CA Douai, 2e ch. sect. 2, 10 mai 2007, n° 04-06654
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Société immobilière du Port de Boulogne (SAS), Fédération Maritime du Port de commerce de Boulogne-sur-Mer, Boulogne Forest Terminal (SA), Vandycke (ès qual.), Ruffin (ès qual.)
Défendeur :
Comilog France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Fossier
Conseillers :
M. Zanatta, Mme Neve de Mevergnies
Avoués :
SCP Cocheme-Kraut-Labadie, SCP Masurel-Thery-Laurent
Avocats :
Mes Dubois, Chemouny, SCP Normand & Associés
La SAS Sea-Invest Boulogne - actuellement dénommée Société immobilière du Port de Boulogne mais qui continuera, dans un but de clarté, d'être dénommée Sea-Invest dans le présent arrêt - exerce une activité de manutentionnaire sur le port de Boulogne-sur-Mer et de consignataire de navires sur les ports de Boulogne et de Calais. Elle a assuré en 2002 et 2003 plus de la moitié de la manutention réalisée sur le port de Boulogne. Elle vient aux droits d'une société Saga Terminaux Portuaires (STP), qui elle-même avait repris une partie des activités de la société Transrouleurs.
La SA Comilog France exploitait une importante activité sidérurgique de production de ferro-manganèse et ce sur le site portuaire de Boulogne, cette implantation géographique datant de plus d'un siècle. Cette société, autrefois appelée Société du Ferro-Manganèse de Paris-Outreau (SFPO), avait repris une partie de l'activité d'une société "Aciéries Paris Outreau" (APO) mise en règlement judiciaire en 1978.
Le 8 juillet 1999, la société STP et la société SFPO ont signé un contrat pour une durée de cinq années expirant le 30 juin 2004, aux termes duquel la seconde confiait à titre exclusif à la première l'ensemble des opérations de manutention qu'elle avait à faire effectuer sur tous les quais du port de Boulogne. Pour l'exécution de ce contrat, la société STP devait utiliser les dockers employés par la Fédération maritime du port de commerce de Boulogne-sur-Mer (ci-après dénommée "La Fédération"), association selon la loi de 1901 regroupant des entreprises de manutention et devenue l'employeur de tous les dockers du port de Boulogne.
Par lettre en date du 9 septembre 2003, la SA Comilog France informait la société Sea-Invest de sa décision de fermer son site de Boulogne-sur-Mer au début de l'année 2004, la société Sea-Invest indiquant en avoir été informée quelques jours auparavant par voie de presse.
Par jugement du 28 septembre 2004, le Tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a rejeté toutes les demandes des parties, notamment:
- celles de la société Sea-Invest et de la Fédération tendant à voir condamner la SA Comilog France à réparer les préjudices (manque à gagner, ou conséquences sociales) qu'elles disent avoir subis du fait de la rupture qu'elles estiment brutale, des relations contractuelles
- celles de la société Comilog tendant à voir condamner la Sea-Invest pour blocage de ses chargements par les dockers à la fin de l'année 2003.
Le tribunal a en outre statué sur les demandes de garantie faites par Sea-Invest du fait de deux redressements douaniers qu'elle serait susceptible de subir par solidarité avec Comilog. Les premiers juges ont rejeté l'une de ces demandes parce que Comilog y a satisfait d'office; et a accepté l'autre.
Par déclaration au greffe en date du 25 octobre 2004, la société SEA-Invest a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions déposées le 9 février 2007, elle demande la réformation du jugement, et la condamnation de la SA Comilog France à lui payer les sommes de:
- 720 000 euro au titre du manque à gagner consécutif à la cessation de l'activité de Comilog,
- 187 325 euro au titre du plan social,
- 500 000 euro au titre du préjudice commercial et d'image.
Elle sollicite encore condamnation de la SA Comilog France à la contre-garantir du coût de la restructuration de la Fédération dont elle est membre, et à lui payer la somme de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A titre subsidiaire, elle demande que soit ordonnée une expertise pour établir l'étendue de son préjudice.
