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Décisions

CA Paris, 13e ch. corr., 25 avril 2007, n° 06-05501

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alvac, Basset (Epoux), Berthelot, CPAM du Sud Finistère, Le Gall, Prigent, UFC Que Choisir

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

M. Waechter, Mme Geraud-Charvet

Avocat :

Me Mantrand

TGI Paris, 31e ch., du 1 déc. 2005

1 décembre 2005

Rappel de la procédure :

La prévention :

X Marc a été poursuivi à la requête du Procureur de la République prés le Tribunal de grande instance de Paris :

- pour avoir à Paris, le 18 novembre 2003 et eu tout cas depuis temps non couvert par la prescription pénale, et sur le territoire national, sans motifs légitimes, été trouvé détenteur dans un lieu de fabrication, production, conditionnement, stockage, dépôt ou vente, des denrées servant à l'alimentation de l'homme qu'il savait être falsifiées, corrompues ou toxiques en l'espèce, un rôti de pore présenté une odeur âcre et un aspect visqueux au toucher et un pâté en croûte présentant une trace de moisissure verdâtre, à l'intérieur d'un meuble réfrigéré, avec cette circonstance que les substances corrompues étaient nuisibles à la santé,

- pour avoir à Paris, le 15 novembre 2003, et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription pénale, et sur le territoire national, par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce, en ne respectant pas les dispositions de l'article R. 237-2 5°, 11° du Code rural, et notamment en proposant à la consommation du jarret de cochon, plat contaminant, involontairement causé une incapacité de travail inférieure ou égale à trois mois sur la personne de : Monsieur David Basset, Madame Séverine Basset, Madame Janine Berthelot, Mesdames Nadine et Solène Cozic, Madame Emmanuelle Donio, Madame Marie-Claude Donio, Monsieur Jean-Claude Lapeyre, Madame Brigitte Le Gall, Madame Danièle Le Pape, Madame Isabelle Mao, Madame Anne Lesquer épouse Meurice, Madame Emilie Prigent,

- pour avoir à Paris, le 18 novembre 2003, et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription pénale, et sur le territoire national, employé pour le traitement des denrées animales ou d'origine animale des ustensiles, machines, ou récipients malpropres,

- pour avoir à Paris, le 18 novembre 2003, et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription pénale, et sur le territoire national, manipulé, entreposé des denrées animales ou d'origine animale dans un local non protégé contre les souillures en l'espèce, locaux sales, infestés de cafards, contenant des déjections de rongeurs,

- pour avoir à Paris, le 18 novembre 2003, et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription pénale, et sur le territoire national, omis de procéder à la déclaration de traitement de denrées d'origine animale prévue à l'article 2 de l'arrêté du 26/06/1974 réglementant la congélation, denrées congelées illicitement et dans de mauvaises conditions d'hygiène puis décongelées et recongelées,

- pour avoir à Paris, le 18 novembre 2003, et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription pénale, et sur le territoire national, manipulé, entreposé des denrées animales ou d'origine animale,

- pour avoir à Paris, le 18 novembre 2003, et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription pénale, et sur le territoire national, préparé et cuisiné des denrées d'origine animale dans des locaux dépourvus d'installations sanitaires à l'usage du personnel conformes, lave mains dépourvu de savon et inaccessible,

Le jugement

Le tribunal, par jugement contradictoire à l'encontre de X Marc, prévenu, et à l'égard de l'UFC Que Choisir Quimper, partie civile, par jugement contradictoire à signifier en application de l'article 410 du Code de procédure pénale à l'égard de l'Alvac, de Basset David, Basset Séverine, Berthelot Janine, Le Gall Brigitte, Prigent Emilie, parties civiles et de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Sud Finistère, partie intervenante, a :

- Sur l'action publique :

- déclaré X Marc non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de :

- blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence, faits commis le 15 novembre 2003, à Paris et sur le territoire national,

- manipulation, entreposage ou vente de denrées animales ou d'origine animale dans des locaux ou règne une température inadaptée, faits commis le 18 novembre 2003, à Paris et sur le territoire national,

