CA Paris, 1re ch. H, 23 octobre 2007, n° ECEC0813246X
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Eiffage Construction Languedoc (SNC)
Défendeur :
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi, Président du Conseil de la concurrence
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Penichon
Conseillers :
M. Remenieras, Mme Mouillard
Avoué :
SCP Narrat-Peytavi
Avocat :
Me Casanova
Le 10 janvier 2002, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques d'entente mises en œuvre lors de marchés publics de construction de trois collèges situés dans le département de l'Hérault Frontignan-la-Peyrade, Montarnaud et Vendres.
La construction de ces collèges a donné lieu, au cours de l'année 2000, à des procédures de mise en concurrence similaires. Pour chacun des trois marchés, caractérisés par des contraintes de réception identiques et des estimations administratives proches malgré des différences architecturales, l'appel d'offres initial a été déclaré infructueux et un marché négocié a été lancé, conduisant à une attribution en septembre 2000.
Il a été constaté, dans les trois cas, que les écarts de prix entre les offres et les estimations administratives étaient élevés, au premier tour comme au second, de même que les écarts entre les offres les moins disantes et les plus disantes.
Par ailleurs, six autres marchés de construction de collèges ont été passés de 1999 à 2003 (Jacou, Fabrègues, Lansargues, Villeneuve-les-Maguelone, rue Jussieu à Béziers et Marseillan).
Concernant le collège de Montarnaud - seul objet du recours -, l'estimation administrative s'est élevée à 35,984 millions de francs (MF) TTC, dont 32,72 MF pour la tranche ferme et 3,26 MF pour la tranche conditionnelle.
Ont soumissionné à ce marché les sociétés Bec Construction en groupement avec Dumez Sud, Auxial Construction devenue Eiffage Construction Languedoc, et Cuynat, appartenant au groupe Megan SA, qui avait repris partie des actifs de la société Pascal à l'été 2000. L'appel d'offres initial lancé le 25 janvier 2000 a été déclaré infructueux en raison de l'écart sensible entre l'offre la moins-disante et l'estimation administrative (14 % et jusqu'à plus de 18 % pour les autres entreprises).
Un marché négocié a été lancé le 12 juillet 2000 conduisant à une attribution le 14 septembre 2000 au bénéfice du groupement Dumez Sud et Bec Construction (le groupement), moins-disant, pour un montant de 39 130 356 F TTC.
Les offres d'Auxial Construction et de Cuynat ont été respectivement de 40 628 000 F et de 40 507 000 F, soit un écart de 12,9 % et de 12,50 % avec celle du groupement.
Lors d'une visite des locaux de la société Bec Construction par les enquêteurs de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), le 15 mai 2001, un document de travail intitulé "CES de Montarnaud, récapitulation en débours" et une étude de prix manuscrite ont été saisis.
Le premier document, coté n° 72, comporte, outre un récapitulatif des prix de Bec Construction pour l'appel d'offre initial et la relance du marché par lots en caractères imprimés, des mentions manuscrites au crayon noir concernant les prix de Bec Construction (33,6 MF, dont 17, 7 MF pour le gros-œuvre et 15, 9 MF pour le corps d'état secondaire), Auxial Construction (34 MF) et Pascal - rachetée par Cuynat - (34,1 MF), ces deux dernières sociétés étant respectivement désignées par les abréviations "AUX" et "P". Le chiffre porté devant l'abréviation "AUX" a été corrigé à la hausse, passant de 33 à 34 MF.
Le second document, coté n° 73, rédigé au crayon noir et comportant divers ajustements, soustractions et additions, dont certains au feutre rouge, indique le prix du gros-œuvre de Bec Construction, soit 17 700 000 F, sous lequel sont inscrites les mentions "Pascal 18 225 000 F" et "Auxial 18 010 000 F". Le prix indiqué en face de la mention "Pascal" a fait l'objet d'une correction à la hausse au feutre rouge, le prix initial étant de 18 025 000 F. En haut du second document, à gauche, une autre annotation correspond à l'offre totale hors taxes d'Auxial Construction indiquée sur le premier document.
