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Décisions

CJCE, 6e ch., 5 octobre 1995, n° C-125/94

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Aprile Srl

Défendeur :

Amministrazione delle Finanze dello Stato

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Schockweiler

Avocat général :

M. Ruiz-Jarabo Colomer

Juges :

MM. Kakouris, Murray, Hirsch, Ragnemalm

Avocats :

Mes Beretta, Bozzi, Favara

CJCE n° C-125/94

5 octobre 1995

LA COUR (sixième chambre),

1 Par ordonnance du 26 avril 1994, parvenue à la Cour le 29 avril suivant, le giudice conciliatore di Milano a posé à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité CE, cinq questions préjudicielles concernant l'interprétation des articles 3, sous a) et h), 5, 9, 11, 12, 13, 16 et 189 du traité CEE, devenu traité CE, ainsi que de la directive 83-643-CEE du Conseil, du 1er décembre 1983, relative à la facilitation des contrôles physiques et des formalités administratives lors du transport des marchandises entre États membres (JO L 359, p. 8), telle que modifiée par la directive 87-53-CEE du Conseil, du 15 décembre 1986 (JO 1987, L 24, p. 33).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la société de droit italien Aprile Srl, en liquidation (ci-après "Aprile"), à l'Amministrazione delle Finanze dello Stato (administration des finances de l'État, ci-après l'"Amministrazione") au sujet du refus de cette dernière de rembourser à Aprile des taxes perçues en violation du droit communautaire à l'occasion d'opérations douanières.

3 Dans les arrêts du 30 mai 1989, Commission/Italie (340-87, Rec. p. 1483), et du 21 mars 1991, Commission/Italie (C-209-89, Rec. p. I-1575), la Cour a constaté que la République italienne avait manqué aux dispositions du traité relatives à l'interdiction des taxes d'effet équivalent en mettant à la charge des opérateurs économiques, dans le commerce intracommunautaire, le coût des contrôles et formalités administratives effectués pendant une partie des heures normales d'ouverture des bureaux de douane des postes frontières, telles que fixées par la directive 83-643, modifiée par la directive 87-53, et en exigeant, à l'occasion de l'accomplissement des formalités douanières dans le cadre des échanges intracommunautaires, de chaque entreprise individuellement, lorsque des services sont rendus simultanément à plusieurs entreprises, le paiement d'une rémunération disproportionnée par rapport au coût des services rendus.

4 La République italienne s'est conformée à ces arrêts en adaptant sa réglementation avec effet, respectivement, au 13 juin 1991 et au 1er novembre 1992. Toutefois, ces mesures n'ont pas visé les situations antérieures à leur entrée en vigueur et, en particulier, le remboursement par l'administration aux opérateurs économiques concernés des sommes perçues par les bureaux de douane en violation du droit communautaire.

5 Il ressort du dossier qu'Aprile, qui exerçait des activités d'agent en douane à l'aéroport de Milan et qui fut déclarée en faillite le 20 octobre 1992, a versé à l'administration italienne la somme de 933 200 LIT à titre de rémunération pour les opérations douanières effectuées les 22, 23, 24 et 26 novembre 1990 sur la base de la réglementation nationale dont l'incompatibilité avec le droit communautaire a été constatée dans les deux arrêts précités.

6 Le 30 mars 1994, le syndic de la faillite a saisi le giudice conciliatore di Milano pour demander le remboursement de ces 933 200 LIT.

7 Devant cette juridiction, l'Amministrazione a soutenu que la demande n'était pas fondée. D'une part, les conditions prévues par l'article 29, deuxième alinéa, de la loi italienne n 428, du 29 décembre 1990, portant dispositions de mise en œuvre des obligations imposées à l'Italie par son appartenance aux Communautés européennes (supplément ordinaire au GURI n 10 du 12 janvier 1991) ne seraient pas remplies, le coût des opérations douanières litigieuses n'étant pas resté en l'espèce à la charge d'Aprile qui l'aurait répercuté sur des tiers. D'autre part, les importations qui ont donné lieu à la perception des taxes auraient porté partiellement sur des marchandises en provenance de pays tiers et, en particulier, de pays membres de l'Association européenne de libre-échange (ci-après l'"AELE"), de sorte que le droit communautaire ne s'appliquerait pas à la totalité de la demande.

