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Décisions

CA Versailles, 17e ch. soc., 5 février 2004, n° 03-00213

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vasilescu

Défendeur :

FSP France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Limoujoux

Conseillers :

Mmes Minini, Deroubaix

Avocats :

Mes de Balmann, Negro-Duval

Cons. prud'h. Nanterre, sect. encadr., d…

7 octobre 2002

Relation des faits et de la procédure

La société FSP France, dont le siège est à Sarreguemines, commercialise des produits de filtration hydraulique mobile (filtres à huile) fabriqués en Allemagne par la société Argo Gmbh, des composants hydrauliques de contrôle et de régulation des fluides, produits en République tchèque par la société Hytos ainsi que des compteurs de particules huile, produits par la société Arti aux USA.

La société FSP France, dont le gérant est M. Christian Kienzle, est détenue par la société FSP Holding qui contrôle Argo Gmbh, Hytos AG et Arti.

M. Vasilescu a été engagé par la société FSP France, anciennement dénommée Argo, par contrat écrit à durée indéterminée en date du 21 mai 1984, à compter du 1er septembre 1984, en qualité de Directeur Commercial à Paris ou en région parisienne.

Un avenant au contrat signé par les parties le 30 mai 1996 a modifié la rémunération de M. Vasilescu.

Le 21 octobre 2000, M. Vasilescu notifiait à M. Kienzle la rupture de son contrat de travail en imputant l'entière responsabilité à l'employeur.

C'est dans ces conditions que M. Dan Vasilescu saisissait le Conseil des prud'hommes de Nanterre aux fins d'obtenir la condamnation de la société FSP France à lui payer les sommes de :

- 100 791 euro à titre de rappel de commissions,

- 21 624,81 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 162,48 euro à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,

- 33 231,45 euro à titre d'indemnité de licenciement,

- 86 499,26 euro à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 60 979,61 euro au titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- 259 497,78 euro au titre d'indemnité de clientèle,

- 86 449,27 euro au titre de retour sur échantillonnage,

- 115 332,36 euro en contrepartie de la clause de non-concurrence,

- 6 100 euro à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement de départage en date du 7 octobre 2002 le conseil des prud'hommes a débouté M. Vasilescu de ses demandes et l'a condamné à payer à la société FSP France la somme de 16 388,27 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

M. Vasilescu a régulièrement interjeté appel de cette décision.

L'appelant fait valoir, que la décision entreprise, a fait une inexacte appréciation des faits de la cause et du droit applicable.

Il soutient que la rupture de son contrat de travail constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il prétend que la société FSP France est responsable d'une modification unilatérale et de violation de son contrat de travail d'une part et du non-paiement des commissions dues d'autre part, et que dès lors sa prise d'acte de rupture du contrat de travail doit s'analyser en un licenciement abusif avec toutes les conséquences de droit que cela comporte. Il ajoute que l'avenant du 30 mai 1996, n'a pas remis en cause son droit à commission pour les affaires initiées par lui en France pour le compte de FSP Allemagne instauré par la note Argo Gmbh du 13 décembre 1984.

Il demande donc à la cour de:

- infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,

- décharger M. Vasilescu des condamnations prononcées contre lui en ce qui concerne le versement à FSP SARL de l'indemnité de préavis,

- constater, dire et juger que la société FSP a manqué à ses obligations contractuelles en ne versant pas à M. Vasilescu les commissions auxquelles il pouvait prétendre au titre des affaires directes réalisées en France par FSP Gmbh,

- condamner la société FSP à payer à M. Vasilescu le rappel de salaire de 95 017 euro bruts, outre 9 501,70 euro bruts au titre des congés payés y afférant, au titre des commissions, le tout portant intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes de Nanterre,

- constater que M. Vasilescu a effectué de nombreuses heures supplémentaires que son employeur ne lui a jamais payées,

