Livv
Décisions

CCE, 18 août 2006, n° M.3848

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Sea-Invest/EMO-EKOM

CCE n° M.3848

18 août 2006

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57, vu le règlement (CE) n° 139-2004 du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (1), et notamment son article 8, paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 31 mars 2006 d'engager la procédure dans la présente affaire, vu la décision de la Commission du 3 mai 2006 d'étendre la procédure, après consultation du comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises (2), vu le rapport final du conseiller-auditeur dans la présente affaire (3), Considérant ce qui suit:

(1) Le 24 février 2006, la Commission a reçu notification, conformément à l'article 4 du règlement (CE) n° 139-2004 ("le règlement sur les concentrations"), d'un projet de concentration par lequel l'entreprise Sea-Invest NV ("Sea-Invest", Belgique) acquiert, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, le contrôle en commun des entreprises Europees Massagoed- Overslagbedrijf BV et Erts- en Kolen Overslagbedrijf BV ("EMO-EKOM", Pays-Bas) par achat d'actions. À l'issue de l'opération de concentration, EMO-EKOM sera placée sous le contrôle conjoint de Sea-Invest, ThyssenKrupp Veerhaven BV ("TKV", Pays-Bas), H.E.S. Beheer NV ("HES", Pays-Bas) et Manufrance BV ("Manufrance", Pays-Bas).

(2) Par décision du 31 mars 2006, la Commission a conclu que l'opération notifiée soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE. Elle a donc engagé la procédure prévue par l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.

I. LES PARTIES

(3) Sea-Invest est une société privée belge qui fournit des services de manutention (4) dans plusieurs ports de Belgique, de France, d'Allemagne et d'Afrique du Sud. Son activité principale est la manutention de vrac sec et autre fret non conteneurisé. Sea-Invest détient une participation de contrôle de [...] %* (5) dans Antwerp Bulk Terminal ("ABT") à Anvers, qui fournit des services de manutention pour le charbon, le minerai de fer et d'autres vracs secs. Sea-Invest contrôle également la société Sea-Rail NV, qui achemine par voie ferroviaire les minerais du terminal ABT d'Anvers vers le site industriel du client, ainsi que Ghent Coal Terminal ("GCT"), le terminal de la Compagnie maritime belge ("GMB") à Gand et le terminal Sea-Bulk de Dunkerque, qui fournissent des services de manutention de vrac sec. En outre, Sea-Invest possède la société Kleimar SA, qui exploite une flotte d'une trentaine de vraquiers de haute mer.

(4) La société cible EMO-EKOM fournit des services de manutention pour le charbon et le minerai de fer dans le port de Rotterdam. Ses activités comprennent notamment des services de chargement, le déchargement et d'entreposage ainsi que des services de traitement spécifiques client, tels que le lavage, le criblage, le concassage et le mélangeage. EMO exploite le terminal, tandis qu'EKOM est le propriétaire des installations (6). Les actionnaires actuels (directs ou indirects) d'EMO-EKOM sont TKV, RAG Logistic GmbH ("RAG") (qui cède sa participation à Sea-Invest), HES et Manufrance.

(5) TKV est le transitaire de ThyssenKrupp Steel pour les ports d'Amsterdam, de Rotterdam et d'Anvers. Il assure des services de remorqueurs et de barges sur le Rhin jusqu'aux hauts fourneaux du groupe sidérurgique, à Duisburg. TKV exploite également le terminal EECV de Rotterdam, qui manutentionne le charbon et le minerai de fer. Les capacités d'EECV sont entièrement dédiées au groupe ThyssenKrupp.

(6) Outre sa participation dans EMO-EKOM, la société néerlandaise HES détient des intérêts dans plusieurs entreprises de manutention de vrac sec dans les ports de Rotterdam, d'Amsterdam et de Zélande. Sa filiale à 100 %, European Bulk Services BV ("EBS"), manutentionne du charbon, du minerai de fer et d'autres vracs secs dans le port de Rotterdam. HES possède également des intérêts dans la société Rotterdam Bulk Terminal BV ("RBT"), qui manutentionne du charbon, du minerai de fer et d'autres vracs secs dans le port de Rotterdam, dans OBA Group BV ("OBA"), qui manutentionne du charbon et d'autres vracs secs dans le port d'Amsterdam (7) et la société Overslagbedrijf Terneuzen BV ("OVET"), qui manutentionne du charbon, du minerai de fer et d'autres vracs secs dans les ports de Zélande (8). Les parts que HES détient dans RBT (45 %) et OBA (50 %) lui confèrent le contrôle en commun de ces deux entreprises, tandis que sa participation dans OVET (33,3 %) n'est pas une participation de contrôle.

(7) Manufrance détient, en plus de sa participation dans EMO-EKOM, des intérêts majoritaires de 66,6 % dans OVET et (indirectement via OVET) de 50 % dans OBA. Manufrance est une filiale d'ATIC Services, entreprise commune créée par le groupe Total, le groupe EDF et le groupe Arcelor (9). ATIC Services possède des intérêts dans des sociétés qui exercent des activités de négoce du charbon, de logistique du transport en navigation intérieure, de transport maritime et de contrôle de la qualité des cargaisons de charbon et de minerai de fer.

II. LA CONCENTRATION

(8) Sea-Invest envisage d'acquérir la participation de 50 % que détient actuellement RAG dans la société holding Transport- en Handelsmaatschappij Steenkolen Utrecht BV ("SNV"). SNV, à son tour, est l'une des trois sociétés mères d'EMO-EKOM. À l'heure actuelle, le capital d'EMO-EKOM (c'est-à-dire d'EMO et d'EKOM) est réparti comme suit: SNV - [...]* %, HES - [...]* %, Manufrance - [...]* % (10). Au conseil de surveillance d'EMO-EKOM, qui définit les orientations stratégiques, SNV dispose de [....]*, tandis qu'HES et Manufrance détiennent chacune [...]* (11). Les décisions du conseil de surveillance requièrent une majorité d'au moins [...]* voix sur [...]* (12). Les administrateurs d'EMO-EKOM sont désignés à l'unanimité (13). Suite à une modification du pacte d'actionnaires en 1993, certaines décisions importantes telles que des décisions d'investissement ou de prêt à partir d'un certain seuil, ou les décisions touchant au plan d'exploitation, requièrent une majorité de [...]* voix sur [...]* (14). Le plan d'exploitation annuel inclut le budget annuel et la stratégie à long terme de l'entreprise. SNV, HES et Manufrance sont donc chacune en mesure de bloquer ces décisions stratégiques, autrement dit, elles exercent le contrôle en commun d'EMO-EKOM.

(9) SNV (une société holding dont le seul objet est de détenir des parts dans EMOEKOM) sera contrôlée conjointement par Sea-Invest et TKV, qui détient les 50 % restants du capital de SNV. Conformément aux statuts de SNV, aucune décision ne peut être adoptée si les actionnaires ne parviennent pas à une position commune (15). Si aucune décision n'est adoptée, SNV ne peut pas voter au conseil de surveillance d'EMO-EKOM. Les décisions au sein de ce conseil doivent recueillir au moins [...]* voix en leur faveur. Aussi bien Sea-Invest que TKV sont donc en mesure d'empêcher, par l'intermédiaire de SNV, l'adoption de décisions au conseil de surveillance d'EMO-EKOM. Il s'ensuit que Sea-Invest exercera avec TKV, HES et Manufrance le contrôle en commun d'EMO-EKOM.

III. LA DIMENSION COMMUNAUTAIRE

(10) Les entreprises concernées (16) réalisent un chiffre d'affaires total cumulé sur le plan Mondial (17) supérieur à 5 milliards d'euro (18). Sea-Invest et TKV réalisent chacune un chiffre d'affaires communautaire supérieur à 250 millions d'euro (19), et aucune des entreprises concernées ne réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même État membre. Par conséquent, l'opération notifiée revêt une dimension communautaire.

IV. LES MARCHÉS EN CAUSE

Le marché de produits en cause

(11) La Commission a indiqué par le passé que l'on pouvait subdiviser le marché des services offerts dans les terminaux portuaires (manutention et entreposage du fret) selon les trois principales catégories de fret: i) marchandises en colis (en particulier, marchandises conteneurisées), ii) marchandises en vrac sec et iii) marchandises en vrac liquide (20). L'enquête effectuée sur le marché a confirmé cette subdivision. Une décision antérieure évoquait également la possibilité de subdiviser encore le marché des services de terminal pour le vrac sec selon le type de marchandise manutentionnée (21). Autre distinction introduite par la Commission, la ventilation des services de manutention par flux de trafic: trafic hinterland (vers l'arrière-pays) et trafic de transbordement (22).

Services de manutention pour le charbon et le minerai de fer

(12) L'industrie répartit normalement le vrac sec en trois grandes catégories: charbon et minerai de fer (appelés aussi "grand vrac"), vrac agricole (céréales, semences, p.ex.) et autres vracs secs (catégorie recouvrant un vaste éventail de produits en vrac tels que concentrés de zinc et autres concentrés non ferreux, clinkers de ciment, fonte brute, kaolin, phosphates et autres minéraux, cokes, cokes de pétrole, anthracites, etc.).

(13) Sea-Invest soutient que, à l'intérieur du groupe du vrac sec, la manutention du charbon et du minerai de fer relève du même marché de produits.

(14) Le charbon et le minerai de fer sont des produits de grand vrac transportés en grandes quantités et pour lesquels la rapidité de déchargement est cruciale, tandis que la manutention et l'entreposage ne nécessitent pas d'attention spéciale. Les sociétés de manutention portuaire passent indifféremment du charbon au minerai de fer; du reste, nombre d'entre elles traitent les deux produits au même terminal, en utilisant pour l'essentiel les mêmes équipements. Pour passer d'un déchargement de minerai de fer à un déchargement de charbon (ou vice-versa), il suffit de changer de benne de grue et de vider les convoyeurs à bande, en les nettoyant éventuellement (surtout lorsqu'on passe du minerai de fer au charbon). Ces changements peuvent s'effectuer très vite (en l'espace d'une ou deux heures), et, de fait, les terminaux qui prennent les deux produits en charge y procèdent régulièrement dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Le charbon et le minerai de fer sont entreposés à ciel ouvert, pratiquement dans la même zone; simplement, ils sont stockés séparément. En outre, les clients des terminaux de manutention du charbon et du minerai de fer sont en règle générale, dans les deux cas, les utilisateurs finaux de ces marchandises, notamment de grandes entreprises sidérurgiques (minerai de fer et charbon à coke) et des compagnies d'électricité (charbon vapeur). Les deux produits sont transportés dans de grands navires de mer à fort tirant d'eau, capable d'accueillir de grandes quantités de charbon et de minerai de fer. De même, étant donné les volumes en jeu, le moyen de transport intérieur privilégié, pour l'un et l'autre produit, est l'acheminement par barges fluviales ou, dans une moindre mesure, le train.

