CA Metz, 1re ch. civ., 30 janvier 2007, n° 05-00640
METZ
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
AGCE SACA (SARL)
Défendeur :
Valentin Charcut 88 (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Claude-Mizrahi
Conseillers :
Mme Duroche, Mlle Ott
Avocats :
Mes Belhamici, Sebban
Par acte du 21 mai 2002, la SA Valentin, qui fabrique des salaisons et charcuteries, a assigné devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz la société SECA aux fins de l'entendre condamner à lui payer la somme de 41 814,05 euro restant due au titre de la fourniture de marchandises suivant factures s'échelonnant du 6 avril 2000 au 22 novembre 2001, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 avril 2002, outre une indemnité de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La demanderesse qui a indiqué produire au soutien de ses prétentions l'ensemble des bons des livraisons effectuées directement chez le revendeur ainsi que les factures litigieuses, a contesté la contre-créance alléguée par la défenderesse résultant de deux factures datées du 31 décembre 2002, l'une d'un montant de 7 964,58 euro au titre de prétendues opérations de coopération commerciale, la seconde d'un montant de 37 995,74 euro correspondant à des commissions sur ventes. Elle a prétendu que la société SECA qui a toujours acheté pour revendre - les marchandises lui étant directement facturées quel que soit le lieu où elles ont été livrées - ne peut prétendre à une activité d'agent commercial; qu'elle ne peut pas plus arguer d'un contrat de coopération commerciale entre les parties; qu'enfin, outre le fait qu'aucun contrat n'a été conclu par écrit et que les factures émises ne mentionnent pas les services rendus, et ce, en violation des dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce, la défenderesse ne rapporte pas la preuve de la réalité des prestations dont elle réclame paiement, les services dont elle fait état, s'agissant de remise en tête de gondoles, prises de commande, animations, promotions et ristournes différées, n'entrant pas dans le cadre des services qui doivent être spécifiques et distincts de simples actes d'achat et de revente après agencement dans les rayons du magasin distributeur. La demanderesse a ajouté que le fait qu'elle ait toléré une telle pratique durant une ou deux années, compte tenu de l'importance économique de sa cliente, ne (sic ??)
A titre subsidiaire dans l'hypothèse où le tribunal considérerait que la société SECA a effectué des prestations spécifiques, la société Valentin, a demandé, aux termes de ses dernières écritures du 21 octobre 2004, qu'il soit jugé que la pratique de la SARL SECA pour la période concernée (année 2001) lui a causé un préjudice dont elle doit réparation, en application de l'article L. 442-6 du Code de commerce; que ce préjudice soit évalué au montant des sommes qui font l'objet de la demande principale et que compensation soit ordonnée entre les créances réciproques.
La SARL Agence SACA exploitant sous l'enseigne SECA a demandé au tribunal :
- de lui donner acte qu'elle se reconnaît débitrice de la SA Valentin de la somme de 41 814,05 euro
- de dire et juger au besoin, condamner la SA Valentin à lui payer la somme de 49 248,77 euro
- ordonner la compensation judiciaire entre ces deux montants
- condamner la société Valentin au paiement d'une indemnité de 600 euro du chef des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle a prétendu qu'exerçant une activité d'agence commerciale en plus de sa fonction de grossiste, une commission d'agence de 3 % du chiffre d'affaires a toujours été appliquée entre les parties et qu'à ce titre, la société Valentin lui est redevable au titre de l'exercice 2001 d'une somme de 37 995,71 euro et au titre de l'exercice 2002 d'une somme de 3 291,48 euro.
La SARL SACA a soutenu par ailleurs que conformément à l'accord de coopération commerciale conclu entre les parties - l'absence d'écrit n'entraînant pas la nullité de l'accord ou son illicéité, elle a rendu à la société Valentin des services spécifiques, à savoir notamment budget de mise en avant, remise en tête de gondole, prise de commande, animations, promotions et ristournes différées ; qu'avant l'année 2000, la demanderesse défenderesse reconventionnelle s'est toujours acquittée du paiement de ces prestations.
