Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 4e ch. B, 14 juin 2005, n° 02-19043

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Jausiers Vacances IV (SCI), Hidoux (ès qual.)

Défendeur :

Fernandes (Epoux), Tholome

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grosjean

Conseiller :

Mme Durand

Avoués :

SCP Primout-Faivre, SCP Cohen-Guedj, SCP Boissonnet-Rousseau

Avocats :

Mes Ramier, Fabre, Romieu, Blanc, Giudicelli

Vice-président :

Mme Chapus-Berard

TGI Marseille, du 18 juin 2002

18 juin 2002

Faits, prétentions, procédure

Attendu que le 11 août 1990, alors qu'ils étaient démarchés à domicile à Thierville (55100), M. Daniel Fernandes et Mme Nicole De Chappe épouse Fernandes ont acquis de M. Lucien Tholome les parts de la SCI Jausiers Vacances IV donnant un droit de jouissance de l'appartement B 10 pour les semaines 25 et 26 de l'année moyennant un prix de 109 400 F avec versement d'un acompte immédiat de 10 940 F;

Attendu que, par exploits d'huissier en date des 16 et 28 octobre 1998, les époux Fernandes ont fait assigner les époux Tholome et la SCI Jausiers Vacances IV en nullité sur le fondement des articles 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation, de la cession de parts de cette dernière société, intervenue le 11 août 1990 et réitérée le 6 décembre 1990, demandant la restitution du prix contre la restitution des parts;

Attendu que par jugement en date du 18 juin 2002, le Tribunal de grande instance de Marseille a :

- annulé la cession de parts de la SCI Jausiers Vacances IV intervenue le 11 août 1990 et réitérée le 6 décembre 1990 entre Lucien Tholome, vendeur et les époux Fernandes, acquéreurs,

- ordonné la restitution du prix de 16 677,92 euro aux acquéreurs et des parts de la SCI Jausiers Vacances IV donnant un droit de jouissance de l'appartement B 10 pour les semaines 25 et 26 de l'année au vendeur,

- déclaré le jugement opposable à la SCI Jausiers Vacances IV,

- rejeté les demandes de cette dernière,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné Monsieur Tholome à payer aux époux Fernandes la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné M. Tholome aux dépens;

Attendu que par déclaration de la SCP Cohen/Cohen/Guedj, avoués, en date du 24 septembre 2002, Me Pezzino, ès qualités de liquidateur de M. Tholome, a relevé appel du jugement du 18 juin 2002 et que par déclaration de la SCP Primout/Faivre, avoués, en date du 27 septembre 2002, la SCI Jausiers Vacances IV a également relevé appel dudit jugement;

Attendu que, par ses conclusions signifiées le 4 février 2003, la SCI Jausiers Vacances IV demande à la cour de:

- la recevoir en son appel, le dire régulier et bien fondé,

- a titre principal, dire et juger que l'action engagée par les époux Fernandes par assignation des 16 et 28 octobre 1998 aux fins de nullité de l'acte sous seing privé du 11 août 1990 est prescrite sur le fondement de l'article 1304 du Code civil,

- a titre subsidiaire, au fond, rejeter la demande de nullité de l'acte de cession et débouter les époux Fernandes de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- réformer le jugement dont appel et dire n'y avoir lieu à restitution du prix d'acquisition des parts sociales à l'encontre de la liquidation de M. Tholome,

- condamner les époux Fernandes à payer 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Primout et Faivre, avoués;

Attendu que la SCI Jausiers Vacances IV fait valoir que l'action en nullité diligentée à son encontre est radicalement irrecevable au regard de la prescription prévue par l'article 1304 du Code civil ; qu'en réalité les époux Fernandes tentent de se soustraire au paiement des charges auquel ils ont été condamnés par jugement du Tribunal d'instance de Barcelonnette du 21 avril 1998, confirmé par la cour d'appel par arrêt du 6 juin 2001 qu'il convient de distinguer entre la SCI Jausiers, dans laquelle les époux Fernandes sont propriétaires de parts, et M. Tholome, duquel les époux Fernandes ont acquis ces parts, qui est actuellement en liquidation judiciaire ; que par arrêt du 19 janvier 1999, la créance des époux Fernandes a été déclarée éteinte faute de déclaration de créance;

Attendu que, par ses conclusions signifiées le 26 août 2004, Me Hidoux, ès qualités de liquidateur judiciaire de M. Tholome (en lieu et place de Me Pezzino), demande à la cour de:

- réformer le jugement entrepris,

- à titre principal, dire prescrite l'action engagée par les époux Fernandes en nullité de l'acte sous seing privé du 11 août 1990,

- à titre subsidiaire, débouter les époux Fernandes de toutes leurs demandes, fins et conclusions comme injustes et non fondées,

- à titre très subsidiaire, dire et juger qu'aucune condamnation financière ne peut être prononcée à l'encontre de Monsieur Tholome ou de sa liquidation judiciaire,