- déclaré X Marc :

- coupable de détention de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié ou corrompu et nuisible à la santé, faits commis le 18 novembre 2003, à Paris, infraction prévue par l'article L. 213-4 al.1 2°, al. 2 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-4 al.1, al.2, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation,

- coupable d'emploi d'ustensiles, machines ou récipients malpropres pour le traitement, l'entreposage ou la vente de denrées animales ou d'origine animale, faits commis le 18 novembre 2003, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue par les articles R. 237-2 11°, 13°, R. 231-22 al.3, R. 231-12, R. 231-13 du Code rural et réprimée par l'article R. 237-2 al.1 du Code rural,

- coupable de manipulation, entreposage ou vente de denrées animales ou d'origine animale dans des locaux non protégés contre les souillures ou toute source de contamination, faits commis le 18 novembre 2003, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue par les articles R. 237-2 9°,13°, R. 231-22 al.2, R. 231-12, R. 231-13 du Code rural et réprimée par l'article R. 237-2 al.1 du Code rural,

- coupable de non déclaration d'un établissement de traitement de denrées animales ou d'origine animale, faits commis le 18 novembre 2003, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue par les articles R. 237-2 7°, 13°, R. 231-2°, R. 231-12, R. 231-13 du Code rural et réprimée par l'article R. 237-2 al.1 du Code rural,

- coupable de traitement de denrées animales ou d'origine animale dans un établissement sans installations sanitaires conformes a l'usage du personnel, faits commis le 18 novembre 2003, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue par les articles R. 237-2 10°, R. 231-22 al.3 du Code rural et réprimée par l'article R. 237-2 al.1 du Code rural,

et, en application de ces articles, l'a condamné :

- pour détention de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié ou corrompu et nuisible à la santé, à une amende délictuelle de mille euro (1 000 euro),

- pour emploi d'ustensiles, machines ou récipients malpropres pour le traitement, l'entreposage ou la vente de denrées animales ou d'origine animale, à une amende contraventionnelle de six cents euro (600 euro),

- pour manipulation, entreposage ou vente de denrées animales ou d'origine animale dans des locaux non protégés contre les souillures ou toute source de contamination, à une amende contraventionnelle de six cents euro (600 euro),

- pour non déclaration d'un établissement de traitement de denrées annales ou d'origine animale, à une amende contraventionnelle de six cents euro (600 euro),

- pour traitement de denrées animales ou d'origine animale dans un établissement sans installations sanitaires conformes à l'usage du personnel, à une amende contraventionnelle de six cents euro (600 euro),

- a ordonné au profit de X Marc, la restitution du livre d'or placé sous côte dans le dossier,

- a dit que la présente décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre vingt dix euro (90 euro) dont est redevable le condamné,

- Sur l'action civile :

- déclaré recevables, en la forme, les constitutions de parties civiles de Basset David, l'Alvac, Basset Séverine, Berthelot Janine, Le Gall Brigitte, Prigent Emilie, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Sud Finistère et l'UFC Que Choisir Quimper,

- rejeté quant au fond les demandes des parties civiles en raison de la décision de relaxe pour les faits de blessures involontaires,

Les appels :

Appel a été interjeté par :

- Monsieur le Procureur de la République, le 5 décembre 2005 contre Monsieur X Marc, à titre principal,

- Monsieur X Marc, le 12 décembre 2005, des dispositions civiles et pénales, à l'exception de la relaxe,

- Monsieur le Procureur de la République, le 12 décembre 2005 contre Monsieur X Marc, (appel incident),

Décision :

Rendue contradictoirement à l'encontre du prévenu, et par défaut à l'encontre des parties civiles, et de la partie intervenante, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels du prévenu et du ministère public interjetés à l'encontre du jugement entrepris,

L'association Alvac, Basset Séverine et David, Prigent Emilie, Berthelot Janine, Le Gall Brigitte, l'Association UFC Que Choisir, parties civiles, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Sud Finistère, partie intervenante, ne comparaissent pas, il sera statué par défaut à leur égard.