(15) Selon Sea-Invest, le vrac agricole et les autres vracs secs ne font par partie du même marché de services de manutention que le charbon et le minerai de fer. Sea-Invest fait valoir que le déchargement des autres vracs secs prend généralement plus de temps que pour le charbon et le minerai de fer, la manutention est souvent plus délicate, l'entreposage ne se fait pas toujours à ciel ouvert, mais dans des entrepôts, et la société de manutention fournit souvent des services à valeur ajoutée (tels que le conditionnement). Elle relève également que l'équipement de manutention du charbon et du minerai de fer n'est pas le même que celui utilisé pour les autres vracs secs, et que l'on n'a jamais constaté jusqu'ici, si ce n'est sous une forme marginale, que des terminaux basculaient de la manutention d'autres vracs secs à celle du charbon et du minerai de fer, ou vice-versa.

(16) HES estime cependant qu'il n'y a pas lieu de limiter le marché de produits en cause au charbon et au minerai de fer, mais qu'il conviendrait au contraire de l'étendre aux autres vracs secs, à l'exception du vrac agricole. Elle soutient que les sociétés de manutention traitent couramment différents types de vrac sec et que le basculement de l'un à l'autre peut s'effectuer en un laps de temps court et sans frais supplémentaires significatifs.

(17) L'enquête sur le marché a révélé qu'il existe certains terminaux, généralement de taille réduite, tel EBS à Rotterdam, qui manutentionnent aussi bien le charbon/minerai de fer que d'autres vracs secs et qui sont capables, dans une certaine mesure du moins, de basculer d'un produit à un autre. Dans le même ordre d'idées, on a pu relever quelques exemples de terminaux spécialisés dans d'autres vracs secs qui ont étendu leurs services de manutention au charbon (et, dans une moindre mesure, au minerai de fer). L'enquête confirme néanmoins que, dans les quelques cas où le basculement entre charbon/minerai de fer et autres vracs secs apparaît comme faisable, il exige des investissements considérables en équipement spécifiquement conçu pour traiter les volumes normalement plus importants de charbon et de minerai de fer. D'autre part, plusieurs clients ont indiqué qu'une manutention "mixte" - charbon et minerai de fer d'une part, autres vracs secs d'autre part - expose les produits concernés à des risques de contamination.

(18) Des clients importants des services de manutention du charbon et du minerai de fer, en particulier des sidérurgistes et des compagnies d'électricité, ont confirmé que les terminaux spécialisés dans d'autres vracs secs ne représentaient pas à leurs yeux une alternative viable, au motif que leur capacité d'entreposage n'était pas suffisante et qu'ils n'étaient pas en mesure de charger/décharger rapidement de grandes quantités de fret. L'enquête sur le marché a également révélé que, pour une manutention efficace de grandes quantités de charbon et de minerai de fer, les terminaux doivent disposer de grues à benne preneuse de grande capacité ainsi que d'un système de convoyeurs à bande. A l'inverse, les grues utilisées pour les autres vracs secs sont généralement plus petites et, comme telles, incapables de charger/décharger assez rapidement de grandes quantités de charbon et de minerai de fer. De même, les convoyeurs à bande ne sont pas utilisés normalement dans la manutention des autres vracs secs, car ceux-ci sont souvent plus fragiles que le charbon et le minerai de fer et plus difficiles à transporter par ces appareils. Cela semble être également le cas pour les cokes, cokes de pétroles et anthracites qui, bien que proches du charbon, sont des produits beaucoup plus fragiles et de plus grande valeur, et réclament une manutention différente de celle du charbon.

(19) En outre, les autres vracs secs sont transportés et manutentionnés dans des volumes bien inférieurs à ceux du charbon et du minerai de fer (23). Les navires de mer utilisés pour leur transport sont plus petits. Ces navires peuvent accoster à pleine charge dans les ports nécessitant un tirant d'eau limité. Les cargaisons étant de faible volume, le transport intérieur des autres vracs secs est également plus flexible, dans la mesure où il n'est pas limité aux barges fluviales et aux trains, comme c'est le cas du charbon et du minerai de fer. Enfin, les clients des terminaux de manutention ne sont pas les mêmes, et les négociants ainsi que les entreprises de logistique jouent un rôle plus important.

(20) Bien que certains terminaux de taille plus réduite basculent effectivement entre ces deux groupes de produits, ainsi qu'il est exposé ci-dessus (24), il existe des différences substantielles entre la manutention du charbon et du minerai de fer et celle des autres vracs secs, qui rendent très difficile toute possibilité de substitution immédiate et efficace du côté de l'offre. L'enquête approfondie sur le marché, incluant des visites du terminal ABT d'Anvers ainsi que des terminaux d'EMO-EKOM et d'EBS à Rotterdam, a confirmé cette conclusion.

(21) Les clients qui ont recours aux services de manutention pour le charbon et le minerai de fer sont les compagnies d'électricité, les sidérurgistes et, dans une moindre mesure, les négociants. En dépit des différences qui existent entre ces différentes catégories de clients décrites ci-dessous (25), l'enquête sur le marché n'a apporté aucun élément concret permettant de considérer ces différentes catégories de clients comme des marchés distincts, notamment eu égard à la forte substituabilité du côté de l'offre.

(22) Par ailleurs, l'enquête a confirmé que les terminaux de manutention du charbon, du minerai de fer et d'autres vracs secs ne traitaient généralement pas le vrac agricole (et inversement), notamment pour des raisons de sécurité alimentaire.

(23) Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que les services de manutention du charbon et du minerai de fer constituent un marché de produits distinct.

Services de manutention pour le trafic hinterland et le trafic de transbordement

(24) Par le passé, s'agissant des terminaux à conteneurs, la Commission a opéré une distinction entre les services de manutention pour le trafic hinterland (c'est-à-dire le fret transporté directement d'un navire de haute mer vers l'arrière-pays par barge, camion, ou train) et les services de manutention pour le trafic de transbordement (d'un navire de haute mer à un navire relais ou un navire collecteur) (26). Cette distinction semble pouvoir s'appliquer également au transport de charbon et de minerai de fer.

(25) Le charbon et le minerai de fer manutentionnés dans les terminaux de la zone ARA sont destinés pour l'essentiel à des clients de l'hinterland. Une quantité limitée traitée dans ces ports (Anvers, Rotterdam, Amsterdam, Zélande) est toutefois transbordée sur des caboteurs pour être acheminée vers le port de déchargement final. Dans de nombreux cas, il s'agit d'un port britannique interdit d'accès aux gros tonnages en raison de ses restrictions de tirant d'eau.

(26) Bien que les techniques de manutention et les modalités des services soient similaires dans le cas d'un transport vers l'hinterland ou d'un transbordement, l'éventail des ports et des terminaux qui pourraient être utilisés indifféremment pour le trafic de transbordement ne correspond pas nécessairement à celui des ports et des terminaux qui pourraient être utilisés indifféremment pour un type précis de trafic hinterland. Les services de manutention à des fins de transbordement peuvent, en principe, être assurés dans un plus vaste ensemble de ports que les services de manutention de fret destiné à un hinterland spécifique (27). Pour ces raisons et dans le droit fil des décisions antérieures de la Commission, les services de manutention dédiés au trafic hinterland de charbon et de minerai de fer et les services de manutention dédiés au trafic de transbordement de charbon et de minerai de fer peuvent être considérés comme deux marchés distincts.

Le marché géographique en cause

(i) Services de manutention dédiés au trafic hinterland de charbon et de minerai de fer

(27) Dans la décision prise en vertu de l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations ("la décision de l'article 6, paragraphe 1, point c)") la Commission a estimé que le marché géographique en cause s'étendait à l'ensemble des ports de la zone ARA ou, à titre d'alternative, devait être circonscrit au port d'Anvers, d'une part, et aux ports néerlandais (Rotterdam, Amsterdam, Zélande) de l'autre. La question était laissée ouverte à ce stade.

(28) L'enquête approfondie a confirmé que, eu égard à la faible substituabilité entre, d'une part, le terminal ABT d'Anvers et les terminaux de Gand et de Dunkerque, et, d'autre part, le terminal d'EMO-EKOM à Rotterdam et les autres terminaux de Rotterdam, d'Amsterdam et de Zélande, il semble plus approprié de définir les ports néerlandais comme un marché séparé et distinct de celui des ports d'Anvers, Gand et Dunkerque.

Les services de manutention dans l'ensemble de la chaîne logistique

(29) Les terminaux de manutention du charbon et du minerai de fer de la zone ARA ont pour principaux clients des sidérurgistes, des producteurs d'électricité et des négociants. Pour le choix du terminal, le client doit prendre en considération l'ensemble de la chaîne logistique, de manière à optimiser les coûts logistiques liés à l'importation de charbon et de minerai de fer. C'est ce faisceau de contraintes qui va déterminer sa décision finale. Les éléments de coûts les plus importants de la chaîne logistique (sans compter la manutention et l'entreposage) sont le fret maritime et le transport intérieur (28). Les frais de manutention et d'entreposage ne représentent que 10 à 15 % environ des coûts logistiques totaux. La Commission a donc procédé à une analyse de ces différents éléments entrant dans la composition des coûts logistiques totaux ainsi que de leur incidence sur le choix du terminal et sur la possibilité de basculer entre les terminaux.

(30) En dehors des coûts logistiques totaux, la rapidité et la sécurité d'approvisionnement sont aussi des critères essentiels pour les clients des terminaux de manutention du charbon et du minerai de fer. La logistique doit également compter avec le fait que les aciéries et les centrales électriques emploient normalement un certain mélange prédéterminé de différentes qualités de charbon et de minerai de fer d'origines diverses.

(31) Tous ces paramètres (éléments de coûts et autres facteurs spécifiques à chaque client) sont à considérer dans leur totalité. Souvent, la modification d'un paramètre entraîne automatiquement des changements dans d'autres éléments de la chaîne logistique. Ces modifications et ces facteurs sont généralement spécifiques à chaque client. Il sera donc procédé, dans les pages qui suivent, après l'analyse des différents éléments de coûts de la chaîne logistique, à l'examen des possibilités qu'ont les clients d'ABT et d'EMO-EKOM de basculer entre Anvers et Rotterdam, en tenant compte de tous les facteurs pertinents dans leur ensemble.

Différentiels de coûts pour le fret maritime

(32) Les coûts de fret maritime sont, pour la majorité des clients, le principal facteur qui influence le choix d'un terminal particulier. Il est généralement plus économique d'affréter les plus grands navires possibles pour la partie maritime du transport de charbon et, a fortiori, du minerai de fer. Le choix d'un navire de gros tonnage est cependant limité par le tirant d'eau des ports. L'enquête sur le marché a confirmé que les restrictions en matière de tirant d'eau sont plus importantes à Anvers qu'à Rotterdam ou dans d'autres ports de la zone ARA. Ainsi, à Anvers, le tirant d'eau maximum autorisé (29) est de 15,56 mètres, alors qu'il est de 23 mètres à Rotterdam, de 17,20 mètres à Amsterdam et de 16,50 mètres en Zélande. Les navires de très gros tonnage (d'une capacité supérieure à 140 000 TPL) ne peuvent pas accéder au port d'Anvers lorsqu'ils sont à pleine charge. Par contre, les vraquiers de plus de 140 000 TPL acheminent l'essentiel du charbon (près de 79 %) et du minerai de fer (près de 93 %) déchargé au terminal d'EMO-EKOM, vers le port de Rotterdam.

