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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 7 juin 2007, n° 06-01898

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bro-Rodde (ès qual.), Planque

Défendeur :

Jacadi (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laporte

Conseillers :

MM. Fedou, Coupin

Avoués :

SCP Fievet-Lafon, SCP Jullien, Lecharny, Rol, Fertier

Avocats :

Mes Bernard, Binder

T. com. Nanterre, 7e ch., du 18 janv. 20…

18 janvier 2006

Faits et procédure :

Au mois de novembre 2000, Madame Emmanuelle Planque est entrée en relation avec la SA Jacadi, exploitant un réseau de franchise, afin de se porter candidate à la création d'un nouveau magasin Jacadi à Châteauroux.

Le 20 décembre 2000, Madame Planque a rencontré Monsieur Martin, directeur régional de la SA Jacadi, en compagnie duquel elle a visité divers locaux commerciaux, et notamment un fonds situé 35 place Gambetta à Châteauroux.

Par courrier en date du 2 janvier 2001, Monsieur Martin a validé la candidature de Madame Planque ainsi que le point de vente susvisé, dont l'ouverture a été prévue pour le 15 mars 2001; aux termes de ce courrier, la société Jacadi a établi une prévision de chiffre d'affaires pour les quatre premières années d'exploitation et a retenu un taux prévisible de 43 % de marge brute après solde.

Par correspondance du 5 février 2001, la société Jacadi a adressé à Madame Planque le document d'informations précontractuelles prévu par la loi Doubin, accompagné du projet de contrat de franchise ; le 7 mars 2001, elle a retourné à Madame Planque l'accusé de réception de ce document assorti de l'engagement de confidentialité que celle-ci avait dûment signé, ainsi que des pièces comptables concernant la société Jacadi et les liasses fiscales pour les exercices 1998 et 1999.

Le 13 mars 2001, Madame Planque a acquis le fonds de commerce sur lequel le choix s'était porté, ce au prix de 276 000 F (42 075,93 euro).

Par acte sous-seing privé du 4 avril 2001, la société Jacadi a concédé à Madame Planque un contrat de franchise, moyennant le paiement d'un droit d'entrée de 100 000 F (15 244,90 euro), ainsi qu'un engagement de reversement au franchiseur d'un pourcentage sur les ventes de 3 %.

Ne disposant pas de fonds propres suffisants pour faire face à l'ensemble des frais de création et d'installation de la franchise, Madame Planque a sollicité et obtenu des concours bancaires.

Dès les premiers mois d'exploitation en 2001, le chiffre d'affaires réalisé s'est révélé très inférieur au chiffre d'affaires prévisionnel; pour les exercices suivants en 2002 et 2003, cette tendance s'est confirmée, le chiffre d'affaires obtenu ayant été inférieur de moitié aux prévisions communiquées par le franchiseur.

Le 19 décembre 2003, la société Jacadi a proposé à son affiliée un avenant modificatif au contrat de franchise, prévoyant que leurs futures relations commerciales se poursuivraient dans le cadre d'un contrat de " vente en dépôt des stocks ", moyennant un commissionnement pour le dépositaire, et comportant un plan de remboursement de la dette sur vingt-quatre mois en principal, outre intérêts.

Par courrier recommandé du 10 février 2004, le conseil de Madame Planque, confirmant une précédente correspondance de cette dernière en date du 7 janvier 2004, a fait savoir à la société Jacadi que sa cliente ne pouvait accepter en l'état la proposition d'avenant qui lui avait été adressée.

C'est dans ces circonstances qu'estimant que son consentement avait été vicié et que la partie adverse avait manqué à l'obligation précontractuelle de renseignement prévue par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 et par le décret d'application du 4 avril 1991, Madame Emmanuelle Planque a, par acte du 6 mai 2004, assigné la SA Jacadi aux fins d'annulation du contrat de franchise, de restitution du droit d'entrée et de dommages-intérêts en remboursement de l'ensemble des dépenses engagées et pour manque à gagner.

La SA Jacadi a conclu au débouté de Madame Planque de ses prétentions, et, reconventionnellement, a sollicité la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 62 669,25 euro TTC, au titre de la livraison de marchandises et d'un arriéré de redevances.