Rappel des faits et demandes :

Dans une déclaration faite aux services de la gendarmerie de la Ferté Bernard Cariou Claude épouse Colineaux, accompagnatrice employée par l'association de comités d'entreprise Alvac sise à Quimper a rapporté avoir organisé le 15 novembre 2003 une sortie pour trente cinq personnes à Paris. Le samedi 15 novembre 2005 vers 21 heures, dans le cadre historique d'un restaurant à l'enseigne Marc Mitonne 60 rue de l'Arbre Sec, un dîner a été servi avec au menu pour le prix de 25 euro, des rillettes de saumon avec crème ciboulette, un jarret de cochon rôti, un nougat glacé arrosé de kir. Dans la nuit une femme a souffert de maux de ventre et de nausées. Dans la matinée du 16 novembre 2003 plusieurs personnes se sont plaintes de maux de ventre. À 13 heures, dans une cafétéria à Saint-Denis chacun a consommé œufs rémoulade, poulet rôti au riz, mousse au chocolat. Alors la majorité des participants dont un chauffeur du car ont été pris de vomissements et de diarrhées. Le car s'est arrêté sur une aire d'autoroute et les sapeurs pompiers ont fait mettre en observation une femme Mao Isabelle à l'hôpital d'Orsay. Le car a poursuivi son retour tandis que de plus en plus de gens se sentaient mal. Une personne diabétique, Berthelot Jacqueline, a été prise en charge par les sapeurs pompiers. Dès lors tous ont été conduits à l'hôpital de la Ferté Bernard. Un certificat médical collectif a été délivré le jour même par cet établissement faisant état de trois hospitalisations.

Mao Isabelle, sujette à l'hypoglycémie, a déclaré avoir eu le 16 novembre 2003 à midi des ballonnements, des envies de vomir avant d 'être prise par un vertige et faire un malaise. Après être restée quelques heures à l'hôpital, un taxi l'a ramenée à Quimper. Le 18 novembre 2003 SOS-Médecins a constaté des bruits émanant d'un abdomen souple entraînant une incapacité temporaire de travail de trois jours.

Le 18 novembre 2003 les Services vétérinaires de Paris ont procédé à l'inspection du restaurant visé où il a été constaté dans le local de préparation en sous-sol, au sol des traces épaisses de saleté graisseuse autour des appareils de stockage et de cuisson, un torchon graisseux, de la vaisselle sale, en hauteur les étagères maculées de saleté, à l'intérieur d'un conservateur réfrigéré des joints de porte en lambeaux et des incrustations de matière semi-solide, en stock un rôti de porc présentant une odeur âcre et un aspect visqueux au toucher, trois boîtes de préparation découvertes, une bombe de crème fouettée dont le bec est altéré avec date limite de consommation du 8 septembre 2003, un pâté en croûte emballé sous vide présentant une trace de moisissure verdâtre visible à travers l'emballage, dans le placard au dessus de la porte de la cuisine deux cafards et des crottes de souris avec un sachet entamé de liant pour sauce en poudre, un congélateur dont la porte et la poignée sont incrustées de saletés, à l'intérieur un stockage prolongé de 1,5 kg de soufflé yaourt basilic ayant l'apparence de produit décongelé et recongelé écrasé par une glace présentant un aspect moisi, un local vestiaire avec des tenues de travail pour la plupart sales sur cintres entre des effets personnels sans protection, un second congélateur contenant deux morceaux de nougat glacé dépourvus de leur emballage et pris dans la glace.

Il a été procédé au retrait sanitaire de 30 kg de denrées impropres à la consommation. Le même jour le préfet de police a pris un arrêté de fermeture de l'établissement incriminé avec en annexe une liste de travaux et de prescriptions.

Dans une note datée du 5 décembre 2003 les services vétérinaires ont évoqué une toxi-infection alimentaire collective. La cellule interrégionale d'épidémiologie de l'Ouest a mené une enquête qui a mis an évidence que 24 personnes ont été touchées, les principaux signes cliniques étaient des douleurs abdominales associées à une diarrhée, le repas contaminant a été pris le 15 novembre 2003 au soir et le plat le plus suspect était du jarret.

