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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 12 avril 2007, n° 05-17936

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BMD (SARL)

Défendeur :

Distribution Casino France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Fohlen, Jacquot

Avoués :

SCP de Saint Ferreol-Touboul, SCP Blanc Amsellem-Mimran Cherfils

Avocats :

Mes Lehuede, Cussac

T. com. Salon-de-Provence, du 9 sept. 20…

9 septembre 2005

Faits, procédure et prétentions des parties

La SA Médis aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la SAS Distribution Casino France d'une part, et la SARL Bernard Maiolino Distribution d'autre part, ont conclu, le 8 mars 1999, un contrat de franchise conférant à la SARL Bernard Maiolino Distribution "le droit d'exploiter pour la distribution spécialisée, les produits référencés par Médis, selon les méthodes et le savoir-faire Médis, et sous l'enseigne Spar" dans un magasin de vente au détail à prédominance alimentaire situé à Cannes. La SARL Bernard Maiolino Distribution a régulièrement résilié le contrat de franchise à effet au 8 mars 2002.

Par jugement contradictoire en date du 9 septembre 2005, le Tribunal de commerce de Salon-de-Provence a débouté la SARL Bernard Maiolino Distribution de sa demande visant à l'instauration d'une mesure d'instruction destinée à déterminer le montant des avantages de toute nature consentis par les fournisseurs et producteurs de la SA Médis devant être reversés à la SARL Bernard Maiolino Distribution par la SA Médis en sa qualité de commissionnaire ou de courtier résultant du contrat de franchise et des relations ayant existé entre les parties et a condamné la SARL Bemard Maiolino Distribution à payer à la SAS Distribution Casino France la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SARL Bernard Maiolino Distribution a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998;

Vu les prétentions et moyens de la SARL Bernard Maiolino Distribution dans ses conclusions récapitulatives et additionnelles en date du 31 janvier 2007 tendant à faire juger :

- que les stipulations de l'article 5.1 du contrat de franchise imposaient à la SA Médis, centrale d'achat, dans la perspective de l'approvisionnement des membres du réseau de distribution "Spar " de négocier pour leur compte auprès des fournisseurs et, par conséquent, de rétrocéder à la SARL Bernard Maiolino Distribution, membre du réseau " Spar ", les remises et ristournes que la SA Médis avait pu obtenir desdits fournisseurs,

- que l'obligation de rétrocession découle de la qualité de commissionnaire de la SA Médis, peu important que cette rétrocession n'a pas été prévue au contrat de franchise,

- que la SA Médis ne peut soutenir qu'elle réalisait une suite d'achats et reventes de produits en qualité de grossiste et que le fait qu'un "tarif des produits " a été communiqué au franchisé est sans effet juridique,

- que l'existence d'un contrat de commission est incontestable et est caractérisée par le fait que la SA Médis agissait en nom personnel, mais pour le compte du réseau "Spar " et notamment de la SARL Bernard Maiolino Distribution auprès des fournisseurs et producteurs, l'existence d'une clause de réserve de propriété sur les marchandises, leur assujettissement à la TVA, l'émission par le franchiseur/commissionnaire de factures au nom des franchisés ... n'étant pas incompatibles avec l'existence d'un contrat de commission,

- que le contrat de commission coexiste avec le contrat de franchise et est annoncé dans le préambule du contrat de franchise définissant la SA Médis comme un "gestionnaire" des achats effectués pour le compte du réseau " Spar " et que l'article 5.1 du contrat de franchise contient l'engagement pris par la SA Médis de négocier pour le compte de la SARL Bernard Maiolino Distribution dans un cadre qu'il convient de qualifier de " commission ", ce qui implique l'obligation de rendre compte des avantages obtenus (remises, ristournes de fin d'année...) et de lui en faire bénéficier,

- que la SA Médis ne peut s'approprier les avantages litigieux qu'elle a perçus sans cause, les prestations générant les avantages étant réalisées par les franchisés qui vendent les produits aux consommateurs finaux,

- qu'il convient donc d'instaurer une mesure d'instruction pour rechercher les avantages de toute nature perçus par la SA Médis et pour rechercher un mode de répartition des avantages une fois déterminés entre tous les franchisés du réseau,

Vu les prétentions et moyens de la SAS Distribution Casino France venant aux droits de la SA Médis dans ses conclusions récapitulatives n° 2 en date du 28 février 2007 tendant à faire juger :

- que l'agencement des relations tel qu'il résulte du contrat de franchise et de son exécution (comportement ultérieur des parties) ne peut recevoir la qualification de contrat de courtage ou de contrat de commission et que la commune intention des parties n'a jamais été d'organiser le reversement aux franchisés (et en l'occurrence à la SARL Bernard Maiolino Distribution) des avantages obtenus des fournisseurs,

- que la seule qualification juridique adéquate définissant les relations ayant existé entre les parties est celle de grossiste, à l'exclusion de celles de commissionnaire ou de courtier,

- que l'invocation des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce imposant la transparence quant aux remises et ristournes consenties à un franchiseur est inopérante, dès lors que la SARL Bernard Maiolino Distribution ne peut revendiquer aucun droit à rétrocession desdits avantages ;

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 1er mars 2007.

