CA Colmar, 1re ch. civ. A, 16 janvier 2007, n° 05-05575
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Venair France (SARL)
Défendeur :
Legru
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Hoffbeck
Conseillers :
MM. Cuenot, Allard
Avocats :
Mes Beckers, Robert, SCP Cahn & Bergmann
Attendu qu'à la requête de la SARL Venair France, le Président du Tribunal de grande instance de Mulhouse a commis par ordonnance du 2 septembre 2005 un huissier assisté d'un informaticien, pour se rendre au domicile de M. Alain Legru et pour y procéder à toutes constatations utiles dans sa messagerie électronique aux fins de déterminer s'il y a eu des échanges de correspondances avec un sieur Gomes,
Attendu que l'huissier de justice commis a signifié cette ordonnance le 5 septembre 2005, et a procédé séance tenante aux opérations prescrites par l'ordonnance précitée en la présence de M. Alain Legru;
Attendu que M. Legru a assigné en référé le 14 septembre 2005 la SARL Venair France pour obtenir la rétractation de cette ordonnance;
Attendu qu'il a été fait droit à cette demande de rétractation par ordonnance de référé du 8 novembre 2005, laquelle a fait interdiction en outre à la société Venair France d'utiliser les renseignements qui avaient pu être recueillis;
Que le juge des référés a condamné la société Venair France à payer une compensation de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à M. Legru;
Attendu que la SARL Venair France a relevé appel le 29 novembre 2005 de cette ordonnance, dans des conditions de recevabilité non contestées en l'absence de justification de sa signification;
Attendu qu'au soutien de son recours, la SARL Venair France fait état de ses suspicions d'une concurrence déloyale organisée par deux de ses anciens salariés, MM. Legru et Gomes, dans le cadre d'une société Adventech;
Qu'elle souligne que l'huissier a trouvé des messages susceptibles de confirmer ses soupçons;
Qu'elle estime que la mesure ordonnée était par conséquent légitime, et qu'elle ne violait ni l'article 9 du Code civil, ni l'article L. 120-2 du Code du travail;
Qu'elle souligne que M. Legru était présent lors des opérations de l'huissier;
Qu'elle conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise, au rejet de la demande de rétractation présentée par M. Legru, et à la condamnation à lui payer 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
Attendu que M. Legru conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise, et sollicite 1 000 euro de dommages et intérêts pour appel abusif et 1 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
Attendu que cette cour rappelle que la SARL Venair France a licencié M. Alain Legru pour faute grave le 30 juin 2005 ;
Qu'elle lui reprochait une absence de résultat dans le cadre de son activité de prospection commerciale;
Attendu qu'elle avait licencié auparavant un autre de ses commerciaux M. Gomes;
Attendu que suspectant selon elle des contacts et une concurrence déloyale de la part de ses deux anciens salariés, la société Venair France a présenté la requête précitée le 31 août 2005;
Attendu que cette requête, fondée sur des suspicions vagues et non étayées, contrevenait manifestement aux dispositions des articles 9 du Code civil et L. 120-2 du Code du travail,
Attendu que par le biais de celle-ci, la société Venair France voulait se faire autoriser à effectuer rien moins qu'une perquisition au domicile privé d'un de ses anciens salariés, même si la mesure était limitée à l'examen de la messagerie électronique de celui-ci;
Que de telles mesures sont permises en matière pénale dans des conditions très strictes, et pour faire progresser une enquête sur des faits d'infraction, constitutifs d'une atteinte spécialement grave à l'ordre social;
Qu'il est évident qu'en matière civile, une mesure analogue ne pourrait pas se justifier, sauf dans le cas de circonstances exceptionnelles, ou pour les besoins de procédures particulières, telles que les saisies-contrefaçon;
Attendu qu'il n'y avait en l'espèce aucune proportionnalité entre l'intérêt allégué, qui résidait dans une suspicion non étayée d'une concurrence que l'on ne pouvait même pas qualifier de déloyale, et la mesure sollicitée, consistant à pénétrer sans l'assentiment au domicile d'un particulier, pour y faire des investigations dans sa messagerie électronique;
Attendu que bien que l'intérêt du litige actuel se limite aux principes, dans la mesure où les investigations de l'huissier n'ont rien révélé de particulier, il reste que ces principes devaient être effectivement rappelés et sanctionnés;
Attendis que l'ordonnance de référé du 8 novembre 2005, qui a rétracté l'ordonnance sur requête du 2 septembre, doit par conséquent être confirmée,
Attendu que pour son obligation d'intervenir en cause d'appel, M. Legru doit obtenir une compensation supplémentaire de 600 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
Qu'il n'y a pas eu d'abus particulier dans le droit d'appel, susceptible de provoquer un préjudice spécifique, et que la cour rejette la demande de dommages et intérêts présentée par M. Legru;
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel de la SARL Venair France contre l'ordonnance de référé du 8 novembre 2005, qui a rétracté l'ordonnance sur requête du 2 septembre 2005; Au fond, Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions; Y ajoutant, Condamne la SARL Venair France à payer à M. Alain Legru une compensation supplémentaire de 600 euro (six cents euro) sur le fondement des dispositions de l'article 200 du Code de procédure civile pour son obligation d'intervenir en cause d'appel; Rejette les plus amples demandes reconventionnelles de M. Legru; Condamne la SARL Venair France aux entiers dépens de première instance et d'appel.