8 Par dérogation au droit commun, l'article 29, deuxième alinéa, de la loi précitée, entrée en vigueur le 27 janvier 1991, subordonne le remboursement des taxes perçues en application de dispositions nationales incompatibles avec le droit communautaire à la condition que la charge subie indûment par l'opérateur n'ait pas été répercutée sur d'autres personnes, de manière à ce que le demandeur du remboursement ne bénéficie pas d'un enrichissement sans cause. A cet égard, il ressort du dossier que les juridictions italiennes ont tendance à présumer le transfert de la charge sur des tiers. Par ailleurs, la disposition en question s'applique même si le remboursement porte sur des sommes versées antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi. Enfin, les demandes de remboursement de sommes payées à l'occasion d'opérations en douane sont soumises à un délai de forclusion de trois ans, alors que, selon le droit commun, ce délai est de dix ans.

9 Les cinq questions préjudicielles que, par son ordonnance du 26 avril 1994, le giudice conciliatore di Milano avait posées à la Cour portaient, d'une part, sur l'appréciation, au regard du droit communautaire, des dispositions susmentionnées de la loi du 29 décembre 1990 (première, deuxième et troisième questions) et, d'autre part, sur l'applicabilité aux échanges avec les pays tiers de la directive 83-643, telle que modifiée par la directive 87-53, ainsi que des dispositions du traité relatives à l'interdiction des taxes d'effet équivalent (quatrième et cinquième questions).

10 Il ressort d'une ordonnance rendue par le giudice conciliatore di Milano le 5 mai 1995 et parvenue au greffe de la Cour le 8 mai suivant que, dans la procédure au principal, l'Amministrazione a reconnu que l'article 29 de la loi du 29 décembre 1990 n'était pas applicable à la demande de remboursement d'Aprile, compte tenu du caractère non fiscal des versements faisant l'objet du litige, et qu'elle a dès lors renoncé au moyen de défense tiré de cette disposition.

11 Dans ces conditions, le giudice conciliatore di Milano a, dans son ordonnance du 5 mai 1995, estimé qu'une réponse aux trois premières questions préjudicielles n'était plus nécessaire et a invité la Cour à ne statuer que sur les quatrième et cinquième questions figurant dans l'ordonnance du 26 avril 1994.

12 Ces questions sont libellées comme suit:

1) "Les dispositions de la directive 83-643-CEE sont-elles, en vertu des règlements (CEE) pris pour l'application, dans la Communauté, des accords conclus entre la Communauté économique européenne et les pays de la zone AELE, des protocoles additionnels aux dits accords et de leurs modifications ultérieures, applicables également aux opérations douanières ayant pour objet les échanges CEE/AELE et relatives aux produits visés dans ces accords mêmes et dans leurs modifications ultérieures? En particulier, s'agissant d'opérations douanières ayant pour objet des produits visés dans les accords CEE/AELE susvisés, la législation d'un État membre du genre de celle prévue à l'article 15 du DPR n 254 du 8 mai 1985 et à l'article 11, deuxième alinéa, sous b), du DPR n 43 du 23 janvier 1973 est-elle compatible avec les règles, ci-dessus rappelées, du droit communautaire dérivé, en tant qu'elle disposait, contrairement aux prévisions de l'article 5, premier alinéa, deuxième tiret, de la directive 83-643-CEE du 1er décembre 1983, que les heures d'ouverture habituelles des bureaux de douane à la frontière étaient limitées à six heures, du lundi au vendredi, et autorisait la perception du " coût du service " pour les opérations douanières effectuées en dehors de l'horaire normal susvisé?" (quatrième question);