Par décision du Tribunal de commerce de Châteauroux en date du 20 octobre 2004, Madame Emmanuelle Planque a été mise en liquidation judiciaire, et Maître Bro-Rodde a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Suivant jugement en date du 18 janvier 2006, le Tribunal de commerce de Nanterre a :

- prononcé l'annulation du contrat de franchise en date du 4 avril 2001

- condamné la société Jacadi à payer à Maître Bro-Rodde, en sa qualité de mandataire liquidateur de Madame Emmanuelle Planque, la somme de 15 245 euro HT, augmentée de la TVA, avec intérêts légaux à compter du 8 mai 2004;

- condamné la société Jacadi à payer à Maître Bro-Rodde, ès qualités, la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

- débouté les parties de leurs autres et plus amples demandes, et condamné la société Jacadi aux dépens.

Maître Marie-Josèphe Bro-Rodde, en sa qualité de mandataire liquidateur de Madame Emmanuelle Planque, a interjeté appel de cette décision.

Elle reproche à la société Jacadi, franchiseur, de n'avoir pas satisfait à ses obligations de conseil, de loyauté et de sincérité vis-à-vis de Madame Planque, future franchisée, en communiquant à cette dernière des prévisions de chiffres d'affaires à la fois erronées et impossibles à atteindre.

Elle relève que la simulation faite par la partie adverse aux termes de ses écritures confirme l'existence d'écarts considérables entre ses propres prévisions et les résultats négatifs obtenus par son affiliée tout au long de son exploitation.

Elle estime que la société intimée, qui avait à faire à un cocontractant profane en matière de franchise, ne pouvait s'abstenir de lui communiquer un compte prévisionnel d'exploitation, ou, à tout le moins, des informations complètes et sincères relatives à la création d'un point de vente Jacadi à Châteauroux.

Elle fait valoir qu'au mépris des dispositions légales sur l'obligation précontractuelle de renseignement, et en violation du principe de loyauté dans les contrats, la société Jacadi n'a pas davantage fourni à la candidate à la franchise une étude préalable de marché ainsi qu'un historique de la franchise "Jacadi" à Châteauroux, ce qui lui aurait permis de vérifier en connaissance de cause la faisabilité de l'opération en fonction des spécificités locales.

Elle soutient que, alors que l'implantation d'une nouvelle franchise impose au franchiseur de justifier de la transmission d'une expérience liée à un " savoir-faire ", Madame Planque n'a pas été mise en mesure de bénéficier d'une formation suffisante aux méthodes commerciales de son franchiseur, ni d'une transmission effective de son savoir-faire avant la conclusion du contrat de franchise litigieux.

Elle fait grief à la société intimée d'avoir manifesté un désintérêt certain pour sa nouvelle franchisée en ne lui assurant pas un suivi régulier de gestion, alors même qu'elle était parfaitement informée des faibles recettes réalisées par cette dernière, et qu'elle n'ignorait pas les difficultés financières auxquelles Madame Planque était confrontée depuis 2001.

Elle considère que le consentement de cette dernière a été vicié pour cause d'erreur voire de réticence dolosive, puisque la souscription du contrat de franchise, et les engagements financiers contractés dans le cadre de cette opération, ont été déterminés par des chiffres prévisionnels d'exploitation irréalistes, notoirement surévalués par rapport à la rentabilité de ce fonds de commerce.

Elle précise que l'abstention et la défaillance du franchiseur quant à la communication de certaines informations nécessaires n'ont pas mis la franchisée en mesure d'apprécier les qualités substantielles de ce sur quoi elle était censée s'engager, et elle objecte que, si elle avait eu connaissance des éléments défavorables afférents à ce commerce, Madame Planque n'aurait pas concrétisé sa candidature à la franchise.

Elle souligne que la partie adverse n'est pas fondée à revendiquer le paiement d'arriérés de frais de livraison ou de marchandises ou de redevances, alors qu'elle n'a pas mis son affiliée à même d'exploiter dans des conditions normales la franchise.