(33) L'enquête a par ailleurs confirmé que Rotterdam est le principal port pour le minerai de fer: ses terminaux manutentionnent près de 80 % (30) du minerai de fer déchargé dans la zone ARA. Le minerai de fer est transporté dans des navires de plus fort tonnage encore que pour le charbon (généralement d'une capacité supérieure à 140 000 TPL (31)), pour lesquels Anvers, avec ses limites de tirant d'eau, n'est pas une alternative. Autrement dit, l'importance des grands vraquiers et le différentiel des coûts de fret maritime qui en résulte entre Anvers et Rotterdam sont encore plus élevés que pour le charbon.

(34) Les conclusions qui se dégagent de l'analyse quantitative des coûts de fret maritime, telle qu'elle est exposée ci-après, sont donc valables a fortiori pour le minerai de fer et il n'y a pas lieu de refaire une analyse quantitative distincte pour celui-ci. Les informations fournies par les importateurs de minerai de fer consultés dans le cadre de l'enquête sur le marché ont confirmé également ces conclusions.

(35) Cette situation n'est pas appelée à changer à l'avenir. Il est bien prévu d'approfondir l'estuaire de l'Escaut, à l'entrée du port d'Anvers, mais cela n'aura aucune incidence sur le terminal ABT, qui se trouve derrière les écluses. Comme il n'est pas envisagé d'approfondir les écluses ni le canal derrière celles-ci, le terminal ABT ne bénéficiera pas de l'approfondissement de l'estuaire, qui vise essentiellement à créer de meilleures conditions pour les nouveaux terminaux à conteneurs situés avant les écluses.

(36) Les restrictions de tirant d'eau imposées par le port d'origine entrent aussi en jeu. En règle générale, le charbon en provenance d'Australie, d'Afrique du Sud ou de Colombie peut être transporté sur de très grands vraquiers, tandis que celui en provenance en particulier des États-Unis, de Russie ou de Pologne n'est transportable que sur des navires de faible tonnage, à cause des limites de tirant d'eau des ports de chargement. Selon les résultats de l'enquête effectuée sur le marché, au moins 70 % du volume total de charbon déchargé dans la zone ARA provient de régions dont les ports sont en eau profonde (notamment d'Australie, d'Afrique du Sud et de Colombie).

(37) Afin de quantifier les coûts du fret maritime pour le charbon ainsi que le différentiel de coûts entre Anvers et Rotterdam, la Commission a analysé les chiffres concernant des charbons d'origine diverse que lui ont fournis les clients des deux ports dans le cadre de l'enquête sur le marché.

(38) Les frais de transport maritime du charbon varient en moyenne de 8 euro par tonne depuis la Russie à 18 euro par tonne depuis l'Australie; ils représentent en moyenne 60 % environ du total des coûts logistiques (32). Le différentiel de coûts du fret maritime entre Anvers et Rotterdam apparaît clairement, en particulier lorsque le port d'origine est en eau profonde, comme c'est le cas pour les deux principaux pays d'origine, l'Australie et l'Afrique du Sud, qui utilisent majoritairement des navires de fort tonnage, pour lesquels il est souvent impossible d'accéder au port d'Anvers à pleine charge. Pour utiliser le port d'Anvers, il faut affréter des navires plus petits (d'une capacité inférieure à 140 000 TPL), ce qui entraîne une majoration des frais de transport par tonne de charbon. Il est également possible d'utiliser des navires partiellement chargés au port de chargement, ou bien partiellement vidés de leur cargaison avant l'arrivée à Anvers, en déchargeant une partie du charbon dans un port en eau profonde, comme celui de Rotterdam. Mais les frais de transport par tonne de charbon demeurent invariablement élevés dans tous ces scénarios, soit que la capacité du navire soit sous-exploitée, soit qu'il faille faire une escale de déchargement avant d'arriver au port de destination.

(39) Pour Anvers, les coûts de fret maritime sont supérieurs en moyenne de [1,5-2]* euro par tonne pour le charbon en provenance d'Australie et de [1-1,5]* euro par tonne pour le charbon en provenance d'Afrique du Sud par rapport aux coûts relevés à Rotterdam. Toutefois, comme les chiffres fournis par les différentes compagnies varient sensiblement en valeur absolue, la Commission a procédé également à une analyse séparée des différentiels de coûts moyens en se basant uniquement sur les chiffres de clients qui ont fourni des estimations de coûts à la fois pour Anvers et pour Rotterdam. Cette approche permet de neutraliser le biais introduit par les éventuelles disparités entre les méthodes de calcul des coûts appliquées par les différents clients. Sur cette base, le différentiel de coûts entre Anvers et Rotterdam s'établit à [1- 1,5] euro par tonne pour le charbon en provenance d'Australie et [0,5-1]* euro par tonne pour celui en provenance d'Afrique du Sud. Dans tous les cas, le différentiel de coûts est important, rapporté aux coûts totaux des services de manutention, qui varient de [1 à 4]* euro par tonne de charbon.

(40) Pour le charbon importé de ports russes ou américains, donc à tirant d'eau limité, le différentiel de coûts est plus faible [0-0,5]* euro par tonne pour le charbon en provenance des États-Unis et [0-0,5]* euro par tonne pour celui en provenance de Russie). Ce resserrement de l'écart s'explique par le fait que les vraquiers en provenance de ces pays sont de moindre tonnage et ont donc accès au port d'Anvers. Cela dit, le charbon importé de ces deux pays représente moins de 30 % du volume total de charbon déchargé dans les ports de la zone ARA.

(41) L'analyse quantitative des coûts de fret maritime confirme le rôle essentiel du facteur tirant d'eau et l'importance relative du handicap de coût qui en résulte pour le terminal ABT d'Anvers par rapport au terminal EMO-EKOM de Rotterdam. Si l'on compte que le charbon en provenance de ports à fort tirant d'eau représente plus de 70 % du volume total de charbon déchargé dans la zone ARA, le différentiel des coûts de fret maritime entre Anvers et Rotterdam s'élève, en moyenne, à près de 50 % des frais de manutention. Un tel écart rend improbable, dans la grande majorité des cas, un basculement de Rotterdam à Anvers en réaction à une hausse des prix de 10 %.

(42) Eu égard au tirant d'eau disponible à Amsterdam et en Zélande, des conclusions similaires s'imposent en ce qui concerne le différentiel des coûts de fret maritime entre ces ports et Anvers. L'enquête sur le marché a montré en particulier que les conditions de tirant d'eau dans le port d'Amsterdam étaient suffisantes pour les vraquiers de fort tonnage. Quant aux ports de Zélande, leur proximité par rapport à la mer accentue encore le différentiel des coûts de fret maritime avec Anvers résultant de leurs conditions de tirant d'eau plus avantageuses.

(43) S'agissant des terminaux contrôlés par Sea-Invest à Gand et à Dunkerque, le tirant d'eau maximum autorisé dans le port de Gand est de 12,50 mètres, tandis qu'il atteint 18 mètres dans le port de Dunkerque. Par conséquent, les conclusions relatives au différentiel de coûts de fret maritime entre Anvers et les ports de Rotterdam, d'Amsterdam et de Zélande valent a fortiori pour le terminal Sea-Invest du port de Gand, dont les conditions de tirant d'eau sont encore plus contraignantes. Le terminal Sea-Invest de Dunkerque peut en revanche recevoir des navires à pleine charge comparables à ceux qui sont déchargés dans les ports néerlandais. Toutefois, sa substituabilité avec Rotterdam, Amsterdam et Zélande se trouve limitée par d'autres facteurs décrits ci-après33, notamment sa desserte par les transports intérieurs limitée.

Différentiels de coûts pour le transport intérieur

(44) Les coûts du transport intérieur peuvent également avoir une influence significative sur le choix du terminal. La Commission a analysé les frais d'acheminement intérieur du charbon (34), sur la base des données fournies par les clients consultés dans le cadre de l'enquête sur le marché, pour le transport depuis Anvers et Rotterdam vers différentes destinations en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et en France.

(45) Étant donné les volumes de charbon et de minerai de fer en jeu, les seuls moyens de transport rentables sont la navigation intérieure (par barge) et le fret ferroviaire (35). En règle générale, le transport par barge est moins coûteux que le train, mais cela dépend de la situation et de la configuration du site client, et notamment de son accès au réseau fluvial ou aux liaisons ferroviaires appropriées.

(46) Il ressort de l'enquête sur le marché que les frais moyens de transport intérieur du charbon varient de 2 euro par tonne pour la Belgique et les Pays-Bas à 10 euro par tonne pour le Sud de l'Allemagne. Ils représentent en moyenne 25 % environ du total des coûts logistiques (36). La comparaison des frais d'acheminement depuis Anvers et Rotterdam montre que le transport terrestre du charbon est, en règle générale, nettement meilleur marché depuis Anvers que depuis Rotterdam, en particulier pour les destinations belges et, dans une certaine mesure, du Nord de la France. En revanche, Rotterdam est moins coûteux qu'Anvers pour les régions de la Ruhr et de la Sarre, le Sud de l'Allemagne et, dans une certaine mesure, les Pays-Bas. Le différentiel de coûts entre Anvers et Rotterdam pour ces régions représente entre 20 % et 50 % des coûts moyens des services de manutention. De tels écarts limitent considérablement l'intérêt économique qu'il pourrait y avoir pour les clients de ces régions à basculer entre Anvers et Rotterdam en réaction à une hausse de 10 % des tarifs de manutention. C'est seulement pour le Nord-est de la France que les résultats apparaissent plus indécis: les frais d'acheminement intérieur depuis Anvers et Rotterdam semblent dans ce cas à peu près équivalents.

(47) Cela étant, le facteur coûts n'est jamais que l'un des critères liés au transport terrestre qui influent sur le choix du terminal. Plusieurs autres facteurs entrent en ligne de compte, tels que le nombre et le degré de dispersion des sites industriels du client, la cadence de livraison et les besoins de stockage, l'accès à des liaisons fluviales ou ferroviaires et leur adéquation, la nécessité de garantir la sécurité d'approvisionnement (par exemple durant les périodes de basses eaux du Rhin) ou l'existence de contrats de longue durée passés avec des prestataires de services de transport terrestre. Ces différents facteurs, qui sont spécifiques à chaque client, sont examinés plus en détail ci-après (37).

(48) L'enquête approfondie n'a pas révélé l'existence de projets susceptibles, dans un avenir prévisible, d'accroître les possibilités de basculement entre les ports d'Anvers et de Rotterdam. La majorité des clients importateurs de charbon et de minerai de fer ont répondu qu'ils n'avaient pas connaissance d'un projet d'infrastructure qui pourrait changer dans un avenir prévisible l'attractivité d'un terminal de la zone ARA. Des travaux sont en cours pour renforcer, à compter de 2007, la capacité de fret ferroviaire entre Rotterdam et Amsterdam (la "Betuwe Lijn"), mais ils visent surtout à améliorer les liaisons avec l'Allemagne et n'ont donc pas d'incidence sur les destinations qui forment actuellement l'hinterland d'Anvers, comme le reste de la Belgique ou le Nord de la France. Quant à l'éventuel projet d'amélioration des liaisons ferroviaires entre Anvers et l'Allemagne (ligne dite "Rhin de fer"), aucun accord n'est encore intervenu entre les autorités concernées, de sorte qu'il est impossible de savoir, à ce stade, s'il sera poursuivi. En tout état de cause, d'après les informations recueillies, le chantier, dans l'hypothèse où les travaux seraient entrepris, ne devrait pas s'achever avant 2015 (38). Les consultations menées dans le cadre de l'enquête sur le marché confirment cette analyse, dans la mesure où aucun des importateurs de charbon et de minerai de fer interrogés ne voient dans la ligne "Rhin de fer" un projet d'infrastructure susceptible de changer dans un avenir prévisible l'attractivité du terminal ABT.

