ; que ces reproches ne peuvent fonder une rupture sans préavis, eu égard à l'ancienneté des relations commerciales et aux efforts d'adaptation de l'agent prouvés par les pièces produites et aux éléments repris ci-dessus;
Qu'aucune réclamation de la clientèle n'est invoquée;
Qu'il convient d'observer que la liste des standards non respectés établie en décembre 1999 n'a pas fait obstacle à la conclusion du dernier contrat, n'a pas été reprise alors, en avril 2000, et que malgré la lettre comminatoire relative aux documents commerciaux ainsi qu'à l'opacimètre, datée du 22 février 2000, et qui menaçait de ne pas " renouveler " le contrat, un contrat à durée indéterminée a été signé en avril 2000;
Que le concessionnaire fait valoir que M. Brousse n'a pas participé à une réunion des agents le 15 juin 2000, mais que ce dernier nie avoir reçu une invitation;
Attendu, dès lors, que la rupture, intervenue bien avant l'entrée en vigueur du règlement communautaire 1400-2002 du 31 juillet 2002, invoqué par le concédant, doit être qualifiée de brutale et le jugement infirmé ; qu'il n'y a pas lieu de répondre à l'argument relatif au caractère " potestatif " des conditions prévues en avril 2000, lesquelles dépendaient d'ailleurs de l'agent, ou à celui relatif à l'exploitation abusive d'une position dominante, au demeurant non démontrée;
Attendu que l'agent se réfère au contrat, qui prévoyait un préavis de six mois ; qu'il ne conteste pas l'affirmation selon laquelle il ne commercialisait des pièces de rechange de la marque qu'à hauteur de 40 % ; que M. Brousse ne rapporte pas la preuve de la réalité des préjudices distincts de celui lié à la perte de chiffre d'affaires, qu'il invoque ; que le préjudice causé par la brutalité de la rupture peut donc être fixé, eu égard aux pièces comptables produites et non contestées, à la somme de 13 385 euro;
Attendu que la société Beaumont Automobiles sera condamnée à payer à Monsieur Brousse la somme énoncée ci-dessous au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort, Infirme le jugement; Condamne la société Beaumont Automobiles à payer à Monsieur Brousse la somme de 13 385 euro à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Condamne la société Beaumont Automobiles à payer à Monsieur Brousse la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Beaumont Automobiles aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.