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Décisions

CA Angers, ch. soc., 18 avril 2006, n° 05-01580

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Valette Foie Gras (SAS)

Défendeur :

Garnier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

M. Jegouic, Mme André

Avocats :

Mes Tordjman, Descamps, Pedron

Cons prud'h. du Mans, du 17 juin 2005

17 juin 2005

Monsieur Garnier a été engagé en 1995 en qualité de commercial par la société Valette Foie Gras d'abord sous contrat à durée déterminée (10 mois) puis sous contrat à durée indéterminée.

Monsieur Garnier a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 avril 2002.

Monsieur Garnier a saisi le conseil de prud'hommes de différentes demandes.

Par jugement en date du 17 juin 2005, le Conseil de prud'hommes du Mans a:

"Requalifié le contrat à durée déterminée initial du 27 mars 1995 en contrat à durée indéterminée et alloué en conséquence à Monsieur William Garnier la somme de 2 006,63 euro (deux mille six euro vingt-trois centimes) à titre d'indemnité

Rejeté la demande d'annulation de l'avertissement du 7 février 2002 et de dommages et intérêts subséquente.

Déclaré illicite la clause de non-concurrence et alloue à titre de dommages et intérêts la somme de 10 000 euro (dix mille euro) à Monsieur Garnier William.

Dit que le licenciement de Monsieur Garnier William repose sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, condamne la SAS Valette Foie Gras à verser à Monsieur Garnier William:

- 6 368,96 euro (six mille trois cent soixante-huit euro quatre-vingt-seize centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 4 052,97 euro (quatre mille cinquante-deux euro quatre-vingt dix-sept centimes) à titre d'indemnité de licenciement,

Rejeté les plus amples demandes, notamment de dommages et intérêts.

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles."

La SAS Valette Foie Gras, puis Monsieur Garnier, ont formé appel de cette décision.

La SAS Valette Foie Gras conclut au déboutement des demandes adverses. Elle demande 2 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses conclusions du 10 mars 2006, le salarié demande une majoration des sommes allouées, l'annulation de l'avertissement du 7 février 2002, que le licenciement soit déclaré abusif, ainsi que des dommages et intérêts, et une indemnité de procédure de 2 000 euro.

Les deux appels doivent être joints en raison de la connexité des instances.

Il résulte des écritures des parties que la requalification du contrat à durée déterminée de 1995 n'est pas remise en cause dans son principe, en revanche, le salarié demande à la cour de porter l'indemnité de requalification à la somme de 2 894 euro, au regard de son salaire moyen des douze derniers mois.

Il résulte de la jurisprudence que l'indemnité de requalification correspond à un mois de salaire moyen de la période d'emploi ayant précédé la saisine de la juridiction.

Il convient donc de porter le montant de l'indemnité de requalification à la somme de 2 894 euro.

Sur l'avertissement du 7 février 2002

Par courrier en date du 7 février 2002, la société Valette a notifié à Monsieur Garnier un avertissement au motif du mauvais traitement d'un bon de commande au nom de Carnaud Métal.

Monsieur Garnier indique que les faits ne sont pas constitués et demande l'annulation de cet avertissement.

De son côté, la société indique que l'avertissement s'applique à des faits précis et réels et qu'il n'y a pas d'intérêt pour le salarié à solliciter cette annulation, dans la mesure où cette sanction disciplinaire a fait l'objet d'une amnistie.

La sanction est concernée par la loi du 9 août 2002. Elle est déjà effacée par l'effet de la loi, le salarié ne peut donc justifier d'un intérêt suffisant à une annulation judiciaire, qui se superposerait à cet effet légal.

La demande d'annulation doit être rejetée, de même que la demande de dommages et intérêts afférente, aucun préjudice n'étant au reste démontré.

Sur la clause de non-concurrence:

Le contrat de travail de Monsieur Garnier comportait une clause de non-concurrence s'appliquant à toute activité du négoce des produits gastronomiques pendant 2 ans. Cette clause comportait une clause pénale. Il était précisé que la contrepartie financière de cette obligation est incluse dans la rémunération fixe et proportionnelle.

Le salarié soutient la nullité de cette clause qui ne pouvait pas lui être imposée et qui ne comportait pas de rémunération particulière.

L'employeur soutient que le salarié a bien perçu la contrepartie financière de cette clause de non-concurrence, dans la mesure où ses objectifs étaient fixés en fonction de cette clause, d'où il ressort que la contrepartie était rémunérée par le biais de la partie variable de la rémunération.

C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a déclaré nulle cette clause de non-concurrence par un motif que la cour adopte.

Par ailleurs, il existe un second motif de nullité, dans la mesure où lorsqu'une convention collective prévoit la possibilité d'insérer dans le contrat de travail de certaines catégories de salariés une clause de non-concurrence, l'employeur ne peut imposer par contrat un tel engagement à d'autres catégories.