La Fédération forme appel incident, et dans ses dernières conclusions en date du 13 septembre 2006, demande condamnation de la SA Comilog France à lui payer la somme de 519 539,76 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de l'absence d'information en temps utile de l'intention de fermer le site de Boulogne, outre 200 000 euro à titre provisionnel sur le coût du retour des dockers au statut de l'intermittence.
Elle demande encore condamnation de la SA Comilog France à lui payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA Boulogne Forest Terminal, ainsi que Maître Bertrand Vandycke et Maître Pascal Ruffin intervenus volontairement en leur qualité d'administrateur et de mandataire dans la procédure de sauvegarde ouverte concernant cette société, indiquent, dans leurs dernières conclusions en date du 12 mai 2006 qu'ils s'associent aux moyens développés par la Fédération dont la société Boulogne Forest est membre, et demandent donc réparation des préjudices de la Fédération et de la société Sea-Invest.
La SA Comilog France, dans ses dernières conclusions déposées le 16 mars 2007, demande la confirmation du jugement déféré en ce que les demandes adverses ont été rejetées, mais sa réformation sur sa propre demande. Elle invoque en effet un préjudice qui serait résulté pour elle de l'attitude de la société Sea-Invest qui aurait bloqué les chargements sur son appontement fin 2003 et début 2004 ce qui lui aurait occasionné un surcoût et des frais. Elle demande en conséquence condamnation de la société Sea-Invest à lui payer la somme de 560 624 euro à titre de dommages-intérêts.
Elle demande aussi que soit constaté le versement à Sea-Invest de 10 586,14 euro, pour indemnisation d'une baisse des cargaisons pendant le cours du premier semestre 2003, donc avant la naissance du présent litige.
Elle sollicite enfin condamnation de la société Sea-Invest, de la société Boulogne Forest Terminal, enfin de la Fédération à lui payer chacune la somme de 7 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle fait valoir essentiellement, à l'appui de sa position, que la décision de fermeture du site de Boulogne-sur-Mer était inéluctable et résultait des déficits récurrents de cette partie de son activité : elle ajoute qu'elle n'avait aucunement l'intention de résilier le contrat la liant avec la société Sea-Invest mais au contraire de le laisser aller jusqu'à son terme, alors que cette dernière a brutalement cessé d'exécuter ses obligations résultant du dit contrat.
Selon ce qu'autorise l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.
Sur quoi, LA COUR
- Sur la procédure
Attendu que le dépôt de conclusions au fond, importantes, moins d'une semaine avant la clôture, est une cause grave, touchant au principe du contradictoire, qui justifie que l'ordonnance de clôture soit révoquée en application des articles 16 et 783 du nouveau Code de procédure civile;
- Au principal
Attendu que pour prospérer dans leurs demandes, fondées:
- la Fédération et son principal membre Boulogne-FT: sur l'absence d'information en temps utile de l'intention de fermer le site ; et sur le coût du retour des dockers au statut de l'intermittence;
- Sea-Invest : sur la rupture fautive de relations établies et la volonté de nuire,
les adversaires de Comilog doivent démontrer que celle-ci a choisi de faire cesser son activité et a agi avec désinvolture, au mépris des conditions contractuelles en vigueur entre les parties (dans le cas de Sea-Invest, liée à elle par convention) ou d'une obligation générale de prudence (dans le cas de la Fédération et de Boulogne FT);
Attendu que cette preuve n'est pas rapportée;
Attendu que l'article L. 442-6-5° du Code de commerce dispose:
"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminé, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur; la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'Economie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure";