Le pôle de santé publique du Tribunal de grande instance de Paris dans un avis au parquet du 16 février 2006 a relevé que les analyses du porc aux lentilles ne mettent pas en évidence explicitement des bactéries pathogènes à un niveau permettant d'expliquer les troubles observés. Il n'y a pas de preuve que le clostridium perfringens est responsable de la toxi-infection alimentaire collective. Le manque de données comparables concernant le déjeuner pris le même jour n'exclut pas que ce repas puisse éventuellement être en cause.

X Marc, gérant de ce restaurant employant quatre salariés et dont le chiffre d'affaire pour l'année 2002 a été 14 712 euro a reconnu lors de l'enquête sa responsabilité sur les mauvaises conditions d'exploitation du commerce mais a observé que le pâté en croûte affichait une date de conservation conforme, du cacao en poudre donnait à la glace un aspect marbré. Les produits servis au groupe ont été spécialement cuisinés, il a admis une erreur dans la gestion du personnel et dans la confiance donnée au cuisinier qui avait déjà fait l'objet d'un avertissement.

En première instance le prévenu a déclaré que les clients étant arrivés à 21 heures 30 au lieu de 20 heures étaient irrités et fatigués. Les tables ont été débarrassées à 2 heures et tout a été mis à tremper, le plongeur n'étant pas venu le lundi, le mardi tout a été retrouvé tél quel.

Le Ministère public requiert une application plus sévère de la loi pénale sur le délit de détention de denrée corrompue,

X Marc, prévenu assisté de son avocat, excipe de circonstances exceptionnelles tenant au manque de qualification de son chef cuisinier, de l'inadaptation du menu à la clientèle féminine d'alors, des travaux de remise en conformité opérés pendant la fermeture de 15 jours, sollicite la relaxe sur les blessures involontaires, sur l'entreposage de denrées dans des locaux à température inadaptée, ce en confirmation du jugement déféré, sur la détention de denrées corrompues nuisibles à la santé non destinées à la clientèle, immédiatement dénaturées et en l'absence d'élément intentionnel, sur la congélation illicite de denrées non soumises à déclaration ni recongelées, l'indulgence sur le montant des amendes pour le surplus,

Sur ce,

Considérant qu'en regard du rapport datée du 10 février 2006 rédigé par un vétérinaire inspecteur du pole santé publique du Tribunal de grande instance de Paris les résultats des analyses du porc aux lentilles suspect ne mettent pas en évidence de bactéries pathogènes à un niveau permettant d'expliquer les troubles observés ; que le prévenu n'apporte pas la preuve contraire des constatations dont il discute; que pour le surplus la cour adopte les motifs pertinents du tribunal sur l'imputabilité des infractions qu'il a retenues ; que l'élément intentionnel du délit est constitué par le fait pour un professionnel de ne pas s'assurer de la qualité de la marchandise conservée ; que le jugement entrepris sera confirmé sur les relaxes partielles, la déclaration de culpabilité, sur les amendes contraventionnelles, sur la restitution du livre d'or et sur les intérêts civils ; mais que pour prendre en compte de la gravité du délit de détention de denrées alimentaires corrompues, l'amende délictuelle prononcée parle tribunal sera modifiée et X Marc condamné à une amende de 1 500 euro;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'encontre du prévenu, par défaut à l'égard des parties civiles et de la partie intervenante, Reçoit les appels du prévenu et du ministère public, Confirme le jugement entrepris sur les relaxes partielles, sur la déclaration de culpabilité, sur les amendes contraventionnelles, sur la restitution du livre d'or et sur les intérêts civils, Le réforme pour le surplus, Condamne X Marc à une amende délictuelle de 1 500 euro, Le condamné n'étant pas présent au jour du délibéré, l'avertissement prévu par l'article 707-3 du Code de procédure pénale, n'a pu être donné.