Par jugement en date du 4 janvier 2005, le tribunal a condamné la SARL AGCE SACA à payer à la SA Valentin Charcut 88 la somme de 41 814,05 euro avec intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2002, outre une indemnité de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, débouté la demanderesse du surplus de ses prétentions, débouté la défenderesse de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.
Suivant déclaration reçue le 25 février 2005, la SARL AGCE SACA a régulièrement relevé appel de ce jugement dont elle a sollicité l'infirmation, demandant à la cour :
- de lui donner acte qu'elle se reconnaît débitrice de la SA Valentin de la somme de 41 814,05 euro
- de dire et juger au besoin, condamner la SA Valentin à lui payer la somme de 49 248,77 euro
- ordonner la compensation judiciaire entre ces deux montants
- condamner la société Valentin au paiement d'une indemnité de 1 500 euro du chef des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La SA Valentin Charcut 88 a conclu au rejet de l'appel principal et formé un appel incident aux fins de voir condamner la société AGCE SACA à lui payer la somme de 48 517,58 euro, et sollicité en outre une indemnité de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures déposées par la SARL SACA le 27 juin 2005 et par la SA Valentin le 24 février 2006, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens;
Sur l'appel principal de la SARL AGCE SACA:
Attendu que la SARL AGCE SACA prétend que la SA Valentin Charcut 88 lui est redevable d'une somme de 49 248,77 euro, représentant:
- pour 37 995,71 euro et 3 291,88 euro les commissions sur vente au taux de 3 % dues pour l'exercice 2001 et l'exercice 2002 suivant facture n° 10268 du 31 décembre 2001
- pour 7 961,18 euro des prestations de coopération commerciale pour l'exercice 2001 suivant facture n° 10267 du 31 décembre 2001;
Qu'elle prétend, sur le premier point, qu'outre sa fonction de grossiste, elle est une agence commerciale et que depuis 1993, la société Valentin lui a versé des commissions sur ventes; qu'elle en justifie par la production aux débats des chèques émis les 23 avril 1999, 19 novembre 1999 et 17 décembre 1999 par la société Valentin, pour les montants de 48 260,48 F, 54 887,87 F et 62 753,71 F, en règlement des factures des 31 mars 1999, 30 juin 1999, 31 juillet 1999 et 30 septembre 1999 relatives à des commissions sur vente, au taux de 5,5 %, pour le 1er trimestre 1999, le 2e trimestre 1999, le mois de juillet 1999, et le 3e trimestre 1999;
Attendu suivant l'article L. 134-1 du Code de commerce, que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et éventuellement de conclure des contrats d'achat, de location ou de prestation de service, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels et de commerçants;
Que si un contrat écrit n'est pas exigé, il n'en demeure pas moins qu'il appartient à la société SACA, qui ne justifie pas d'une immatriculation au registre spécial des agents commerciaux, de rapporter la preuve des opérations qu'elle aurait réalisées en cette qualité pour le compte de la société Valentin;
Qu'à défaut, il échet de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur ce point;
Attendu, sur le second poste de demande, que l'appelante prétend qu'elle est liée par un accord de coopération commerciale avec la société Valentin en vertu duquel elle lui a rendu des services spécifiques tels que " budget 2000 en avant, remise en tête de gondole, prises de commandes, animations, promotions et ristournes différées "; qu'elle fait valoir que la société Valentin, qui s'est régulièrement acquittée, avant 2000, du paiement des factures qui lui étaient adressées, ne peut exciper de l'absence d'accord écrit entre les parties pour contester l'accord de partenariat et échapper à ses obligations;