Dans la situation d'espèce, la convention collective applicable (industries de la conserve) ne prévoit la possibilité d'instaurer une clause de non-concurrence que vis-à-vis des cadres, or Monsieur Valette n'a pas cette qualité. La clause est donc nulle.

L'employeur soutient qu'en tout état de cause, le salarié ne justifie ni qu'il a respecté la clause, ni de l'étendue de son préjudice.

Contrairement à ce que soutient le salarié c'est à lui de prouver qu'il a bien respecté la clause de non-concurrence. Le salarié ne verse aucune pièce et en particulier aucun document ASSEDIC pour la période concernée par la clause de non-concurrence (mars 2002 à mars 2004). Toutes les pièces versées concernent la période postérieure au 1er avril 2004.

Le salarié indique qu'il ne peut pas produire des documents ASSEDIC antérieurs en raison de difficultés rencontrées avec cet organisme.

On ne peut en l'état du dossier tenu pour établir que le salarié a respecté la clause de non-concurrence. Il lui appartenait d'obtenir les documents de l'ASSEDIC justifiant sa position.

Dans ces conditions, la demande dommages et intérêts pour maintien d'une clause de non-concurrence nulle doit être rejetée.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement du 2 avril 2002 pour faute grave précise :

"Les 13 et 14 mars 2002, lors du Salon de Rennes, vous avez commis les fautes suivantes :

- comportement perturbateur, injurieux et agressif en présence de la clientèle.

- tenue négligée et malpropre, incompatible avec l'emploi occupé.

A cela s'ajoutent les faits antérieurement sanctionnés par les avertissements en date du 3 avril 2000 et 7 février 2002.

- manquement dans le suivi professionnel des clients.

- propos calomnieux à l'égard de la hiérarchie.

- mauvaise relation avec certains clients.

- manquement dans les relations clientèle.

- dérapage téléphonique à l'endroit d'Aline Villanova.

Ces faits sont constitutifs d'une faute grave."

Monsieur Garnier soutient que son licenciement n'est pas motivé.

En premier lieu, il indique avoir fait l'objet d'un licenciement verbal le 27 mars 2002, date de l'entretien préalable.

Le salarié au soutien de cet argument fait état d'un courrier de son employeur en date du 27 mars 2002.

C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a estimé que cette lettre émanant du Directeur des Ressources Humaines ne suffisait pas à prouver le licenciement verbal invoqué. Ce courrier constitue, comme l'a dit le conseil de prud'hommes, un élément d'une négociation transactionnelle, qui n'a pas abouti.

Le débat doit porter sur les faits nouveaux des 13 et 14 mars 2002.

Les faits reprochés à Monsieur Garnier pendant le Salon de Rennes sont évoqués dans deux attestations de collaboratrices, Mesdames Villanova et Gonbes.

Le grief d'attitude négligée et fumiste contenue dans une des attestations est contredite par les deux attestations versées par Monsieur Garnier;

Le grief d'attitude vulgaire et agressive à l'égard des deux témoins est insuffisamment caractérisé, alors que Monsieur Garnier indique qu'il avait eu des différends professionnels avec l'un des deux témoins.

Le seul élément un peu précis contenu dans les deux attestations (ce qui suppose que le salarié ait tenu ces propos à l'égard des deux salariés en termes identiques), est le fait qu'il ait dit que ces collègues étaient "les esclaves de la direction et qu'elles n'auraient pas d'évolution dans l'entreprise".

De tels propos, à les supposer avérés, sont certes regrettables, mais ne justifient pas le licenciement qui est la sanction ultime que peut prendre l'employeur.

A supposer les faits établis, ils ne constituent pas une cause sérieuse du licenciement. A défaut de griefs nouveaux validés, les griefs anciens déjà sanctionnés ne peuvent justifier le licenciement.

Il convient de réformer le jugement sur ce point. Il convient d'allouer une somme de 18 000 euro à Monsieur Garnier à titre de dommages et intérêts par application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail.

Les indemnités de rupture arbitrées par le conseil de prud'hommes doivent être confirmées.

Il convient d'allouer à Monsieur Garnier une somme de 1 200 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement; Prononce la jonction des instances 05-1580 et 05-1780. Réformant le jugement entrepris. Porte le montant de l'indemnité de requalification à la somme de 2 894 euro. Rejette la demande de dommages et intérêts pour maintien d'une clause de non-concurrence. Dit n'y a voir lieu à prononcer l'annulation de l'avertissement du 7 février 2002, du fait de la loi d'amnistie, faute d'intérêt. Dit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse. Condamne la SAS Valette Foie Gras au paiement à Monsieur Garnier de 18 000 euro de dommages et intérêts par application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail. Confirme le jugement en ses dispositions non-contraires au présent arrêt. Condamne la SAS Valette Foie Gras au paiement à Monsieur Garnier de 1 200 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires. Condamne la SAS Valette Foie Gras aux dépens de première instance et d'appel.