Conseil Conc., 26 septembre 2007, n° 07-A-10
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Avis
Relatif au rapprochement des activités de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris et de la société Unibail Holding SA dans le secteur de la gestion de sites de congrès-expositions et de l'organisation de foires et salons
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Zoude-Le Berre, M. Darodes de Tailly, M. Palomino, par M. Lasserre, Président, M. Nasse, Mmes Aubert, Perrot, Vice-Présidents, Mme Pinot, MM. Piot, Dalin, membres.
Le Conseil de la concurrence (section III B),
Vu la lettre, enregistrée le 26 juin 2007 sous le numéro 07/0053A, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence, en application des dispositions des articles L. 430-1 à L. 430-7 du Code de commerce, d'une demande d'avis relative au rapprochement des activités de la société Unibail Holding SA (ci-après "Unibail") et de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (ci-après "CCI") dans le secteur de la gestion de sites de congrès-exposition et d'organisation de foires et salons. Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les observations présentées par les représentants de la société Unibail et de la CCIP et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteurs, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants de la société Unibail et de la CCIP entendus au cours de la séance du 19 septembre 2007 ; Les représentants des sociétés Reed Exhibitions France, GL Events, de la Fédération française des métiers des expositions et de l'événement (FFM2E) et de la Ville de Paris entendus sur le fondement des dispositions de l'article L. 430-6, alinéa 3, du Code de commerce ; Adopte l'avis fondé sur les constatations et les motifs ci-après exposés :
I. Les entreprises parties à l'opération
A. LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS (CCIP)
1. Héritière des six Corps des Marchands de Paris, la Chambre de commerce de Paris a été créée sous le Consulat en 1803. La loi du 9 avril 1898 a réglé l'essentiel de l'organisation et des attributions des chambres de commerce, auxquelles elle a notamment conféré le statut d'établissement public. Devenue chambre de commerce et d'industrie en 1960, la CCIP se décrit aujourd'hui comme "un établissement public administratif dit "économique", placé sous la tutelle de l'État, administré par des dirigeants d'entreprise élus".
2. Parmi ses missions visées par l'article L. 710-1 du Code de commerce, la CCIP contribue au développement des foires, salons et congrès au service des entreprises et de l'attractivité de la région capitale. Pour ce faire, la CCIP s'est investie dans la création et la participation de structures organisant ou accueillant des foires et salons. Ainsi, en 1903, était créé, à l'initiative de la Chambre de commerce de Paris et de quelques organisations professionnelles, le Comité des Expositions de Paris (ci-après CEP), association chargée de l'organisation de la première Foire de Paris. Le CEP a statutairement pour président et trésorier le président et le trésorier en exercice de la CCIP, et compte à son conseil d'administration 15 représentants des professions, 4 élus de la CCIP, 4 élus de la Ville de Paris et 1 élu du conseil régional d'Ile-de-France.
3. En 1998, les contraintes liées au statut d'association du CEP l'ont conduit à apporter ses activités au sein d'une société Comexpo. La société Comexpo Paris (ci-après Comexpo), filiale de la CCIP et du CEP, est donc spécialisée dans l'organisation de salons. Elle gère environ 70 manifestations par an, principalement en Ile-de-France mais également dans d'autres régions et à l'étranger. Comexpo détient également de nombreuses participations dans diverses sociétés organisatrices de salons (notamment des sociétés conjointes avec des organisations professionnelles).
4. La CCIP intervient directement dans la gestion des sites dédiés à l'accueil de congrès, foires et salons notamment au travers d'une filiale, la SIPAC, qui a été constituée initialement pour détenir les actifs et les murs du Palais des Congrès et du Parc de Paris Nord Villepinte. La SIPAC détient, depuis 1998, 50,6 % de la société Comexpo. La CCIP et Comexpo sont propriétaires de la SEPN exploitant le site de Villepinte (PNV), elle-même propriétaire de la SEPB (le site du Bourget). Par ailleurs, la CCIP détient à 100 % de la SEPC (le Palais des congrès de Paris) et de la SEPC Versailles (le Palais des congrès de Versailles).
5. Ainsi, depuis 1998, les activités de la CCIP dans le secteur se regroupaient - avant l'opération notifiée - selon l'organigramme simplifié suivant :
<emplacement tableau>
6. En 2003, les quatre sites, Palais des Congrès de Paris, Palais des Congrès de Versailles, Paris Nord Villepinte et Le Bourget ont formé une alliance "The leading Venues of Paris" qui a pour objectif de mettre en valeur ces sites, particulièrement au niveau international, grâce à des actions de promotion communes.
7. A titre de récapitulatif, la CCIP gère les sites suivants :
<emplacement tableau>
B. LA SOCIETE UNIBAIL
8. Premier propriétaire français d'immobilier commercial, Unibail est une société foncière cotée à la bourse de Paris (intégrant l'indice CAC 40). Elle est active sur trois segments de l'immobilier commercial : les locaux commerciaux, les immeubles de bureaux et les espaces ou congrès ou expositions pour un patrimoine évalué à près de 11 milliards d'euro au 31 décembre 2006. Unibail a réalisé en 2006 un chiffre d'affaires global de [...] millions d'euro presque exclusivement en France ([...] millions d'euro de revenus locatifs et [...] millions d'euro issus de ses autres activités).
9. Avant la réussite de l'offre publique d'échange réussie d'Unibail sur la société foncière néerlandaise Rodamco (qui s'est achevée le 25 juin 2007), Unibail était active exclusivement en France et majoritairement en Ile-de-France (à l'exception de quelques salons organisés par sa filiale Exposium à l'étranger). Ce rapprochement pan-européen a porté le patrimoine de la nouvelle entité 'Unibail-Rodamco' à près de 22 milliards d'euro. La société Rodamco n'a pas apporté au nouveau groupe d'activités de gestion de sites ou d'organisation d'expositions, de foires ou de congrès.
10. Le pôle Congrès-Expositions d'Unibail s'organise autour d'une activité de gestion de sites (regroupée sous l'enseigne "Paris Expo") et d'une activité d'organisation de salons (regroupée au sein de sa filiale "Exposium"). Paris Expo, société anciennement cotée, a été rachetée par Unibail au début de l'année 2000 au terme d'une offre publique d'achat (OPA) contrant une offre initiale de Générale de Location (devenue GL-Events). Le pôle congrès-exposition d'Unibail a réalisé en 2006 un chiffre d'affaires de [...] millions d'euro dont [...] millions d'euro pour l'activité de Paris Expo et [...] millions d'euro pour l'activité d'Exposium. Ainsi, en 2006, le pôle Congrès-Exposition a contribué à hauteur de [40-50] % au chiffre d'affaires du groupe, mais pour [...] à son résultat opérationnel (hors mises à juste valeur et cessions). L'intégration de Rodamco réduira de [...] la part relative du pôle Congrès-Exposition dans les activités du groupe.
11. Paris Expo gère aujourd'hui sept sites de congrès ou exposition en région parisienne :
<emplacement tableau>
12. Le groupe Exposium, spécialisé dans l'organisation de salons, a été racheté par Unibail en mars 2005 auprès de fonds d'investissement pour plus de [...] millions d'euro. Il convient de souligner que la CCIP avait alors marqué un intérêt tout particulier pour la reprise de cette ancienne filiale du groupe Vivendi. Exposium, qui se présente comme étant le "leader français dans le secteur d'organisation de salons professionnels", organise annuellement plus de 120 salons dont une dizaine à l'étranger. Ce rachat avait été examiné par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie qui avait autorisé l'opération en constatant que "l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence" (lettre du ministre du 14 mars 2005).
13. Enfin, depuis le 1er janvier 2003, Unibail a opté pour le régime fiscal des sociétés d'investissements immobiliers cotées (SIIC). Le régime SIIC, créé par la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002, permet à Unibail de bénéficier, pour la plupart de ses activités, d'une exonération d'impôt sur les sociétés à condition de distribuer 85 % du résultat net courant dans l'année qui suit, ainsi que 50 % des plus-values de cession des immeubles dans un délai de deux ans. Cette option a entraîné le paiement d'un "impôt de sortie" de 16,5 % sur la réévaluation des actifs (exit tax).
II. L'opération notifiée
14. L'opération de concentration envisagée par le pacte d'associés, faisant l'objet de la demande d'avis transmise au Conseil de la concurrence le 26 juin 2007, consiste à mettre en place quatre filiales communes entre Unibail et la CCIP, détenues à parité, destinées à regrouper leurs activités dans les domaines de la gestion de sites de congrès ou exposition et de l'organisation de foires et salons :
- PROPCO est une société civile immobilière regroupant les droits réels des sites Paris Nord Villepinte (ci-après PNV), Palais des congrès de Paris (ci-après PDCP), Espace Champerret, Carrousel du Louvre, et de la société SCI Pandore (détenant l'Espace Grande Arche). Propco est détenue à 50 % par SIPAC et à 50 % par Unicommerce, filiale à 100 % d'Unibail ;
- GESCO est une société de gestion regroupant l'ensemble des sites autres que le parc des expositions de la Porte de Versailles (ci après PDV) c'est-à-dire SEPNV, SEPCP, SEPB, Paris Expo SNC, SEPC Versailles et CIPCOM ;
- GESCO PDV est une société de gestion titulaire du contrat de concession du Parc des expositions de la Porte de Versailles ;
- GESCO et GESCO PDV sont détenues à 50 % par SIPAC et à 50 % par NEWCO (elle-même filiale de Borée (11,7 %) et de sa société mère Doria (88,3 %), filiale d'Unibail à 100 %) ;
- OPCO ou WAIMEA est une société d'organisation de salons et foires détenue à 50 % par SIPAC et à 50 % par Doria (filiale à 100 % d'Unibail) regroupant les activités de Comexpo et Exposium et leurs filiales.
15. Le schéma suivant permet de présenter l'opération envisagée :
<emplacement tableau>
III. Contrôlabilité
16. La contrôlabilité d'une opération de concentration relève de la combinaison des articles L. 430-1 et L. 430-2 du Code du commerce, qui posent des conditions qualitatives relatives à la nature de l'opération de concentration et des conditions quantitatives.
17. Aux termes de l'article L. 430-1 du Code du commerce :
"I.- Une opération de concentration est réalisée :
1º Lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ;
2º Lorsqu'une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d'une entreprise au moins ou lorsqu'une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d'éléments d'actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une ou plusieurs autres entreprises.
II. - La création d'une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome constitue une concentration au sens du présent article.
III. - Aux fins de l'application du présent titre, le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité d'une entreprise, et notamment :
- des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d'une entreprise ;
- des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d'une entreprise".
18. Aux termes de l'article L. 430-2 du Code du commerce : "Est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du présent titre toute opération de concentration, au sens de l'article L. 430-1, lorsque sont réunies les trois conditions suivantes :
- le chiffre d'affaires total mondial hors taxes de l'ensemble des entreprises ou groupes des personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 150 millions d'euro ;
- le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé en France par deux au moins des entreprises ou groupes des personnes physiques ou morales concernées est supérieur à 50 millions d'euro ;
- l'opération n'entre pas dans le champ d'application du règlement (CEE) nº 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises.
Toutefois, une opération de concentration entrant dans le champ du règlement précité qui a fait l'objet d'un renvoi total ou partiel à l'autorité nationale est soumise, dans la limite de ce renvoi, aux dispositions du présent titre (...)".
19. Compte tenu de la structure de l'opération précédemment décrite, le Conseil de la concurrence estime nécessaire d'examiner l'opération de concentration dans son ensemble pour vérifier tout d'abord l'existence d'un contrôle conjoint.
20. Il ressort du protocole d'accord validé par les parties que chacune des quatre sociétés présentées précédemment est détenue à parité par la CCIP et Unibail. De plus, le protocole prévoit que :
- la société PROPCO sera dirigée par un gérant sous forme de société par action simplifiée unipersonnelle détenue et nommée par Unibail. La société gérante sera dirigée par un Président exécutif nommé par Unibail et un vice-président non exécutif nommé par la CCIP ;
- les sociétés GESCO et GESCO PDV seront administrées par un conseil d'administration de huit membres, SIPAC et Unibail (par l'intermédiaire de sa filiale Newco) disposant du même nombre de membres avec voix prépondérante pour Newco (Unibail). Newco nommera les directeurs généraux et SIPAC (CCIP) désignera les présidents non exécutifs des deux sociétés ;
- la société OPCO (ou WAIMEA) sera administrée par un conseil d'administration de huit membres, SIPAC (CCIP) et Unibail (par l'intermédiaire de sa filiale Doria) disposant du même nombre de membres sans voix prépondérante. Doria (Unibail) nommera le directeur général et SIPAC (CCIP) désignera le président non exécutif.
21. Dans chacune des sociétés, le gérant ou le directeur général sera assisté par un comité d'audit et un comité des nominations et des rémunérations, tous deux composés du même nombre de membres désignés par la CCIP (ou SIPAC) et Unibail (ou ses filiales). Le mandat du gérant ou du directeur général est restreint aux seules affaires courantes tandis que les décisions importantes supposent l'information préalable des deux comités ou une décision à l'unanimité des associés réunis en assemblée générale.
22. Par ailleurs, il est prévu la création d'un comité stratégique composé de huit membres, dont le président directeur général (ou président du directoire) d'Unibail et le président de la CCIP. Le comité stratégique sera informé et consulté sur les orientations stratégiques pour l'ensemble des sociétés communes. La CCIP a précisé au cours de son audition du 3 juillet 2007 que, dans les premiers temps, le comité stratégique servirait également de conseil d'administration de GESCO et GESCO PDV afin d'avoir une bonne connaissance du fonctionnement des quatre sociétés*.
* Erreur matérielle : le PV d'audition de la CCIP indique précisément : " qu'à ce stade, les conseils d'administration de GESCO et GESCO PDV seraient identiques au comité stratégique permettant d'avoir une connaissance du mode de financement des quatre sociétés ".