La SARL Bernard Maiolino Distribution a renoncé, le jour de l'audience des plaidoiries par le biais de son avoué et par écrit formalisé, aux conclusions de procédure prises postérieurement à l'ordonnance de clôture.

Motifs et décision

Attendu que selon les articles 6.1 et 6.2 du contrat de franchise en date du 8 mars 1999, la SARL Bernard Maiolino Distribution, le franchisé, s'engageait, notamment, à s'approvisionner auprès de la SA Médis, le franchiseur, soit en produits portant la marque " Casino " du franchiseur, soit en produits référencés par le franchiseur que celui-ci tenait à la disposition du franchisé dans ses entrepôts ; que selon l'article 6.6 du contrat de franchise, le franchiseur devait communiquer régulièrement au franchisé "le tarif des produits " et pouvait être "amené, dans l'avenir, à modifier en hausse ou en baisse le prix des produits pour tenir compte, en particulier, des prix des producteurs et fournisseurs, des cours du marché et du jeu de la concurrence"; que l'article 6.5 du contrat de franchise aménageait précisément les conditions de paiement des produits;

Attendu que selon l'article 5.1 du contrat de franchise, la SA Médis négociait directement avec les producteurs et fournisseurs et agissait en tant que centrale de référencement et d'achat pour l'ensemble des produits, et ce, pour le compte du réseau " Spar";

Attendu qu'il s'évince du contrat de franchise que le franchisé bénéficiant du savoir-faire, et de la notoriété et de l'organisation spécifique déjà en place du réseau de distribution "Spar " s'approvisionnait en produits du franchiseur (portant la marque Casino) ou en produits référencés par lui, moyennant un prix fixé dans un tarif dit " des produits " émanant de la SA Médis et distinguant 1- le "prix de cession " ou prix de vente payé par le franchisé au franchiseur et 2- un "prix de vente " (que le franchiseur "conseille " ou "impose ") ou prix pratiqué dans son magasin par le franchisé à destination de la clientèle; que pour une part très importante, (sauf certains produits frais), la SA Médis a livré directement la SARL Bernard Maiolino Distribution en produits tirés du "très large assortiment" de marchandises stockées dans ses entrepôts ; que la SA Médis s'était engagée, dans le contrat de franchise, à approvisionner la SARL Bernard Maiolino Distribution en certains produits à des conditions déterminées précisément de prix sans pour autant s'engager à reverser à son franchisé les avantages de toute nature (ristournes, remises de fin d'année...) qu'elle pouvait percevoir de ses propres fournisseurs et producteurs à raison du mode de fourniture des produits auprès d'eux, c'est-à-dire en grandes quantités du fait qu'elle était constituée en centrale d'achat " pour le compte " de l'entier réseau " Spar"; qu'il n'a pas été envisagé par les parties une "rétrocession" quelconque des avantages de toute nature susceptibles d'être procurés à la SA Médis du fait de sa position de centrale d'achat visée dans le contrat de franchise; que l'article 5.1 du contrat de franchise se borne à constater que la SA Médis, comme elle le faisait antérieurement à la conclusion du contrat de franchise avec la SARL Bernard Maiolino Distribution, négociait (et continuera de le faire) directement avec les producteurs et fournisseurs de l'ensemble des produits de marque ou référencés et agissait (et continuera d'agir) en "qualité " de centrale d'achat et de référencement pour le compte de l'entier réseau de franchisés à l'enseigne " Spar ", sans que cette référence à un agissement pour le compte du réseau " Spar " n'induise des conséquences juridiques précises et signifie, notamment, que la SA Médis se voit conférer par la SARL Bernard Maiolino Distribution la qualité de commissionnaire et doive, en conséquence, rendre compte à cette dernière de sa prétendue mission de négociateur/commissionnaire, et lui faire bénéficier de tous les avantages tarifaires qu'elle pourrait obtenir en négociant avec les producteurs et fournisseurs de produits ; que par le contrat de franchise, la SARL Bernard Maiolino Distribution n'a pas chargé la SA Médis, en qualité conférée expressément de commissionnaire, de négocier avec les producteurs et fournisseurs de produits, les prix d'achat desdits produits ; que le contrat de franchise se borne à indiquer que la SA Médis qui doit approvisionner en produits tout son réseau de franchisés dont la SARL Bernard Maiolino Distribution, se réserve de négocier directement avec les producteurs et fournisseurs et d'obtenir éventuellement des remises, avant de fixer le prix de cession des produits qu'elle fera aux franchisés et de "déterminer" à leur intention un prix de vente "indicatif" devant être pratiqué dans le magasin;

Attendu que la SA Médis ne s'était pas engagée dans le contrat de franchise en question à reverser les avantages que, en sa qualité de centrale d'achat, elle obtenait de ses producteurs et fournisseurs, ni à rendre compte des sommes qu'elle pourrait percevoir à l'occasion des négociations qu'elle se réservait de mener à titre personnel et directement avec eux;

