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Décisions

Cass. soc., 10 octobre 2007, n° 04-46.468

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Expresself (Sté)

Défendeur :

Lasnet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Cons. prud'h. Lyon, du 2 nov. 2000

2 novembre 2000

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 23 juin 2004), que M. Lasnet a été engagé le 4 novembre 1996 en qualité de directeur commercial par la société Expresself ; que, par lettre du 31 août 1998, l'employeur, alléguant l'insuffisance des résultats du salarié, a informé celui-ci de sa décision de modifier ses fonctions et sa rémunération, qu'il a aussitôt appliquée ; que refusant ce qu'il considérait comme une rétrogradation, M. Lasnet a saisi le 24 novembre 1998 la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail ; qu'il a été licencié pour faute grave le 17 mars 1999 ;

Sur le premier moyen : - Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts, dit que celle-ci était intervenue le 27 novembre 1998, date de la demande en justice, alloué au salarié diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes concernés d'une partie des indemnités chômage versées au salarié, alors, selon le moyen, que lorsque l'exécution du contrat de travail s'est poursuivie après la saisine du juge par le salarié aux fins de résiliation du contrat de travail jusqu'au licenciement prononcé avant qu'il ne soit statué sur la demande en résiliation, le juge ne peut prononcer la résiliation du contrat de travail déjà rompu ; qu'il lui appartient d'apprécier le bien fondé du licenciement ayant mis fin au contrat de travail ; qu'en l'espèce, en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail à effet au jour de la saisine du juge prud'homal, bien que l'exécution du contrat de travail de M. Lasnet s'était poursuivie postérieurement à cette date et que la rupture de ce contrat était intervenue par l'effet du licenciement pour faute grave dont il lui appartenait de vérifier la réalité et la gravité, la cour d'appel a violé les articles L. 122-12-4 du Code du travail et 1184 du Code civil ;

Mais attendu que lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée ; que c'est seulement s'il ne l'estime pas fondée qu'il doit statuer sur le licenciement ;

Et attendu qu'ayant constaté qu'en modifiant unilatéralement la rémunération et les fonctions contractuelles du salarié l'employeur avait manqué à ses obligations, ce qui justifiait le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts, la cour d'appel, abstraction faite de la fixation erronée de la date de la rupture au jour de la demande au lieu de celui de l'expédition de la lettre de licenciement, a statué à bon droit ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le troisième moyen : - Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Expresself à indemniser M. Lasnet du dommage qu'il avait subi pour avoir respecté une clause de non-concurrence illicite, alors, selon le moyen : 1°) que le contrat de travail étant un acte de volonté commun aux parties, l'employeur n'est pas responsable à l'égard du salarié du préjudice subi du fait de l'insertion d'une clause illicite dans le contrat de travail ; qu'en l'espèce, en condamnant l'employeur à réparer le préjudice que le salarié a subi en respectant une clause de non-concurrence illicite stipulée au contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) qu'à supposer que l'employeur ait l'obligation de s'assurer de la validité des clauses stipulées dans le contrat de travail, cette obligation s'apprécie au regard du droit positif existant à l'époque de la conclusion du contrat de travail ; qu'en l'espèce, en jugeant que l'employeur était responsable du préjudice que le salarié avait subi en respectant une clause de non-concurrence jugée illicite du fait de l'absence de contrepartie financière, sans apprécier le comportement de l'employeur au regard du droit positif existant à l'époque où le contrat de travail avait été conclu le 4 novembre 1996, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 3°) que la charge de la preuve incombe au demandeur ; qu'en l'espèce, il appartenait à M. Lasnet, qui demandait la réparation de son préjudice du fait du respect par lui de la clause de non-concurrence illicite stipulée dans son contrat de travail, d'établir qu'il avait respecté cette clause ; qu'en retenant que l'employeur ne démontrait pas que le salarié avait violé son obligation de non-concurrence pour faire droit à la demande de ce dernier, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que le respect par un salarié d'une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il appartient au juge d'apprécier l'étendue, et qu'il incombe à l'employeur qui s'oppose à la demande en paiement de dommages-intérêts de ce chef de prouver que le salarié n'a pas respecté cette clause ;

Et attendu qu'après avoir exactement énoncé que le contrat de travail ne prévoyant pas de contrepartie financière, la clause de non-concurrence était illicite, la cour d'appel, qui a constaté que la société Expresself ne démontrait pas que le salarié eût violé son obligation de non-concurrence, a statué à bon droit ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.