Elle ajoute qu'en limitant la condamnation de la société Jacadi au paiement à titre de dommages-intérêts de la somme de 15 245 euro HT, augmentée de la TVA, correspondant au droit d'entrée, le tribunal n'a pas tiré l'ensemble des conséquences de l'annulation du contrat de franchise, imposant que chacune des parties soit replacée dans la situation dans laquelle elle se trouvait antérieurement au contrat.

Aussi, tout en sollicitant la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de franchise, débouté la société Jacadi de sa demande reconventionnelle et condamné cette dernière au paiement de la somme de 15 245 euro HT au titre du droit d'entrée et d'une indemnité de procédure de 3 000 euro, Maître Bro-Rodde, ès qualités, demande à la cour de l'infirmer pour le surplus, et, statuant à nouveau, de condamner la société intimée à lui payer les sommes de :

- 30 101 euro, au titre des frais d'équipement et d'agencement du magasin;

- 50 119 euro, au titre des dépenses exposées liées à l'installation de la franchise (cession de fonds de commerce et droits, frais d'immatriculation et frais bancaires):

- 100 000 euro, au titre des pertes d'exploitation et du manque à gagner consécutif, représentant l'écart entre les résultats devant être obtenus en fonction des chiffres prévisionnels pour les exercices d'activité et la marge effectivement réalisée ;

Ce avec intérêts légaux à compter de l'assignation, et avec capitalisation des intérêts.

Elle conclut au débouté de la société Jacadi de toutes ses prétentions, et à la condamnation de cette dernière au paiement de la somme complémentaire de 3 000 euro au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.

La SA Jacadi réplique qu'elle a fourni à Madame Planque l'ensemble des informations légalement requises afin que cette dernière puisse s'engager en connaissance de cause.

Elle fait valoir qu'elle n'avait nullement l'obligation de remettre à l'intéressée un document écrit concernant le marché local, et elle soutient qu'il appartenait à celle-ci de procéder elle-même à une étude d'implantation précise.

Elle expose que, même si elle n'avait pas d'expérience commerciale antérieure, Madame Planque connaissait sa ville et les boutiques qui y étaient implantées, et elle précise que le franchiseur n'était pas légalement tenu de communiquer au candidat un historique de la franchise à Châteauroux, quand bien même l'implantation projetée concernerait une localisation dans laquelle d'autres franchisés ont déjà exploité un magasin.

Elle conteste que les difficultés rencontrées par le précédent franchisé aient été consécutives à la faute du franchiseur qui les aurait occultées à Madame Planque, et elle observe que, dans les faits, l'ouverture du magasin s'apparentait davantage à une reprise qu'à la création d'une nouvelle implantation, la franchisée ayant bénéficié d'un emplacement déjà éprouvé et à fort potentiel commercial.

Elle allègue que la remise d'un compte d'exploitation prévisionnel ou d'une prévision de chiffre d'affaires ne fait nullement partie des obligations à la charge du franchiseur dans le cadre du dispositif mis en place par la loi Doubin, et que l'évaluation communiquée par celui-ci a été donnée à titre indicatif.

Elle constate que, sur la base des montants de chiffre d'affaires réalisés à Châteauroux depuis 1991, le chiffre prévisionnel avancé par elle était particulièrement pertinent et prudent, d'autant que le secteur géographique d'implantation présentait une bonne commercialité.

Elle affirme que sa prévision d'une marge de 43 % n'avait rien de fantaisiste, dans la mesure où le taux de marge moyen atteint par Madame Planque au cours de ses trois premiers exercices, égal à 44,28 %, a été supérieur aux prévisions dont la société intimée fait état dans son courrier du 2 janvier 2001.

Elle souligne que, contrairement à ses allégations, l'intéressée a bénéficié d'une assistance et d'une formation sérieuses, tant avant qu'après l'ouverture de son point de vente, et qu'il lui incombait à elle seule de gérer et financer ses actions de communication locale.

Elle objecte que la non concrétisation des résultats initialement prévus et l'échec commercial de Madame Planque, loin d'être imputables au franchiseur, semblent trouver leur origine dans une combinaison d'événements conjoncturels et factuels totalement indépendants du contrat de franchise.