23. Enfin, le protocole prévoit une série de mécanismes spécifiques propres à résoudre certaines situations de conflits, que la CCIP a résumés comme suit au cours de son audition et dont les détails sont précisés aux articles 7 et suivants du protocole : " - en cas de manquement aux règles de gouvernance, [...] ;
- en cas de désaccord stratégique durable, la CCIP peut demander [...] ;
- [...] ".
24. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'opération de concentration aboutit à un contrôle conjoint des sociétés Propco, Gesco, Gesco PDV et Opco (ou Waimea). En outre, il ressort du pacte d'associés que ces quatre sociétés bénéficieront de tous les éléments structurels nécessaires au fonctionnement de sociétés autonomes (ressources humaines, budget, responsabilité commerciale), en considérant que les deux "Gesco" ne forment qu'une seule entreprise fonctionnelle compte tenu de l'unicité de leurs dirigeants et de l'identité de leurs missions.
25. Unibail a réalisé en 2006 un chiffre d'affaires global de 722,2 millions d'euro presqu'exclusivement en France et la CCIP a réalisé un chiffre d'affaires de 400,2 millions d'euro en 2006 en France. Les deux parties réalisant, au moment de la notification de l'opération, plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires en France, l'opération n'entre pas dans le champ du règlement n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 remplacé par le règlement CE 139-2004 du 20 janvier 2004 fixant les seuils de compétence entre les autorités de concurrence nationale et communautaire. En conséquence, l'opération notifiée constitue une opération de concentration soumise aux dispositions des articles L. 430-1 et suivants du Code de commerce.
IV. Les marchés concernés par l'opération
26. Pour délimiter les marchés pertinents affectés par l'opération projetée par les parties, il est utile de présenter un schéma synoptique des relations existantes entre les acteurs du secteur.
<emplacement tableau>
27. Le Conseil examinera donc successivement le marché amont de la gestion de sites, le marché aval de l'organisation d'évènements et le marché des prestations annexes.
A. LE MARCHE AMONT DE LA GESTION DE SITES
28. Un marché se définit comme le lieu où se rencontrent l'offre et la demande de produits ou de services qui sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux mais non substituables aux autres biens ou services. Traditionnellement, il convient de distinguer le contenu en produit du marché et sa composante géographique.
1. LES PRODUITS
29. Sur le marché amont de la gestion de sites, il convient de rechercher s'il est pertinent de distinguer entre les sites accueillant des congrès et ceux accueillant des foires et salons, entre les sites accueillant des salons professionnels et ceux accueillant des salons grand public ou encore de procéder à une segmentation du marché en fonction de la taille des sites.
a) Sur l'existence d'un marché de la gestion de sites de congrès distinct de celui de la gestion de sites de foires et salons
30. Le congrès au sens strict est une manifestation organisée par des associations professionnelles, associations scientifiques, pouvoirs publics, organisations internationales, sans but commercial et permettant à des participants appartenant à des horizons variés de se rencontrer et d'échanger des informations. Le Conseil de la concurrence a déjà eu l'occasion d'identifier un marché pertinent regroupant "les congrès, expositions, colloques ou conventions qui n'ont pas explicitement une vocation commerciale, mais plutôt un but d'information, de mise en relation, voire de formation, dans la mesure où il s'agit, en général, de conférences spécialisées autour d'un thème scientifique ou économique" (décision 00-D-71 du 21 décembre 2000).
31. Le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a précisé qu'en revanche, "les foires et salons sont des manifestations commerciales constituées par le groupement périodique d'exposants présentant aux acheteurs professionnels ou au public des échantillons de produits ou services dans l'intention d'en faire connaître les qualités et d'en provoquer les commandes" (lettre du 14 mars 2005 relative à une concentration dans le secteur des salons).
32. Les parties, comme le test de marché et le récent avis du Conseil économique et social sur "Le tourisme d'affaires : un enjeu majeur pour l'économie" (2007), ont confirmé qu'outre la finalité différente des "congrès" par rapport aux foires et salons, les équipements techniques nécessaires à la tenue de ces deux types d'événement sont différents (les "congrès" nécessitant des amphithéâtres et des salles de réunions, et les foires et salons requérant de vastes halls d'expositions plus ouverts permettant une circulation aisée des visiteurs). Ceci explique la spécialisation relative des sites en France pour accueillir prioritairement l'une ou l'autre de ces manifestations.
33. Le Conseil en déduit qu'il est pertinent de distinguer le marché amont de la gestion de sites de congrès de celui de la gestion de sites de foires et salons.
b) Sur la segmentation entre les sites accueillant des salons grand public ou professionnels
34. Les foires sont des manifestations grand public le plus souvent généralistes et régionales qui peuvent être assimilées pour les besoins de l'analyse à des salons grand public puisque ces manifestations s'adressent aux consommateurs finals. L'article L. 762-2 du Code de commerce définit la notion de salon professionnel comme "une manifestation commerciale consacrée à la promotion d'un ensemble d'activités professionnelles réservée à des visiteurs munis d'un titre d'accès", que sont les prospects et acheteurs professionnels. Les salons dits "mixtes" sont des salons qui accueillent concomitamment ou successivement des professionnels et le grand public (par exemple, le salon de l'aéronautique du Bourget).
35. Le test de marché souligne que les caractéristiques techniques requises pour qu'un site accueille un salon grand public sont, de manière générale, les mêmes que pour l'accueil d'un salon professionnel. La société Reed (premier organisateur français de salons) précise "qu'il n'est pas du tout pertinent de distinguer, en ce qui concerne la gestion de sites, selon le " type" de salons. En effet, que les salons soient qualifiés de "professionnels", "grand public" ou "mixtes", il est évident (i) qu'ils se tiennent sur les mêmes sites, (ii) qu'ils sont organisés par les mêmes acteurs, (iii) qu'ils accueillent des exposants aux attentes et besoins analogues et (iv) qu'ils nécessitent des prestations annexes similaires (d'ailleurs rendues par les mêmes prestataires). Par ailleurs, quelle que soit la "qualification" du salon, les principes de tarification et, in fine les prix (de location des sites, des prestations, etc.) demeurent identiques".
36. Le seul élément discriminant entre les sites accueillant des salons grand public ou mixtes et ceux accueillant des salons professionnels pourrait être les contraintes d'accessibilité aux sites. En effet, un salon grand public doit, par nécessité, se tenir sur un site capable d'accueillir le grand public de la zone de chalandise locale de sorte qu'un site mal desservi par les transports en commun ou difficilement accessible en voiture rencontrera des difficultés à attirer le grand public.
37. A l'inverse, un salon professionnel accueillant des exposants et des visiteurs venant de l'ensemble de la France, voire, pour certains, de l'ensemble de l'Europe ou du monde, doit se tenir sur un site à proximité d'infrastructures autoroutières, ferroviaires ou aériennes permettant de drainer des exposants et visiteurs et disposer d'infrastructures hôtelières suffisantes pour les héberger. Or, en France, la plupart des sites accueillent indifféremment des salons professionnels et des salons grand public. Seuls les sites de Paris Nord Villepinte (PNV) et de la Porte de Versailles (PDV) présentent une particularité puisque, comme l'indiquent les parties : "le site de PNV (Paris Nord Villepinte), en raison de son implantation géographique et des infrastructures routières et ferroviaires insuffisantes n'accueille pas de salon grand public (à l'exception d'un salon en 2006), alors que, à l'inverse, les salons grand public représentent près de la moitié de l'activité du site de la PDV (Porte de Versailles)".
38. Compte tenu de ces éléments, le Conseil considère que la segmentation des marchés de la gestion de sites selon qu'ils accueillent des salons grand public ou professionnels n'est pas justifiée. Au stade de l'analyse concurrentielle, il conviendra seulement de tenir compte de la faible substituabilité entre les sites Paris Nord Villepinte et Porte de Versailles pour l'accueil de salons grand public en région parisienne.
c) Sur la segmentation des sites en fonction de la taille des foires et salons
39. Le commissaire du gouvernement invite le Conseil de la concurrence à se prononcer sur la pertinence d'une segmentation du marché de la gestion de sites de foires et salons en fonction de la taille des salons, en précisant que si les salons de petite et moyenne taille peuvent se tenir sur l'ensemble des sites de salons, les grands salons de plus de 100 000m² n'ont qu'une alternative en France : le site de la Porte de Versailles (PDV) et le site de Paris Nord Villepinte (PNV).
40. Le Conseil relève néanmoins que la détermination de seuils de superficie disponible est très peu aisée, les superficies d'exposition constatées des différents salons faisant apparaître un continuum soulignant l'absence de paliers significatifs. Par ailleurs, il n'existe pas de différenciation tarifaire particulière entre les petites surfaces et les grandes surfaces d'exposition. Enfin, comme le souligne la société Reed : "évidemment, dès lors qu'un événement requiert une certaine superficie, il ne pourra se tenir que sur un site susceptible d'accueillir tous les exposants et visiteurs attendus. Néanmoins, REF [Reed expositions France] précise que la "taille" du site ne constitue qu'un critère de choix parmi d'autres (accessibilité, prix locatif, qualité, environnement, etc.)".
41. Compte tenu de ces éléments, le Conseil estime que la question de la segmentation du marché de la gestion de sites de salons en fonction de la taille peut être laissée ouverte, dès lors que les contraintes particulières liées aux sites de Paris Nord Villepinte et Porte de Versailles seront prises en compte au stade de l'analyse concurrentielle.
2. LA DIMENSION GEOGRAPHIQUE
42. Compte tenu de la définition des produits constituant les marchés précités, il convient de déterminer la dimension géographique du marché de la gestion de sites de congrès et celle du marché de la gestion de sites de salons ou foires.
a) La dimension au moins nationale du marché de la gestion de sites de congrès
43. Les congrès, qui ont essentiellement un objet scientifique ou professionnel, revêtent aussi une réelle dimension touristique. Ainsi, GL Events, organisateur de congrès, a précisé que "à la différence des salons et foires, les congrès ne sont pas attachés à une ville donnée ; au contraire, ils ont vocation à changer de destination régulièrement. Si les congrès comportent une dimension professionnelle (non commerciale), ils comportent également une dimension touristique : les congressistes se déplacent également pour découvrir une destination. A ce titre, il convient de rappeler que les dépenses des congressistes sont plus importantes que celles des exposants/participants de salons et foires : en moyennes un congressiste dépense 145,67 euro/jour (dont seulement 8 % en dépenses professionnelles), soit 30 à 40 % de plus qu'un exposant. Aussi, l'organisateur de congrès doit-il changer de destination assez régulièrement, afin de pouvoir rester attractif vis-à-vis de son public".
44. L'analyse du test de marché souligne qu'une majorité des entreprises consultées ont apprécié la dimension du marché des sites de congrès comme étant nationale (56 %) ou supranationale (63 %) (plusieurs réponses étant possibles).
45. Cette observation quantitative est largement confirmée par une analyse plus qualitative des réponses qui soulignent des risques d'affaiblissement des sites de congrès parisiens face aux investissements très importants des collectivités locales de certains pays pour construire des palais des congrès de très grande taille, offrant des services de haute technologie (Barcelone, Budapest, Prague ainsi que des pays plus lointains comme le Brésil ou Kuala Lumpur en Malaisie par exemple). Cela souligne qu'il existe une réelle pression des sites internationaux sur les sites français et parisiens en particulier, Paris bénéficiant d'un statut tout à fait spécifique compte tenu de son attrait touristique incontesté. Cet élément est conforté par la réponse des sites de congrès provinciaux au test de marché, qui s'estiment être en concurrence avec la plupart des sites situés en France et avec quelques sites européens.
46. Au terme de cette analyse, le Conseil est d'avis que la dimension géographique du marché de la gestion des sites de congrès est donc au moins nationale et souvent internationale.
b) La dimension géographique du marché de la gestion de sites de foires et salons
47. Le Conseil estime nécessaire d'apprécier différemment la substituabilité géographique entre les sites selon que le salon ou la foire qui y sera accueilli est à destination du grand public ou des professionnels.
La concurrence entre les sites accueillant des foires et salons grand public est essentiellement locale
48. Les parties considèrent que si la concurrence entre les sites d'accueil de foires et salons grand public est plutôt locale, il n'en demeure pas moins que plusieurs sites français s'estiment être en concurrence avec des sites distants d'environ deux heures en voiture. Un des gestionnaires de sites de province interrogé a précisé accueillir entre deux et cinq salons se tenant préalablement à Paris. Les parties ajoutent que l'instruction a également montré que certains salons grand public attirent une clientèle nationale (Mondial de l'automobile, salon de l'agriculture, salon du cheval, salon aéronautique, salon de l'ésotérisme) de sorte qu'il existe une certaine pression concurrentielle entre les sites au niveau national.
49. Les foires sont des manifestations généralistes se tenant, le plus souvent, annuellement et qui sont très marquées par un ancrage territorial car associées au nom d'une ville. L'étude Xerfi figurant au dossier précise ainsi que "l'identité d'une foire repose avant tout sur la ville dans laquelle la manifestation est organisée". La concurrence entre sites pour accueillir des foires ne peut donc être que locale.
50. S'agissant des salons grand public, le président du directoire de Comexpo a précisé que : "la plupart des salons grand public sont des salons de dimension locale". Ceci explique, selon Comexpo, la duplication de certains salons grand public dans plusieurs sites en France (salons du mariage...) : "Les gens ne sont pas prêts à venir de province pour venir voir un salon à Paris de sorte que la plupart des parcs de province organisent des évènements équivalents". Cette situation a été confirmée par la Fédération des Foires, Salons et Congrès de France selon laquelle " les foires et les salons destinés aux consommateurs ont [...] un marché visiteur limité à la zone de chalandise déterminée par le temps de parcours maximal qu'un consommateur est prêt à faire pour le type de produits présentés".