Attendu que sans préjudice de la motivation propre des premiers juges, que la cour adopte, la société Comilog France n'a pas rompu brutalement et de manière fautive, au sens de ce texte, le contrat unissant les deux parties;
Attendu qu'en premier lieu, la société Comilog France a toujours respecté le contrat du 8 juillet 1999;
Que l'article 4 dudit contrat dispose, en son premier alinéa : "La société SFPO confie à titre exclusif à STP l'ensemble des opérations de manutention des trafics export et import qu'elle a à faire exécuter sur l'appontement minéralier SFPO du port de Boulogne-sur-Mer, ou tout autre quai du port de Boulogne-sur-Mer et ce pendant une période ferme et irrévocable de cinq années expirant le 30 juin 2004 ";
Qu'il ne résulte pas de ce texte qu'un tonnage minimum soit imposé à Comilog France, qui n'a donc pas pu prendre l'engagement de maintenir ainsi l'activité de Sea-Invest et l'emploi dans les docks pendant les cinq années contractuelles;
Que l'engagement pris a été de s'adresser exclusivement à son cocontractant pour toutes les opérations de manutention afférentes à son trafic maritime au départ ou à destination de Boulogne-sur-Mer soit sur son quai privé, soit sur un quai public;
Qu'il n'est pas allégué, moins encore prouvé, que Comilog se soit adressé à un concurrent, au demeurant inexistant en ce qui concerne les embauches, puisque la Fédération a, ou avait à l'époque, constitué un monopole de l'emploi des dockers sur le port de Boulogne;
Qu'en outre, et comme le fait observer à juste titre la société Comilog dans ses dernières écritures, les parties ont bien prévu dans leur convention " l'hypothèse d'une variation substantielle de ce tonnage, (auquel cas) les parties renégocieront de bonne foi les tarifs applicables aux opérations";
Attendu que l'appelante fait encore plaider que le contrat du 8 juillet 1999 aurait comporté un engagement de sa part de "réserver pendant toute la durée du Contrat un nombre de dockers suffisants pour répondre aux besoins de Comilog" (cf conclusions du 9 février 2007 page 16, 3e alinéa), ce qui témoignerait d'une volonté des parties d'assurer une continuité d'activité pendant cette période de cinq ans, dont le "volume de 1 000 000 tonnes annuel constituait le critère objectif d'appréciation" (sic-cf conclusions du 9 février 2007 page 17, 3e alinéa);
Que cependant, le contrat du 8 juillet 1999, qui fait seul la loi des parties et présentement de la cour, ne porte pas trace de cet engagement de réservation de dockers au profit de la société Comilog;
Que la seule disposition figurant dans le contrat du 8 juillet 1999, afférente à l'utilisation de dockers figure à l'article 2 du contrat, aux termes duquel il est stipulé que la société STP (Sea-Invest Boulogne) utiliserait "conformément au Code des port maritimes les dockers employés de la Fédération maritime du port de commerce de Boulogne et en priorité les quatre dockers relevant de la convention paritaire du 30 août 1961 ; que le sens de cette formule n'est nullement celui que, pour les besoins de son argumentation sus-énoncée, lui donne l'appelante;
Attendu que les dispositions sus-rappelées du Code de commerce imposent encore à celui qui veut rompre, en l'espèce Comilog, des précautions dont il n'apparaît pas que l'intimée y ait manqué;
Attendu en effet qu'en annonçant le 8 septembre 2003 à la société Sea-Invest Boulogne qu'elle avait engagé un processus de consultation de son comité d'entreprise sur un projet de cessation d'activité et de fermeture de son usine de Boulogne-sur-Mer, à échéance au plus tard du 31 janvier 2004, la société Comilog France n'a pas rompu le contrat du 8 juillet 1999, mais a au contraire parfaitement respecté l'obligation d'information dont elle était débitrice envers la société Sea-Invest Boulogne,
- tant légalement, en vertu de l'article L. 432-1-2 du Code du travail,
- que contractuellement, s'agissant - même si aucune décision définitive ne pouvait être prise avant l'issue de la consultation du comité d'entreprise - d'un évènement majeur au sens de l'article 6 du contrat, pouvant conduire à la renégociation des tarifs unitaires;