2) "S'agissant de compléter et de clarifier ce qui a été jugé par l'arrêt du 21 mars 1991 dans l'affaire C-209-89, Commission/Italie, qui se référait explicitement aux échanges intracommunautaires, les principes énoncés dans cet arrêt du 21 mars 1991 sont-ils applicables également aux échanges avec les pays tiers et avec les pays faisant partie de l'AELE, en vertu des règles du traité CEE sur l'interdiction des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, sur l'union douanière et sur l'instauration du tarif douanier commun et les dispositions ultérieures de droit dérivé? En particulier, les dispositions précitées du droit communautaire s'opposent-elles, également en ce qui concerne les opérations douanières ayant pour objet les échanges avec les pays tiers, les dispositions ci-dessus rappelées du droit communautaire font-elles obstacle à l'introduction et/ou au maintien, par un État membre, d'une réglementation nationale telle que celle instaurée par les Decreti Ministeriali des 29 juillet 1971 (GURI n 193 du 31 juillet 1971) et 30 janvier 1979 (GURI du 5 février 1979), en vertu de laquelle les opérateurs privés se voyaient facturer le montant du service " en dehors de l'horaire normal " non pas sur la base du coût horaire du personnel effectivement employé pour les opérations douanières sollicitées et simultanément effectuées pour le commissionnaire en douane, mais sur la base d'une rémunération unique, pour chaque opération douanière sollicitée, proportionnée à la nature et à la durée du service rendu le plus rémunérateur, et indépendamment du paiement dû séparément pour chacune des autres opérations douanières demandées par le commissionnaire en douane et effectuées en même temps que ledit service?" (cinquième question).

Sur la recevabilité

13 Selon le Gouvernement italien, ces questions sont irrecevables, au motif qu'elles sont abstraites, non pertinentes et non nécessaires pour la solution du litige au principal. La juridiction de renvoi aurait, en effet, omis de préciser de quels pays tiers étaient originaires les marchandises pour lesquelles ont été acquittées les taxes dont le remboursement est demandé par Aprile.

14 A cet égard, il convient de relever qu'il est constant que les importations litigieuses n'ont pas porté exclusivement sur des marchandises en provenance d'États membres. Il ressort ainsi de l'ordonnance de renvoi que, dans l'affaire au principal, l'Amministrazione a elle-même soutenu qu'une partie des marchandises importées par Aprile et frappées des taxes dont le remboursement a été demandé étaient originaires de pays tiers.

15 Au vu de cette situation, le giudice conciliatore di Milano a, dans son ordonnance du 26 avril 1994, estimé nécessaire d'interroger la Cour sur le point de savoir si les dispositions de la directive 83-643, modifiée par la directive 87-53, ainsi que les principes énoncés, en ce qui concerne les échanges intracommunautaires, dans l'arrêt du 21 mars 1991, précité, à propos de l'interdiction des taxes d'effet équivalant à des droits de douane, sont applicables également aux échanges avec les pays tiers.

16 Dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l'article 177 du traité, il appartient, conformément à une jurisprudence constante, au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d'apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu'il pose à la Cour (voir, par exemple, arrêt du 27 octobre 1993, Enderby, C-127-92, Rec. p. I-5535, point 10).

17 En conséquence, dès lors que les questions posées par le juge national portent sur l'interprétation d'une disposition de droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir arrêt du 16 juillet 1992, Meilicke, C-83-91, Rec. p. I-4871, point 24).

18 S'agissant des conditions dans lesquelles la Cour est en l'occurrence saisie par le juge national, il est vrai que celui-ci n'a pas donné une présentation exhaustive du contexte factuel et juridique dans lequel s'insèrent les questions qu'il pose, en particulier en ce qu'il ne précise pas de quels pays tiers les marchandises en cause étaient originaires.

19 Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à rendre les questions préjudicielles irrecevables, dès lors qu'il est établi qu'une partie des marchandises importées par Aprile et frappées des taxes qui font l'objet de la demande de remboursement de cette société étaient originaires de pays tiers.

20 Dans ces conditions, la Cour, loin d'être appelée à statuer sur un problème qui serait de nature hypothétique, dispose d'informations suffisantes sur la situation faisant l'objet du litige au principal lui permettant d'interpréter les règles de droit communautaire et de répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées.

21 Il appartient ensuite au juge de renvoi de déterminer, sur la base des circonstances factuelles de l'affaire dont il est saisi, l'origine exacte des marchandises concernées et, partant, le régime juridique auquel elles sont soumises.

Sur la première question

22 Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 83-643, telle que modifiée par la directive 87-53, en particulier son article 5, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, est applicable aux opérations douanières relatives aux marchandises en provenance des pays tiers et notamment des pays membres de l'AELE.

23 La directive 83-643, telle que modifiée, est, d'après son intitulé, "relative à la facilitation des contrôles physiques et des formalités administratives lors du transport des marchandises entre États membres".

