CA Lyon, 3e ch. civ. A, 22 mars 2007, n° 05-05982
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
La Fontanella (SARL)
Défendeur :
Dagier (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Robert
Conseillers :
M. Santelli, Mme Clozel-Truche
Avoués :
Me Morel, SCP Junillon-Wicky
Avocats :
Selarl Gourion Soubeyrand & Partenaires, Me Velly
Exposé du litige - procédure - prétentions des parties
La société La Fontanella, créée le 24 octobre 2002 pour exercer une activité de restauration, a conclu un contrat d'achat exclusif de boissons avec la société Dagier en date du 29 octobre 2002 aux termes duquel la société Dagier lui a accordé un prêt de 6 700 euro HT pour l'aménagement en mobilier intérieur de son fonds de commerce et s'est portée caution pour elle à hauteur de 50 % d'un prêt de 8 000 euro que la société Crédit Sofid lui a consenti.
Rencontrant des difficultés d'exploitation liées aux réaménagements de la rue Sainte-Catherine située dans le premier arrondissement de Lyon, la société La Fontanella n'a pas atteint le niveau de chiffre d'affaires (23 000 euro HT d'euro annuel) et n'a pu de ce fait honorer les commandes de la société Dagier auprès de laquelle elle s'était engagée à s'approvisionner exclusivement.
La société Dagier a assigné devant le Tribunal de commerce de Lyon la société Fontanella par acte du 27 mai 2004, après qu'elle l'eût rappelé par courrier du 5 août 2003 à ses obligations, aux fins:
- de voir constater la résiliation du contrat de distribution aux torts de la société La Fontanella
- de l'entendre condamner au paiement de la somme de 21 299 euro au titre de la clause pénale du contrat et celle de 4 065,75 euro et 6 677,87 euro au titre des investissements payés par la société Dagier pour son compte et non amortis.
Par jugement du 27 juillet 2005, le Tribunal de commerce de Lyon a condamné la société La Fontanella à payer à la société Dagier les sommes de 4 065,75 euro et 6 677,87 euro au titre des divers investissements consentis par la société Dagier, majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2004 et celle de 21 299 euro au titre de la clause pénale, en lui accordant un délai de 24 mois pour s'acquitter de ces condamnations et en y ajoutant 250 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Fontanella a relevé l'appel de cette décision par déclaration du 7 septembre 2005.
Dans ses conclusions du 26 octobre 2006, la société La Fontanella reconnaît qu'elle n'a pu respecter ses engagements à raison des travaux qui ont été mis en œuvre dans sa rue, modifiant ainsi les facteurs de commercialité et reproche à la société Dagier de n'avoir pas accepté de revoir les conditions du contrat qui les liait comme le prévoyait l'article 2 du contrat en soumettant le cas où la Commission Paritaire Nationale et après qu'une transaction est intervenue avec le nouveau propriétaire de ne l'avoir pas respectée, de sorte que la société Dagier a manqué à ses obligations contractuelles à son égard.
Elle souligne que la clause pénale égale à 20 % du chiffre d'affaires à réaliser jusqu'au terme du contrat est manifestement excessive par rapport aux avantages que la société Dagier lui a consentis et par rapport au chiffre d'affaires réalisé - que seuls les investissements sont perdus. Elle sollicite une réduction de cette clause.
Elle soutient que l'investissement accordé en contrepartie du contrat d'approvisionnement exclusif doit s'amortir sur la durée du contrat de manière linéaire, de sorte que le remboursement ne doit être que de 5 136,66 euro (soit 6 700 euro divisés par 60 mois X par 46 mois restant à courir au jour de la dénonciation du contrat).
A titre subsidiaire, elle demande que la transaction envisagée soit considérée comme un accord et qu'il soit constaté comme tel.
Elle réclame que le même délai de paiement lui soit accordé en cas de condamnation.
Dans ses conclusions du 28 juillet 2006, la société Dagier soutient:
- qu'elle est fondée à solliciter la résiliation du contrat aux torts de la société La Fontanella du fait du manquement à ses obligations d'approvisionnement prévues au contrat et de la non-réalisation du chiffre d'affaires convenu
- que la société La Fontanella n'a pas justifié de ses difficultés économiques
- qu'elle n'a pas saisi la Commission Nationale comme elle le devait en cas de situation difficile
- qu'elle n'a jamais réglé ce qu'elle lui devait, malgré des délais accordés. Elle ajoute:
- que des pourparlers ont eu lieu pour trouver un arrangement amiable avec paiements échelonnés
- qu'elle n'a pu accepter toutes les exigences de la société La Fontanella, mais a donné son accord le 18 novembre 2005 pour le paiement de 20 000 euro en quinze mensualités avec une ristourne de 2 % à compter d'avril 2007 après complet remboursement de l'accord, outre une remise de 0,04
- que l'accord transactionnel qu'elle lui adressait omettait la livraison de boissons auprès de deux autres établissements de Lyon, condition de cet accord
- que la société La Fontanella n'ayant pas exécuté ses engagements de paiement, elle ne s'est pas estimée tenue d'un accord envers elle.
Elle sollicite l'application de la clause pénale et se déclare fondée à réclamer le prix des sommes avancées au titre d'investissements non amortis.