(49) Par conséquent, l'analyse des données relatives aux coûts du transport terrestre en général corrobore les déclarations faites par Sea-Invest et un certain nombre de répondants au cours de l'enquête sur le marché, selon lesquelles Anvers et Rotterdam desservent dans une large mesure des hinterlands distincts et que le choix d'un terminal est nettement prédéterminé par la situation géographique du ou des sites clients.

(50) L'enquête sur le marché a par ailleurs confirmé que les liaisons ferroviaires et fluviales au départ d'Amsterdam étaient comparables à celles de Rotterdam, surtout en ce qui concerne les Pays-Bas et l'Allemagne (accès par barge sur le Rhin). En revanche, elle fait ressortir que les ports de Gand et de Dunkerque, étant donné leur desserte par les transports terrestres, peuvent encore moins qu'Anvers se substituer aux ports néerlandais, en particulier pour la desserte de l'hinterland allemand.

Comparaison des prix des services de manutention

(51) La Commission a ensuite étudié en détail les prix des services de manutention d'ABT et d'EMO-EKOM payés par des clients dans des zones géographiques différentes. Il ressort clairement de cet examen, et cela vaut aussi bien pour ABT que pour EMOEKOM, qu'il n'existe pas de régions particulières où les clients payent des prix nettement inférieurs ou supérieurs par rapport à d'autres régions. En d'autres termes, il n'existe pas de régions particulières où la pression concurrentielle exercée par les autres terminaux est suffisamment forte pour entraîner une baisse des tarifs de manutention. Par conséquent, même pour des clients situés dans les régions où le différentiel entre les coûts du transport terrestre depuis Anvers et depuis Rotterdam est négligeable (notamment le Nord-est de la France), la concurrence entre EMO-EKOM et ABT ne semble pas plus forte que dans les régions où ce différentiel est important.

(52) La comparaison fait en revanche apparaître des variations significatives des prix entre les clients d'ABT et d'EMO-EKOM. Cependant, malgré les handicaps relatifs du terminal ABT, et notamment ses limites de tirant d'eau, ABT pratique des prix supérieurs en moyenne à ceux des autres terminaux de manutention du charbon et du minerai de fer de la zone ARA. Cette différence dans le niveau général des prix représente un nouvel élément à l'appui de la définition de marchés distincts pour Anvers d'une part, et les autres terminaux de la zone ARA, d'autre part.

Possibilités de basculement pour les clients

(53) Au cours de l'enquête approfondie, la Commission a adressé des demandes d'information détaillées à l'ensemble des clients utilisant les services d'ABT ou d'EMO-EKOM pour la manutention de volumes significatifs de charbon ou de minerai de fer. Elle a également fait parvenir des questionnaires détaillés à des clients importants d'autres terminaux de manutention du charbon et du minerai de fer à Rotterdam, à Amsterdam, en Zélande, à Gand et à Dunkerque. Dans ces questionnaires, elle demandait au client d'indiquer la situation géographique de ses sites industriels ou, dans le cas de négociants, de préciser l'emplacement des sites de leurs clients. Elle demandait également d'indiquer le volume transporté vers chaque destination finale, les terminaux utilisés, le mode de transport terrestre et l'origine de la matière première. Tous ces éléments ont permis à la Commission de mieux appréhender la chaîne logistique de chaque client.

(54) Pour chaque destination, la Commission a demandé aux clients importateurs d'indiquer les possibilités qu'ils avaient de passer d'ABT à un autre terminal, ou d'EMO-EKOM à un autre terminal, le volume qui pourrait ainsi basculer dans l'année et dans les trois ans, et les différentiels de coûts estimés en cas de basculement.

(55) La Commission a par ailleurs contacté les clients qui à l'heure actuelle, utilisent le terminal ABT et un autre terminal à Rotterdam, Amsterdam ou en Zélande, ou le terminal d'EMO-EKOM et un autre terminal à Anvers, Gand ou Dunkerque. La Commission a rencontré ces clients et/ou mené des entretiens téléphoniques avec eux. Elle a également pris contact avec des clients qui n'utilisent pas aujourd'hui à la fois un terminal à Anvers/Gand/Dunkerque et un autre à Rotterdam/Amsterdam/Zélande, mais qui avaient évoqué dans leurs réponses au questionnaire des possibilités de basculement. Ces différents contacts ont permis à la Commission d'en apprendre davantage sur l'organisation de la logistique de transport mise en œuvre par les clients des terminaux, le processus décisionnel qui aboutit au choix d'un terminal particulier et le raisonnement sous-jacent à l'attribution de volumes aux différents ports et terminaux.

(56) Les réponses aux questionnaires, les entretiens avec les clients et l'analyse des coûts de l'ensemble de la chaîne de transport permettent d'expliquer les contraintes qui pèsent sur le basculement. Tous les clients ont insisté sur le fait que le choix du terminal est d'abord largement déterminé par les coûts du fret maritime et du transport terrestre. Ensuite, plusieurs autres facteurs influencent et limitent le choix d'un terminal de manutention pour chaque client. Ces facteurs sont, par exemple, la participation à des services "part-cargo" (39), les services complémentaires (mélanges biomasse/charbon, séparation magnétique de la ferraille et du charbon, etc.) et les capacités d'entreposage des terminaux, les risques de congestion des terminaux, le nombre et la situation géographique des sites industriels du client, la cadence de livraison, l'accès aux liaisons fluviales ou ferroviaires et leur adéquation, la nécessité de garantir la sécurité d'approvisionnement (par exemple durant les périodes de basses eaux du Rhin) ou l'existence de contrats de longue durée avec des prestataires de services de transport terrestre.

(57) Concernant la situation spécifique de chaque groupe de clients, on peut observer ce qui suit.

Sidérurgistes

(58) Les sidérurgistes achètent l'essentiel de leur charbon et de leur minerai de fer directement auprès des producteurs-exportateurs, sans passer par des négociants. Certains possèdent leurs propres terminaux (40). Pour le minerai de fer, la question d'un basculement entre Anvers et les autres ports de la zone ARA ne se pose pas. Compte tenu en effet des conditions avantageuses de tirant d'eau et des meilleures liaisons avec l'hinterland, les sidérurgistes de la Ruhr utilisent essentiellement les terminaux de Rotterdam. Ils n'ont pas recours aux terminaux anversois et n'ont aucune intention de basculer sur Anvers. Les sidérurgistes de la Sarre, du Nord-est de la France et de Belgique utilisent pour la manutention de leur minerai de fer le terminal EMO-EKOM ainsi que, dans une moindre mesure, les terminaux EBS et OVET. Seule une aciérie belge utilise le terminal ABT pour des volumes substantiels de minerai de fer, en raison des bonnes liaisons ferroviaires avec l'hinterland depuis Anvers. Cette aciérie ne recourt à aucun autre terminal pour la manutention de minerai de fer, et n'a pas l'intention de basculer sur un autre. Les terminaux de Gand et de Dunkerque traitent essentiellement le minerai de fer destiné aux aciéries situées à proximité du terminal.

(59) Pour ce qui est du charbon, les sidérurgistes de la Ruhr allemande sont desservis exclusivement via Rotterdam, Amsterdam et la Zélande. Ils n'ont pas l'intention de basculer sur Anvers. Les aciéries sarroises utilisent principalement les terminaux de Rotterdam ou d'Amsterdam. Anvers ne traite que des volumes restreints, transportés sur des navires en "part cargo". Dans le cas d'un affrètement en "part cargo" où le terminal de déchargement n'est pas fixé par la compagnie maritime, c'est le client destinataire de la fraction la plus importante de la cargaison qui décide du terminal à utiliser. Les autres clients doivent se conformer à ce choix. Ils y trouvent néanmoins leur compte, dans la mesure où le système du "part cargo" leur permet de réduire les frais de transport maritime.

(60) Les aciéries situées en Belgique et dans le Nord-est de la France font appel à différents terminaux de la zone ARA, de Gand et de Dunkerque pour décharger leur charbon, mais l'enquête a révélé que leurs attributions de volumes à tel ou tel terminal répondaient à des facteurs spécifiques qui limitent considérablement leurs possibilités de basculer sur un autre terminal. En l'absence d'accès par voie navigable, le transport par train depuis Anvers constitue le mode d'acheminement terrestre le moins coûteux. L'option fluviale depuis Anvers est également intéressante, en raison du temps de transport sensiblement plus court que depuis Rotterdam ou Amsterdam. C'est seulement lorsque la cargaison est transportée sur des navires à gros tonnage en provenance de ports en eau profonde, tels les ports australiens ou Sud-africains, que ces aciéries sont desservies en charbon via Rotterdam. Ces navires font souvent une première escale de déchargement à Rotterdam, afin d'être suffisamment allégés pour entrer dans le port d'Anvers, où ils déchargent le reste de leur cargaison. Le choix de Rotterdam comme port de déchargement complet est plus rare, les frais d'acheminement intérieur étant trop élevés pour les aciéries de ces régions. Une certaine quantité de charbon est également transportée sur des navires en "part cargo".

(61) Pour les autres aciéries, l'importation de charbon via Rotterdam ou Amsterdam offre un avantage de coût global. Elles ne sont desservies via Anvers que pour des volumes restreints, transportés sur des navires en "part cargo" depuis des ports de chargement à tirant d'eau limité, tels les ports américains. Pour autant que les terminaux de Gand et de Dunkerque manutentionnent du charbon pour des sidérurgistes importateurs, celui-ci est acheminé vers des aciéries situées à proximité immédiate du terminal concerné.

Producteurs d'électricité

(62) Certaines compagnies d'électricité se procurent leur charbon directement auprès des producteurs-exportateurs, tandis que d'autres s'approvisionnent par l'intermédiaire de négociants. Les compagnies néerlandaises alimentent leurs sites aux Pays-Bas exclusivement via des ports néerlandais et n'ont aucune intention de basculer sur d'autres ports. La société belge Electrabel met en œuvre un système logistique sophistiqué pour alimenter en charbon ses centrales électriques. Pour ses centrales belges, elle utilise principalement les terminaux d'Anvers et de Gand, en vertu essentiellement de leurs liaisons optimales avec l'hinterland. Ses centrales aux Pays-Bas sont desservies via le terminal ABT et des terminaux de Rotterdam et d'Amsterdam, mais les volumes sont attribués à chaque terminal selon les besoins logistiques. Certains producteurs d'électricité allemands utilisent exclusivement les terminaux de Rotterdam et d'Amsterdam, tandis que d'autres importent également des quantités limitées de charbon via Anvers par l'intermédiaire de négociants. Dans ce cas, c'est le négociant et non pas la compagnie d'électricité qui choisit le terminal.