Que cependant, partir de cet avis de fermeture, le contrat du 8 juillet 1999 restait parfaitement en vigueur, l'activité de la société Comilog France n'étant pas encore arrêtée, de telle sorte que le trafic maritime à destination ou au départ de Boulogne-sur-Mer devait se poursuivre, non seulement jusqu'à la cessation d'activité, pouvant intervenir au plus tard au 31 janvier 2004, mais également postérieurement à cette cessation d'activité, pour les expéditions maritimes des produits et matériaux demeurant en stocks;
Que sans être formellement et précisément contredite, Comilog avance que le trafic prévisionnel des quatre derniers mois de l'année 2003 représentait 280 000 tonnes environ, et que les stocks restant à évacuer du site courant 2004 étaient évalués à plus ou moins 150 000 tonnes;
Qu'au demeurant, les tonnages qui ont été confiés à Sea-Invest entre septembre et décembre 2003 ont été sensiblement inférieurs au chiffre annoncé, avec une chute du volume d'activité dès le mois de septembre 2003, et une réduction quasiment à néant au mois de décembre 2003 ; que cette baisse imprévue, loin de remettre en cause la sincérité de Comilog dans l'avis envoyé en septembre 2003, est le reflet d'événements largement relatés dans la presse et dont Sea-Invest porte sinon la faute, en tout cas la responsabilité partielle;
Qu'en effet, et comme les premiers juges l'ont énoncé clairement, la société Comilog France s'est trouvée contrainte d'arrêter la production de son usine dès le 26 novembre 2003, et non, comme cela était envisagé au début du mois de septembre 2003, à échéance de la fin janvier 2004 ; que le haut-fourneau a été affecté d'une panne (pièce n° 35) qui a conduit la société Comilog France à décider, par souci de sécurité pour le personnel et les installations dans un contexte de cessation d'activité programmée, de ne pas redémarrer l'installation industrielle ; que la production a donc été arrêtée deux mois plus tôt que prévu;
Qu'en outre, des mouvements sociaux (pièce n° 39) ont affecté l'usine, à la suite de l'annonce du projet de fermeture ; que les expéditions maritimes effectivement réalisées ont été de 62 000 tonnes, sur une période de 9 semaines (soit 6 900 tonnes par semaine) compte tenu des mouvements sociaux ayant affecté d'une part le personnel de la société Comilog France (pendant trois semaines et demi du 13 octobre au 8 novembre) et d'autre part le personnel de la société Sea-Invest Boulogne elle-même (pendant deux semaines et demi du 6 au 24 décembre);
Attendu que du tout, il résulte que la société Comilog France ne pouvait guère pratiquer autrement qu'elle l'a fait, dans des circonstances économiques et sociales aussi impérieuses qu'imprévues,
Que la preuve de ses "annonces trompeuses" et d'un "comportement déloyal à compter du début du mois de septembre 2003", et au-delà, celle de son intention secrète de ne pas poursuivre l'exécution du contrat l'unissant à la société Sea-Invest Boulogne tant à la fin de l'année 2003 qu'au cours du premier semestre 2004, ne sont nullement rapportées par Sea-Invest, au sens de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce, dont elle a choisi de faire le fondement de son action;
Attendu que Sea-Invest reproche encore à Comilog et présente comme une rupture implicite du contrat du 8 juillet 1999, le fait que la société Comilog France ait été dans l'obligation, à partir du mois de décembre 2003, de remplacer des expéditions par bateaux par des expéditions par camions;
Que Comilog s'en explique de manière probante ainsi qu'il suit:
- d'une part le contrat ne comportait aucune restriction à cet égard, ni, encore une fois, ne fixait des volumes ou des quantités proportionnelles minimum,
- d'autre part, ces expéditions sont la conséquence des mouvements sociaux affectant le personnel de la société Sea-Invest Boulogne et de leur décision de refuser d'effectuer toutes opérations de manutention sur le quai de la société Comilog France (appontement minéralier), pourtant seul utilisable pour les expéditions de fines et de poussiers, compte tenu des règles de respect de l'environnement;