Ces chiffres sont proches des offres réelles des entreprises lorsque la TVA y est ajoutée.
Des griefs ont été notifiés à Bec Construction, Dumez-Sud, Sogea Sud, Travaux du Midi, Cuynat et Auxial Construction devenue Eiffage Construction Languedoc, cette dernière société se voyant reprocher d'avoir :
- pris part à la concertation entre les candidats qui ont soumissionné sur le marché de construction du collège sis à Montarnaud;
- d'avoir déposé une offre de couverture au profit d'un autre candidat à l'occasion de la consultation portant sur ce marché.
Par décision du 24 mars 2006, enregistrée sous le numéro n° 06-D-08, le Conseil de la concurrence a retenu l'existence d'une entente anticoncurrentielle entre les sociétés Bec Construction, Auxial Construction et Cuynat sur le marché de la construction du seul collège de Montarnaud, entente manifestée par des échanges d'informations lors de la phase de consultation de la procédure d'offres lancée par l'acheteur public, qui ont eu pour effet d'augmenter artificiellement les offres de prix. Il a décidé :
"Article 1er : Il est établi que les sociétés SA Bec Construction, SA Cuynat et Eiffage Construction Languedoc ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce dans le cadre de l'attribution du marché de construction du collège de Montarnaud dans le département de l'Hérault.
Article 2 : Il n'est pas établi que les sociétés Dumez Sud, Travaux du Midi et Sogea Sud aient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Article 3 : Il n'y a pas lieu d'infliger de sanction pécuniaire aux sociétés SA Bec Construction et SA Cuynat.
Article 4 : Une sanction de 600 000 euro est infligée à la société Eiffage Construction Languedoc."
LA COUR,
Vu le recours en réformation interjeté contre la décision du Conseil de la concurrence du 24 mars 2006, enregistrée sous le n° 06-D-08, par la société Eiffage Construction Languedoc, le 26 avril 2006;
Vu le mémoire déposé le 29 mai 2006 par la société Eiffage Construction Languedoc à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 14 décembre 2006, par lequel cette société demande à la cour de:
- déclarer son recours recevable,
- réformer la décision entreprise,
- dire que les "principes de la personnalité et de la responsabilité pénale et de la personnalité des peines interdisent tout transfert de responsabilité pénale d'une société absorbée vers une société absorbante ",
- réformer en tout état de cause la décision rendue à son encontre en ce qu'elle a décidé qu'elle avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce dans le cadre de l'attribution du marché de construction du collège de Montarnaud dans le département de l'Hérault,
- dire qu'il n'est pas établi qu'elle a enfreint l'article L. 420-1 du Code de commerce,
- à titre très subsidiaire, réduire la sanction pécuniaire prononcée à son encontre,
- condamner la partie succombante aux entiers dépens.
Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence du 23 octobre 2006,
Vu les observations écrites du ministre chargé de l'Economie du 30 octobre 2006,
Vu les observations écrites du Ministère public du 15 janvier 2007 mises à la disposition des parties à l'audience, et tendant toutes au rejet du recours,
Les conseils des parties, les représentants du Conseil de la concurrence et du ministre chargé de l'Economie ainsi que le Ministère public ayant été entendus lors de l'audience publique du 25 septembre 2007 et chacune des parties ayant été mise en mesure de répliquer;
Sur ce,
Sur la procédure
Considérant que le Conseil de la concurrence demande à la cour, en application de l'article 3 du décret n° 87-849 du 19 octobre 1987 modifié, d'écarter les pièces n° 8, 9 et 10 annexées au mémoire du 29 mai 2006 et respectivement intitulées " sommation interpellative du 22 mai 2006 à M. Fabrice Auger ", " sommation interpellative du 18 mai 2006 à M. Daniel Namaire ", et " jugement du Tribunal de commerce de Grenoble du 31 janvier 2003 (extrait) ", qui n'ont pas été jointes à la déclaration de recours du 26 avril 2006, cependant que la société Eiffage Construction Languedoc, invoquant le respect des droits de la défense, fait valoir que la production de ces dernières a été rendue nécessaire par la décision frappée de recours et qu'elles n'ont pu être obtenues dans le délai imparti pour déclarer ledit recours;