(63) Les centrales du Nord-Est de la France sont alimentées en charbon via Anvers et Rotterdam, mais l'attribution de volumes à l'un ou à l'autre de ces ports répond à des raisons spécifiques. Pour les centrales qui ne disposent pas d'un accès fluvial direct, l'acheminement par train depuis Anvers est la solution la plus intéressante économiquement. Ces centrales ne sont desservies via Rotterdam ou Amsterdam que pour des volumes restreints, transportés sur des navires en "part cargo" depuis des ports de chargement à fort tirant d'eau. En revanche, les centrales dotées d'un accès direct à une voie navigable sont principalement alimentées en charbon via Rotterdam ou Amsterdam. Seuls de faibles volumes, transportés sur des navires en "part cargo" depuis des ports de chargement à tirant d'eau limité, tels les ports américains, passent par Anvers.

(64) Selon les producteurs d'électricité, les modalités actuelles d'attribution de volumes aux différents terminaux reflètent l'organisation optimale de l'ensemble de la chaîne logistique.

Négociants

(65) Les négociants concernés font du commerce de gros de charbon et, de façon plus restreinte, de minerai de fer. En règle générale, ils vendent ces matières premières "FOB barge" (41) depuis certains ports, sans assurer le transport terrestre. Il existe des négociants indépendants, mais aussi des négociants liés, appartenant à une branche de production ou un groupe d'électricité. Ces derniers exercent leurs activités en interne, mais ils peuvent aussi réaliser des opérations de négoce pour des tiers. Les négociants opérant en interne sont parfois responsables de l'ensemble de la chaîne logistique.

(66) Les négociants font généralement appel à plusieurs terminaux dans la zone ARA. Certains excluent toutefois le recours à Anvers comme substitut éventuel. D'autres négociants utilisent en revanche Anvers et, dans une moindre mesure, Dunkerque, mais rarement Gand. Leur marge de manœuvre dans le choix du terminal et les possibilités de basculement dont ils disposent dépendent notamment des exigences des clients et des conditions de livraison. Certains clients tels que des entreprises allemandes de services collectifs exigent une livraison à Rotterdam ou Amsterdam, à l'exclusion d'Anvers. L'exploitation des différentiels de coûts existant dans d'autres éléments de la chaîne logistique influence également le choix du terminal. Le charbon en provenance des ports australiens et Sud-africains (à fort tirant d'eau) est presque exclusivement traité à Rotterdam.

(67) Cela dit, certains négociants indiquent qu'il leur est possible de faire basculer des volumes restreints entre Anvers et d'autres ports de la zone ARA. Ils précisent toutefois qu'ils ne peuvent transférer l'ensemble des volumes traités. Même sur des volumes déjà très restreints, il est normalement plus facile de basculer d'Anvers sur d'autres ports de la zone ARA, que de passer de Rotterdam, d'Amsterdam ou de Zélande à Anvers, Dunkerque ou Gand, notamment à cause des limites de tirant d'eau et des liaisons avec l'hinterland.

Quantification des volumes transférables d'un terminal à un autre

(68) D'après les résultats de l'enquête approfondie sur le marché, les options de substitution pour le trafic hinterland, au vu des contraintes exposées plus haut, peuvent se quantifier comme suit: les volumes pour lesquels ABT ou les terminaux de Gand et de Dunkerque peuvent se substituer à EMO-EKOM sont négligeables par rapport au volume total traité par EMO-EKOM (moins de 5 %); les volumes pour lesquels EMO-EKOM ou d'autres terminaux de Rotterdam, d'Amsterdam ou de Zélande peuvent se substituer à ABT sont relativement faibles par rapport au volume total traité par ABT (moins de 10 %). Ces chiffres reposent sur des données clients qui couvrent la quasi-totalité des volumes traités par EMO-EKOM et ABT. De plus, seules de très faibles quantités pourraient basculer des autres terminaux de Rotterdam, d'Amsterdam ou de Zélande sur Anvers, Gand ou Dunkerque. Il en va de même des volumes susceptibles de basculer des terminaux de Gand ou de Dunkerque sur les terminaux de Rotterdam, d'Amsterdam ou de Zélande. Les rares volumes transférables sont pour l'essentiel imputables aux négociants.

Basculements intervenus dans le passé

(69) Les obstacles au basculement entre terminaux sont illustrés par le fait que de tels transferts sont toujours demeurés exceptionnels. Les clients des terminaux n'ont signalé que quelques exemples de basculement entre Anvers/Gand/Dunkerque, d'une part, et Rotterdam/Amsterdam/Zélande, d'autre part, au cours des cinq dernières années. Encore n'impliquaient-ils que de faibles volumes. Ces transferts n'étaient généralement pas motivés par des tarifs de manutention plus intéressants, mais par une moindre saturation, des coûts de fret maritime ou d'acheminement terrestre moins élevés ou des modifications intervenues dans d'autres composantes de la chaîne logistique (par exemple l'abandon de l'option ferroviaire au profit de la solution fluviale).

(70) En revanche, les clients ont fait état de basculements entre les terminaux de Rotterdam et d'Amsterdam pour des volumes nettement plus importants. Ces transferts étaient pour leur part souvent motivés par des différences dans les prix des services de manutention.

Conclusion

(71) Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la zone Rotterdam/Amsterdam/Zélande constitue un marché distinct de la zone Anvers/Gand/Dunkerque. Les conditions de concurrence ne sont pas les mêmes dans les deux zones. Il existe néanmoins une faible concurrence à la marge entre ces marchés géographiques. Cette concurrence à la marge ne vise essentiellement que les volumes traités par les négociants. Elle semble davantage porter à conséquence pour ABT que pour EMO-EKOM, mais cela ne représente toujours que moins de 10 % des volumes que traite ABT. Il n'est pas nécessaire de déterminer si les ports de Gand et de Dunkerque opèrent sur le même marché géographique qu'Anvers pour les services de manutention du charbon et du minerai de fer, ou s'ils forment un marché distinct (lui-même, en tout état de cause, différent de celui de la zone Rotterdam/Amsterdam/Zélande). Dans un cas comme dans l'autre, le projet de concentration ne pose aucun problème de concurrence.

(ii) Services de manutention dédiés au trafic de transbordement de charbon et de minerai de fer

(72) Dans des décisions antérieures relatives aux services réguliers de transport maritime par conteneur, la Commission a délimité le marché géographique du trafic de transbordement à l'Europe du Nord, c'est-à-dire à l'ensemble des grands ports de haute mer qui se trouvent entre Göteborg et Le Havre, dont les ports britanniques et irlandais (42). L'enquête sur le marché a montré que ces ports peuvent aussi se faire concurrence sur le terrain des services de manutention pour le transbordement du charbon et du minerai de fer et que l'éventail des ports substituables est manifestement plus large que pour le trafic hinterland de charbon et de minerai de fer, principalement en raison de contraintes logistiques différentes. Le marché géographique de services de manutention dédiés au trafic de transbordement de charbon et de minerai de fer comprend donc au moins les ports de haute mer situés entre Göteborg et Le Havre ainsi que les ports de haute mer britanniques.

V. COMPATIBILITÉ AVEC LE MARCHÉ COMMUN ET L'ACCORD EEE

A. Services de manutention dédiés au trafic hinterland de charbon et de minerai de fer

1. Article 2, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations

a) Effets unilatéraux

(i) Renforcement de la position dominante de Sea-Invest à Anvers

(73) Il ressort de la définition du marché que Sea-Invest occupe une position dominante sur le marché anversois (100 % de parts de marché) des services de manutention dédiés au trafic hinterland de charbon et de minerai de fer (43). Ainsi qu'il est expliqué dans la définition du marché géographique en cause (44), le terminal d'ABT (détenu par Sea-Invest) n'est exposé qu'à une concurrence à la marge sur ce marché. La question de savoir si le projet de concentration va permettre à Sea-Invest de renforcer la position dominante d'ABT dans le port d'Anvers dépend de la possibilité et de l'avantage que pourra trouver Sea-Invest à utiliser ses pouvoirs de contrôle en commun pour restreindre ou éliminer cette concurrence à la marge.

Pouvoirs de Sea-Invest

(74) Ainsi qu'il est exposé plus haut à la section II, le contrôle en commun de Sea-Invest sur EMO-EKOM vient de sa participation dans SNV, actionnaire à [...]* % d'EMOEKOM. Ce contrôle en commun confère à Sea-Invest, par l'intermédiaire de la représentation de SNV dans le conseil de surveillance d'EMO-EKOM, un droit de veto sur toutes les questions pour lesquelles le conseil d'administration d'EMOEKOM nécessite l'approbation du conseil de surveillance. Sea-Invest n'a pas le pouvoir de forcer le conseil de surveillance d'EMO-EKOM à adopter certaines décisions. Elle aurait besoin pour cela de l'accord et de la coopération des autres actionnaires.

(75) La détention d'un droit de veto sur des propositions relatives à des choix stratégiques offre en principe à Sea-Invest un levier important pour bloquer des propositions susceptibles d'avoir une incidence directe sur la concurrence à la marge, ou pour imposer sa volonté à EMO-EKOM en bloquant arbitrairement des propositions, au cas où cette dernière agirait contre les intérêts de Sea-Invest. Le droit de veto pourrait constituer un moyen de pression particulièrement important dans le cadre de l'adoption de décisions d'investissement stratégiques.

(76) Une autre possibilité pour Sea-Invest serait d'utiliser son droit de veto pour bloquer des propositions concernant d'autres questions telles que l'adoption du plan d'exploitation ou encore la désignation des membres de la direction, dans l'hypothèse où l'intention de Sea-Invest serait d'obliger EMO-EKOM à adopter un comportement plus conforme à ses vues sur la question de la concurrence à la marge, qu'il s'agisse d'infléchir les orientations sur la concurrence à la marge, ou bien de bloquer arbitrairement des propositions.

(77) D'autre part, la participation de Sea-Invest au conseil de surveillance d'EMO-EKOM en tant qu'actionnaire de la société lui donne accès à des informations générales sur la politique commerciale d'EMO-EKOM et sur sa planification stratégique. Le niveau général des prix pratiqués par EMO-EKOM (sans aller toutefois jusqu'aux prix facturés aux clients) fait partie des points qui peuvent être débattus lors des réunions du conseil de surveillance. Sea-Invest serait ainsi en mesure d'évaluer la pression concurrentielle qu'EMO-EKOM exerce sur son terminal anversois ABT.

Alternatives ouvertes aux clients à la marge

(78) Aucune de ces stratégies ne pourrait toutefois renforcer la position de Sea-Invest, du moment que les clients à la marge ont la possibilité de basculer sur d'autres terminaux. Il ressort de l'enquête approfondie que les clients à la marge identifiables sont pratiquement tous des négociants. Par rapport aux autres types de clients, les négociants ont plus de marge de manœuvre dans le choix de leur terminal. La majorité de ces clients à la marge ont la possibilité de faire basculer certains volumes de charbon d'ABT sur Rotterdam ou Amsterdam. Cela dit, l'enquête a confirmé qu'aucun de ces clients susceptibles de transférer certains volumes d'ABT à Anvers vers Rotterdam ne serait exclusivement tributaire d'EMO-EKOM. Au contraire, la plupart ont mentionné d'autres terminaux qu'EMO-EKOM, tels OBA et Rietlanden à Amsterdam ou d'autres terminaux de Rotterdam, comme la meilleure alternative possible à ABT. De même, les clients à la marge qui seraient en mesure de faire basculer des volumes de Rotterdam sur le terminal ABT d'Anvers ont également confirmé qu'ils disposaient d'autres solutions de rechange plus intéressantes qu'ABT, et qu'ils pouvaient se tourner notamment vers d'autres terminaux de Rotterdam et d'Amsterdam.