Attendu que la SARL Bernard Maiolino Distribution n'ignorait pas que la SA Médis, prise en sa qualité de centrale d'achat et de référencement, mention qui fait simplement référence à une position d'agent économique et qui n'induit aucune qualification et conséquence juridiques, bénéficiait " d'avantages" lors de l'achat de produits référencés, faits en grand volume auprès des producteurs et fournisseurs et admettait dès lors que l'économie du contrat de franchise excluait tout reversement et que la SA Médis les conserve et en dispose; que la SARL Bernard Maiolino Distribution n'est pas fondée à soutenir que la SA Médis était son commissionnaire investi d'une mission expresse de négocier les prix avec l'obligation de lui faire bénéficier de toutes les conditions des opérations qu'elle conclurait (y compris des remises et ristournes obtenues des producteurs et fournisseurs) et de rendre compte de sa mission de négociation alors qu'aucune rétribution pour cette commission de nature nécessairement onéreuse qui aurait été confiée à la SA Médis, n'a été prévue au contrat de franchise et qu'au contraire des prix de " cession " des produits au franchisé étaient fixés précisément dans des "tarifs de produits " approuvés par la SARL Bernard Maiolino Distribution et surtout "tenaient compte, en particulier,... des prix des producteurs et fournisseurs " obtenus par la SA Médis, c'est-à-dire que les prix de cession consentis à la SARL Bernard Maiolino Distribution intégraient (ou étaient censés le faire) tous les avantages consentis à la SA Médis par les producteurs et fournisseurs ; que la SARL Bernard Maiolino Distribution ne démontre pas que la SA Médis n'a pas " intégré " dans les prix de cession de produits qu'elle fixait les avantages de toute nature qu'elle a pu percevoir de ses producteurs et fournisseurs ; que les parties n'avaient pas prévu, au surplus, que les avantages de toute nature devraient être "intégrés" en totalité et même en partie dans le prix de "cession " des produits;

Attendu en définitive que la SA Médis dans ses relations avec la SARL Bernard Maiolino Distribution agissait en qualité de grossiste qui, après avoir négocié le prix des produits auprès de ses producteurs et fournisseurs répertoriés et les avoir achetés, les revendait aux membres de son réseau de franchisés à un prix convenu entre franchiseur et franchisé dans le contrat de franchise et ses avenants successifs ; que la SA Médis achetait pour elle-même les produits qu'elle référençait, stockait et tenait à la disposition des membres franchisés du réseau "Spar " avant de les leur revendre ; que tant l'agencement du contrat de franchise que son exécution pendant trois années, sans revendication de la part du franchisé, la SARL Bernard Maiolino Distribution, révèlent un tel mode de fonctionnement;

Attendu qu'il ne peut être tiré de conséquences juridiques déterminantes de la mention figurant à la clause 5.1 du contrat de franchise selon laquelle la SA Médis agissait " pour le compte du réseau Spar " ; que cette mention signifie que la négociation profite aux membres du " réseau Spar " (qui n'a pas de personnalité juridique) et que ce sont tous les franchisés affiliés par la SA Médis qui sont concernés par la négociation menée par la SA Médis, sans que la SARL Bernard Maiolino Distribution ne donne commission expresse et individuellement à la SA Médis pour ce faire;

Attendu qu'admettre la demande de la SARL Bernard Maiolino Distribution fondée sur un droit à reversement des "avantages " dont l'existence ne pouvait échapper au franchisé, reviendrait à réécrire le contrat de franchise liant les parties ;

Attendu que l'invocation de l'article L. 420-1 du Code de commerce dans sa rédaction applicable est inopérante dès lors qu'aucune action concertée, entente expresse ou tacite..., ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur un marché en favorisant artificiellement la hausse des prix n'est caractérisée ; que pour son application, ce texte suppose une entente ou une action concertée entre deux opérateurs économiques et qu'une pratique imputée à la seule la SA Médis est incriminée;

Attendu que le jugement mérite confirmation pour les motifs exposés ci-dessus et ceux non contraires des premiers juges;

Attendu que l'exercice de la voie de recours n'a pas dégénéré en abus dès lors qu'il n'a pas révélé de la part de la partie appelante une intention manifeste de nuire et/ou un "entêtement hors de propos " (la rédaction ambigüe du contrat de franchise ouvrant la place à une action judiciaire) ou qu'il n'a pas procédé d'une erreur grossière équivalente au dol ; que la partie intimée sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts présentée à ce titre;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre, y compris devant les premiers juges;

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, Reçoit l'appel de la SARL Bernard Maiolino Distribution comme régulier en la forme. Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf celle relative à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et déboute les parties de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile tant devant les premiers juges et qu'en cause d'appel. Condamne la SARL Bernard Maiolino Distribution aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'avoués associés Philippe Blanc, Colette Ansellem-Mimran - Romain Cherfils, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.