Considérant que, selon l'article 3 précité, "La déclaration de recours mentionne la liste des pièces et documents justificatifs produits. Les pièces et documents mentionnés dans la déclaration sont remis au greffe de la cour d'appel en même temps que la déclaration.";
Considérant, en l'espèce, que le premier document et le troisième ont pour objet de contester la datation des documents saisis par la DGCCRF, cotés n° 72 et 73, et le deuxième, de démontrer que le chiffre de 18 000 010 porté sur le document coté n° 73 ne présente aucune corrélation avec le montant du lot de gros-œuvre figurant dans le détail de l'offre d'Auxial Construction en septembre 2000 ; que la requérante, qui ne conteste pas que les prescriptions du texte susmentionné ont été méconnues, n'est pas fondée à soutenir que la production de ces pièces est justifiée par les droits de la défense dès lors que ces questions ont été discutées contradictoirement dès la notification des griefs et que l'entreprise a disposé, avant de déclarer son recours, du temps nécessaire pour se procurer les éléments en réponse qui lui étaient utiles; qu'en conséquence, ces trois pièces doivent être écartées des débats, étant observé, au surplus, ainsi que le montre le Conseil dans ses observations en pages 4 et 5, que celles-ci seraient inopérantes;
Sur le fond
Considérant que la société Eiffage Construction Languedoc conteste les faits d'entente qui lui sont reprochés en arguant, d'une part, que les mentions figurant sur les documents saisis dans les locaux de Bec Construction correspondent à une recherche par cette entreprise du positionnement de ses concurrents, Auxial Construction et Pascal, sur le collège de Montarnaud après que le marché a été attribué, d'autre part, que le niveau élevé des offres, notamment des " non-gagnants " ne saurait constituer un indice d'entente pertinent, l'estimation administrative étant sous-évaluée et comparant des marchés différents, ce que viennent conforter les déclarations du maître-d'œuvre; qu'elle ajoute qu'en termes de stratégie, ce marché était celui pour lequel elle disposait des atouts les plus importants (spécialisation et proximité géographique);
Mais considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le Conseil de la concurrence a qualifié d'entente prohibée les échanges d'informations intervenus entre les concurrents antérieurement à l'attribution du marché, en se fondant, d'une part, sur deux documents saisis dans les locaux de Bec Construction cotés n° 72 et 73, d'autre part, sur le niveau élevé des offres des autres soumissionnaires, étant observé, ainsi que l'a relevé cette autorité, que la décision déférée ne s'appuie ni sur les modalités du classement des différentes offres entre le premier et le second tour de consultation (réplique, page 8) ni sur des similitudes techniques existant entre les trois marchés de collèges passés en 2000 (réplique, page 9), ni sur les éléments retenus par le rapporteur et visés en pages 9 et 10 (excepté la pièce cotée n° 72) et 18 (tableau en bas de page) du mémoire en réplique d'Eiffage Construction Languedoc;
Considérant, en premier lieu, que les documents cotés n° 72 et 73, précédemment décrits, revêtent, par leur aspect désordonné et raturé ainsi que par les mentions manuscrites qui y figurent au crayon noir ou au feutre rouge, le caractère de documents de travail préparatoires à l'offre et non d'un récapitulatif de données recueillies postérieurement à l'attribution du marché ; que cet élément, confirmé par les observations en réponse au rapport de la société Dumez-Sud, selon lesquelles les mentions figurant sur ce document ne correspondent pas à l'offre réelle du groupement mais à une étape de la " finalisation de son montant, qui est affiné au fur et à mesure de la mise au point des prix et en particulier de celui du gros-œuvre " constitue un premier indice d'entente;
Considérant, en deuxième lieu, que l'utilisation de l'abréviation "P", qui renvoie à l'entreprise Pascal, alors que l'offre officielle a été déposée, en septembre 2000, sous le nom de la société Cuynat, laquelle avait racheté certains actifs de la société Pascal, placée en liquidation judiciaire, à l'été 2000, constitue un deuxième indice de l'antériorité des échanges d'informations à l'attribution du marché; qu'en effet, l'utilisation du nom "Pascal" se conçoit aisément à une époque où le sort de l'entreprise venait tout juste d'être réglé tandis que celui de " Cuynat " se serait imposé au rédacteur des documents cotés n° 72 et 73, qui aurait retranscrit des informations informelles à lui communiquées après le résultat des appels d'offres;