51. A l'instar de ce que le Conseil de la concurrence a déjà eu l'occasion de remarquer, en matière de grandes surfaces commerciales, plus le montant des achats potentiels est important et plus la surface de vente est spécialisée, plus la zone de chalandise locale est grande. Concernant des salons grand public, souvent spécialisés, qui génèrent le plus souvent des ventes d'un montant unitaire important, le test de marché permet de conclure que les frontières de la zone de chalandise correspondent à un temps de trajet d'environ une heure de transport. En effet, sur les dix gestionnaires de sites interrogés, seuls deux gestionnaires s'estiment être en concurrence avec des sites situés à plus de 150 kilomètres, sur moins de cinq salons par an tandis que tous les autres gestionnaires confirment le caractère local de la concurrence entre les sites.
52. De plus, s'il est exact qu'une poignée de salons grand public emblématiques peuvent relever d'une dimension nationale et pourraient théoriquement être organisés sur n'importe quel site en France, ils ne peuvent, dans les faits, que se tenir sur un site parisien eu égard (i) aux exigences de surfaces de ces grands salons, (ii) à la nécessité de bénéficier d'infrastructures de transport susceptibles de drainer des visiteurs de toute la France, (iii) à la nécessité d'être le plus proche de la plus grande partie du public potentiel et enfin, (iv) à l'attractivité particulière de la capitale, principalement du fait de son attrait touristique.
53. Cette analyse est confirmée par les déclarations des représentants de la CCIP (et notamment du président du directoire de Comexpo) qui ont précisé que "des salons grand public de "passionnés" ont une zone de chalandise un peu plus large et peuvent attirer des visiteurs de province (salon du cheval, salon ésotérique...). Il est logique de les organiser à Paris puisque la région IDF regroupe 25 % de la population". Un salon grand public qui se tient en région parisienne a donc une probabilité de succès plus grande (en nombre de visiteurs), eu égard à la population potentiellement visée (11 millions de franciliens).
54. Le Conseil en déduit qu'il existe un marché de la gestion de sites pour les foires et salons grand public de dimension locale, les quelques salons de dimension nationale ne pouvant se tenir que sur les sites de la région parisienne.
La concurrence entre les sites accueillant des salons professionnels est essentiellement nationale
55. S'agissant des salons professionnels, le débat porte sur la question de savoir si le marché de la gestion de sites est de dimension nationale ou plutôt internationale. Les parties proposent de distinguer un marché de la gestion de sites accueillant des salons professionnels internationaux au sens des critères définis par l'Université Bocconi (Milan) dans son étude "European trade fair report" (20 % d'exposants et de visiteurs étrangers) et un marché de la gestion de sites accueillant des salons professionnels nationaux qui ne peuvent arbitrer qu'entre les sites français. Les salons internationaux représenteraient ainsi 37 % du chiffre d'affaires de l'activité salons en France et [75-85] % du chiffre d'affaires de site de Villepinte (PNV) en 2005.
56. Le Conseil relève tout d'abord que les salons professionnels cherchent à toucher les entreprises d'un secteur économique bien déterminé, beaucoup plus mobiles que le grand public si le transport est aisé. Une telle approche est confirmée par plusieurs déclarations. Ainsi, la fédération française de la diététique a-t-elle précisé : "les visiteurs professionnels considèrent que visiter un salon est un investissement justifiable dans la mesure où ils trouvent des informations qu'ils n'auraient pas eues en restant chez eux. L'emplacement leur importe peu dans la mesure où l'accès est aisé (SNCF, aéroport, routes) et l'accueil convivial notamment avec un large choix d'hébergement".
57. Le Conseil constate néanmoins que les filières professionnelles, principaux clients des organisateurs, sont organisées sur le plan national et souhaitent essentiellement toucher les entreprises du pays dans lequel se tient le salon professionnel. Cette situation est renforcée par le fait que dans leur très grande majorité, les salons professionnels sont répliqués à l'étranger de sorte qu'en ce cas, ce sont moins les sites qui sont en concurrence que les salons eux-mêmes sur le marché aval de l'organisation. Les représentants de la CCIP ont ainsi précisé lors de leur audition qu'"il n'y a pas de changement de site du jour au lendemain mais un déplacement progressif des exposants et des visiteurs vers des salons concurrents organisés à l'étranger".
58. A cet égard, le Conseil estime nécessaire de préciser que les critères retenus par l'Université Bocconi pour définir un 'salon international' ne sauraient suffire à définir un marché pertinent au sens du droit de la concurrence. En effet, un salon professionnel accueillant 80 % d'exposants et de visiteurs français ne saurait se déplacer sur un site étranger en cas d'augmentation du prix de 5 % à 10 %.
59. La société Reed a ainsi précisé en séance que malgré une augmentation de 17 % des tarifs d'un de ses salons professionnels sur le site de la Porte de Versailles, elle n'avait pas eu l'intention de changer de site compte tenu de la volonté de la fédération professionnelle de toucher en priorité les entreprises françaises. Cela est d'autant plus évident lorsqu'un salon professionnel est dupliqué à l'étranger. En tout état de cause, il ressort d'une étude de la CCIP en 2005 que sur l'ensemble des salons organisés en région parisienne, seulement 7 % des visiteurs étaient étrangers et 25 % des exposants étaient étrangers.
60. Par ailleurs, il ressort des informations fournies par les parties et confirmées par le test de marché que les salons professionnels ayant déjà changé de ville et arbitré entre les sites européens sont au nombre de cinq (le salon 3GSM, Corraguted, le salon international du cuir, le salon DATE et le salon EIBTM) et qu'il n'existe que cinq salons tournants ayant délaissé les sites parisiens pour des sites européens (EMO, AES, EAGE, le salon de l'aluminium et l'ITMA). Il en résulte que s'il existe une certaine pression concurrentielle internationale, celle-ci ne s'exerce que sur une frange des salons professionnels de grande envergure susceptibles de se déplacer sur un site étranger. Lors de leur audition, les représentants de la CCIP ont ainsi admis que s'agissant "des salons professionnels internationaux : nos concurrents sont les sites européens représentant plus de 300 000m² pour accueillir quelques manifestations internationales".
61. Le Conseil en conclut que le marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des salons professionnels est essentiellement de dimension nationale, et ne subit la pression de la concurrence internationale que pour l'accueil de certains salons de très grande taille à vocation internationale. Or, si théoriquement l'organisateur d'un salon professionnel peut arbitrer entre les différents sites d'exposition français, le test de marché démontre que, dans la très grande majorité des cas, seuls les sites parisiens peuvent effectivement recevoir ce type de manifestations pour des raisons d'accessibilité et de capacités hôtelières d'une part et de taille critique d'autre part.
B. LES MARCHES AVAL DE L'ORGANISATION D'EVENEMENTS
62. Le marché de l'organisation d'évènements met en relation des spécialistes du métier de l'organisation du côté de l'offre et des sociétés savantes, des entreprises ou des fédérations et syndicat professionnels notamment, du côté de la demande. Le débat porte sur le point de savoir s'il existe des spécificités de nature à justifier une segmentation du marché en fonction de la nature du produit et des zones géographiques concernées.
1. MARCHES DE PRODUIT : L'EXISTENCE D'UN MARCHE DE L'ORGANISATION DE CONGRES DISTINCT DE CELUI DE L'ORGANISATION DE FOIRES ET SALONS
63. Le Conseil de la concurrence a déjà eu l'occasion de souligner dans une décision du 21 décembre 2000 que "l'activité d'organisateur de manifestations fait partie des activités référencées sous le Code NAF 74.8J dans la nomenclature "organisation de foires et de salons", qui comprend, schématiquement, trois segments : 1. l'organisation de manifestations de nature économique (salons ou expositions professionnels, périodiques ou non) ; 2. l'organisation de rencontres scientifiques ou culturelles et de congrès ; 3. la fourniture et la mise en place de matériels d'exposition ou de prestations nécessaires au bon déroulement de la manifestation".
64. Les parties confirment cette segmentation du marché et proposent de distinguer le marché de l'organisation des congrès de celui de l'organisation des foires et salons. Le test de marché valide également cette analyse car les acteurs diffèrent tant du côté de la demande que de l'offre entre, d'une part, l'organisation de congrès, et, d'autre part, l'organisation de foires et salons. Ainsi, alors que la demande d'organisation de foires et salons émane davantage des filières professionnelles et des entreprises, celle concernant les congrès vient, pour l'essentiel, de sociétés savantes, d'organismes publics ou parapublics, d'universités ou de centres de recherche.
65. Du côté de l'offre, il convient d'observer que les entreprises qui organisent des salons sont souvent spécialisées dans cette activité et n'organisent pas de congrès. Ainsi, les trois principaux organisateurs de salons en France (Reed, Exposium et Comexpo) n'organisent que très marginalement des congrès.
66. Ce constat est cohérent avec l'analyse que le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a conduite à l'occasion de l'examen du rachat d'Exposium par Unibail au printemps 2005 : "il apparaît que les organisateurs se spécialisent majoritairement soit dans l'organisation de foires et salons, soit dans l'organisation de congrès, séminaires et autres évènements [...]".
67. Même GL Events qui est également présent sur les deux marchés reconnaît qu'il existe "un marché de l'organisation des foires et salons distinct de celui de l'organisation de congrès, séminaires et autres évènements". Au-delà de la singularité des acteurs sur les deux marchés, les services et modalités d'organisation de congrès d'une part, et de foires ou salons d'autre part, sont assez nettement distincts. Ainsi, GL Events souligne "la différence de savoir-faire dans l'organisation de ces deux types d'évènements : contact auprès des exposants éventuels, publicité auprès du public visé et coordination des différents prestataires de services pour les foires et salons ; gestion d'un planning complexe et de l'ensemble du processus entourant la manifestation (accueil, logements) pour les congrès".
68. Le Conseil est donc d'avis qu'il est pertinent de distinguer, d'une part un marché de l'organisation de congrès, et, d'autre part, un marché de l'organisation de foires et salons.
69. Le Conseil constate en revanche qu'une segmentation entre l'organisation des foires et l'organisation des salons semble inappropriée à la réalité de ce métier. Tout d'abord, les mêmes sociétés proposent indifféremment d'organiser des foires ou des salons. Même Reed qui n'organise pas de foire précise qu'"il pourrait tout à fait organiser des foires comme il organise aujourd'hui des salons".
70. En outre, pour ces deux types de manifestations, on retrouve, notamment, la même finalité commerciale, des méthodes de communication similaires et un public identique (pour les salons grand public). Comme le suggèrent unanimement les réponses au test de marché, l'organisation de salons et de foires constitue le même métier, exige les mêmes compétences et relève du même marché.
71. De la même manière, le Conseil de la concurrence confirme l'analyse des parties selon laquelle l'organisation de salons professionnels et de salons grand public requièrent les mêmes compétences, imposent les mêmes contraintes de date et de service et les mêmes principes de tarification, de sorte qu'ils appartiennent à un seul et même marché où sont présents les mêmes organisateurs, même si certains sont plus spécialisés dans l'organisation de salons professionnels (Comexpo) que de salons grand public (Exposium).
72. Enfin, le Conseil partage la conclusion des parties qui "considèrent [...] que le marché de l'organisation de foires et salons n'a pas à être segmenté en fonction de la taille des manifestations". En effet, d'une manière générale il apparaît que les principaux organisateurs orchestrent la mise en œuvre des salons de différentes tailles. De plus, même si la création de salons est essentiellement l'apanage de petits organisateurs très spécialisés, disposés à prendre plus de risques que les grands organisateurs, les composantes du métier de l'organisation demeurent les mêmes quelle que soit la taille du salon.
2. MARCHES GEOGRAPHIQUES
a) Dimension géographique du marché de l'organisation de congrès
73. Compte tenu des éléments présentés précédemment, il est possible de considérer que le marché de l'organisation de congrès est de dimension au moins nationale, voire internationale. En tout état de cause, les parties n'étant actives sur ce marché que de manière très marginale, la question peut rester ouverte.
b) Dimension géographique du marché de l'organisation de salons ou foires
74. Il convient de remarquer que le marché de l'organisation de salons met en relation des organisations professionnelles ou des concepteurs de salons avec des sociétés spécialisées dans l'organisation, qui peuvent elles-mêmes être à l'origine de salons. Ainsi, historiquement, les premiers clients des organisateurs de salons sont les organisations professionnelles des différentes filières, soucieuses de mettre en place un évènement fédérateur de la profession permettant une exposition médiatique, et un vecteur commercial important pour la filière.
75. Cette caractéristique, encore largement prégnante, exige des organisateurs une proximité étroite avec les fédérations professionnelles qui sont structurées au niveau national. C'est la raison pour laquelle une implantation territoriale permettant le développement d'un réseau national est encore, bien souvent, la clé de la réussite d'un organisateur. A titre d'exemple, Reed Exhibitions a créé deux filiales françaises pour développer son activité d'organisation en France : Reed Expositions France et Reed Midem.
76. Toutefois, un puissant mouvement d'internationalisation tend à étendre les contours du marché de l'organisation. Ainsi, en 2007, les organisateurs allemands auront organisé environ 200 salons à l'étranger. De même, comme l'indique les parties, "à titre d'exemple le parc organisateur de Bologne a organisé 11 salons à l'étranger sur un total de 25 salons".
77. De même, les groupes britanniques Emap Communications, Reed Exhibitions et Tarsus groupe ainsi que Mess Francfort ont développé en France par le biais de filiales locales, leurs activités d'organisateur. Les organisateurs étrangers commencent donc à pénétrer le marché français mais les organisateurs français cherchent également des relais de croissance à l'étranger. Ainsi, Exposium détient 4 filiales à l'étranger et organise 14 salons hors de France, essentiellement en dupliquant des salons qui connaissent un succès en France (comme par exemple le SIAL organisé en Argentine).
78. Le Conseil en déduit que si le marché de l'organisation de salons est de dimension essentiellement nationale, les organisateurs étrangers exercent une concurrence potentielle qui devra être prise en compte au stade de l'analyse concurrentielle de ce marché.