- condamner la société FSP à payer à M. Vasilescu la somme totale de 122 453,01 euro bruts au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs, outre 12 245,30 euro bruts au titre des congés payés y afférant, le tout portant intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes de Nanterre,

- fixer la moyenne mensuelle de salaire de M. Vasilescu à la somme de 8 516 euro bruts,

- condamner la société FSP à payer à M. Vasilescu au titre de dommages-intérêts pour non-paiement des heures supplémentaires, la somme de 34 064 euro,

- condamner la société FSP à payer à M. Vasilescu la somme de 51 096 euro au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 324-11-1 du Code du travail,

- dire que la rupture du contrat de travail de M. Vasilescu est imputable à la société FSP et doit être qualifiée de licenciement abusif et dépourvue de toute cause réelle et sérieuse,

En conséquence:

- condamner la société FSP à payer à M. Vasilescu, au titre de l'indemnité de préavis une somme de 25 548 euro bruts, outre 2 554,80 euro au titre des congés payés y afférant, portant intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes de Nanterre,

- condamner la société FSP à payer à M. Vasilescu au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement une somme de 39 504 euro portant intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes de Nanterre,

- condamner la société FSP à payer à M. Vasilescu au titre de dommages-intérêts pour paiement tardif des commissions, des congés payés, de l'indemnité compensatrice de congés payés et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 30 000 euro,

- condamner la société FSP à payer à M. Vasilescu les sommes de:

* 161 448 euro à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail,

* 40 362 euro à titre de dommages-intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions particulièrement vexatoires,

- condamner la société FSP à rembourser à l'ASSEDIC les allocations chômage perçues par M. Vasilescu dans la limite de 6 mois de prestations,

- dire et juger que toutes les condamnations pécuniaires qui seront prononcées contre la société FSP par la cour de céans porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes de Nanterre,

- dire et juger que toutes les condamnations pécuniaires qui seront prononcées par la cour de céans seront soumises à astreinte définitive de 150 euro par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société FSP à remettre à M. Vasilescu une attestation ASSEDIC dûment modifiée selon l'arrêt à intervenir, sous astreinte définitive de 100 euro par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification de la décision à intervenir,

- condamner la société FSP à payer au concluant la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- constater en outre que la dénonciation par la société FSP de la clause de non-concurrence est tardive,

- condamner en conséquence la FSP à payer à M. Vasilescu la somme de 87 026 euro bruts, outre 8 702,60 euro.

La société FSP France demande la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de M. Vasilescu à lui payer la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi, LA COUR,

Sur la rupture du contrat de travail:

Considérant que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission;

Considérant qu'en l'espèce M. Vasilescu a par lettre du 21 octobre 2000, notifié son départ en formulant des griefs à l'encontre de son employeur;

Considérant que le salarié soutient que le gérant de la société FSP en embauchant dans un premier temps M. Laith en qualité de Directeur des ventes, puis en recrutant un responsable du développement et d'expansion en la personne de M. Ledig à qui il confiait très officiellement les attributions et les moyens nécessaires à la direction commerciale effective de l'entreprise, confirmait que la direction commerciale de l'entreprise lui échappait définitivement, qu'en conséquence il lui était impossible de continuer son travail;

Considérant cependant que le recrutement en 1996 de M. Laith chargé de renforcer l'activité commerciale, n'a aucunement eu pour effet de réduire les responsabilités ni la fonction de M. Vasilescu;

Considérant en effet qu'il résulte des pièces versées aux débats que M. Laith était exclusivement chargé de l'activité de terrain ; que M. Vasilescu ne saurait sérieusement prétendre que l'embauche de M. Laith en 1996 est la première confirmation patente pour FSP du fait que la fonction du directeur commercial ne resterait "qu'une coquille vide" alors qu'il était chargé officiellement de coordonner les activités commerciales de la société et donc l'activité de M. Laith;

Considérant qu'en ce qui concerne le recrutement de M. Ledig, force est de constater que ce dernier a été recruté à compter du 27 novembre 2000 suite au contrat signé le 6 novembre 2000 alors que M. Vasilescu avait déjà quitté l'entreprise;