(79) Il s'ensuit que, même si le projet de concentration permettait à Sea-Invest, en tant qu'actionnaire indirect d'EMO-EKOM, de peser sur la stratégie commerciale d'EMOEKOM après la concentration, elle ne serait pas en mesure d'éliminer la concurrence à la marge. L'enquête a confirmé qu'un transfert de volumes par des clients à la marge vers d'autres terminaux néerlandais n'est pas simplement une possibilité théorique. ABT aurait encore à affronter la concurrence à la marge des autres terminaux de Rotterdam et d'Amsterdam. L'enquête sur le marché indique que ces terminaux ont la capacité suffisante pour absorber les tonnages de charbon que les clients à la marge pourraient retirer à ABT. Il est important de noter à cet égard que les terminaux OBA et Rietlanden d'Amsterdam ont tous deux décidé de développer de manière substantielle leurs capacités de traitement du charbon. Bien que ces accroissements de capacité soient essentiellement mis en œuvre dans la perspective de la hausse attendue des importations allemandes de charbon, ils ne vont pas moins renforcer encore la capacité de ces terminaux à absorber les volumes que les clients à la marge pourraient transférer d'ABT. Il serait de surcroît d'autant plus facile de réagir à d'éventuelles hausses de prix du terminal ABT que les volumes transférables par les clients à la marge sont de toute façon restreints.

(80) Il convient de souligner que les quantités totales de charbon et de minerai de fer que représentent ces clients à la marge sont assez limitées. Le volume qu'ils peuvent faire basculer sur d'autres terminaux représente moins de 10 % du volume total d'ABT. On pourrait faire valoir que même si les clients ne peuvent faire basculer qu'une partie de leurs volumes, il convient de prendre en compte le volume total que chaque client fait traiter par le terminal d'ABT étant donné que les terminaux n'opèrent pas de discrimination tarifaire entre les volumes relevant d'un seul et même client. D'après les résultats de l'enquête approfondie, la somme du volume total des clients qui auraient la possibilité de transférer une partie de leurs volumes représente moins de 20 % du volume d'ABT. Dans tous les cas, si les quantités transférables sont réduites par rapport au volume captif du client, le terminal peut encore choisir de renoncer au volume marginal et, en compensation, d'appliquer au volume captif une majoration de prix.

Défaut d'intérêt de Sea-Invest

(81) La stratégie consistant à bloquer les investissements dans EMO-EKOM pour rendre ABT plus attractif risque toujours d'inciter les clients à abandonner EMO-EKOM au profit d'autres terminaux néerlandais. D'autre part, bloquer des investissements susceptibles d'accroître la rentabilité d'EMO-EKOM n'a de sens que si les avantages l'emportent sur les coûts. Le fait que les volumes que représentent les clients à la marge soient réduits par rapport aux volumes des autres clients pèse beaucoup à cet égard.

(82) Par exemple, le blocage d'un investissement destiné à améliorer les installations de chargement ferroviaire d'EMO-EKOM n'aurait pas de sens. Un tel investissement, qui serait lié à l'ouverture de la nouvelle liaison ferroviaire (Betuwe Lijn) entre les Pays-Bas et l'Allemagne, permettrait à EMO-EKOM de profiter de la croissance attendue de la demande allemande de charbon importé. Il renforcerait donc la rentabilité d'EMO-EKOM, ce qui est aussi dans l'intérêt de Sea-Invest. De plus, le risque important serait que les clients à la marge basculent d'EMO-EKOM sur OBA ou Rietlanden plutôt que sur ABT. Le coût d'un tel veto pour Sea-Invest serait donc supérieur aux avantages qu'elle pourrait en tirer.

(83) Le blocage de l'adoption du plan d'exploitation, qui fixe le budget annuel et la stratégie commerciale de l'entreprise, risquerait d'avoir des conséquences négatives excédant de loin les maigres avantages que Sea-Invest pourrait espérer obtenir d'une politique d'EMO-EKOM laissant la clientèle à la marge à ABT. Par exemple, sachant que le premier potentiel de croissance d'EMO-EKOM est le marché allemand et non pas le marché belge ou le marché français, le blocage par Sea-Invest d'un plan d'exploitation soutenant la volonté d'EMO-EKOM de se développer sur l'axe allemand nuirait à la rentabilité de cette dernière. Il est très improbable que la perte de rentabilité puisse être compensée par les éventuels avantages d'une concurrence réduite à la marge. En tout état de cause, ces avantages seraient incertains, étant donné les possibilités dont disposent les clients à la marge pour basculer sur d'autres terminaux. Il en va de même de l'exercice des droits de veto concernant la désignation des dirigeants d'EMO-EKOM en vue d'infléchir la politique de la société à l'égard des clients à la marge.

(84) Quant à la visibilité que Sea-Invest aurait sur EMO-EKOM, il semble que cette dernière société ait pour politique de ne communiquer à ses actionnaires que les informations nécessaires. Cela peut s'expliquer par le fait qu'EMO-EKOM mène ses activités au quotidien de manière autonome, dans une large mesure, par rapport à ses actionnaires. C'est ce qu'il ressort de l'enquête sur le marché. Par exemple, les actionnaires n'ont pas accès aux informations sur les prix facturés aux clients individuels. En tout état de cause, étant donné les possibilités dont disposent les clients à la marge pour basculer sur d'autres terminaux, l'utilisation de ces informations par Sea-Invest ne saurait aboutir à une restriction de la concurrence à la marge. Pour la même raison, toute stratégie de Sea-Invest visant à se partager les clients à la marge avec EMO-EKOM serait vouée à l'échec.

(ii) Hausses de prix unilatérales d'EMO-EKOM

(85) Une autre hypothèse d'atteinte à la concurrence serait que le projet de concentration ait pour effet unilatéral d'inciter EMO-EKOM, en lui en donnant les moyens, à relever ses prix. Un tel effet unilatéral ne serait cependant possible que si i) Sea-Invest exerçait sur EMO-EKOM, avant la concentration, des pressions concurrentielles telles qu'elle l'empêcherait d'augmenter ses prix, et ii) si la concentration éliminait ou réduisait de manière substantielle les pressions concurrentielles exercées par Sea- Invest sur EMO-EKOM. Or, l'enquête sur le marché a montré qu'aucune de ces deux conditions n'était remplie.

(86) En premier lieu, il ressort de l'analyse de la possibilité dont disposent les clients pour basculer entre Anvers (voire Gand ou Dunkerque) et d'autres terminaux de la zone ARA que seules des quantités très marginales de charbon ou de minerai de fer pourraient passer d'EMO-EKOM aux terminaux de Sea-Invest. Les deux sociétés relèvent de marchés géographiques distincts, et les éventuelles pressions exercées sur EMO-EKOM par les terminaux de Sea-Invest se limiteraient à moins de 5 % du volume total traité par EMO-EKOM. En d'autres termes, pour les clients représentant plus de 95 % des volumes traités au terminal d'EMO-EKOM, les terminaux de Sea- Invest ne constituent pas une solution de rechange et ne sauraient être qualifiés de pression concurrentielle.

(87) Par ailleurs, les clients d'EMO-EKOM (dont ceux qui pourraient envisager de transférer certains volumes à ABT) ont presque toujours mentionné comme substituts possibles d'autres terminaux à Rotterdam ou Amsterdam, en particulier OBA ou Rietlanden. Vu leurs projets d'expansion et compte tenu des très faibles quantités que les clients à la marge pourraient transférer d'EMO-EKOM aux terminaux de Sea- Invest, les deux terminaux amstellodamois ont une capacité suffisante pour absorber ces clients. Dans l'éventualité d'une hausse des prix chez EMO-EKOM, il serait donc possible et plus raisonnable pour les clients à la marge de basculer sur d'autres terminaux que ceux de Sea-Invest. Il ressort donc clairement de l'enquête approfondie que Sea-Invest n'est pas le concurrent le plus direct d'EMO-EKOM et que la pression concurrentielle exercée par les terminaux de Sea-Invest sur EMO-EKOM est négligeable. Même après la concentration, d'autres terminaux de Rotterdam, d'Amsterdam et de Zélande, notamment OBA et Rietlanden, exerceront une pression concurrentielle sur la politique tarifaire d'EMO-EKOM.

(88) En second lieu, en admettant même que les terminaux de Sea-Invest exercent une pression concurrentielle sur EMO-EKOM, il est très improbable que l'acquisition d'un contrôle en commun réduise cette pression d'une manière substantielle. Les réponses fournies par les clients dans le cadre de l'enquête sur le marché indiquent qu'EMOEKOM ne dispose d'aucune capacité de réserve. Il est vrai que la société développe ses capacités de manutention, mais il s'agit par là de faire face à l'augmentation des tonnages résultant de la croissance attendue de la demande en Allemagne. ABT, en revanche, semble d'ores et déjà disposer d'une certaine marge de capacité et devrait même voir décroître encore davantage ses volumes avec la fermeture de plusieurs aciéries clientes. De surcroît, ses faiblesses en matière de liaisons avec l'hinterland ne devraient pas permettre à ABT de profiter véritablement de la hausse des importations allemandes de charbon. Sea-Invest n'aurait donc aucun intérêt à relâcher la concurrence qu'ABT livre à EMO-EKOM, puisqu'elle aurait besoin d'attirer sur Anvers de nouveaux volumes de charbon et de minerai de fer pour garantir un taux d'exploitation rentable de ses capacités de manutention.

(89) Compte tenu de ce qui précède, le projet de concentration ne pose aucun problème de concurrence qui serait dû à des effets unilatéraux renforçant la position dominante de Sea-Invest ou permettant à EMO-EKOM d'augmenter ses prix.

b) Effets coordonnés

(90) Dans sa décision d'engager la procédure conformément à l'article 6, paragraphe 1, point c), la Commission a également retenu au titre des atteintes possibles à la concurrence la coordination du comportement de Sea-Invest, d'EMO-EKOM et d'autres terminaux (OBA, EBS, RBT, OVET) que les actionnaires d'EMO-EKOM détiennent individuellement ou conjointement. Elle indiquait dans sa décision qu'une telle coordination pouvait être amenée par les liens structurels créés entre Sea-Invest et EMO-EKOM, HES et Manufrance.

(91) Les problèmes de concurrence évoqués dans la décision prise en vertu de l'article 6, paragraphe 1, point c), portaient sur les éventuels effets coordonnés du projet de concentration dans l'hypothèse où le marché géographique couvrirait l'ensemble de la zone ARA. Or, l'enquête approfondie a permis d'identifier (45) deux marchés géographiques distincts: les terminaux contrôlés par Sea-Invest n'opèrent pas sur le même marché qu'EMO-EKOM et d'autres terminaux contrôlés par HES et Manufrance. Une coordination anticoncurrentielle de leur comportement à la suite du projet de concentration apparaît donc improbable au regard de la quasi-absence de pression concurrentielle entre ABT et les autres terminaux.