C. LES MARCHES AVAL DES PRESTATIONS ANNEXES
79. Le ministre de l'économie et des finances a considéré au printemps 2005, dans son analyse de la reprise de la société Exposium par Unibail, que "les prestataires de services annexes sont les partenaires des organisateurs et des exposants. Ils sont chargés de mettre en œuvre et de fournir divers éléments nécessaires à la réalisation d'une manifestation". Selon les prestations considérées, les offreurs et demandeurs se différencient. Ainsi, même si les prestations annexes sont des services sont nécessaires au bon déroulement de la manifestation rendus, in fine, pour l'essentiel, aux exposants, ces prestations peuvent être offertes soit par les gestionnaires de sites, soit par les organisateurs, soit enfin par des prestataires indépendants extérieurs. Ces prestations peuvent dont être facturées directement à l'exposant ou à l'organisation qui les refacturera à l'exposant.
<emplacement tableau>
80. La très grande hétérogénéité des services regroupés sous l'expression "prestations annexes" qui répondent à des réglementations propres et des savoir-faire souvent nettement différents, invite a priori à considérer un marché de produit distinct pour chaque type de prestation.
81. Néanmoins, il existe des offres "packagées", proposées par des "intégrateurs de services annexes". Pour éviter que l'exposant (et notamment le petit exposant) n'ait lui-même à rechercher et sélectionner un prestataire pour chaque type de services annexes dont il aurait besoin, certains gestionnaires de site, organisateurs ou sociétés de services spécialisées proposent directement aux exposants un ensemble de prestations à la carte ou en package. Si certains de ces intégrateurs de services annexes peuvent eux-mêmes réaliser une partie des prestations (mobilier ou conception de stands par exemple), ils sous-traitent la majorité des autres prestations.
82. Ainsi, pour les exposants, utilisateurs finals des prestations annexes, l'offre ne se présente pas sous une forme aussi hétérogène et diversifiée. En outre, il existe des sociétés, comme GL Events ou Groupe Créatif, spécialisées dans l'offre globale de services annexes aux organisateurs ou aux exposants. Elles assurent elles-mêmes l'essentiel des prestations annexes. C'est ainsi que "GL Events considère qu'il n'existe pas autant de marchés pertinents que de catégories de prestataires ou même que de catégories de services [qui] visent le même objectif : assurer le bon développement et le bon déroulement de l'événement organisé".
83. En l'espèce, le Conseil estime qu'il convient d'opérer une distinction entre les prestations annexes qui sont directement liées au site de celles qui ne le sont pas. En effet, certaines prestations liées à l'infrastructure même du site sont strictement complémentaires à la location du site et, de ce fait, sont considérées par les gestionnaires de sites comme "obligatoires" notamment pour des raisons de sécurité, tout incident pouvant engager la responsabilité civile et pénale des gestionnaires de sites. Bien que la définition des prestations "obligatoires" varie selon les gestionnaires, et même selon les sites, il s'agit principalement des branchements électriques, de plomberie, d'air comprimé, des services de communications électroniques, d'élingage, de signalisation, de la sécurité du site et éventuellement des caisses à l'entrée. De plus, certaines prestations non obligatoires peuvent être considérées comme "exclusives", le gestionnaire exigeant qu'elles soient réalisées sur son site par lui-même ou par une ou plusieurs entreprises agréées. Ces prestations sont généralement facturées par les gestionnaires de sites soit directement à l'exposant, soit à l'organisateur qui, lui-même, les refacture aux exposants.
84. Sur ce point, les représentants de la société Reed, premier organisateur de salons en France mais qui ne gère aucun site d'exposition sur le territoire national, reconnaissent qu'" il apparaît naturel que certains de ces services soient assurés par les gestionnaires du site sur lequel se tient le salon, par exemple la fourniture d'électricité, d'eau, de gaz, de chauffage, d'air conditionné, la ventilation des halls, le branchement sur les réseaux informatiques du site, la mise en place des systèmes d'accès au site (escaliers mécaniques, ascenseurs), éventuellement la présence de personnel habitué au site (accueil sur le site (et non sur la manifestation)), information concernant le site, maintenance, assistance technique, accès et circulation aux abords du site etc... Il peut en effet être avancé que de tels services, qui sont énumérés et définis dans les contrats conclus entre l'organisateur du salon et le gestionnaire du site, ne peuvent être fournis que par le gestionnaire du site, qui est non seulement le mieux placé mais qui est également soumis à un certain nombre de responsabilités et d'obligations (sécurité etc...)". De la même manière, GL Events a déclaré : "Il y a des prestations incompressibles ; sécurité et tout ce qui touche aux infrastructures. Ceci doit rester aux mains des gestionnaires de sites".
85. Les prestations directement liées à la sécurité du site relèvent donc davantage de l'activité de la gestion de sites que d'un marché des prestations annexes, le gestionnaire du site étant en situation de définir seul les conditions de réalisation de ces prestations. Il faut en revanche considérer l'existence d'un marché concurrentiel s'agissant des autres prestations de services annexes non directement liées au site, les exposants pouvant faire jouer la concurrence sur le(s) marché(s) considéré(s) entre le gestionnaire de sites ou les organisateurs de salons s'ils proposent ces prestations en les intégrant à leurs services propres, et les purs prestataires (décoration florale, agences de voyage, location de véhicules, hôtellerie...). Or, la distinction entre les différents types de prestations (obligatoires, exclusives ou concurrentielles) est d'une importance particulière en ce qui concerne la formation des prix.
86. A partir des données fournies par les parties concernant leurs sites, il est ainsi possible de constater des différences substantielles entre les taux de marge brute générée par chaque type de prestations sur chaque site appartenant aux parties :
<emplacement tableau>
87. Une enquête réalisée par la Fédération des Foires, Salons et Congrès de France sur 22 et 29 sites en France entre 2004 et 2006 indique que l'ensemble des "prestations techniques" réalisées par un gestionnaire de site accueillant des foires et salons en France représentent environ [35-45] % de son chiffre d'affaires.
88. Le Conseil de la concurrence en conclut qu'il conviendra de tenir compte de ces spécificités au stade de l'analyse concurrentielle pour appréhender les risques tenant à l'accroissement de la puissance d'achat des parties sur le(s) marché(s) concurrentiel (s) des prestations annexes, les risques d'augmentation des prix et du périmètre des prestations directement liées aux infrastructures des sites et les risques de couplage entre ces dernières prestations et les prestations offertes en concurrence.
Conclusion sur les marchés pertinents
89. Aux termes des analyses précédemment développées, le Conseil considère qu'il est pertinent de distinguer les marchés suivants :
- le marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des congrès, de dimension au moins nationale ;
- le marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des foires et salons grand public, de dimension essentiellement locale ;
- le marché de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des salons professionnels, de dimension essentiellement nationale.
- le marché de l'organisation de congrès de dimension au moins nationale ;
- le marché de l'organisation de foires et salons professionnels et grand public, de dimension essentiellement nationale ;
- le(s) marché(s) des prestations annexes concurrentielles distinctes des prestations annexes directement liées aux infrastructures des sites ;
V. Bilan concurrentiel
90. Après avoir défini les marchés pertinents, il convient de déterminer si, sur ces marchés, l'opération notifiée porte atteinte à la concurrence, en donnant notamment à la nouvelle entité le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur les marchés en cause. L'analyse portera d'abord sur l'examen des effets de l'opération sur le plan horizontal (A) puis sur le plan vertical compte tenu de la présence des parties à la fois sur les marchés amont et aval affectés par l'opération (B).
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX DE L'OPERATION
91. Il y a lieu d'examiner dans quelle mesure le rapprochement des activités de la CCIP et Unibail dans le secteur des foires, salons et congrès restreint la concurrence tant sur les marchés amont de la gestion de site que sur les marchés aval de l'organisation, enfin sur les marchés des prestations annexes.
1. L'ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX SUR LES MARCHES DE LA GESTION DE SITES
92. Le Conseil analysera d'abord les conséquences de l'opération sur le marché de la gestion de sites de congrès puis sur les marchés de la gestion de sites de foires et salons.
a) Analyse des effets horizontaux sur le marché de la gestion de sites de congrès
93. Le Conseil rappelle que le marché de la gestion de sites de congrès est de dimension au moins nationale, voire internationale. La CCIP et Unibail y exploitent les sites suivants :
<emplacement tableau>
94. Or, même en retenant l'hypothèse la plus défavorable aux parties consistant à limiter la dimension géographique du marché en cause au seul territoire national, il apparaît que les parties disposeraient, à l'issue de l'opération, d'une part de marché inférieure à [25-35] % en termes de surfaces et de [35-45] % en nombre de sièges comme l'indique le tableau suivant :
<emplacement tableau>
95. Si le regroupement des sites des parties leur donne une position de leader par rapport à l'ensemble des sites français, et en région parisienne en particulier, destination touristique parmi les principales au monde et accueillant également de nombreux sièges sociaux de grandes entreprises, il convient de relever que la puissance de marché de l'entité résultant de l'opération restera assez limitée pour plusieurs raisons.
96. D'une part, l'offre de sites est très diversifiée quelle que soit la nature ou la taille du congrès envisagé. S'agissant des plus petites manifestations qui ne nécessitent bien souvent que des salles ou amphithéâtres de petite taille, l'offre est abondante en région parisienne au sein de très nombreux hôtels (notamment Concorde Lafayette, Intercontinental, Hilton Suffren, The Westin, Novotel Tour Eiffel, Sofitel Bercy, Marriott Rive Gauche). S'agissant des manifestations de moyenne taille, l'offre de sites correspondant est également diversifiée en région parisienne puisque les réponses au test de marché citent comme concurrents des sites des parties, la Maison de la Chimie, le Palais de la Bourse, la cité des Sciences et de l'Industrie ou encore le complexe de DisneyLand. S'agissant enfin des congrès de dimension nationale voire internationale, ce qui représente [65-75] % du chiffre d'affaires de l'activité congrès du Palais des congrès de Paris, il est indéniable que les sites de congrès parisiens subissent la pression concurrentielle des sites étrangers.
97. D'autre part, le nombre de palais des congrès est en constante augmentation en France. Ainsi, sur la période 2003-2007, les investissements pour la construction ou l'agrandissement de sites de congrès ont été importants. A titre d'exemples, on peut citer la Cité Internationale de Lyon qui a ouvert un amphithéâtre de 3 220 places, la Grande Halle d'Auvergne de Clermont Ferrand qui a créé un nouveau centre de conférences, la ville de Bordeaux qui a inauguré un nouveau centre des Congrès en 2004, le Palais des Congrès du Mans qui est en cours d'agrandissement. Ces investissements sont, dans la très grande majorité, le fait des collectivités territoriales qui agissent ainsi directement pour le développement économique de leur région et le tourisme d'affaires générant d'importants revenus pour le tissu économique local, notamment pour les petites et moyennes entreprises. Ceci démontre l'absence de barrière à l'entrée significative sur ce marché, confirmée par le test de marché : 59 % des 29 entreprises ayant répondu ont estimé que l'entrée à court ou à moyen terme de nouveaux opérateurs dans le domaine de la gestion de sites de congrès était probable.
98. Le Conseil en conclut que, sur le marché de la gestion de sites de congrès, les parties n'occuperont pas, à l'issue de l'opération projetée, une position leur permettant de porter atteinte à la concurrence, car elles demeurent contraintes, pour les "petits et moyens événements", par une offre de sites diversifiée et, pour les "grands congrès" par une pression de l'offre de centres de congrès étrangers.
b) Analyse des effets horizontaux sur les marchés de la gestion des sites de foires et salons
99. L'analyse concurrentielle sur le marché de la gestion de site, des effets horizontaux de l'opération projetée, ne diffère pas selon que l'on considère, d'une part, les sites susceptibles d'accueillir des foires et salons grand public, et, d'autre part, les sites susceptibles d'accueillir des salons professionnels. En effet, bien qu'une analyse rigoureuse invite à considérer qu'ils appartiennent à des marchés de dimension géographique distincte, la spécificité des sites de la région parisienne conduit à identifier les mêmes problématiques concurrentielles.
100. Il convient en effet de rappeler que, eu égard aux exigences en termes de surface, d'infrastructures de transport et de capacité hôtelière notamment, seuls les sites de la région parisienne, et notamment les sites de Porte de Versailles (PdV) ou de Paris Nord Villepinte (PNV) sont susceptibles d'accueillir des salons professionnels, à quelques rares exceptions près. Les analyses concurrentielles des marchés de la gestion de sites susceptibles d'accueillir des foires et salons grand public et des salons professionnels seront donc menées conjointement puisque ce sont les mêmes sites qui sont concernés.
101. L'analyse montrera l'émergence d'un quasi-monopole sur les marchés de la gestion de sites de salons ou foires caractérisés par d'importantes barrières à l'entrée, de nature à rendre crédibles les risques de fixation d'un prix de monopole sur la location de sites et les prestations annexes que porte en germe la disparition de la concurrence résiduelle entre les parties.
L'émergence d'un quasi-monopole
102. Les gestionnaires de sites et les organisateurs d'évènements révèlent que la superficie disponible est le principal critère dans le choix d'un site. Il convient donc de retenir deux mesures pour évaluer la part de marché des gestionnaires de sites : la surface disponible et la surface facturée, c'est-à-dire la surface brute multipliée par le nombre de jours d'occupation (JOCC).
103. A l'issue de l'opération, l'entité créée détiendra plus de [90-100] % de parts de marché en termes de surfaces disponibles et [90-100] % de parts de marché en terme de surfaces facturées (1) (sur la base de calculs effectués à partir de la base de données LECG transmise par les parties et censée répertorier toutes les données sur l'ensemble des manifestations organisées en France) :
1 GL-Events gérant le Parc Floral de Vincennes et La Grande Halle de La Villette et Le Grand Palais étant fermés en 2005-2006, ces surfaces disponibles n'ayant pas fait l'objet de facturation significative pendant la période.
<emplacement tableau>
104. L'opération aboutira donc à la constitution d'un quasi-monopole sur le marché de la gestion de sites de foires et salons en région parisienne, supprimant la concurrence qui s'exerce actuellement sur le marché en cause.