Elle considère que la demande d'annulation du contrat de franchise ne saurait prospérer, en l'absence de preuve que le consentement de l'affiliée aurait été vicié par la faute de la société intimée, compte tenu des moyens d'information dont cette dernière disposait par ailleurs en sa qualité de commerçante indépendante.

Elle stigmatise le caractère exorbitant des réclamations présentées par la partie adverse, lesquelles ne sont justifiées ni par la preuve d'un comportement fautif du franchiseur, ni par la démonstration du lien de causalité entre ce prétendu comportement fautif et le préjudice dont Madame Planque est seule à l'origine.

Elle ajoute que sa demande reconventionnelle, afférente à des livraisons de marchandises restées impayées et à des redevances arriérées, doit être accueillie dans son intégralité, sans que l'annulation éventuelle du contrat puisse l'empêcher d'obtenir le règlement de sommes incontestablement dues.

Se portant incidemment appelante du jugement déféré, la société Jacadi demande à la cour de le réformer en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, de débouter Maître Bro-Rodde, ès qualités, de l'ensemble de ses réclamations, et de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de Madame Planque à la somme de 62 669,25 euro TTC en principal.

Elle réclame en outre la somme de 7 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2007.

Motifs de la décision :

Sur la demande principale d'annulation du contrat de franchise et de dommages-intérêts :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du contrat de franchise signé le 4 avril 2001, la société Jacadi a concédé à Madame Planque le droit intuitu personae et non transmissible d'utiliser la marque "Jacadi" et les signes distinctifs associés, pour exploiter un magasin sous l'enseigne "Jacadi" distribuant exclusivement les produits des gammes Jacadi ou les produits agréés par Jacadi;

Considérant qu'il est constant que ce contrat, qui comporte un engagement d'exclusivité pour l'exercice de l'activité du franchisé, est soumis aux dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, en vertu duquel le franchiseur est tenu, "préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause";

Considérant que l'article L. 330-3 précise que:

"Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités";

Considérant qu'en l'occurrence, le document d'informations précontractuelles adressé par courrier du 5 février 2001 à Madame Planque renseigne le franchisé notamment sur l'identité et l'évolution de l'entreprise du franchiseur, sur les activités déployées par ce dernier en faveur du réseau à l'enseigne " Jacadi ", et sur les chiffres-clés du secteur de l'habillement pour enfants;

Considérant que ce document mentionne également les diverses modifications des relations contractuelles intervenues au cours de l'année 1998 jusqu'en mai 1999 entre le franchiseur et des franchisés du réseau, ainsi que les ouvertures de points de vente au cours de la même période, et il contient des informations d'ordre juridique et financier sur le contrat proposé au franchisé;

Considérant que, dès lors, ainsi que l'a retenu le tribunal, la société Jacadi s'est conformée aux dispositions issues de la loi Doubin (article L. 330-3 susvisé) et du décret du 4 avril 1991 en fournissant à Madame Planque les éléments précontractuels d'information légalement exigés et se rapportant à la présentation du Groupe Jacadi et du réseau d'exploitants le constituant;

Considérant que Maître Bro-Rodde, prise en sa qualité de mandataire liquidateur de Madame Planque, fait grief à la société Jacadi de s'être, au mépris de ces mêmes dispositions et en violation du principe de loyauté dans les contrats, abstenue de fournir à la candidate à la franchise une étude préalable de marché, un historique de la franchise Jacadi à Châteauroux et un compte prévisionnel d'exploitation, ou, à tout le moins, des informations complètes et sincères concernant la création d'un point de vente Jacadi à Châteauroux, seuls de nature à lui permettre de vérifier en connaissance de cause la faisabilité de l'opération en fonction des spécificités locales ;

Mais considérant qu'il est admis que l'article L. 330-3 du Code de commerce ne met pas à la charge du franchiseur une étude du marché local, et qu'il appartient au franchisé de procéder lui-même à une analyse précise d'implantation lui permettant d'apprécier le potentiel du fonds de commerce dont il envisage l'exploitation;

Considérant qu'au demeurant, il n'est pas sérieusement contesté que Madame Planque, si elle n'avait pas la moindre expérience d'une activité commerciale antérieure, avait pu prendre connaissance de ce marché local au cours des rencontres organisées entre les parties durant la période de quatre mois ayant précédé la signature du contrat de franchise;