24 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 83-643,

"Sans préjudice des dispositions particulières en vigueur dans le cadre de réglementations communautaires générales ou spécifiques, la présente directive s'applique aux contrôles physiques et aux formalités administratives, ci-après dénommés 'contrôles' et 'formalités', concernant les transports de marchandises appelés à franchir:

* une frontière intérieure de la Communauté

ou

* une frontière extérieure, lorsque le transport entre États membres comporte la traversée d'un pays tiers."

25 Il s'ensuit que les dispositions de cette directive ne s'appliquent qu'au transport des marchandises entre États membres, à l'exclusion des échanges avec les pays tiers.

26 Cette interprétation est du reste confirmée par le préambule de la directive en question.

27 Toutefois, ainsi qu'il ressort du libellé même de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive, celle-ci ne fait pas obstacle à ce que des réglementations communautaires, dont celles régissant les échanges avec des pays tiers, prévoient des dispositions particulières en la matière.

28 Il convient dès lors de répondre à la première question préjudicielle que, sans préjudice de l'application de dispositions communautaires particulières en vigueur régissant les échanges avec certains pays tiers, la directive 83-643, telle que modifiée par la directive 87-53, en particulier son article 5, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, n'est pas applicable aux opérations douanières relatives aux marchandises en provenance des pays tiers et notamment des pays membres de l'AELE.

Sur la deuxième question

29 Par cette question, la juridiction de renvoi vise, en substance, à savoir si les principes relatifs à l'interdiction des taxes d'effet équivalant à des droits de douane que la Cour a établis à propos du commerce intracommunautaire dans l'arrêt du 21 mars 1991, précité, sont applicables aux échanges avec les pays tiers et notamment les pays membres de l'AELE.

30 Dans cet arrêt, la Cour a jugé que la République italienne avait manqué à l'interdiction des taxes d'effet équivalent au sens des articles 9, 12, 13 et 16 du traité en appliquant une réglementation, édictée en 1971 et 1979, qui mettait à la charge de chaque entreprise individuellement, lorsque des services, effectués en dehors du périmètre douanier ou des heures normales de service, étaient rendus simultanément à plusieurs entreprises lors de l'accomplissement des formalités douanières dans le cadre des échanges intracommunautaires, l'intégralité de l'indemnité forfaitaire correspondant à une heure de service.

31 En vue de donner une réponse utile à la juridiction de renvoi, il y a lieu d'examiner, d'une part, si les États membres ont le droit d'imposer unilatéralement des taxes d'effet équivalent dans les échanges avec les pays tiers et, d'autre part, quelle est la portée de l'interdiction de telles taxes qui figure dans des accords conclus par la Communauté avec des pays tiers ou dans des réglementations communautaires régissant les échanges avec les pays tiers.

32 S'agissant de la première hypothèse, il convient de rappeler que l'union douanière, qui, aux termes de l'article 9 du traité, s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises, comporte un tarif douanier commun visant à réaliser l'égalisation des charges que supportent aux frontières extérieures de la Communauté les produits importés des pays tiers, en vue d'éviter tout détournement de trafic dans les rapports avec ces pays et toute distorsion dans la libre circulation des produits entre les États membres ou dans les conditions de concurrence entre les opérateurs économiques.

33 Quant à la politique commerciale commune, fondée, aux termes de l'article 113 du traité, sur des principes uniformes, notamment en ce qui concerne les modifications tarifaires, la conclusion d'accords tarifaires et commerciaux ainsi que l'uniformisation des mesures de libération, elle implique la suppression des disparités nationales, de nature fiscale et commerciale, affectant les échanges avec les pays tiers.

34 Il serait gravement porté atteinte tant à l'unicité du territoire douanier communautaire qu'à l'uniformité de la politique commerciale commune si les États membres étaient autorisés à imposer, de manière unilatérale, des taxes d'effet équivalant à des droits de douane sur les importations en provenance des pays tiers.

35 Aussi est-il de jurisprudence constante que les États membres n'ont pas la faculté d'ajouter unilatéralement des redevances nationales aux droits dus en vertu de la réglementation communautaire, sous peine de faire perdre à celle-ci sa nécessaire uniformité (voir notamment arrêts du 28 juin 1978, Simmenthal, 70-77, Rec. p. 1453, du 16 mars 1983, Siot, 266-81, Rec. p. 731, du 16 mars 1983, SPI et Sami, 267-81, 268-81 et 269-81, Rec. p. 801, et du 30 mai 1989, Commission/Italie, précité).