Des barrières à l'entrée importantes
105. L'entrée sur le marché de la gestion de sites de salons ou foires en région parisienne pourrait résulter soit de la perspective de la construction d'un nouveau site, soit de la remise en concurrence de la gestion des sites d'exposition actuellement confiés aux parties par les pouvoirs publics à travers une délégation de service public.
106. Sur l'ensemble de la région Ile-de-France, les représentants du conseil régional ont ainsi précisé lors de leur audition : "nous pensons également qu'il pourrait y avoir de nouveaux sites en région parisienne, notamment en Seine-et-Marne autour de Marne La Vallée, pour accueillir de nouveaux salons". Néanmoins, tous les acteurs présents sur le marché confirment que la création d'un nouveau centre des expositions de taille substantielle en Ile-de-France à court ou moyen terme, indépendamment d'un investissement de la part des pouvoirs publics, est peu crédible. Or, ni le Conseil régional d'Ile-de-France ni la Ville de Paris n'envisagent le financement d'un nouveau parc d'expositions en région parisienne. Dès lors, la probabilité qu'un acteur privé décide, seul, de construire un nouveau site d'exposition en région parisienne semble très faible, surtout s'il doit faire face à la nouvelle entité et ses projets d'agrandissement du parc de Paris Nord Villepinte, qui en augmentant l'offre, risque de remettre définitivement en cause la rentabilité de tout autre projet.
107. De plus, l'hypothèse permettant l'entrée sur le marché d'un nouveau gestionnaire de site par le biais d'une reprise de la gestion de sites dont les parties ne sont pas propriétaires mais simplement concessionnaires ou locataires, n'est pas envisageable à court et moyen terme. Actuellement, les espaces de la Porte de Versailles et de Champerret sont gérés par Unibail en vertu d'un contrat de concession signé avec la ville de Paris et le Carrousel du Louvre leur est loué par l'Établissement public du Louvre. Concernant le site de la Porte de Versailles, les représentants de la Ville de Paris ont précisé que "la DSP du site de Porte de Versailles qui devait initialement s'achever en 2016 dans la convention initiale signée en 1987 a été prorogée par un avenant du 22 mai 1996 jusqu'en 2026. Il y aura alors une mise en concurrence entre les différents acteurs. Nous n'envisageons pas a priori de proroger la délégation au-delà de 2026". Quant à l'espace Champerret, les représentants de la ville de Paris ont ajouté qu'Unibail était en négociation avancée pour racheter le site.
108. Le Conseil de la concurrence en déduit qu'aucune entrée n'est sérieusement envisageable sur le marché de la gestion de sites de salons-foires en région parisienne, de sorte que l'opération conduit à la constitution d'un monopole durable sur ce marché.
Le risque de fixation de prix de monopole
109. Sans concurrence actuelle ni potentielle, les parties, en tant que gestionnaires des sites franciliens, seront tout à fait en mesure de fixer un prix de monopole pour les loyers et les prestations qu'elles facturent soit aux organisateurs, soit directement aux exposants. Ce risque est d'ailleurs relevé par 90 % des organisateurs et 75 % des gestionnaires de sites (autres que les parties) interrogés au cours du test de marché.
110. Les organisateurs de foires et salons interrogés au cours du test de marché ont toutefois reconnu qu'il existait d'ores et déjà une tension sur les prix du fait de la relative rareté des surfaces d'exposition disponibles en région parisienne, notamment pour les périodes calendaires les plus demandées. Il n'est donc pas certain que, dans l'hypothèse où une tarification de monopole serait imposée par la nouvelle entité, ses effets réels en terme de hausse de prix soient aussi importants que ceux qu'on pourrait observer dans une situation initiale d'offre abondante.
111. Le risque de fixation d'un prix de monopole pourrait de plus être atténué par le fait que plusieurs sites gérés par les parties sont soumis à des contrats de délégation prévoyant, dans une certaine mesure, un contrôle de l'évolution des prix par le délégant. L'article 7 de la convention pour l'exploitation du Parc des expositions de la Porte de Versailles stipule en effet que "les tarifs de location des halls d'exposition, des salles de réunion, des parcs de stationnement et des espaces à l'air libre, seront arrêtés d'un commun accord avec la Ville, dans le cadre de la réglementation en vigueur", étant précisé à l'article 3 de la dite convention que "la Ville de Paris confie la gestion du Parc des expositions à la société concessionnaire, avec pour mission la défense de l'intérêt général et, plus particulièrement, le soutien et la promotion de l'activité économique régionale et nationale".
112. Les représentants de la Ville de Paris ont précisé lors de leur audition par les rapporteurs que "classiquement, le contrat de DSP prévoit qu'Unibail envoie chaque année sa grille tarifaire que nos services apprécient et approuvent. Cette grille tarifaire est en l'espèce assez complexe, les prix variant, aux travers de critères objectifs, selon les halls d'exposition, selon les salons, selon les périodes de l'année, etc. Au-delà de cette grille, une négociation commerciale avec l'organisateur peut conduire à l'application de remises. Notre contrôle de la grille tarifaire s'opère à l'aune des trois principaux objectifs que nous poursuivons dans ce contrat de concession. Ces objectifs, dans un ordre hiérarchisé d'importance, sont : 1 - La valorisation du patrimoine de la Ville : nous sommes donc particulièrement attentifs à la politique d'investissement du concessionnaire ; 2 - Le développement d'un volume d'activité le plus important possible ; 3 - L'apport de recettes récurrentes aussi importantes que possible eu égard aux deux premiers objectifs. D'une manière générale, nous veillons à ce qu'il n'y ait pas de chocs violents sur la grille tarifaire d'une année sur l'autre".
113. L'encadrement des prix des loyers du site de la Porte de Versailles constitue donc un garde-fou contre une augmentation brutale des prix d'une période sur une autre mais n'interdit pas à Unibail de remonter nettement ces prix si les tensions actuelles de la demande par rapport aux contraintes de l'offre perduraient. Ainsi les représentants de la Ville de Paris ont précisé que "une augmentation des prix de plus de 20 % poserait certainement problème, mais une augmentation des prix peut être objectivement justifiée soit par des augmentations de coûts (et notamment des investissements importants), mais aussi par un équilibrage des prix en raison d'une forte augmentation de la demande face à une offre saturée".
114. Ce dernier élément confirme que, déjà dans la situation actuelle, la saturation de l'offre peut pousser les prix à la hausse. Les chiffres fournis par les parties montrent, d'ailleurs, que leurs marges sont sensiblement plus élevées sur le marché amont de la gestion de sites (marge brute [...] % et EBE [...] %) que sur le marché aval de l'organisation (marge brute [...] % et EBE [...] %).
115. En tout état de cause, l'encadrement des tarifs n'est prévu que pour le site de la Porte de Versailles, de sorte que les parties sont libres de procéder à toute augmentation de prix sur les autres sites qu'elles gèrent. Elles font néanmoins valoir que les tarifs encadrés sur le site de la Porte de Versailles disciplinent de fait les prix des autres sites de la région parisienne, qui ne pourraient ainsi atteindre un niveau de prix de monopole.
116. Elles ajoutent qu'une telle stratégie d'augmentation des prix ne serait pas viable à long terme, le gestionnaire de sites se privant d'une bonne part de ses revenus s'il affaiblissait de manière substantielle ses clients organisateurs.
117. Mais le Conseil retient que les deux acteurs majeurs sur le marché de la gestion de sites sont actuellement en concurrence de sorte qu'une tension sur les prix de l'ensemble des sites de la région parisienne résultant de l'opération est crédible. En effet, à l'issue de l'opération envisagée, les acheteurs n'auront quasiment plus d'alternative pour organiser un salon ou une foire sur un site en région parisienne, tandis que les parties auront toute liberté pour augmenter les tarifs des sites autres que celui de la Porte de Versailles. Le contre-pouvoir éventuel des acheteurs ne sera donc pas suffisant pour empêcher la fixation d'un prix de monopole sur l'ensemble des sites autres que celui de la porte de Versailles.
118. La faiblesse de ce contre-pouvoir est d'autant plus établie que l'élasticité de la demande au prix est particulièrement faible. Quelle que soit la catégorie d'acteur interrogée lors du test de marché, le critère du prix pour le choix d'un site n'arrive qu'en quatrième position, derrière les dates, le lieu et la superficie disponible. La Fédération des Foires, Salons et Congrès (FSCF) confirme d'ailleurs qu'"en tout état de cause, pour un salon, un changement de site est perturbateur et risqué et les organisateurs n'y recourent qu'en dernier ressort". La société Reed ajoute "qu'il existe un intérêt de taille pour un salon ou une foire d'être localisé sur un site précis de façon récurrente afin de créer chez les exposants tout comme chez les visiteurs une attente légitime".
119. Il apparaît donc que, à l'issue de l'opération projetée, les parties détiendront un pouvoir de marché leur permettant de durcir leurs conditions contractuelles et d'augmenter leurs prix.
Disparition de la concurrence résiduelle entre les parties
120. L'analyse de l'état de la concurrence entre les sites de la région parisienne accueillant des foires et salons avant l'opération projetée souligne une certaine inertie. Ainsi, à la question "Comment jugez-vous la possibilité pour CCIP et UNIBAIL de se trouver en situation de position dominante et d'agir ainsi indépendamment des organisateurs d'évènements ? par exemple : Possibilité de ce groupe d'imposer les sites ? le calendrier ? les prestations annexes etc ? ", 63 % des réponses (41 réponses) ont souligné que cette possibilité existait déjà avant le rapprochement CCIP-Unibail.
121. Cette faiblesse de la concurrence peut s'expliquer, pour partie, par une certaine spécialisation des sites. Ainsi, pour les grandes manifestations qui requièrent des surfaces d'exposition de plus de 20 000 m², seuls trois parcs sont susceptibles de les accueillir : Porte de Versailles (PdV) et Paris Nord Villepinte (PNV) et, dans une moindre mesure, le Parc du Bourget. Or, il ressort de nombreuses déclarations que si la Porte de Versailles peut accueillir aussi bien des salons professionnels que des salons grand public, en revanche, Paris Nord Villepinte et Le Bourget ne semblent pas être des sites très attrayants pour les salons grand public, notamment en raison de leurs difficultés d'accès. En outre, les documents transmis par les parties montrent que les sites de la Porte de Versailles et Paris Nord Villepinte sont quasiment saturés sur l'ensemble de l'année avec un taux de rotation moyen de [40-50] %, de sorte que le déplacement d'un salon d'un site à l'autre est particulièrement difficile.
122. A cet égard, l'argument selon lequel, dans certaines métropoles européennes ne disposant pas de site en centre ville, des salons grands publics sont organisés en grande périphérie n'est pas pertinent puisqu'il s'agit, pour Paris, précisément d'apprécier l'attractivité respective d'un site urbain comme celui de la Porte de Versailles avec un site de grande périphérie.
123. Le Conseil constate toutefois que si la concurrence entre sites parisiens est relativement limitée pour les salons de grande taille (supérieurs à 20 000 m²) en raisons de ces nombreuses contraintes, il existe néanmoins une concurrence résiduelle entre les parties pour l'accueil de petits et moyens salons grand public et professionnels ainsi que pour l'accueil de nouveaux salons.
124. S'agissant de l'accueil des salons de petite et moyenne taille (inférieurs à 20 000 m²), les représentants d'Unibail ont déclaré lors de leur audition que "70 % du marché correspond à des salons de moins de 15 à 20 000 m² bruts qui peuvent se tenir sur tous nos sites ayant des capacités équivalentes". Il en résulte qu'il existe une substituabilité entre différents sites des parties et notamment le Parc de la Porte de Versailles (Unibail), l'Espace Champerret (Unibail) ou le Palais des Congrès de Paris (CCIP). En effet, bien que le palais des congrès de Paris accueille en majorité des congrès internationaux, il apparaît que sur les années 2004, 2005 et 2006, le chiffre d'affaires réalisé par les salons sur ce site a été de [...] euro, [...] euro et [...] euro, soit pour chaque année environ [15-25]% du chiffre d'affaires réalisé par l'activité salon à PNV.
125. De plus, les nouveaux salons disposent de la possibilité d'arbitrer entre les différents sites des parties puisqu'ils ont encore une taille limitée et ne sont pas attachés à un site et à une date précise. Les représentants d'Unibail ont ainsi déclaré que "les nouveaux salons représentent moins de 10 000 m² de surface, de sorte qu'il était possible de les insérer dans les interstices de l'agenda d'Unibail". La concurrence entre les sites des parties pour l'accueil de ces nouveaux salons est enfin soulignée par l'existence d'un taux de remise spécifique beaucoup plus important que celui accordé aux salons 'installés'. Ainsi, par exemple, la grille tarifaire du site de la Porte de Versailles accorde une "remise incitative liée à l'accueil de nouveaux salons chez Paris Expo". Il est prévu que ces "remises de bienvenue de 10 % sur le loyer seront consenties, la 1re année, à tous les salons créés ou venant des sites autres que ceux de Paris Expo".
126. Enfin, plusieurs éléments réunis au cours de l'instruction montrent que l'absence actuelle de concurrence entre les sites de Porte de Versailles et Paris Nord Villepinte pour l'accueil de salons grand public n'est pas forcément pérenne. Ainsi, la réussite du seul salon grand public organisé à Villepinte en 2007, Japan Expo, qui a attiré plus de 56 000 visiteurs en trois jours, a été mise en avant par le gestionnaire du site pour promouvoir l'attractivité de ce parc pour l'accueil de ce type de salons à travers l'envoi de plusieurs courriers et plaquettes marketing vantant ses mérites, ce qui laisse présumer des possibilités de développement permettant d'accueillir plus de salons grand public sur ce site et concurrencer ainsi celui de la Porte de Versailles.
127. Cette possibilité est toutefois limitée par le fait que les salons professionnels occupent déjà les meilleurs créneaux calendaires et ne pourra pleinement s'exprimer que si des investissements de capacité permettent du surmonter la saturation actuelle du site.