Considérant, en troisième lieu, ainsi qu'il a été dit dans l'exposé des faits, que les chiffres hors taxes mentionnés dans ces documents, sont proches - une fois la TVA ajoutée - de ceux des offres réelles des entreprises, qu'il s'agisse de l'offre globale ou du gros œuvre ; que le caractère voisin de ces chiffres constitue un troisième indice déterminant de l'existence d'échanges d'informations antérieurs à l'attribution du marché dès lors que ces données ne correspondent ni aux montants des offres finales ni à ces derniers arrondis, mentionnés au § 62 de la décision du Conseil de la concurrence, et qu'il ressort de l'enquête que les bordereaux de prix des entreprises non retenues et les décompositions de prix du titulaire et d'autres soumissionnaires n'ont pas été communiqués par le Conseil général de l'Hérault à des tiers (rapport, cote 124);
Que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant, la minoration de l'offre du groupement Bec Construction-Dumez-Sud et du lot de gros-œuvre d'Auxial Construction, au regard des chiffres portés sur les documents cotés n° 72 et 73, est cohérente avec l'hypothèse d'un échange d'informations en donnant à l'entreprise attributaire la certitude d'emporter le marché tout en diminuant les écarts entre les offres et l'évaluation administrative; que, du reste, pour cette dernière raison, les trois offres ont été légèrement inférieures aux montants figurant dans les documents saisis;
Considérant, en dernier lieu, que le niveau élevé des offres, notamment celles des " non-gagnants ", par rapport à l'évaluation administrative constitue un quatrième indice de l'existence d'une entente illicite ; que l'argument opposé par Eiffage Construction Languedoc selon lequel les estimations administratives seraient systématiquement sous-évaluées, ainsi que le montrent les déclarations du maître-d'œuvre et la comparaison de l'évaluation administrative du collège de Jacou (33,275 MF) avec "les offres des entreprises adjudicataires des collèges de La Peyrade (33,7 MF), Montarnaud (36 MF) et Vendres (34.9 MF) ", est contredit tant par l'analyse d'autres marchés de construction de collèges que par l'inanité des explications fournies concernant des majorations de prix allant de près de 9 % à près de 19 % ; qu'il ressort d'abord du tableau figurant en haut de la page 18 du mémoire en réplique d'Eiffage Construction Languedoc que les estimations de l'administration sont généralement voisines, voire parfois supérieures, aux offres retenues pour des marchés en tous points comparables à celui de Montarnaud, qui a fait l'objet d'une relance par lots ; qu'ensuite, le fait que l'estimation administrative du collège de Jacou soit inférieure d'environ 10 % à celles des trois collèges, objet de la saisine, (et non aux offres des adjudicataires comme indiqué par erreur dans le mémoire en réplique) n'est pas significative, la nature des travaux, effectués en 1999 et non en 2000, n'étant pas la même ; que, contrairement à ce qu'indique le représentant de la SADH, maître d'ouvrage délégué (cote 154), les majorations des offres observées ne sont justifiées ni par la durée des travaux, d'un an, ni par le niveau de l'inflation générale ou l'évolution de l'indice du coût de la construction, ni par le nombre des marchés obtenus par un même soumissionnaire, la technique du groupement permettant, dans cette dernière hypothèse, aux entreprises attributaires, de faire face, grâce à leur complémentarité, à l'ensemble de leurs besoins en termes de matériel et de main-d'œuvre; qu'enfin, la circonstance que la société disposait de nombreux atouts pour obtenir ce marché n'est pas de nature à la disculper;
Considérant, dans ces conditions, que le Conseil de la concurrence a pu justement déduire de ce faisceau d'indices qu'Auxial Construction devenue Eiffage Construction Languedoc avait déposé, de concert avec certains des autres soumissionnaires, une offre de couverture constituant une entente prohibée, ayant eu un effet sensible sur le jeu de la concurrence sur le marché public de la construction du collège de Montarnaud, et contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce;
Sur la sanction