(92) Pour autant qu'il subsiste une trace de concurrence à la marge entre ABT et d'autres terminaux de la zone ARA, l'enquête approfondie n'a apporté aucun élément permettant de conclure que le projet de concentration pourrait donner lieu à des effets coordonnés. Plusieurs clients et concurrents ont indiqué au cours de l'enquête qu'une concurrence s'exerçait actuellement entre tous les terminaux néerlandais d'HES et de Manufrance. D'après eux, la gestion des terminaux est relativement autonome sur le plan opérationnel, notamment en ce concerne la politique de prix pratiquée à l'égard des clients individuels ou les projets d'extension des capacités. De plus, dans la mesure où Sea-Invest n'exerce sur ces terminaux qu'une pression concurrentielle extrêmement limitée sur le marché des services de manutention du charbon et du minerai de fer, on ne voit pas en quoi sa prise de contrôle en commun d'EMO-EKOM pourrait inciter les autres actionnaires d'EMO-EKOM à coordonner leur comportement après la concentration proposée.

(93) La coordination apparaît également d'autant moins probable que les actionnaires d'EMO-EKOM sont relativement hétérogènes pour ce qui est de leur champ d'activités et de leur intégration verticale. Tandis que Sea-Invest et HES ne sont pas verticalement intégrées avec leurs clients pour les services de manutention, Manufrance (46) est liée à plusieurs grands clients et TKV fait directement partie du groupe ThyssenKrupp, avec des activités importantes dans le secteur de l'acier. D'autre part, Sea-Invest est active dans un certain nombre de ports en Belgique, en France, en Allemagne et en Afrique du Sud, tandis que les activités de manutention d'HES, en particulier, sont concentrées dans les ports néerlandais. Le marché des services de manutention dans la zone ARA est donc essentiel pour les activités d'HES, mais il est relativement moins important pour Sea-Invest, qui est présente dans bien d'autres zones géographiques. Le projet de concentration, par laquelle un autre client-actionnaire, RAG, est remplacé par Sea-Invest, exploitant "pur" de terminaux, pourra certes renforcer le poids des sociétés de services de manutention dans EMO-EKOM, mais le groupe d'actionnaires ne sera pas encore suffisamment homogène pour que l'hypothèse d'une coordination des comportements soit vraisemblable.

(94) L'enquête approfondie n'a pas confirmé l'éventualité d'une coordination dans les services de manutention de charbon et de minerai de fer au regard des autres critères définis par les lignes directrices sur l'appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (47) et fondés sur la jurisprudence pertinente, c'est-à-dire la transparence, la disponibilité d'un mécanisme de dissuasion et la réaction des clients et des concurrents. La relative transparence du marché évoquée dans la décision prise en vertu de l'article 6, paragraphe 1, point c), ne s'est pas vue confirmée au cours de l'enquête approfondie. Les exploitants de terminaux ont sans doute connaissance du niveau général des prix pratiqués par les autres terminaux, mais l'enquête a montré que les prix facturés aux clients individuels varient de manière significative, aussi à l'intérieur d'un même terminal, et qu'ils ne sont pas connus des autres exploitants. La transparence du marché sur le plan des conditions de prix convenues lors des négociations avec les clients individuels est donc limitée.

(95) D'autre part, en raison des spécificités de la situation de chaque client, l'environnement économique sur le marché des services de manutention du charbon et du minerai de fer apparaît assez complexe, ce qui rend d'autant plus difficile la coordination des comportements. Les particularités de chaque client, notamment sa situation géographique, font que les services de manutention ne peuvent pas être considérés comme homogènes. Comme il est démontré à la section relative à la définition du marché géographique, pour les clients, le choix du terminal est largement déterminé par leur situation géographique. Pour chaque client individuel, les services que proposent les terminaux dans les différents ports ne sont donc pas, dans la grande majorité des cas, aisément substituables.

(96) L'enquête approfondie n'a en outre apporté aucun élément permettant d'établir l'existence d'un mécanisme de dissuasion crédible visant à empêcher tout écart par rapport à la coordination. Elle n'a pas confirmé, en particulier, la possibilité évoquée dans la décision prise en vertu de l'article 6, paragraphe 1, point c), d'exercer en représailles les droits de veto détenus dans EMO-EKOM. Ainsi qu'il est expliqué plus haut (48), les droits de veto dans EMO-EKOM ont trait à certaines décisions stratégiques, notamment les nouveaux investissements. Si Sea-Invest bloquait des investissements visant à développer les capacités d'EMO-EKOM, ce serait nécessairement au profit d'autres terminaux à Rotterdam, à Amsterdam et en Zélande (notamment les terminaux d'HES et de Manufrance), qui se tailleraient ainsi une plus grande part de la hausse des importations allemandes de charbon. Le terminal ABT d'Anvers ne bénéficierait en revanche d'aucun transfert appréciable de volumes, compte tenu de la substituabilité très marginale d'Anvers à Rotterdam. On ne voit donc pas comment la menace de bloquer des investissements dans EMO-EKOM pourrait être utilisée comme mécanisme de dissuasion, du moins par Sea-Invest.

(97) S'agissant de la possible réaction des entités extérieures à une coordination entre les actionnaires d'EMO-EKOM, l'enquête approfondie a fait ressortir l'importance de Rietlanden en tant que concurrent indépendant, dont le développement rapide tient aussi, apparemment, à sa politique de prix attractive. Avec la construction de son nouveau terminal dans la zone portuaire amstellodamoise d'Afrikahaven, qui va lui permettre d'accroître ses capacités de manière significative dans les prochaines années, Rietlanden peut être considéré comme un sérieux concurrent. Par ailleurs, les entreprises qui utilisent les services de manutention du charbon et du minerai de fer sont, notamment, de grandes sociétés sidérurgiques et énergétiques. Si les possibilités dont elles disposent pour transférer sur un autre terminal la totalité de leurs importations sont restreintes, leur puissance d'achat se trouve néanmoins renforcée par leur importance relative: pour chacun des terminaux concernés, les cinq plus gros clients représentant en moyenne au moins 80 % des volumes de charbon et de minerai de fer traités. Par conséquent, tant les concurrents indépendants que les gros clients représentent des contraintes non négligeables, susceptibles de remettre en cause les résultats attendus de la coordination.

(98) Compte tenu de ce qui précède, la concentration proposée ne pose aucun problème de concurrence qui serait dû à des effets coordonnés entre Sea-Invest, EMO-EKOM, HES et Manufrance.

2. Article 2, paragraphe 4

(99) Un autre problème possible de concurrence réside dans une coordination au sens de l'article 2, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations entre les actionnaires d'EMO-EKOM sur le marché des autres vracs secs. Or, EMO-EKOM ne traite pas les autres vracs secs et n'opère donc pas sur ce marché, selon la définition retenue plus haut (49). De plus, au vu des différences entre les deux marchés exposées plus haut aux considérants 17 à 20, il n'est pas certain que la manutention des autres vracs secs soit un marché voisin "étroitement lié" au marché des services de manutention du charbon et du minerai de fer au sens de l'article 2, paragraphe 5, du règlement sur les concentrations.

(100) En tout état de cause, rien n'indique que l'entrée de Sea-Invest dans le capital d'EMO-EKOM puisse aboutir à une coordination avec HES et Manufrance sur l'autre marché des vracs secs. Le fait que Sea-Invest rencontre HES et Manufrance dans le conseil de surveillance d'EMO-EKOM et discute avec elles de la stratégie d'EMOEKOM sur le marché de la manutention du charbon et du minerai de fer n'accroît pas de manière appréciable le risque de collusion sur le marché des autres vracs secs. Du reste, les ports de Rotterdam et d'Amsterdam comptent plusieurs opérateurs indépendants qui traitent les autres vracs secs. Par conséquent, en admettant même que la concentration accroisse les risques de coordination, Sea-Invest, HES et Manufrance n'auraient de toute façon pas la possibilité d'éliminer la concurrence sur le marché des autres vracs secs.

B. Services de manutention dédiés au trafic de transbordement de charbon et de minerai de fer

(101) Les fortes restrictions de tirant d'eau du port d'Anvers ainsi que sa situation à l'intérieur des terres interdisent au terminal ABT de Sea-Invest de prendre en charge du charbon ou du minerai de fer à transborder. Le terminal de Sea-Invest à Dunkerque (Sea-Bulk) ne reçoit pas de minerai de fer en transbordement, mais il traite en revanche des volumes limités de charbon destinés à être transbordés vers un client britannique. Celui-ci est le seul client de Sea-Invest pour les services de transbordement à destination du Royaume-Uni. EMO-EKOM, qui n'est pas présent sur le marché du transbordement à destination du Royaume-Uni, ne traite dans l'ensemble que de très faibles volumes de transbordement. D'autres terminaux actuellement actifs sur le marché du transbordement vers le Royaume-Uni sont OBA et OVET.

(102) Compte tenu de la définition large du marché géographique en cause, les activités de transbordement de Sea-Invest et d'EMO-EKOM se chevauchent légèrement à l'heure actuelle. Les effets potentiels de ce chevauchement sont réduits par le fait qu'il existe de nombreux ports en eau profonde sur le continent qui pourraient entrer sur ce marché. Dans le cas du client britannique de Sea-Invest, il est clair qu'au moins le Centre Multivra du Havre ("CIPHA") au Havre et Rietlanden à Amsterdam pourraient proposer des services concurrents. Mais certains ports britanniques en eau profonde pourraient également, en principe, assurer les services de transbordement concernés. Le Royaume-Uni compte au moins quatre ports capables de recevoir des navires de très grande taille (Hunterston, Port Talbot, Redcar et Immingham), dont l'un sur sa côte est (Immingham).

(103) Eu égard à l'étendue du marché géographique en cause et à l'existence de multiples alternatives pour la fourniture de services de transbordement, la position conjointe de Sea-Invest et d'EMO-EKOM sur le marché du transbordement n'est pas de nature à entraver de manière significative une concurrence effective.

C. Conclusion

(104) Pour les motifs exposés ci-dessus, il y a lieu de conclure que le projet de concentration n'entravera pas de façon significative l'exercice d'une concurrence effective dans le Marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci, et qu'il n'aboutira pas à une coordination du comportement concurrentiel d'entreprises qui restent indépendantes, contraire aux critères définis par l'article 81 du traité. L'opération de concentration devrait donc être déclarée compatible avec le Marché commun et avec l'accord EEE.

A arrêté la présente décision:

Article premier

L'opération de concentration notifiée, par laquelle Sea-Invest NV acquerra le contrôle en commun, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement (CE) n° 139-2004, des entreprises Europees Massagoed-Overslagbedrijf BV et Erts- en Kolen Overslagbedrijf BV, est déclarée compatible avec le Marché commun et avec l'accord EEE.

Article 2

Sea-Invest

Skaldenstraat 1

9042 Ghent

Belgium

Notes

1 JO L 24 du 29.1.2004, p. 1.

2 JO C ...,...200 , p.

3 JO C ...,...200 , p.

4 Les services de manutention sont également appelés "services de terminal".

* Certains passages du présent document ont été supprimés de manière à ne pas publier d'informations confidentielles; ils figurent entre crochets et sont indiqués par un astérisque.

5 Les [...] % restants sont détenus à parts pratiquement égales par la société des chemins de fer belges SNCB et la société de capital-investissement GIMV.