Que Comilog indique aussi qu'une partie des expéditions qui n'ont pu être faites par voie maritime au départ de Boulogne l'ont été à partir de Dunkerque - après transports par camion de Boulogne jusqu'au Port de Dunkerque, les opérations de chargement de bateaux à Dunkerque ayant alors été effectuées par le groupe Sea-Invest, dont le préjudice serait donc totalement imaginaire;
Attendu que la société Comilog se devait enfin, aussi bons soient ses motifs, ainsi qu'il vient d'être dit par la cour, de procéder en des formes acceptables, en temps voulu, le tout s'appréciant selon le degré de dépendance économique de Sea-Invest par rapport à elle;
Que précisément, Sea-Invest Boulogne soutient que l'annonce par la société Comilog France de son projet de fermeture de l'usine de Boulogne-sur-Mer aurait été constitutive d'une rupture brutale du contrat du 8 juillet 1999, avec un préavis totalement insuffisant, sans que ne puisse être invoqué celui de trois mois prévu au contrat;
Que pourtant, la cour observe que la société Comilog France a permis à Sea-Invest de savoir presque dix mois avant la date d'expiration du contrat (30 juin 2004), que celui-ci ne serait pas renouvelé si le projet de cessation d'activité et de fermeture de l'usine était effectivement conduit à son terme, et que le volume d'activité qui lui serait confié allait se réduire peu à peu, de septembre 2003 à juin 2004;
Que cette façon de présenter un échéancier économiquement insurmontable, avec les explications appropriées et dès que les difficultés sont apparues, relève d'une suffisante transparence à l'égard de la société Sea-Invest Boulogne qui disposait, à partir du mois de septembre 2003, des informations et du temps nécessaires pour tirer les conséquences de l'évolution prévisible de l'activité de la société Comilog France;
Que comme l'ont énoncé les premiers juges, la société Comilog France a mené avec loyauté et professionnalisme, tant vis-à-vis de son personnel que du bassin d'emplois, son départ de Boulogne-sur-Mer et la société Sea-Invest Boulogne était nécessairement consciente de la situation, au moins au niveau de son groupe;
Qu'au demeurant, la situation du port de Boulogne, où les affrontements sociaux se succèdent au même rythme que les pertes de parts de marché au niveau européen et international, est largement connue, transparaît à nouveau dans les pièces de la présente procédure et ne pouvait constituer une surprise pour l'un des partenaires des opérations ici évoquées;
Attendu, s'agissant de l'argument largement invoqué par la société Sea-Invest Boulogne, selon lequel elle se serait trouvée dans un état de dépendance économique vis-à-vis de la société Comilog France, qui n'aurait fait que s'accentuer tout au long du contrat, et dont la société Comilog France lui devrait en quelque sorte réparation, cet état de dépendance économique procède de la décision ancienne de filialiser les activités port par pont, en sorte que la baisse d'activité dans l'un de ces ports condamne immédiatement la filiale locale;
Qu'à ce sujet, Comilog relève qu'avant cette filialisation, Sea-Invest France, n'était aucunement en situation de dépendance économique, puisqu'elle réalisait 1,25 % de son chiffre d'affaires avec la société Comilog France au cours de l'année 2000, et 1,64 % au cours de l'année 2001;
Attendu que du tout, il résulte que Comilog a agi au mieux en fonction des circonstances, en tout cas sans faute, ni contractuelle à l'égard de Sea-Invest, ni quasi-délictuelle à l'égard des salariés et de leurs apparences sociales ou associatives;
Que la confirmation de ce chef sera prononcée;
- Sur les droits douaniers
Attendu qu'à la période de naissance du litige, la Sea-Invest s'est vue notifier un avis de recouvrement des Douanes pour une importation de coke en provenance de Chine;
Qu'elle a actionné Comilog, consignataire et comme telle tenue solidairement de la dette à l'égard des Douanes;
Que Comilog a constitué une garantie bancaire, le 1.12.2003;