Considérant qu'au surplus si le 27 avril 2000 M. Vasilescu apprenait du gérant de la société FSP qu'il cherchait un président pour la société ainsi qu'un remplaçant à M. Laith qui avait quitté l'entreprise, outre le fait que ces décisions relèvent du pouvoir de direction du chef d'entreprise, M. Vasilescu ne justifie pas en quoi cela l'aurait privé de ses attributions de directeur commercial, que l'analyse des attributions confiées à M. Ledig aux termes de son contrat de travail ne saurait être retenue dès lors que ce contrat a été conclu postérieurement au départ du salarié laissant donc son poste de directeur commercial vacant ; que dès lors ces faits ne sauraient justifier la rupture du contrat du fait de l'employeur;

Considérant que M. Vasilescu soutient que la société FSP France aurait violé les dispositions de son contrat de travail en ne lui payant pas des commissions, qu'il précise que l'avenant au contrat de travail signé par les parties le 30 mai 1996, n'aurait eu pour objet que de modifier le contrat original du 21 mai 1984 et son avenant du même jour, sans remettre en cause le droit à commission sur le chiffre d'affaires réalisé directement en France par la société Argo Gmbh fixé par la note interne du 13 décembre 1984;

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment du contrat du 21 mai 1984, de l'avenant du même jour ainsi que de la note interne du 13 décembre 1984 que M. Vasilescu a perçu jusqu'en 1995 la rémunération suivante :

- fixe de 220 000 F brut selon contrat du 21 mai 1984,

- commission de 2 % pour les premiers 360 000 F de chiffre d'affaires réalisés par FSP SARL selon contrat complémentaire du 21 mai 1984 et note interne du 13 décembre 1984,

- commission de 3 % sur chiffre d'affaires de FSP au delà de 360 000 F et jusqu'à 4,5 millions de chiffre d'affaires selon contrat complémentaire du 21 mai 1984 et note interne du 13 décembre 1984,

- commission de 3 % du chiffre d'affaires réalisé directement en France par Argo Gmbh selon note interne du 13 décembre 1984;

Considérant que selon avenant du 30 mai 1996 les parties ont arrêté les dispositions ci-dessous :

"A partir du 1er janvier 1996 M. Vasilescu percevra un salaire fixe de 430 000 FF,

- les dispositions relatives aux commissions sont modifiées en ce sens que M. Vasilescu percevra des commissions au taux de 1,5 % dès que le chiffre d'affaires de FSP France à retenir pour le calcul des commissions atteindra un montant de 7 200 000 FF,

- si le chiffre d'affaires excède un montant de 10 millions de FF, le taux des commissions fera l'objet de nouvelles négociations",

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats et des courriers échangés par les parties, que le montant du salaire fixe de 430 000 F avait été déterminé en additionnant le précédent salaire fixé de 220 000 F et le montant des commissions perçues par M. Vasilescu au titre de l'année 1995, soit 210 000 F, que ces commissions comprenaient l'ensemble des commissions calculées sur le chiffre d'affaires réalisées en France, directement et indirectement;

Considérant qu'il s'ensuit que l'avenant du 30 mai 1996 a donc explicitement prévu la modification globale du mode de rémunération de M. Vasilescu; que dès lors c'est par une juste appréciation des faits et éléments contractuels, que les premiers juges ont déclaré que cet avenant a modifié le principe intégral du droit à commission;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société FSP France n'a jamais atteint le chiffre d'affaires de 7 200 000 FF, que dès lors M. Vasilescu ne pouvait prétendre au paiement d'aucune commission et ne peut se prévaloir de leur non-paiement par la société FSP France pour justifier son départ, ni en imputer la responsabilité à son employeur;