Considérant que la société Eiffage Construction Languedoc fait valoir, à titre principal, que les pratiques anticoncurrentielles commises par la société absorbée ne peuvent être imputées à la société absorbante en raison des principes de la responsabilité pénale des personnes morales et de la personnalité des peines consacrés par les articles 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789, 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 121-2 du Code pénal, qui trouvent à s'appliquer à la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence;
Mais considérant que les pratiques anticoncurrentielles sont imputées à une entreprise indépendamment de son statut juridique et sans considération de la personne qui l'exploite ; que, dès lors, les principes évoqués par le requérant ne font pas obstacle à ce qu'une sanction pécuniaire soit prononcée contre l'entreprise absorbante pour des faits commis par l'entreprise absorbée dès lors que la première assure la continuité économique et fonctionnelle de la seconde ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la société Eiffage Construction Languedoc a assuré ladite continuité économique et fonctionnelle de l'entreprise absorbée Auxial Construction, auteur des pratiques, qui a disparu; que les pratiques illicites précédemment examinées doivent, en conséquence, être imputées à la société Eiffage Construction Languedoc à laquelle les droits et obligations d'Auxial Construction ont été juridiquement transmis, l'assiette de la sanction étant le chiffre d'affaires de la société absorbante au jour où le Conseil de la concurrence statue ainsi que l'a justement énoncé cette autorité;
Considérant que la société Eiffage Construction Languedoc demande, à titre subsidiaire, à la cour de réduire la sanction pécuniaire prononcée à son encontre, arguant que celle-ci est sans rapport avec le faible dommage causé à l'économie, les estimations administratives étant, à partir de 2001, plus élevées pour ce type de marché, alors que, pour les trois collèges relevant de la saisine, elles étaient inférieures de plus de 10 % à l'estimation d'un collège en 1979, qu'elle concerne une société absorbée alors qu'elle- même n'a pas été adjudicataire du marché et qu'elle est disproportionnée au regard des critères de l'article L. 464-2 du Code de commerce;
Considérant que, selon l'article L. 464-2 précité, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, le montant de la sanction pécuniaire prononcée par le Conseil de la concurrence doit être proportionné "à la gravité des faits reprochés; à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné";
Considérant qu'en infligeant à Biffage Construction Languedoc une sanction pécuniaire d'un montant de 600 000 euro, le Conseil de la concurrence a fait une exacte application des critères de l'article L. 464-2 susmentionné et une juste appréciation du montant de celle-ci par des motifs pertinents que la cour adopte;
Que, d'une part, la cour relève qu'il a été tenu compte tant de la gravité des faits, qui sont de nature à faire échec à la sincérité des appels d'offres et à la bonne utilisation des fonds publics, que de la situation particulière d'Eiffage Construction Languedoc, laquelle a absorbé la société Auxial Construction, le 9 avril 2001, et dont le chiffre d'affaires, au dernier exercice clos disponible, s'est élevé à 49 724 784 euro, la sanction pécuniaire prononcée ne représentant qu'1,2 % du chiffre d'affaires de cette société;
Que, d'autre part, il ne saurait être soutenu que le dommage à l'économie est inexistant alors que ces pratiques d'entente, du seul fait de leur existence, ont faussé le jeu de la concurrence sur un marché public de 39,13 millions de francs, soit près de 6 millions d'euro, en altérant l'indépendance des offres, en faussant le niveau des prix qui ne sont plus le reflet du marché - les estimations administratives n'étant nullement surévaluées ainsi qu'il a été dit plus haut - et en constituant une tromperie sur la réalité même de la concurrence;
Considérant, en conséquence, que le recours est rejeté et la société Eiffage Construction Languedoc condamnée aux dépens;
Par ces motifs, Rejette le recours formé par la société Biffage Construction Languedoc contre la décision du Conseil de la concurrence du 24 mars 2006 enregistrée sous le numéro n° 06-D-08; Condamne la société Biffage Construction Languedoc aux dépens.