Considérant qu'au surplus, l'intéressée n'ignorait pas qu'il existait déjà auparavant une franchise Jacadi à Châteauroux, située à environ une centaine de mètres du fonds de commerce choisi par elle, et ayant poursuivi son activité jusque dans le courant de l'année 2000;

Considérant que cette situation n'avait nullement été dissimulée par la société intimée, laquelle, dans son écrit daté du 2 janvier 2001, avait précisé que sa projection de chiffre d'affaires prévisionnel tenait compte, d'une part des chiffres d'affaires déjà réalisés à Châteauroux par Jacadi, d'autre part de la commercialité du local;

Considérant qu'aux termes de ce document, la société Jacadi a estimé le chiffre d'affaires prévisionnel à 1 350 000 F (205 806,17 euro) pour la première année d'exploitation, à 1 400 000 F (213 428,62 euro) pour la deuxième année, à 1 450 000 F (221 051,07 euro) pour la troisième année et à 1 500 000 F (228 673,53 euro) pour la quatrième année;

Considérant que ces projections chiffrées n'ont alors pas été combattues par Madame Planque, laquelle n'a, pour sa part, établi aucun compte d'exploitation prévisionnel de nature à lui permettre d'analyser, avec l'assistance d'un expert-comptable, la faisabilité et la rentabilité économique de son projet;

Considérant qu'elles ne peuvent être qualifiées de non sérieuses ni pertinentes, puisqu'elles correspondent aux chiffres d'affaires réalisés par le magasin Jacadi de Châteauroux depuis 1991, sans qu'il puisse être valablement excipé des résultats sensiblement inférieurs obtenus en 1999 et 2000 par ce fonds de commerce, celui-ci ayant dû être fermé durant plusieurs mois par suite de travaux et de problèmes de santé du précédent gérant;

Considérant que la circonstance que Madame Planque ait, au cours de ses deux premières années d'activité, atteint seulement l'équivalent de 50 % du chiffre d'affaires prévisionnel qui lui avait été annoncé par le franchiseur ne peut suffire à engager la responsabilité de ce dernier, lequel n'est pas tenu par une obligation de résultat dans l'établissement des prévisions d'activité de sa franchisée;

Considérant que ces projections d'activité, à les supposer particulièrement optimistes, ne peuvent davantage s'analyser en un manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'informations sincères et loyales, dans la mesure où elles sont en rapport avec le chiffre d'affaires moyen atteint en 2001 par les magasins Jacadi situés dans le Sud-Ouest de la France et ayant une superficie de 50 m2, voisine de celle de la boutique exploitée à Châteauroux par Madame Planque;

Considérant que, de surcroit, il ne peut être sérieusement reproché à la société intimée de n'avoir pas tenu compte, pour l'établissement de ses estimations chiffrées, de la situation concurrentielle nouvelle engendrée par la création, postérieurement à la signature du contrat de franchise, de plusieurs boutiques pour enfants dans le centre ville et dans la périphérie immédiate;

Considérant que, ne revêt pas davantage un caractère erroné la référence par le franchiseur, dans son courrier du 2 janvier 2001, à une marge brute prévisible après soldes de 43 %, alors que la marge commerciale se calcule sur un chiffre d'affaires hors taxes, et alors que le tableau des soldes intermédiaires de gestion se rapportant à l'exploitation de Madame Planque fait ressortir un taux de marge moyen, sur les exercices 2001, 2002 et 2003, d'environ 44 %, donc supérieur à la prévision visée dans cet écrit;

Considérant que, par ailleurs, le contrat de franchise signé par les parties le 4 avril 2001 stipule que, préalablement à l'ouverture du point de vente, la société Jacadi a permis à Madame Planque de prendre connaissance du réseau, "notamment grâce à la possibilité offerte au franchisé de visiter un magasin-pilote ou tout magasin de son souhait...", et que le franchisé a donc été mis en mesure de constater la réalité du savoir-faire du franchiseur, dont il reconnaît l'originalité";