6 L'appellation "EMO-EKOM" sera utilisée tout au long du texte, même lorsque, parfois, seule EMO ou EKOM est visée.

7 Y inclus IJmuiden.

8 Flessingue et Terneuzen.

9 Toutefois, selon Manufrance, aucun de ces actionnaires ne contrôle à l'heure actuelle ATIC Services.

10 Voir l'article 1 de la seconde annexe, du 15 décembre 1993, du pacte d'actionnaires du 12 juin 1991.

11 Voir l'article 2 du pacte d'actionnaires du 12 juin 1991.

12 Voir l'article 12, paragraphe 7, des statuts d'EMO-EKOM.

13 Voir l'article 15, paragraphe 7, des statuts d'EMO-EKOM.

14 Voir l'article 2, paragraphe 4, de la seconde annexe, du 15 décembre 1993, du pacte d'actionnaires du 12 juin 1991. Le caractère contraignant de cette annexe a fait l'objet d'un différend entre les parties. Il a finalement été précisé qu'elle était opposable en justice.

15 Voir l'article 18, paragraphe 4, l'article 25, paragraphe 2, et l'article 30, paragraphes 1 et 4, des statuts de SNV.

16 La substitution d'un actionnaire à un autre est de nature à modifier la qualité du contrôle dans l'entreprise commune. Les entreprises concernées sont donc les actionnaires majoritaires anciens et nouveaux et l'entreprise commune elle-même. Voir la communication de la Commission sur la notion d'entreprises concernées, en vertu du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, paragraphe 44. SNV n'est pas prise en compte dans la mesure où il s'agit d'une pure société holding servant de vecteur d'acquisition (voir la communication sur la notion d'entreprises concernées, paragraphe 28).

17 Chiffre d'affaires calculé selon les règles établies à l'article 5, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations et développées dans la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaires en vertu du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO C 66 du 2.3.1998, p. 25).

18 Sea-Invest [...]* millions d'euro, EMO-EKOM [...]* millions d'euro, TKV (en incluant ThyssenKrupp) [...]* millions d'euro, HES [...]* millions d'euro, Manufrance (en incluant ATIC Services) [...]* millions d'euro.

19 Sea-Invest [...]* millions d'euro; [...]* millions d'euro.

20 Affaire n° JV.55 Hutchison/RCPM/ECT; affaire n° M.3576 - ECT/PONL/Euromax

21 Affaire n° M.3884 - ADM Poland/Cefetra/BTZ.

22 Affaire n° JV.55 Hutchison/RCPM/ECT; affaire n° M.3576 - ECT/PONL/Euromax.

23 Selon les résultats de l'enquête menée sur le marché, les quantités totales de charbon et de minerai de fer représentent plus de 70 % de l'ensemble du vrac sec (à l'exclusion du vrac agricole) manutentionné dans les terminaux de la zone ARA. Autrement dit, les autres marchandises solides en vrac constituaient, à elles toutes, moins de 30 % des volumes de vrac sec.

24 Voir considérant 17.

25 Voir considérants 57 et suivants.

26 Affaire n° JV.55 Hutchison/RCPM/ECT et affaire n° M.3576 - ECT/PONL/Euromax.

27 Affaire n° JV.55 Hutchison/RCPM/ECT.

28 On peut citer aussi, parmi les autres éléments de coûts, les taxes portuaires et les services de remorquage ou de pilotage, mais leur importance relative reste marginale dans l'ensemble des coûts de la chaîne logistique (moins de 5 % en général); au demeurant, leur différentiel de coûts d'un port à l'autre de la zone ARA est négligeable par rapport aux coûts logistiques totaux (par exemple, les taxes portuaires applicables aux vraquiers secs dans le port d'Anvers sont inférieures de 0,2 euro par tonne brute de navire à celles pratiquées à Rotterdam, ce qui se traduit, d'après Sea-Invest, par une différence d'environ 0,1 euro par tonne de vrac sec transporté).

29 Il convient de noter que les chiffres indiqués sont des maximums pour chaque port, mais que le tirant d'eau peut varier d'une zone à l'autre du port, et que certains terminaux peuvent se trouver en eau moins profonde, par exemple derrière les écluses ou plus loin encore de la mer.

30 Ce pourcentage ne représente que le minerai de fer traité par les terminaux opérant sur le marché ouvert, à l'exclusion des terminaux captifs (dont le terminal EECV de Rotterdam). Si les terminaux captifs étaient inclus, la part de Rotterdam serait encore supérieure.

31 D'après les informations fournies par le port de Rotterdam, près de 93 % du minerai de fer déchargé à Rotterdam provient de navires de plus de 140 000 TPL, et près de 57 % de navires de plus de 200 000 TPL.

32 Leur part précise varie en fonction de la combinaison origine/destination finale du charbon.

33 Voir considérants 44 et suivants.

34 Le manque de données n'a pas permis à la Commission de mener une analyse aussi détaillée en ce qui concerne les frais de transport intérieur du minerai de fer. Cependant, rien dans les résultats de l'enquête ne donne à penser que la situation serait fondamentalement différente pour le minerai de fer, sachant que celui-ci, comme le charbon, est acheminé essentiellement par barges fluviales et trains, et que les possibilités de transport terrestre sont donc largement les mêmes dans les deux cas.

35 Les seules exceptions sont les usines situées à proximité immédiate du terminal: le charbon et le minerai de fer y sont acheminés directement par un convoyeur à bande.

36 Leur part précise varie cependant de manière significative selon la combinaison origine/destination finale du charbon.

37 Voir considérant 53.

38 Voir les estimations données par Interregio (plate-forme publique de coopération entre les provinces du Nord Brabant et de Limbourg) sur le site http://www.interregio.nu.

39 Le principe du "part-cargo" consiste en l'affrètement d'espace sur un navire partagé avec d'autres clients, lorsque les quantités importées ne sont pas suffisantes pour rentabiliser l'affrètement d'un navire complet ou "dédié". Le navire en "part cargo" est généralement semi-régulier, en ce sens qu'il navigue normalement entre une paire déterminée de ports de chargement et de déchargement pour servir une demande spécifique.

40 Par exemple ThyssenKrupp à Rotterdam, Corus à Amsterdam, Arcelor à Dunkerque et à Gand.

41 "FOB" est un incoterm (International Commercial Term - terme du commerce international) qui signifie "franco à bord". La formule "FOB barge" signifie que le vendeur doit livrer la marchandise à bord de la barge désignée par l'acheteur.

42 Affaire n° JV.55 Hutchison/RCPM/ECT; affaire n° M.3576 - ECT/PONL/Euromax.

43 La position dominante de Sea-Invest ne changerait pas si on incluait les ports de Gand et de Dunkerque dans le marché géographique en cause, car les terminaux qui y traitent le charbon et le minerai de fer pour des clients non captifs sont contrôlés par Sea-Invest. L'analyse qui suit resterait donc tout aussi valable si Gand et Dunkerque relevaient du même marché géographique qu'Anvers.

44 Voir considérant 27 et suivants.

45 Voir considérant 27 et suivants.

46 Sa société parente, ATIC Services, opère également dans les secteurs du négoce du charbon, de la logistique fluviale, du transport maritime et des contrôles de la qualité.

47 JO C 31 du 5.2.2004, p. 5.

48 Voir considérant 74 et suivants.

49 Voir considérant 17.

Avis du Comité Consultatif en matière de Concentrations donné lors de sa 142ème réunion du 20 juillet 2006 concernant un projet de décision dans l'affaire COMP/M.3848 - Sea-Invest/EMO-EKOM

Rapporteur: Portugal

1. Le comité consultatif partage l'avis de la Commission selon lequel l'opération notifiée constitue une concentration de dimension communautaire au sens de l'article 1er, paragraphe 2, et de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement communautaire sur les concentrations.

2. Le comité consultatif approuve les définitions des marchés de produits en cause que la Commission a retenues dans le projet de décision.

3. Le comité consultatif est d'accord avec les définitions des marchés géographiques en cause que la Commission a retenues dans le projet de décision.

4. Le comité consultatif se range à l'évaluation de la Commission selon laquelle l'opération ne soulève pas de problèmes de concurrence dus à des effets unilatéraux, renforçant la position dominante de Sea-Invest ou permettant à EMO-EKOM de relever ses prix, ou à des effets coordonnés dans le domaine des services de manutention dédiés au trafic hinterland de charbon et de minerai de fer.

5. Le comité consultatif partage l'appréciation de la Commission selon laquelle les variations de l'entreprise commune ne soulèvent pas de problèmes de concurrence dus à des effets coordonnés, au sens de l'article 2, paragraphe 4, du règlement sur les concentrations.

6. Le comité consultatif souscrit au point de vue de la Commission selon lequel la concentration notifiée ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun, au sens de l'article 10, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations.

7. Le comité consultatif convient avec la Commission que la concentration notifiée devrait être déclarée compatible avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE, conformément à l'article 2, paragraphe 2, et à l'article 8, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations ainsi qu'à l'article 57 de l'accord EEE.

8. Le comité consultatif demande à la Commission de prendre en considération l'ensemble des autres points soulevés lors de la discussion.

<emplacement tableau>

RAPPORT FINAL DU CONSEILLER-AUDITEUR DANS L'AFFAIRE COMP/M.3848 - Sea-Invest / EMO EKOM

(élaboré conformément aux articles 15 et 16 de la décision 2001/462/CE, CECA, de la Commission du 23 mai 2001 relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence - JO L162 du 19 juin 2001, p.21)

Le 24 février 2006, la Commission a reçu une notification, conformément à l'article 4 du règlement (CE) n° 139-2004 du Conseil (règlement sur les concentrations), d'un projet de concentration par lequel l'entreprise Sea-Invest NV acquiert, par achat d'actions, le contrôle en commun des entreprises Europees Massagoed-Overslagsbedrijf B.V et Erts- en Kolen Overslagsbedrijf BV (EMO-EKOM). À l'issue de cette opération, EMO-EKOM sera placée sous le contrôle conjoint de Sea-Invest NV, Thyssen-Krupp Veerhaven BV, H.E.S. Beheer N.V et Manufrance BV

Par décision du 31 mars 2006, la Commission a conclu que cette opération soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et le fonctionnement de l'accord EEE. Elle a dès lors engagé la procédure prévue par l'article 6, paragraphe 1, point c, du règlement sur les concentrations. Le 3 mai 2006, elle a décidé de prolonger la procédure de 20 jours ouvrables, conformément à l'article 10, paragraphe 3, point 2, du règlement sur les concentrations.

Le 4 avril 2006, Sea-Invest a eu, sur sa demande, accès à certains "documents clés" du dossier de la Commission, conformément au chapitre 7.2 de la note de la Commission concernant un guide de bonnes pratiques en matière de procédure de contrôle des concentrations.

Au terme d'une analyse approfondie du marché, les services compétents de la Commission ont estimé que les doutes sérieux avaient été levés et que l'opération envisagée n'entraverait pas de manière significative l'exercice d'une concurrence effective dans le Marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci. La Commission n'a donc pas adressé de communication des griefs aux parties.

Le conseiller-auditeur n'a été saisi d'aucune question ou demande de la part des parties ou de tiers. L'affaire n'appelle aucune observation particulière concernant le droit d'être entendu.

Bruxelles, le 26 juillet 2006.

Serge Durande