Que la demande de Sea-Invest à ce sujet, rejetée en première instance comme ayant reçu satisfaction, le sera encore par la cour pour la même raison;
Attendu que peu après, la société Comilog s'est vue notifier à son tour un redressement des Douanes, de sorte que Sea-Invest a pu se trouver inquiétée et a sollicité la garantie de Comilog;
Que cependant, à la suite d'un changement de législation, cette deuxième réclamation des Douanes a été annulée, appel pendant, en sorte que Comilog n'est plus poursuivie, que Sea-Invest ne le sera pas non plus et qu'il n'y a pas lieu à constituer une garantie ;
Que sur ce point, le jugement sera réformé;
- Sur les dommages et intérêts pour blocage de chargements au pont
Attendu que pour justifier de ce préjudice la société Comilog affirme que des marchandises ont été délaissées par les dockers dépendant de Sea-Invest, pour des raisons sociales;
Que dans ses écritures d'appel, destinées à contredire les premiers juges, Comilog se contente d'affirmer que Sea-Invest est fautive et ne peut se réfugier derrière une prétendue force majeure;
Attendu cependant que, comme énoncé dans le premier jugement, les mouvements sociaux qui ont conduit les salariés de la Fédération, ou de Boulogne-FT, affrétés par Sea-Invest, à ne plus procéder aux chargements demandés par Comilog sont bien "des conséquences directes, prévisibles et inévitables, du choc provoqué chez les salariés concernés";
Que Sea-Invest n'avait pas de moyens d'échapper à ces mouvements, ou de les surmonter par le recours à d'autres services, les dockers étant organisés pour que ne puisse jouer aucune concurrence de ce type;
Attendu que la société Comilog ne peut donc pas prospérer en sa demande;
- Sur le donné-acte du paiement de 10 586,14 euro
Attendu qu'il n'appartient pas aux juges de quelque degré que ce soit de constater les actes des parties mais uniquement d'ordonner ou d'interdire;
Qu'il ne sera pas fait droit à la demande de Comilog;
- Accessoires
Attendu que l'appelante, la Fédération et Boulogne-FT supporteront les dépens de première instance et d'appel;
Qu'au titre des frais exposés pour le présent appel et non compris dans les dépens, la partie condamnée aux dépens paiera à l'autre par application de l'article 700 NCPC la somme de 3 000 euro chacune, correspondant à une procédure anormalement prolongée par les parties et à des conclusions de Comilog particulièrement fouillées;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe, Ordonne le rabat de la clôture et rapporte cette mesure au jour de l'audience de la cour; Confirme le jugement rendu à Boulogne-sur-Mer le 28 septembre 2004 en ce qu'il a : - déclaré la Société Immobilière du Port de Boulogne, anciennement dénommée Sea-Invest Boulogne mal fondée en ses demandes pour rupture brutale de relations commerciales; - déclaré la Fédération Maritime du Port de commerce de Boulogne-sur-Mer et la société Boulogne Forest Terminal mal fondées en toutes leurs demandes; - rejeté la demande reconventionnelle de la société Comilog France en paiement de dommages et intérêts pour blocage fautif des chargements; - statué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance; Infirme le jugement entrepris sur la condamnation à garantie prononcée au titre des droits douaniers, deuxième redressement, et statuant à nouveau de ce chef déboute la Sea-Invest de ses prétentions; Déboute la société Comilog France de sa demande de donné-acte du versement de 10 586,14 euro, Condamne en outre la Société immobilière du Port de Boulogne, anciennement dénommée Sea-Invest Boulogne la Fédération Maritime du Port de commerce de Boulogne-sur-Mer et la société Boulogne Forest Terminal, en la personne des organes de sa sauvegarde en cours, à payer à la société Comilog France la somme de 3 000 euro chacune, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la Société immobilière du Port de Boulogne, anciennement dénommée Sea-Invest Boulogne la Fédération Maritime du Port de commerce de Boulogne-sur-Mer et la société Boulogne Forest Terminal en tous les dépens d'appel.