Elle demande que le jugement déféré soit confirmé, n'ayant pas à supporter la mauvaise appréciation par la société La Fontanella de son prévisionnel et sa mauvaise gestion.
Motifs et décision
I. Sur les demandes en paiement de la société Dagier formées à l'encontre de la société La Fontanella.
Attendu qu'aux termes d'un contrat en date du 29 octobre 2002 la société La Fontanella s'est engagée sur une durée de cinq ans envers la société Dagier à s'approvisionner exclusivement auprès d'elle en contrepartie d'un prêt de 6 700 euro HT (8 013,20 euro TTC) qu'elle lui accordait pour l'aménagement de son fonds de commerce et de l'assurance qu'elle lui donnait de garantir, à concurrence de 50 % de son montant, un prêt de 8 000 euro que lui consentait la société Crédit Sofid;
Attendu que la société La Fontanella invoque - pour justifier n'avoir pas respecté les conditions de son contrat - et notamment n'avoir pu atteindre le chiffre d'affaires de 23 000 euro annuel qu'elle avait prévu de réaliser - les difficultés économiques auxquelles elle s'est trouvée confrontée à raison des travaux d'aménagement entrepris dans la rue où elle exploitait son fonds qui en ont changé l'économie au point de modifier notablement les facteurs de commercialité;
Attendu que c'était à la société La Fontanella qui subissait ces difficultés de saisir, comme le prévoyait l'article 2 du contrat, la Commission Paritaire Nationale chargée d'examiner ce type de situation et de rechercher une solution qui devait inévitablement passer par un réaménagement des conditions du contrat - qu'elle ne peut par conséquent faire grief à la société Dagier de n'avoir pas pris cette initiative;
Attendu qu'elle ne peut non plus lui reprocher de n'avoir pas signé la transaction qu'elle lui soumettait dès lors que cette transaction, dont l'objet était de permettre à la société La Fontanella de s'acquitter de sa dette par paiements atermoyés, ne comportait pas la contrepartie qu'elle exigeait à un tel accord, qui était l'engagement que la société La Fontanella avait pris envers elle le 20 octobre 2005 de s'approvisionner en boissons pour le compte de deux autres établissements - que la société Dagier ne pouvait dans ces conditions être tenue par les propositions qu'elle avait pu faire à La société La Fontanella qui ne respectait pas ses propres engagements;
Attendu que les sanctions prévues au contrat lui sont par conséquent applicables;
Attendu que la société La Fontanella est ainsi redevable des sommes que la société Dagier a payées pour son compte au titre du contrat inexécuté dans la mesure où elles n'ont pas été amorties - que la société Dagier justifie par les pièces qu'elle produit de ses demandes
- qu'en conséquence la société La Fontanella doit être condamnée à payer à la société Dagier les sommes de 4 065,75 euro et de 6 677,87 euro, majorées des intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2004, confirmant de ce chef le jugement déféré;
Attendu que, contrairement à ce qu'affirme la société La Fontanella, l'impossibilité de poursuivre le contrat n'est pas même partiellement, imputable à la société Dagier;
Attendu que la clause pénale contractuelle peut être réduite, si elle apparaît manifestement excessive eu égard au préjudice qu'elle est censée indemniser;
Attendu que la somme réclamée de 21 299 euro est presque égale au montant du chiffre d'affaires que la société La Fontanella s'était engagée dans le contrat à réaliser sur une année ; que son préjudice ne peut s'apprécier qu'en termes de marge;
Attendu que la société Dagier ne justifie pas avoir subi une perte de marge de ce montant, alors même qu'elle récupère les sommes qu'elle a avancées au titre des investissements
- que le caractère manifestement excessif est par conséquent établi - que la cour dispose, au vu du dossier, des éléments lui permettant de fixer la clause pénale à la somme de 7 000 euro - que la société La Fontanella doit ainsi être condamnée à payer cette somme à ce titre à la société Dagier;
Attendu que le jugement déféré doit donc être réformé de ce chef;
II. Sur la demande de la société Dagier en dommages et intérêts.
Attendu que la société Dagier ne justifie pas d'un préjudice indemnisable - qu'en conséquence sa demande en dommages et intérêts n'est pas fondée - qu'elle doit donc en être déboutée;
III Sur les autres demandes.
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la société Dagier la charge de ses frais irrépétibles et qu'il y a lieu ainsi de lui allouer une somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, qui s'ajoutera à celle accordée par le premier juge;
Attendu que la société La Fontanella, qui succombe, doit être condamnée aux dépens;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celle se rapportant au quantum de la clause pénale; Le réforme de ce seul chef; Et statuant à nouveau sur ce point; Déclare la société Dagier partiellement fondée dans sa demande au titre de la clause pénale; Condamne en conséquence la société La Fontanella à payer à la société Dagier la somme de 7 000 euro à ce titre; Y ajoutant : Constate que la société La Fontanella ne réclame plus en appel de délais pour s'acquitter de sa dette; Déclare la société Dagier mal fondée dans sa demande en dommages et intérêts et l'en déboute; Condamne la société La Fontanella à payer à la société Dagier la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens qui seront recouvrés par la SCP Junillon et Wicky, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.