- condamner conjointement et solidairement les époux Fernandes à payer 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile outre les entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Cohen, Cohen, Guedj , avoués;

Attendu que Me Hidoux, ès qualités, estime qu'aucune condamnation financière ne peut être prononcée à l'encontre de M. Tholome car la créance des époux Fernandes est éteinte ; qu'en tout état de cause, l'action est prescrite en application de l'article 1304 du Code civil; que la loi qui a été visée par le tribunal et par les époux Fernandes est inapplicable en l'espèce car les textes protecteurs en matière de contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé n'ont été créés que par la loi du 8 juillet 1998;

Attendu que par ses conclusions signifiées le 30 juillet 2003, les époux Fernandes demandent à la cour de :

- rejeter l'appel de Me Pezzino ès qualités de liquidateur judiciaire de M. Tholome et de la SCI Jausiers Vacances IV car infondé,

- confirmer le jugement rendu le 18 juin 2002,

- condamner solidairement les appelants à payer aux époux Fernandes 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner les appelants aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP Boissonnet et Rousseau, avoués;

Attendu que les époux Fernandes soutiennent que le tribunal a fait une parfaite appréciation des faits qui lui étaient soumis ; que leur action n'est pas prescrite s'agissant d'une nullité absolue, le délai pour agir étant de trente ans ; que l'article L. 121-21 du Code de la consommation est bien applicable en l'espèce car le terme "bien" utilisé par la loi est très large et englobe la cession de parts ; que l'opération de démarchage à domicile par laquelle ils ont été amenés à acheter les parts de la SCI Jausiers bénéficie donc bien du dispositif protecteur de la loi de 1972 ; que ce dispositif protecteur n'a pas été, incontestablement, respecté, ce qui doit conduire la cour à confirmer le jugement appelé par la SCI ; que la nullité doit remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient lors de la conclusion du contrat; que donc les charges dues à la SCI Jausiers Vacances IV doivent revenir à M. Tholome qui rétroactivement sera considéré comme propriétaire des parts sociales;

Attendu que l'instruction de l'affaire a été close le 17 mai 2005 ;

Motifs,

- Sur la recevabilité de l'appel:

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; qu'il convient donc de le déclarer recevable;

- Sur le cadre de l'appel:

Attendu qu'il convient de relever que Me Hidoux, mandataire à la liquidation judiciaire de Monsieur Tholome, est intervenu volontairement à la procédure à la suite de sa désignation en remplacement de Me Pezzino, par jugement du 19 avril 2004;

Attendu que les époux Fernandes entendent voir prononcer l'annulation de la cession des parts de la SCI Les Jausiers, intervenue le 11 août 1990, avec effet rétroactif; que donc M. Tholome serait considéré comme étant demeuré propriétaire desdites parts et débiteur à ce titre des charges de copropriété dont la SCI Les Jausiers IV poursuit le recouvrement;

- Sur la prescription quinquennale:

Attendu que l'article 1304 du Code civil édicte que dans tous les cas où l'action en nullité d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans;

Attendu que les époux Fernandes ont acquis le il août 1990 les parts d'une SCI leur donnant droit à jouissance à temps partagé dans une résidence de vacances, après avoir été démarchés à leur domicile par un salarié de M. Tholome, dans des conditions qui à l'évidence ne respectent ni les droits du consommateur tels que protégés par la loi du 22 décembre 1972 ni ceux des acquéreurs en multipropriété, garantis par une loi postérieure de huit ans à leur acquisition;

Attendu que la prescription prévue par l'article 1304 du Code civil est applicable aux actions destinées à sanctionner les vices de formation d'un contrat;

Attendu que force est de constater que l'action entreprise par les époux Fernandes se situe bien dans un champ contractuel ; que, de plus, leur consentement donné à domicile le 11 août 1990 sous la forme sous-seing privée, a ensuite été réitéré et ce 6 décembre 1990, sous la forme authentique;

Attendu en conséquence que c'est bien la prescription quinquennale qui doit trouver à s'appliquer en l'espèce et la SCI Jausiers IV et Me Hidoux bien sont fondés à dire que l'action engagée par assignations des 16 et 28 octobre 1998 est irrecevable car entachée de prescription depuis le il août 1995 ;

Attendu que le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Marseille le 18 juin 2002 sera donc infirmé;

- Sur les frais irrépétibles et les dépens:

Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application, pour l'une des parties, de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel ; que les époux Fernandes supporteront néanmoins la charge des entiers dépens, dont distraction pourra être opérée en faveur de la SCP Cohen, Cohen Guedj, et de la SCP Primout Faivre, avoués, aux offres de droit ;

Par ces motifs, Statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe, - Constate la recevabilité de l'appel, - infirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Marseille le 18 juin 2002 - Statuant à nouveau, - Déclare les époux Fernandes irrecevables en leurs demandes, - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile - Condamne les époux Fernandes aux entiers dépens dont distraction par la SCP Cohen, Cohen Guedj, et de la SCP Primout Faivre, Avoués, aux offres de droit.