128. La concurrence résiduelle entre les parties avant l'opération envisagée est donc limitée par la rareté globale de l'offre, mais elle subsiste néanmoins pour les manifestations petites et moyennes.
129. L'existence de deux gestionnaires de site sur le marché francilien, quel que soit le niveau de leur concurrence effective, présente aujourd'hui l'avantage important d'offrir aux organisateurs des éléments de comparaison. Ainsi, les organisateurs peuvent actuellement estimer la légitimité d'une hausse des prix ou d'un durcissement des conditions en comparant les comportements des deux offreurs du marché, d'autant plus que les tarifs du site de la Porte de Versailles sont relativement encadrés. A l'issue de l'opération, les organisateurs vont perdre un élément important de comparaison des pratiques commerciales et tarifaires des gestionnaires de sites, les comparaisons avec les sites de province ou étrangers étant nettement moins pertinentes.
130. Il en résulte que les risques de voir disparaître la concurrence résiduelle entre les parties sur les marchés de la gestion de sites de salons grand public et professionnel en région parisienne sont avérés.
Le risque d'une augmentation du périmètre et des prix des prestations annexes obligatoires ou exclusives
131. Outre la possibilité pour la nouvelle entité d'augmenter les tarifs de location de sites, l'opération pourrait les conduire à accroître le périmètre et les prix des prestations annexes obligatoires ou exclusives, c'est-à-dire directement liées à la gestion du site, et à imposer aux prestataires, des conditions désavantageuses d'accès à leurs sites par le biais de commissionnements plus importants.
132. La société Reed résume ainsi les risques que ferait peser la constitution d'un monopole sur la gestion de site en ce qui concerne les prestations annexes : "il convient de préciser qu'à ce jour, les gestionnaires de sites d'expositions-congrès en région parisienne ne peuvent que modérément se permettre d'imposer aux organisateurs des services qui seraient en fait de type optionnel. En effet, étant donné la structure actuelle de la concurrence sur le marché de la gestion de sites, un gestionnaire qui tenterait d'imposer de tels services risquerait de voir sa clientèle d'organisateurs abandonner ses sites pour installer leurs salons sur des sites concurrents. En revanche, si l'Opération était réalisée, la nouvelle entité pourrait sans problème imposer de tels services sur certains de ses sites, sachant que la seule alternative pour les organisateurs serait de déplacer leurs salons sur d'autres sites que l'entité contrôle de toute façon, ce qui reviendrait à créer des effets de type unilatéral. La nouvelle entité pourrait aussi, sans se charger de ces services elle-même (ce qui est fort vraisemblable), imposer ses concessionnaires exclusifs, ce qui aurait comme conséquence d'augmenter encore le prix des services, les concessionnaires répercutant naturellement les coûts de leurs concessions sur les organisateurs et/ou exposants. La nouvelle entité pourrait ainsi décider d'imposer de tels services sur tous les sites qu'elle gèrerait, soit la quasi-totalité des sites de la région parisienne. Étant donné l'obligation pour les organisateurs de passer par la nouvelle entité (goulet d'étranglement), cette dernière serait assurée de voir ses clients accepter les nouvelles conditions. En outre, il est à craindre que de tels services, qui ne seraient pas forcément adaptés voire inutiles aux besoins des organisateurs, seraient fournis à des prix tout à fait prohibitifs ".
133. Le tableau figurant au paragraphe 85 souligne que ces risques ne sont pas hypothétiques. En effet, alors que le taux de marge brute pour les prestations actuellement optionnelles et concurrentielles est de [35-45] % en moyenne, il est de [65-75] % pour les prestations exclusives et de [75-85] % pour les prestations obligatoires. La rente de monopole liée au levier potentiel sur le marché annexe est donc potentiellement très élevée, comme le relèvent 70 % des acteurs interrogés lors du test de marché.
134. La Fédération Française des Métiers de l'Exposition et de l'Évènement, qui regroupe les Chambres syndicales des Métiers de l'Expositions, explique que "le risque d'augmentation des prestations obligatoires/exclusives est fort car ces prestations interviennent après le choix du lieu du salon, c'est-à-dire après que l'organisateur ait choisi sa ville et son lieu. Le risque de "rattraper la perte de marge" sur le dos de l'exposant est donc important". Finalement, si les risques d'utilisation du pouvoir de monopole par la nouvelle entité venaient à se réaliser, le marché des prestations annexes risquerait d'être tellement affecté qu'il pourrait être conduit à se réorganiser et se concentrer. Ainsi, une petite société de nettoyage envisage un tel scénario : "nous devrons nous faire racheter par un groupe [...] qui paiera à terme une redevance à Unibail pour pouvoir être accrédité et donc travailler cela existe déjà dans de nombreux parcs : Lyon (on paie un droit d'accès à la lumière alors qu'elle est déjà payée par l'organisateur)".
135. Les parties allèguent que, s'agissant des prestations annexes, les risques précédemment identifiés ne peuvent concerner que les salons susceptibles d'arbitrer entre différents sites. Or, il a déjà été démontré - soulignent-elles - que cette concurrence est tout à fait résiduelle, ce qui réduit très fortement l'impact anticoncurrentiel de l'opération, d'autant que le périmètre et les tarifs des prestations annexes ne constituent pas un facteur d'arbitrage dans le choix des sites.
136. La concurrence résiduelle qui s'exerce aujourd'hui entre les parties pour accueillir certains salons maintient cependant une certaine pression concurrentielle sur l'ensemble des prestations annexes proposées sur chaque site, dont bénéficient tous les salons, compte tenu de la possibilité pour les organisateurs et les exposants de comparer par site l'étendue du périmètre et les prix des prestations obligatoires ou exclusives. Dans ce cadre, s'il est exact que l'organisateur et l'exposant se voient imposer par le gestionnaire du site le périmètre et les tarifs des prestations annexes lors de l'édition du salon en année n, le choix des prestations intervenant après le choix du site, la possibilité leur est offerte de changer de site au cours de l'année n + 1 s'ils estiment que ces prestations ne sont pas justifiées techniquement et économiquement. Or, à l'issue de l'opération envisagée, la suppression de la concurrence résiduelle entre les gestionnaires de sites en région parisienne annihilera toute pression concurrentielle sur le périmètre et les prix des prestations obligatoires et exclusives, incitant la nouvelle entité fusionnée à augmenter ses tarifs.
137. Sur ce point, les parties, invoquant "le raisonnement critique de l'école de Chicago", estiment au contraire qu'une modification des conditions d'offres des prestations annexes ne saurait se faire au détriment des exposants. Elles soutiennent que l'entité fusionnée n'aura pas d'incitation manifeste à étendre le champ des prestations obligatoires ou exclusives, de manière à exclure des concurrents organisateurs ou prestataires sur les marchés aval des prestations annexes concurrentielles, sauf si son offre était plus performante du point de vue de l'exposant.
138. Le Conseil relève cependant que de nombreuses études ont démontré les limites de ce raisonnement. En particulier, lorsqu'il apparaît que certaines entreprises affectées par l'exclusivité accordée par l'opérateur présent en amont, ne sont pas en mesure d'intervenir dans le processus de négociation des contrats d'exclusivité, des clauses d'exclusivité anticoncurrentielles et néfastes à l'efficacité économique peuvent parfaitement figurer dans de tels contrats signés par des agents rationnels. D'une manière générale, ce risque est d'autant plus probable que l'entreprise utilisant l'exclusivité dispose d'un très fort pouvoir de marché. Or, en l'espèce, il apparaît qu'à l'issue de l'opération projetée, les parties se trouveront en situation de quasi-monopole sur le marché de la gestion de sites et disposeront de la faculté d'étendre le périmètre des prestations obligatoires et exclusives indépendamment des organisateurs ou prestataires indépendants susceptibles de les concurrencer sur les marchés des prestations annexes considérées. Compte tenu des explications précédentes, il convient d'en conclure que le risque d'éviction de concurrents plus performants sur les marchés aval (organisateurs ou prestataires) au détriment des exposants est crédible.
139. Les parties allèguent enfin qu'en tout état de cause, le gestionnaire de site n'a pas d'incitations différentes de celles d'un organisateur de salons lorsqu'il détermine les conditions d'accès aux prestations pour les exposants qui, quel que soit leur interlocuteur (gestionnaire ou organisateur), se retrouvent systématiquement face à un opérateur en monopole. L'opération ne changerait donc rien sur ce point.
140. Cet argument n'emporte pas la conviction dans la mesure où l'organisateur proposant des prestations concurrentielles, l'exposant a toujours la possibilité de refuser la prestation offerte par l'organisateur ou de faire appel à un prestataire extérieur pour la même prestation, ce qui n'est évidemment pas le cas des prestations obligatoires ou exclusives imposées par le gestionnaire de sites.
141. Enfin, le Conseil note que les risques liés au monopole de la gestion de sites sur les prestations annexes ont aussi une dimension qualitative. La tentation de privilégier des commissionnements importants sur un périmètre étendu de prestations annexes obligatoires ou exclusives pourrait détériorer la qualité des services rendus. Cette vision est confirmée par un organisateur concurrent qui considère, s'agissant des prestations exclusives, que les gestionnaires de sites "n'hésitent pas soit à imposer des concessionnaires très onéreux (par exemple, élingage, raccordement électrique et informatique, câblage ...), soit à pratiquer eux-mêmes des tarifs hors de raison et/ou des prestations de qualité médiocre ou, à tout le moins, nettement perfectible (par exemple restauration)".
Conclusion de l'analyse des effets horizontaux sur le marché de la gestion de sites de foires et salons en région parisienne
142. Sur ce marché, l'opération aboutira à la constitution d'un monopole durable permettant aux parties de fixer des conditions et prix de monopole du fait de l'élimination de la concurrence résiduelle qui, bien que limitée, existait notamment pour l'organisation de salons de moyenne taille (5 000 à 20 000 m²). Le renforcement du pouvoir de marché des parties leur permettra également d'accroître le périmètre et le prix des prestations annexes obligatoires et exclusives liées à la gestion de sites dont le taux de marge brute dépasse déjà [65-75] %.
2. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX DE L'OPERATION SUR LE MARCHE NATIONAL DE L'ORGANISATION
143. Les parties n'étant que très marginalement présentes sur les marchés de l'organisation de congrès et de la fourniture de prestations annexes concurrentielles, l'analyse se concentrera sur les effets horizontaux résultant de la fusion des activités des deux filiales des parties spécialisées dans l'organisation de salons, Comexpo et Exposium.
L'émergence d'un leader sur le marché de l'organisation de salons ou foires
144. A titre liminaire, le Conseil constate qu'actuellement l'offre d'organisation de foires et salons n'est pas homogène. En effet, il est possible de distinguer (i) les grandes sociétés organisatrices qui orchestrent la très grande majorité des grands et moyens salons (Reed Expositions, Comexpo, Exposium, GL Events-Emap Agor), (ii) les organisateurs spécialisés qui organisent de plus petits évènements, en général sur un secteur pointu, et (iii) les structures ad hoc le plus souvent créées à l'initiative de syndicats ou fédérations professionnelles (comme le GIFAS pour l'organisation du salon international de l'aéronautique, AMC Promotion pour l'organisation du salon de l'automobile...).
145. A partir de leurs propres données, les parties ont, sur la base des surfaces facturées, évalué leur part de marché cumulée en 2005 à [25-35] % ([10-20] % Comexpo et [10-20] % Exposium), se situant derrière la société Reed, premier organisateur de salons en France, qui disposerait de [25-35] % de parts de marché en 2005 sur le marché français de l'organisation de foires et salons comme l'indique le tableau suivant :
<emplacement tableau>
146. Néanmoins, les réponses au test de marché, en particulier celle de la Fédération des salons, foires et congrès (FSCF) et celle de GL Events semblent indiquer que la part de marché cumulée des parties était supérieure à celle de Reed au regard des surfaces nettes contrôlées par l'OJS entre 2003 et 2005 ([20-30] % pour les parties contre [15-25] % pour la société Reed) et des surfaces facturées aux exposants ([35-45] % pour les parties contre [20-30] % pour Reed).
147. Il est donc apparu nécessaire de calculer plus finement, à partir de la base de données LECG fournie par les parties, les parts de marché en volume des parties, à partir des surfaces facturées aux exposants, c'est-à-dire la surface nette multipliée par le nombre de jours d'ouverture au public (JOP) entre 2003 et 2005 (2):
2 A partir des parts de marchés, plusieurs indicateurs permettent d'apprécier la situation concurrentielle d'un marché, parmi lesquels l'indice Herfindhal Hirchman (IHH ou HHI), calculé par l'addition des carrés des parts de marché des offreurs sur le marché pertinent. Cet indice varie de 0 à 10 000. En accordant à chaque entreprise une pondération égale au carré de sa part de marché, cet indice marginalise les opérateurs les plus petits. Plus le nombre d'opérateurs est restreint, plus la part détenue par chacun d'entre eux est susceptible d'être importante et plus la valeur de l'indice est élevée : il existe alors de fortes probabilités pour qu'une opération de concentration entre deux acteurs ait pour effet d'augmenter la valeur de la variation de l'indice au-delà des seuils considérés habituellement comme révélateurs d'un marché trop concentré.
<emplacement tableau>
148. Il ressort de ces calculs que la part de marché cumulée des parties atteint [30-40] % en moyenne en 2003-2004 et [20-30] % en 2005 sur le marché français de l'organisation de salons-foires. Toutefois, les chiffres 2005 traduisent l'incomplétude de la base réalisée par les parties pour l'année 2005. En effet, les fortes différences de parts de marché en 2005 ne peuvent seulement s'expliquer par le caractère bi-annuel, voire tri-annuel de certaines grandes manifestations car les autres données fournies au dossier ne confirment pas une tendance à la baisse de l'activité des parties.