Considérant enfin que M. Vasilescu ne rapporte pas la preuve, qu'une partie des marchés qu'il a obtenu, ventes directes de FSP Gmbh aurait été détournée par FSP France ; que la clause prévoyant le paiement des commissions au salarié est, contrairement à ce qu'il soutient, parfaitement licite dans la mesure où elle est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur;

Considérant en conséquence que M. Vasilescu n'est pas fondé à faire supporter à son employeur la responsabilité de la rupture de son contrat de travail, que sa lettre de rupture du 21 octobre 2000 produit donc les effets d'une démission; qu'il sera dès lors débouté de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de dommages-intérêts pour rupture vexatoire dans la mesure où la cour n'a retenu aucune responsabilité de l'employeur dans la décision prise par M. Vasilescu de mettre fin à son contrat de travail;

Sur les heures supplémentaires :

Considérant qu'aux termes de l'article 212-1-1 du Code du travail en cas de litige relatif au nombre d'heures effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Considérant que M. Vasilescu ayant formulé sa demande au titre des heures supplémentaires qu'en 2003, la demande est irrecevable comme prescrite, ainsi que le soutient la société FSP France pour toute demande antérieure à 1999;

Considérant que M. Vasilescu prétend avoir effectué 10 heures supplémentaires par semaine, qu'il réclame donc pour l'année 1999 la somme de 165 596,24 F et pour l'année 2000 la somme de 140 852,20 F;

Considérant que les dispositions de l'article 212-1-1 du Code du travail ne dispensent aucunement le salarié de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, et notamment les heures supplémentaires réclamées, qu'en l'espèce, les sommes réclamées à ce titre ne sont nullement justifiées, qu'aucun décompte précis n'est fourni, le salarié se contentant d'affirmer de façon péremptoire avoir effectué 10 heures supplémentaires par semaine pendant toute l'année ;

Considérant qu'il résulte d'une lettre en date du 19 novembre 1999, écrite par M. Vasilescu qu'il existait dans l'entreprise un horaire collectif hebdomadaire de 39 heures ; qu'il précisait en effet que "les heures d'ouverture de notre bureau sont du lundi au jeudi de 9 h à 18 h le vendredi jusqu'à 17 h" ; que dans ce même courrier le salarié reconnaissait qu'à plusieurs reprises M. Kienzle s'était étonné de ne pouvoir le joindre au bureau aux heures d'ouverture...";

Considérant dès lors que la demande ne peut prospérer, et que M. Vasilescu sera débouté de sa demande de rappel d'heures supplémentaires et repos compensateurs au titre de la période non prescrite, des dommages-intérêts pour non-paiement et d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé;

Sur la contrepartie à la clause de non-concurrence:

Considérant que M. Vasilescu soutient que la société FSP France a renoncé tardivement à la clause de non-concurrence prévue par le contrat de travail et réclame le paiement d'une somme de 87 026 euro outre 8 702,60 euro de congés payés à titre de contrepartie;

Considérant que la société FSP France a renoncé à l'application de la clause de non-concurrence le 20 novembre 2000, soit donc dans le mois de la rupture du contrat de travail ; que dès lors cette dénonciation en l'absence de délai fixé par le contrat n'est pas tardive ; qu'en conséquence M. Vasilescu sera débouté des demandes présentées de ce chef;

Sur les autres demandes:

Considérant que compte tenu de la solution apportée au présent litige, les demandes de délivrance d'une attestation ASSEDIC modifiée sous astreinte devient sans objet;

Sur la demande reconventionnelle:

Considérant que le conseil de prud'hommes a, à juste titre, retenu que le contrat de travail ayant été rompu à l'initiative de M. Vasilescu, celui-ci devait à la société FSP France l'indemnité compensatrice de préavis correspondant à 3 mois de salaire fixe par application de l'article 11 du contrat de travail;

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:

Considérant que les conditions d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ne sont réunies par aucune des parties;

Par ces motifs:

La COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; Y ajoutant : Déboute M. Vasilescu de l'ensemble de ses demandes; Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile par aucune des parties; Condamne M. Vasilescu aux entiers dépens.