Considérant qu'à cet égard, il s'infère d'un document intitulé "Planning de formation" que l'intéressée a, conformément aux énonciations du contrat de franchise, bénéficié d'une semaine de formation dans un établissement-pilote de Bordeaux, au cours de laquelle elle a pu être initiée aux techniques de vente, de marchandising et de flux de marchandises, ainsi qu'à la gestion de la caisse et à la gestion administrative d'un magasin;

Considérant qu'au surplus, il résulte d'une attestation établie par la responsable du point de vente d'Orléans, non démentie par des éléments de preuve contraires, qu'une formation d'implantation et de gestion informatique, une formation aux retours saison Eté 2001, une formation d'inventaire, ainsi que des visites sur place, ont été organisées en vue d'assurer à la nouvelle franchisée l'assistance commerciale et technique qui devait être mise à sa disposition après qu'elle eut commencé son exploitation;

Considérant qu'il s'ensuit que la société Jacadi, qui justifie avoir communiqué un compte prévisionnel d'exploitation sincère et loyal, et avoir satisfait à son obligation d'assistance et de formation tant avant qu'après l'ouverture du point de vente, n'a pas manqué à son obligation d'information précontractuelle, telle qu'édictée par l'article L. 330-3 du Code de commerce et le décret du 4 avril 1991 et rappelée par le contrat de franchise liant les parties;

Considérant que, dès lors, Maître Bro-Rodde, ès qualités, n'est pas fondée à se prévaloir d'une prétendue inexécution par la société Jacadi de son obligation légale d'information et de conseil, de nature à avoir vicié le consentement de Madame Planque pour erreur, voire pour réticence dolosive;

Considérant qu'il y a donc lieu, en infirmant le jugement déféré, de débouter l'appelante de ses demandes d'annulation du contrat de franchise et de restitution du droit d'entrée;

Considérant que cette dernière ne peut qu'être également déboutée de ses demandes de dommages-intérêts découlant de ladite annulation.

Sur la demande reconventionnelle de la société Jacadi :

Considérant que la société Jacadi sollicite le versement de la somme globale de 62 669,25 euro TTC, au titre de livraisons de marchandises et de redevances arriérées, selon justificatif de solde arrêté au 11 octobre 2004;

Considérant qu'il n'est pas contredit par la partie appelante que cette réclamation correspond à des marchandises effectivement livrées à Madame Planque et non réglées, ainsi qu'à un reliquat de redevances impayées;

Considérant que, dans la mesure où la demande d'annulation du contrat de franchise a été écartée, il convient d'accueillir dans son intégralité la réclamation de la société intimée, et, en infirmant également de ce chef le jugement entrepris, de fixer la créance de cette dernière, régulièrement déclarée le 25 novembre 2004 auprès du mandataire liquidateur, à la somme principale de 62 669,25 euro TTC.

Sur les demandes annexes

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Jacadi une indemnité égale à 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Considérant qu'il n'est cependant pas inéquitable que Maître Bro-Rodde, ès qualités, conserve la charge des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente instance;

Considérant qu'il y a donc lieu, en infirmant la décision de première instance, de débouter l'appelante de sa demande d'indemnité de procédure;

Considérant que les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge de Maître Bro-Rodde, prise en sa qualité de mandataire liquidateur de Madame Planque.

Par ces motifs, Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort; Déclare recevable l'appel interjeté par Maître Bro-Rodde, prise en sa qualité de mandataire liquidateur de Madame Emmanuelle Planque, le dit mal fondé; Déclare bien fondé l'appel incident de la société Jacadi; Infirme partiellement le jugement déféré, et statuant à nouveau : Deboute Maître Bro-Rodde, ès qualités, de ses demandes d'annulation du contrat de franchise, de dommages-intérêts et d'indemnité de procédure; Fixe la créance de la SA Jacadi au passif de la liquidation judiciaire de Madame Emmanuelle Planque à la somme de 62 669,25 euro TTC; Condamne Maître Bro-Rodde, ès qualités, à payer à la SA Jacadi la somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne Maître Bro-Rodde, ès qualités, aux entiers dépens de première instance et d'appel, et Autorise la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, société d'avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.