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Décisions

CA Rennes, 5e ch. prud'homale, 14 mars 2006, n° 04-07007

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Marre

Défendeur :

Recyclage Emballage Industriel (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Ploux

Conseillers :

Mmes Citray, Van Ruymbeke

Avocats :

Mes Moal, Poilvet, Carabin

Cons. prud'h. Saint-Brieuc, du 22 sept. …

22 septembre 2004

Par acte du 18 octobre 2004, Monsieur Le Marre interjetait appel d'un jugement rendu le 22 septembre 2004 par le Conseil de prud'hommes de Saint-Brieuc qui, dans le litige l'opposant à la société REI, déclarait que la rupture de son contrat de travail était fondée sur une cause réelle et sérieuse et le déboutait de toutes ses demandes, dont celle tendant à voir prononcer la nullité de la clause de non-concurrence.

Monsieur Le Marre conteste le caractère économique de son licenciement; il fait valoir qu'à la date de la rupture de son contrat, la société ne rencontrait pas de difficultés financières, que son emploi n'a pas été supprimé et que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement. Il soutient que son licenciement a été décidé en raison de son absence pour raison médicale, il réclame la somme de 24 008 euro; concernant la clause de non-concurrence, il maintient qu'elle est nulle et réclame en réparation de son préjudice la somme de 15 000 euro.

La société, à titre principal, sollicite la confirmation du jugement; à titre subsidiaire, sur la clause de non-concurrence, elle fait valoir que le préjudice de Monsieur Le Marre est symbolique et conclut au débouté de toutes ses prétentions.

Elle réclame la somme de 6 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour un exposé plus complet de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère au jugement déféré et aux conclusions régulièrement communiquées à l'adversaire qui ont été développées à l'audience des plaidoiries puis versées dans les pièces de procédure à l'issue des débats.

Motifs de la décision

Rappel sommaire des faits :

Monsieur Le Marre, engagé le 17 août 1998 en qualité de prospecteur commercial sur les départements 29, 22 et 56 par la société REI spécialisée dans le commerce de palettes, était licencié le 21 mars 2001 pour motif économique. Le 22 mai 2003, il saisissait le Conseil de pde Saint-Brieuc, pour contester le motif de son licenciement et obtenir des dommages et intérêts au titre de la rupture de son contrat et de l'application d'une clause de non-concurrence.

Sur la procédure de licenciement :

Considérant que la lettre de licenciement, datée du 28 février 2001, ayant été remise au salarié au cours de l'entretien préalable organisé le 28 février 2001, l'employeur n'a pas respecté le délai d'un jour fixé par l'article L. 122-14-1 du Code du travail; il sera accordé à Monsieur Le Marre en réparation de son préjudice la somme de 2 000,65 euro.

Sur la rupture du contrat de travail.

Considérant que dans la lettre de licenciement remise en main propre le 28 février 2001, la société invoque le motif économique suivant :

"le motif économique repose sur la suppression définitive de votre poste de prospecteur commercial en vue de l'achat et de la vente de palettes au sein de la société REI, celle-ci intervenant suite à des difficultés économiques de la société qui dégage des résultats négatifs au titre des dernières périodes comptables. Cette suppression est nécessaire pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise. Votre reclassement compte tenu de la structure de la société s'est avéré impossible."

Considérant qu'il ne suffit pas à la société, pour justifier le licenciement, de reproduire les termes de l'article L. 321-1 du Code du travail et affirmer que le poste occupé par Monsieur Le Marre a été supprimé, alors qu'il lui revient d'établir par des éléments probants, vérifiables de la réalité des motifs qu'elle invoque.

Considérant que, si à la date de l'engagement de Monsieur Le Marre en 1998, la situation financière de la société était fragile (perte comptable en 1998 : 573 313 F), cette situation s'est améliorée (perte comptable en 1999 : 206 689 F), puisque les résultats de l'exercice 2000 étaient positifs et que le chiffre d'affaire de 1 912 000 euro réalisé en 2000 a été de 2 188 000 euro en 2001, les difficultés financières mettant en péril l'avenir de la société ne sont pas établies; que, s'agissant de la suppression du poste de prospecteur-commercial sur les trois départements 22, 29 et 56, on imagine mal que cet emploi ait été supprimé compte tenu de l'activité de l'entreprise, l'achat et la vente de palettes, qui exige une force de vente efficace et durable ; or, il est établi que ce poste en réalité n'a pas été supprimé puisqu'il a été confié au mois de mai 2002 à Madame Baffle une assistante commerciale, dont une grande partie de ses attributions correspondaient à celles de Monsieur Le Marre.

Qu'enfin, s'agissant de l'obligation de reclassement dans le groupe, la société se contente d'affirmer qu'il n'était pas possible de proposer au salarié un autre emploi, mais elle ne justifie pas avoir procédé à des recherches d'emploi dans le groupe auquel elle appartient, la Holding Figes qui comporte la société d'aliments pour animaux de compagnie CTPAAC particulièrement prospère;

Pour ces raisons, le licenciement de Monsieur Le Marre sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.

Considérant qu'en réparation de son préjudice du fait de la rupture de son contrat, compte tenu de son temps de chômage du 15 mars au 10 octobre 2001, date de son embauche chez Unibois PMS, il lui sera accordé la somme de 12 000 euro.

Sur la clause de non-concurrence :

Considérant que la clause de non-concurrence incluse dans le contrat de travail du 20 novembre 1998, ne prévoyant pas de contrepartie financière et l'employeur, au terme de ce contrat, ne l'ayant pas libéré de cette interdiction de retrouver un emploi dans son ancien secteur, ce qui l'a contraint de changer de région pour s'installer dans le Nord de la France, cette clause sera déclarée nulle et il sera accordé à Monsieur Le Marre au titre de l'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence en réparation du préjudice subi du fait de cette interdiction, la somme de 12 000 euro.

Considérant que la société sera condamnée en outre à verser à Monsieur Le Marre au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la somme de 1 500 euro et aux dépens.

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement, Infirme le jugement du 22 septembre 2004; Condamne la société REI à verser à Monsieur Le Marre les sommes suivantes : - au titre du non-respect de la procédure de licenciement : 2 000,65 euro - à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 12 000 euro - au titre de l'indemnité compensatrice de la clause de non-concurrence : 12 000 euro - au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : 1 500 euro ; Déboute les parties de leurs autres demandes ; Condamne la société REI aux dépens.