149. Au contraire, les parties ont démontré que la croissance de l'activité de la société Exposium a toujours été supérieure à celle du marché entre 2002 et 2006. Les tableaux 4 et 5 ci-dessous rendent compte des évolutions respectives des surfaces brutes facturées par Paris Expo (PEX), exprimées en m² x JOP, et par le marché dans sa totalité, de 2002, date de formation du groupe Paris Expo dans sa configuration actuelle, à 2006. Ces tableaux indiquent les taux de croissance en volume entre 2002 et 2004, 2003 et 2005, puis 2004 et 2006, c'est-à-dire par binôme d'années relativement comparables, afin de tenir compte de la cyclicité liée aux salons biennaux.
<emplacement tableau>
150. Il apparaît qu'entre 2002 et 2004, alors que le marché a enregistré une baisse de 2 %, Paris-Expo a connu une croissance de près de +[5-10] %. Paris-Expo a continué à faire mieux que le marché dans sa globalité entre 2003 et 2005, de sorte que l'estimation des parts de marché cumulée des parties en 2005 doit être revue à la hausse.
151. Le Conseil en déduit qu'en tout état de cause, à l'issue de l'opération projetée, les parties, à travers la société Opco-Waiméa, deviendront leader ou co-leader du marché de l'organisation de salons et foires en France avec une part de marché comprise entre [20-30] et [35-45] % tandis que celle de la société Reed se situe entre 20 à 30 %.
152. Au-delà de l'analyse quantitative en terme de parts de marchés, il convient d'apprécier l'impact effectif de l'opération sur la concurrence entre les organisateurs.
Un marché caractérisé par une faible concurrence directe entre organisateurs
153. Le test de marché fait apparaître que, selon 68 % des acteurs ayant répondu, la concurrence entre organisateurs sur le marché français de l'organisation de salons et foires est faible, voire nulle dans certains cas. Ceci s'explique par le fait que l'organisation d'un salon nécessite une connaissance précise et fine du secteur d'activité concerné. C'est la raison pour laquelle les organisateurs se sont progressivement spécialisés dans des secteurs d'activités bien déterminés en développant des compétences pour l'organisation de salons de certaines filières.
154. Par conséquent, si tous les organisateurs ont la possibilité de gérer les manifestations de tous les secteurs, leur spécialisation leur confère un avantage certain qui les protège d'une concurrence frontale. Ainsi, Exposium, historiquement rattachée à un groupe de presse professionnelle spécialisée, réalise la très grande majorité de son chiffre d'affaires dans l'organisation de salons professionnels. En revanche, Comexpo réalise l'essentiel de son activité avec l'organisation de foires et de salons grand public.
155. Par ailleurs, il est apparu que le changement d'organisateur pour un salon installé est souvent difficile. En effet, pour prétendre organiser une manifestation qui va regrouper les acteurs d'une filière (que ce soit pour un salon professionnel ou grand public), il convient de bénéficier de la confiance des acteurs du secteur et notamment des syndicats ou organisations professionnelles qui structurent celui-ci. Une telle confiance, essentielle à la réussite de la manifestation, ne peut s'obtenir que par une approfondie connaissance du secteur et de ses acteurs et le tissage de liens étroits.
156. Ceci se traduit par le fait que, le plus souvent, un changement d'organisateur ne résulte pas de la concurrence par les prix ou la qualité des services entre organisateurs mais de la défiance d'une organisation professionnelle vis-à-vis de son organisateur traditionnel au profit d'un autre organisateur avec lequel elle décidera de coopérer. Il existe même des cas dans lesquels une organisation professionnelle a pu décider de reprendre à son compte l'organisation d'un salon qu'elle avait précédemment confié à un organisateur. Cette menace de " ré-internalisation " est néanmoins de nature à exercer une forme de pression concurrentielle sur les organisateurs en les poussant à conserver une bonne qualité de services pour des prix compétitifs.
157. Or, cette pression des organisations professionnelles est crédible. En effet, les salons représentent pour elles une source de revenus non négligeable. Ainsi, elles sont particulièrement attentives à la réussite des salons de la filière non seulement parce qu'il s'agit de ses évènements phares mais aussi parce qu'ils génèrent des ressources financières. Si les organisateurs venaient à prélever des marges trop importantes sur les exposants ou à partager inéquitablement les fruits d'un succès, les fédérations pourraient être tentées d'organiser elles-mêmes ces salons, à l'instar de certaines filières (par exemple, le Mondial de l'automobile est organisé par AMC, association regroupant les constructeurs automobiles). Une fédération a précisé que : "il semble que les fédérations ayant gardé la maîtrise de l'organisation de leur salon soient heureuses de la formule qui permet réellement de placer les problèmes de la profession en tête des préoccupations".
Un marché caractérisé par de faibles barrières à l'entrée
158. Le test de marché relève que selon 68 % des acteurs ayant répondu, l'entrée, à court ou moyen terme, de nouveaux opérateurs sur le marché de l'organisation de salons et foires en région parisienne est probable.
159. Les nouvelles entrées potentielles sur le marché français de l'organisation pourraient être le fait soit de grands organisateurs étrangers implantant une filiale en France, soit des organisations professionnelles elles-mêmes, soit de plus petites structures françaises spécialisées, soit enfin du fait de gestionnaires de parcs français ou de prestataires qui souhaiteraient s'intégrer verticalement (comme ce fut le cas pour GL-Events, initialement simple prestataire). En réalité, ces deux dernières voies d'entrée sur le marché ne font peser qu'une très faible pression concurrentielle sur le marché de l'organisation, notamment en raison du processus particulièrement long de pénétration du marché. En revanche, les deux premières menaces semblent réellement crédibles.
160. En effet, comme il a été indiqué au paragraphe 76, si jusqu'à présent le marché français a été relativement protégé de la concurrence étrangère, les organisateurs étrangers se développent de plus en plus hors de leur territoire national. Les parties ont d'ailleurs souligné la création récente d'une filiale française du gestionnaire-organisateur Mess Francfort d'ores et déjà chargée d'organiser un salon sur le site du Bourget (salon Texworld - salon international du textile). Bien qu'encore largement potentielle, cette concurrence pourrait devenir plus pressante si l'augmentation des surfaces devait dynamiser le marché et offrir des opportunités à de nouveaux opérateurs.
161. Le Conseil en conclut que si le métier de l'organisation de salons nécessite des compétences spécifiques, il existe une certaine pression concurrentielle résultant de l'entrée potentielle de nouveaux acteurs sur le marché, qu'il s'agisse des organisations professionnelles elles-mêmes ou des organisateurs (notamment les parcs-organisateurs) étrangers souhaitant dupliquer en France la recette du succès d'un salon étranger. Conclusion de l'analyse des effets horizontaux de l'opération sur les marchés de l'organisation de salons-foires en France
162. Il ressort des analyses qui précèdent que l'opération projetée aura pour conséquence d'aboutir à la création d'un leader, Opco-Waiméa, sur le marché national de l'organisation de foires et salons, qui détiendra une part de marché au moins équivalente à celle du leader actuel du marché, la société Reed. Ce leader, Opco-Waiméa, devrait bénéficier d'un portefeuille équilibré d'organisation de salons professionnels et grand public.
163. Toutefois, sur un marché structuré autour d'acteurs adossés à de grands groupes spécialisés, sur lequel la pression concurrentielle de nouveaux entrants est un vecteur de dynamisation, il n'apparaît pas que l'opération puisse présenter de risques substantiels pour la concurrence. Les développements ultérieurs souligneront que les dangers qui menacent le marché de l'organisation tiennent davantage à l'intégration verticale des parties et des avantages qu'elles peuvent tirer de leur monopole sur le marché de la gestion de sites en région parisienne.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX DE L'OPERATION
164. A l'issue de l'opération projetée, la nouvelle entité détiendra un quasi-monopole sur la gestion des sites en région parisienne tout en étant un acteur de poids sur le marché national de l'organisation des salons et des foires.
165. Les parties invitent le Conseil à relativiser les effets verticaux de l'opération envisagée en faisant valoir que l'intégration verticale de Comexpo avec les sites gérés par la CCIP, et celle d'Exposium avec les sites de Paris Expo (Unibail) n'ont pas, dans le passé, soulevé d'inquiétudes sur le marché. Le Conseil ne fait pas sien cet argument. D'une part, Exposium n'a intégré le groupe Unibail qu'au printemps 2005. La programmation des salons se faisant deux ou trois ans à l'avance, il est difficile d'apprécier dès maintenant les effets de cette intégration verticale. D'autre part, comme l'indiquent les parties, "les sites parisiens ne bénéficient pas dans les faits d'un même niveau d'intégration verticale [que les sites étrangers] : Comexpo, filiale de la CCIP, organise principalement ses salons sur les sites d'Unibail (Paris Expo) tandis qu'Exposium, filiale d'Unibail, organise principalement ses salons sur le site de la CCIP/Paris Nord Villepinte".
166. La problématique de l'intégration verticale est, en l'espèce, très importante car à l'issue de l'opération projetée, l'entité détiendrait un monopole sur le marché amont de la gestion de sites en région parisienne tout en étant l'un des deux leaders du marché aval de l'organisation en France. Pour apprécier les risques de cette intégration verticale, il convient donc au préalable de définir la position des parties sur un segment géographique (région parisienne) du marché (national) de l'organisation et non sur le marché de l'organisation dans son ensemble : la nouvelle entité ne pourra en effet favoriser sa filiale d'organisation que sur le marché de la gestion des sites de salons et foires en région parisienne, sur lequel elle se trouve en situation de quasi-monopole.
167. Le calcul des parts de marché d'Exposium (Unibail) et de Comexpo (CCIP), sur le marché de l'organisation de foires et salons limité à la région parisienne à partir de la base de données LECG, fait ainsi apparaître que la nouvelle entité, Opco Waiméa, disposera d'une part de marché d'environ [35-45] % en moyenne ce qui est confirmé par les estimations de la FSCF et de la société GL Events.
<emplacement tableau>
168. L'analyse des effets verticaux de l'opération doit permettre d'identifier les risques de discrimination de la part du monopole situé sur le marché amont, en faveur de sa filiale active en aval ainsi que les risques d'exclusion ou de monopolisation sur les marchés aval.
1. LES RISQUES DE DISCRIMINATION EN FAVEUR D'OPCO-WAIMEA
169. Les risques de discrimination du quasi-monopole en faveur de sa filiale d'organisation peuvent prendre plusieurs formes : discrimination dans la fixation des dates et la réservation des sites, discrimination dans l'application des tarifs ou utilisation d'informations stratégiques provenant des concurrents organisateurs pour développer l'activité d'Opco-Waiméa.
a) Risques de discrimination dans le choix du site et la fixation du calendrier
170. Ces risques suscitent les craintes les plus fortes de la part des opérateurs concurrents. La discrimination pourrait passer par le déplacement des dates ou des sites sur lesquels se tiennent des salons existants. Ainsi, afin de libérer un créneau (lieu et date) intéressant pour un salon organisé par sa filiale, la nouvelle entité pourrait être tentée de déplacer le salon d'un organisateur concurrent soit vers d'autres dates, soit vers un autre lieu (y compris au sein du même site, vers des halls moins centraux ou moins faciles d'accès). Or, comme le soulignent unanimement les acteurs du secteur, à l'instar de la Fédération des Foires, Salons et Congrès de France, " pour un salon, un changement de site est perturbateur et risqué et les organisateurs n'y recourent qu'en dernier ressort)".
171. La nouvelle entité pourrait par ailleurs être tentée d'aménager le calendrier d'utilisation de ses sites afin de mieux concurrencer les salons concurrents de sa filiale d'organisation. Le déplacement "forcé" d'un salon ne présenterait pas de risque majeur pour la nouvelle entité puisque l'organisateur lésé n'aurait pas la possibilité de se replier sur un autre site en région parisienne.
172. L'organisateur Reed souligne que ce risque n'est pas que théorique : "nous avons déjà connu ces problèmes à l'étranger : les gestionnaires de parcs européens favorisent leurs propres salons : comme à Francfort où 85 % des salons sont organisés par le gestionnaire de site. Nous avons eu un cas l'an dernier : le salon du meuble appartenant à Exposium [Unibail] a modifié ses dates pour se tenir en même temps que notre salon "Maison et objet" pour "capter" la clientèle de notre salon. Paris Expo [Unibail] a donc modifié le calendrier et déplacé divers salons pour atteindre cet objectif (y compris l'un de nos salons à PDV [Porte de Versailles] : le salon de la bijouterie".
173. En outre, la nouvelle entité pourrait offrir aux salons de sa filiale organisatrice des options de réservations plus longues que celles offertes aux autres organisateurs, retirant ainsi artificiellement de nombreux créneaux du marché, et limitant ainsi significativement l'activité de ses concurrents.
174. Enfin, la nouvelle entité pourrait accorder un "go/no go" beaucoup plus tardif aux créateurs-organisateurs qui s'associeraient à sa filiale d'organisation. En effet, un des éléments clés pour les créateurs-organisateurs de nouveaux salons est la date à laquelle l'engagement devient irréversible et où, concrètement, un versement est opéré pour sécuriser la réservation, notion que les professionnels désignent sous l'expression "go/no go". Plus le "go/no go" est tardif, plus le risque financier pour les créateurs est faible.
175. Il est envisageable que les créateurs-organisateurs de nouveaux salons se voient promettre de meilleurs "créneaux" en cas d'association avec la filiale d'organisation de la nouvelle entité, qui pourrait prendre la forme de participation capitalistique ou d'option d'achat (call) sur le nouveau salon en cas de réussite de celui-ci. Les nouveaux salons constituant l'essentiel de la croissance du secteur, de telles formes de discrimination affectant le moteur du marché seraient de nature à perturber profondément les conditions de concurrence.
b) Risques de discrimination tarifaire
176. Le risque d'augmentation des loyers analysé au stade des effets horizontaux de l'opération peut être sensiblement renforcé du fait de l'intégration verticale. En effet, alors qu'une telle augmentation resterait à la charge de tous les autres organisateurs, elle serait sans effet pour la future entité qui n'opérerait qu'un transfert de marge par une remontée de valeur vers la gestion de site au détriment de l'organisation.