Attendu, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, que selon l'article 441-6 du Code de commerce, les conditions dans lesquelles un distributeur ou un prestataire se fait rémunérer par ses fournisseurs, en contrepartie de services spécifiques, doivent faire l'objet d'un contrat écrit en double exemplaire détenu par chacune des deux parties - l'accord écrit devant définir clairement et précisément les services de coopération commerciale fournis ainsi que leurs modalités d'application et de durée;
Or attendu que la société AGCE SACA n'est pas en mesure de produire un accord écrit passé avec la société Valentin ; qu'en outre, les factures dont elle réclame paiement, qui font simplement référence à des " prestations de service " n'identifient pas avec précision la nature exacte des services rendus, les produits et quantités de produits concernés ainsi que les dates de réalisation de ces services, ce qui ne permet pas de vérifier si lesdites prestations constituent des services spécifiques allant au-delà des simples obligations résultant des achats et ventes, seules susceptibles de rémunération;
Qu'à défaut de rapporter la preuve de la réalité de l'accord commercial conclu avec la société Valentin pour l'exercice - le seul fait que l'intimée se soit acquittée du règlement de telles prestations pour les années antérieures étant inopérant - il échet de rejeter sa demande;
Sur l'appel incident de la SA Valentin Charcut 88 :
Attendu que la SA Valentin qui sollicite la condamnation de la SARL CGEC SACA à lui payer la somme de 48 517,58 euro produit au soutien de ses prétentions, les factures demeurées impayées
n° 210922 d'un montant de : 3 508,62 euro
n° 211180 : 3 712,36 euro
n° 211673 : 3 936,49 euro
n° 212215 : 4 052,34 euro
n° 212564 : 4 103,70 euro
n° 212947 : 3 860,99 euro
n° 213142 : 1 564,81 euro
n° 213182 : 1 093,59 euro
n° 213333 : 4 05140 euro
n° 213581 : 3 783,46 euro
n° 213899 : 2 811,01 euro
n° 214371 : 3 029,48 euro
n° 214777 : 3 140,16 euro
n° 215139 : 3 150,79 euro
n° 215404 : 3 192,72 euro
n° 215817 : 3 324,23 euro
n° 216330 : 2 904,96 euro
n° 2001938 : 1 938,63 euro
n° 2001067 : 768,39 euro
n° 2002088 : 1 983,46 euro
n° 2002141 : 2 160,73 euro
n° 2002296 : 2 546,44 euro
soit un total de 64 618,76 euro dont il échet de déduire l'acompte de 16 101,18 euro réglé par la débitrice le 1er janvier 2002, accompagnées des bons de livraison ;
Attendu que la SARL AGCE SACA qui reconnaît devoir la somme de 41 814,05 euro ne précise pas les raisons pour lesquelles elle s'oppose au règlement du surplus;
Qu'au vu des pièces produites il échet de faire droit à l'appel incident et de la condamner au paiement de la somme de 48 517,58 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure recommandée du 4 avril 2004 conformément aux dispositions de l'article 1153 alinéa 3 du Code civil;
Attendu que l'équité commande que soit allouée à la société Valentin sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile une indemnité de 1 000 euro qui s'ajoutera à l'indemnité de 1 000 euro allouée par les premiers juges sur ce même fondement;
Que l'appelante qui succombe en son appel, sera condamnée aux entiers dépens;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition publique au greffe. Reçoit la SARL AGCE SACA et la SA Valentin Charcut 88 en leur appel contre le jugement rendu le 4 janvier 2005 par la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Metz ; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL AGCE SACA de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée à payer à la SA Valentin Charcut 88 une indemnité de 1 000 euro sur le fondement de l'article700 du nouveau Code de procédure civile ; L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau sur la demande de la SA Valentin Charcut 88 ; Condamne la SARL AGCE SACA à payer à la SA Valentin Charcut 88 la somme de 48 517,58 euro avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2002 ; Condamne en outre la SARL AGCE SACA à payer à la SA Valentin Charcut 88 une indemnité de 1 000 euro ou titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel ; Condamne la SARL AGCE SACA aux entiers dépens de première instance et d'appel.