36 Afin d'assurer que l'imposition ait une incidence uniforme dans tous les États membres sur les échanges avec les pays tiers, il appartient en conséquence à la seule Communauté de fixer et, le cas échéant, de modifier le niveau des droits et taxes grevant les produits en provenance de ces pays.

37 Il en résulte que les États membres ne sauraient imposer, au titre de la seule législation nationale, des taxes d'effet équivalent dans les échanges avec les pays tiers.

38 S'agissant de la seconde hypothèse, il convient de relever, comme l'avocat général l'a rappelé aux points 43 et 44 de ses conclusions, que l'interdiction des taxes d'effet équivalent figure expressément dans un certain nombre d'accords bilatéraux ou multilatéraux conclus par la Communauté avec un ou plusieurs pays tiers et visant à éliminer les entraves aux échanges, ainsi que dans les règlements du Conseil portant organisation commune des marchés de différents produits agricoles et régissant les échanges avec les pays tiers.

39 Dans cette hypothèse, il n'existe aucun motif pour interpréter l'interdiction des taxes d'effet équivalant à des droits de douane de manière différente selon qu'il s'agit du commerce intracommunautaire ou des échanges avec les pays tiers régis par de tels accords ou réglementations sectorielles.

40 En effet, les accords de ce type ont pour objectif de consolider et d'étendre les relations économiques existant entre les parties et, à cette fin, d'éliminer les obstacles aux échanges, dont les droits de douane à l'importation et les taxes d'effet équivalent qui leur sont étroitement liées. Ces accords seraient privés d'une partie importante de leur effet utile si la notion de taxe d'effet équivalent qui y figure devait être interprétée comme ayant une portée plus restrictive que celle du même terme figurant dans le traité (voir arrêt du 16 juillet 1992, Legros e. a., C-163-90, Rec. p. I-4625, point 26).

41 Le même raisonnement doit valoir, à plus forte raison, pour la détermination de la portée de l'interdiction des taxes d'effet équivalent inscrite dans les règlements portant organisation commune des marchés agricoles qui régissent les échanges avec les pays tiers (voir, par exemple, arrêt du 14 décembre 1971, Politi, 43-71, Rec. p. 1039, point 7).

42 Au vu de l'ensemble des développements qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question préjudicielle que les États membres ne peuvent imposer unilatéralement des taxes d'effet équivalent dans les échanges avec les pays tiers. Dans l'hypothèse où l'interdiction des taxes d'effet équivalent figure dans des accords bilatéraux ou multilatéraux conclus par la Communauté avec un ou plusieurs pays tiers en vue d'éliminer les obstacles aux échanges ainsi que dans les règlements du Conseil portant organisation commune des marchés de différents produits agricoles pour les échanges avec les pays tiers, la portée de cette interdiction est la même que celle qui lui est reconnue dans le cadre du commerce intracommunautaire.

Sur les dépens

43 Les frais exposés par les Gouvernements danois et italien ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

Statuant sur les questions à elle soumises par le giudice conciliatore di Milano, par ordonnance du 26 avril 1994, telle que modifiée par ordonnance du 5 mai 1995, dit pour droit:

1) Sans préjudice de l'application de dispositions communautaires particulières en vigueur régissant les échanges avec certains pays tiers, la directive 83-643-CEE du Conseil, du 1er décembre 1983, relative à la facilitation des contrôles physiques et des formalités administratives lors du transport des marchandises entre États membres, telle que modifiée par la directive 87-53-CEE du Conseil, du 15 décembre 1986, en particulier son article 5, paragraphe 1, sous a), deuxième tiret, n'est pas applicable aux opérations douanières relatives aux marchandises en provenance des pays tiers et notamment des pays membres de l'AELE.

2) Les États membres ne peuvent imposer unilatéralement des taxes d'effet équivalent dans les échanges avec les pays tiers. Dans l'hypothèse où l'interdiction des taxes d'effet équivalent figure dans des accords bilatéraux ou multilatéraux conclus par la Communauté avec un ou plusieurs pays tiers en vue d'éliminer les obstacles aux échanges ainsi que dans les règlements du Conseil portant organisation commune des marchés de différents produits agricoles pour les échanges avec les pays tiers, la portée de cette interdiction est la même que celle qui lui est reconnue dans le cadre du commerce intracommunautaire.