177. En outre, la nouvelle entité pourrait choisir de privilégier sa filiale d'organisation par le biais de tarifs préférentiels sur la location de sites. Cette discrimination pourrait se faire de manière peu visible pour les tiers, en multipliant notamment la complexité des matrices des grilles tarifaires avec de nouveaux critères qui, sous une apparence d'objectivité, permettraient d'accorder des remises plus importantes en faveur d'Opco-Waiméa.
c) Risques d'asymétrie d'informations
178. Comme l'a expliqué Reed dans sa réponse au questionnaire des rapporteurs, "les gestionnaires de sites ont besoin de contacter les exposants, clients des organisateurs de foires et salons, pour régler certains détails d'ordre techniques, par exemple sur les services à fournir durant l'événement (électricité, réseau informatique, accueil sur le site...). Les organisateurs mettent donc généralement à la disposition des gestionnaires leurs propres fichiers clients". En tant que gestionnaire de tous les sites franciliens, la nouvelle entité disposera d'informations stratégiques sur tous les concurrents de sa filiale d'organisation. La nouvelle entité pourrait utiliser ces informations pour anticiper la réaction à la création d'un nouveau salon par un concurrent.
2. LES RISQUES D'EXCLUSION OU DE MONOPOLISATION SUR LES MARCHES DES PRESTATIONS ANNEXES
179. Le Conseil estime que le renforcement de la position dominante des parties sur le marché amont pourrait d'une part leur permettre d'accroître leur puissance d'achat vis-à-vis des prestataires de services auxquels elles font appel pour réaliser les prestations obligatoires ou exclusives, et d'autre part les inciter à étendre le périmètre des prestations obligatoires ou exclusives offertes aux organisateurs ou aux exposants.
180. GL-Events a précisé que : "l'intégration progressive des maillons de la filière des organisateurs et gestionnaires de sites a provoqué des pressions sur les prix des prestataires. En conséquence, les prestataires ont dû consentir des efforts tarifaires qui ont pesé sur l'évolution de leur marge et de leur chiffre d'affaires en valeur". Les prestataires confirment eux aussi que le pouvoir de négociation de la nouvelle entité sera nettement renforcé, entraînant une pression supplémentaire sur les prix d'achat des prestations, un risque d'éviction du marché des prestations annexes et un risque d'augmentation des commissions imposées par le gestionnaire de sites sur ces prestations annexes.
181. De plus, du côté de la vente des prestations annexes aux exposants, le risque principal tient à la possibilité pour la nouvelle entité de coupler des prestations obligatoires attachées à l'infrastructure du site (fluides, télécoms, sécurité, élingage, assurance) avec des prestations habituellement concurrentielles (conception-fabrication des stands, sonorisation, communication...) par le biais d'une obligation de couplage ou de remises de couplage. Ces couplages entre des prestations obligatoires et des prestations concurrentielles seraient donc susceptibles d'introduire une distorsion de concurrence par rapport aux autres offreurs de prestations annexes, les organisateurs concurrents mais aussi des groupes spécialisés dans les prestations annexes comme GL-Events ou le Groupe Créatifs.
182. Il ressort de l'ensemble de ce qui précède que les risques de distorsion de concurrence sur les marchés aval de l'organisation de salons et foires et des prestations de services annexes concurrentielles par un quasi-monopole en amont, également leader sur le marché aval de l'organisation de foires et salons, sont sérieux et crédibles. Ces risques doivent être d'autant plus considérés que si les salons appartiennent à un éventail de vecteurs de communication, de marketing et de commercialisation, ils demeurent le média préféré des dirigeants des PME selon une étude réalisée par la FSCF en 2003 auprès de 40 000 PME en France.
VI. Bilan économique et social
183. Les parties font état de gains d'efficacité générés par l'opération et soulignent également les retombées économiques positives du projet.
A. SUR LES GAINS D'EFFICACITE
184. Selon les parties, les gains d'efficacité de l'opération sont directement liés, d'une part, à la coordination des sites des deux acteurs, déjà présents dans la filière des foires, salons et congrès et, d'autre part, à l'ouverture des surfaces additionnelles que les parties envisagent de bâtir sur le site de Paris Nord Villepinte (PNV). Cette extension du site d'exposition de PNV, propriété de la CCIP, permettrait de passer de 207 000 m² à 350 000 m² à terme. Cependant, les parties considèrent, d'une part, que les capacités de financement de la CCIP ne lui permettent pas de réaliser seule ces extensions et, d'autre part, que cet investissement ne sera rentable que s'il peut être soumis au régime fiscal favorable des sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC) dont bénéficie déjà Unibail. Pour ces deux raisons, les parties conditionnent la pleine réalisation du progrès économique à l'opération de concentration examinée.
1. L'EXTENSION DU SITE DE PARIS NORD VILLEPINTE
a) La capacité de financement de la CCIP
185. Selon la CCIP, l'évolution temporelle future, de ses capacités de financement ne lui permet pas de réaliser les extensions prévues sans le concours d'Unibail, du fait des investissements de développement et d'entretien qu'elle doit réaliser pour le bon exercice de l'ensemble de ses missions. Ces conclusions ont été obtenues à partir des hypothèses suivantes :
- sur la période 2007-2012, les "business plans" de la CCIP, ceux-ci prévoient des investissements immobiliers (PPI) lourds sur la période [...]. Des cessions d'actifs sont également prévues en [...] et [...], conséquence notamment du regroupement des services au sein d'un site unique et des ventes d'immeubles qui seront ainsi permises ;
- au-delà de 2012, revalorisation au taux de 2 % des données 2012. Les investissements "lourds" sont ainsi prévus à hauteur de [...] millions d'euro par an, estimation du montant nécessaire pour assurer l'entretien des bâtiments importants que la CCIP a construit au début des années 1990 ;
- les investissements nécessaires aux extensions de Villepinte et du Palais des congrès de Paris ont été positionnés en 2009 à la fois pour les 40 000 premiers m² supplémentaires à Villepinte qui porteront la surface du parc à 240 000 m² environ et pour l'extension du Palais sur le terrain Pershing. Les tranches suivantes, qui porteraient le parc de PNV à sa surface définitive de 350 000 m², sont prévues de façon théorique en 2013, 2017 et 2021 pour un montant global de [...] millions d'euro (valeur 2008), répartis en trois investissements identiques (valeur 2008) ;
- conformément aux résultats de l'exploitation des précédentes constructions, tant au Palais des congrès de Paris qu'à Villepinte, aucune remontée complémentaire vers la CCIP des nouvelles installations n'a été prévue durant les vingt premières années ;
- le niveau de réserves de la CCIP devant rester égal à 70 millions d'euro au minimum, le besoin de financement résiduel a été calculé après prélèvement sur ce fonds de réserve des 25 millions d'euro compatibles avec le maintien de cet objectif ;
- enfin, le coût du financement a été calculé compte tenu d'un taux d'intérêt d'emprunt de [...] %, taux conforme aux conditions actuellement proposées par le marché.
186. Les parties notifiantes concluent qu'"au regard de ces éléments, et du seul point de vue financier, les extensions prévues à l'issue de la présente opération de concentration ne sont pas envisageables par la CCIP seule. Le rapprochement avec Unibail permettrait de sécuriser ces investissements en réduisant le risque financier des extensions et en accélérant le remboursement des emprunts nécessaires".
187. Finalement, les parties font remarquer que la pratique antérieure de la CCIP confirme cette conclusion. Ainsi, en 2006, le groupe Reed, par le biais de sa filiale SAFI (organisatrice du salon Maison et Objet) a participé au financement d'un nouveau hall d'une superficie de 15 000 m² à PNV.
188. Sans contester l'importance de l'opération au regard des capacités financières de la CCIP, le Conseil relève que cet obstacle financier n'est pas en soi insurmontable mais doit s'apprécier au regard du programme d'investissement général de la CCIP. Or, les parties n'ont fourni aucun document chiffré relatif au projet de modernisation du Palais des Congrès de Paris et aux investissements prévus dans les écoles de la CCIP dans les quatre prochaines années. Il lui est donc difficile d'apprécier la pertinence des hypothèses retenues pour calculer les flux futurs anticipés et donc la capacité de remboursement de la CCIP.
b) La rentabilité des investissements
189. La rentabilité d'un projet d'investissement doit être analysée à partir de la valeur actuelle nette de ce projet, laquelle correspond à la différence entre la somme des flux nets de trésorerie actualisés et la somme des flux d'investissement actualisés.
190. Dans le cas présent, l'objectif étant d'étudier la rentabilité future des investissements, le Conseil estime qu'il est préférable de se fonder sur des anticipations de flux futurs. Ceci est possible en se basant sur les valorisations du site de Paris Nord Villepinte et de la société d'exploitation de PNV (SEPN). Ces valorisations ont été effectuées par la CCIP en prenant en compte le régime fiscal SIIC. La valorisation d'un actif reposant sur l'actualisation des flux futurs générés par cet actif, il est possible de calculer la VAN, en /m² d'une extension de Villepinte, à partir des valorisations des flux futurs anticipés effectuées par la CCIP.
191. Pour l'actif immobilier Paris Nord Villepinte, le taux d'actualisation utilisé est de [...] % et la durée d'actualisation est celle du bail emphytéotique, soit 99 ans. Pour la SEPN, le taux d'actualisation est de [...] % et la période d'actualisation infinie. Les valorisations retenues par la CCIP sont de [...] millions d'euro pour l'actif immobilier PNV et [...] millions d'euro pour la SEPN.
192. Connaissant les périodes sur lesquelles les flux sont actualisés et les taux d'actualisation, il ressort de ces deux valorisations des flux annuels équivalents, soit [...] millions d'euro pour la SEPN et [...] millions d'euro pour l'actif immobilier PNV. Or, les valorisations de l'actif immobilier PNV et de la SEPN ont été réalisées à partir d'une surface disponible de 206 000 m², soit la surface disponible de PNV après l'ouverture du nouveau hall en janvier 2007, de sorte que les flux sont de [...] /m² pour l'actif immobilier PNV et de [...] /m² pour la SEPN.
193. Si l'extension est réalisée par la CCIP seule, il faut donc ajuster ces flux au régime fiscal de la CCIP, en prenant notamment en compte les amortissements. A partir de ces flux ajustés, en connaissant les taux d'actualisation appropriés, il est possible de calculer un taux de rendement interne (TRI) d'une extension de PNV et de son exploitation, pour un coût d'investissement par m² et un horizon de montée en puissance déterminé, la rentabilité minimale exigée étant de [...] % puisque c'est avec ce taux d'actualisation qu'ont été effectuées les valorisations initiales.
194. Le tableau ci-dessous, réalisé à partir d'un amortissement sur 20 ans, montre la sensibilité de la rentabilité du projet à la durée de montée en puissance et au coût effectif de construction :
<emplacement tableau>
195. En partant d'un coût de construction de [...] /m², l'investissement est d'autant plus rentable que la montée en puissance est rapide avec une limite à 8 ans. Mais si le coût effectif de construction dépasse de 10% la prévision initiale ([...] /m²), la montée en puissance doit être inférieure à 5 ans pour que l'investissement soit rentable. Et si le coût effectif dépasse de 15% le coût prévu ([...] /m²), une montée en puissance très rapide, de 4 ans au maximum, est nécessaire pour que l'investissement soit rentable. L'équilibre de l'opération est donc très sensible aux aléas, même lorsque ces derniers restent limités. 196. Ces éléments permettent de conclure qu'en l'absence du régime fiscal SIIC apporté par la fusion avec Unibail, la rentabilité du projet est incertaine.
2. LA GESTION COORDONNEE DES PLANNINGS
197. Selon les parties, la gestion coordonnée des plannings est source de croissance de l'activité car elle dessine la contrainte portant sur l'offre. D'autres types de rapprochement ne permettraient pas une telle optimisation, qui n'est rendue possible que par le regroupement des sites d'accueil.
198. Les principaux gains associés à la réunion au sein d'une même entité d'un ensemble plus important et plus complet de sites correspondent à un surcroît d'opportunités et de flexibilité pour les demandeurs. La flexibilité est associée à la capacité des organisateurs de salons à pouvoir choisir entre un plus grand nombre de sites et un ensemble de dates plus large. En principe, ceci permet à un organisateur de salons de s'approcher de son optimum en termes de lieu et de date, sachant que son choix sera de toute façon contraint par les autres manifestations se tenant au même lieu et à la même période.
199. Le potentiel global de croissance serait corrélé à l'importance des "rompus" (3), de dates notamment, qui correspondent souvent à une forme d'inefficacité structurelle dans la gestion des surfaces disponibles, due au fait que certaines manifestations sont incompressibles, indéplaçables dans le calendrier ou ne permettent pas que d'autres manifestations se tiennent simultanément, en raison des contraintes de surface disponible notamment mais aussi, le cas échéant, d'effets d'image ou de communication.
3 L'indivisibilité des salons et foires, en terme de m² par jour d'occupation, interdit la pleine utilisation du potentiel des lieux.
200. Des informations fournies par les parties montrent qu'entre 2002 et 2004, alors que le marché national de l'organisation de salons et foires en France a enregistré une baisse de 2 % des surfaces brutes facturées en m² x JOP, Paris-Expo a connu une croissance de près de [0-10] %. Paris-Expo a continué à faire mieux que le marché dans sa globalité entre 2003 et 2005 ce qui démontrerait que le regroupement de sites ainsi opéré a eu des répercussions positives sur l'activité. Comme l'indiquent les données fournies par les parties dans leurs observations, un résultat identique est obtenu si l'on prend le m² x JOCC comme unité de mesure, c'est-à-dire en intégrant dans la période prise en compte les périodes de montage et démontage des stands.
201. Le Conseil de la concurrence admet qu'une gestion commune des sites apportera plus de flexibilité dans la fixation des calendriers. La gestion coordonnée des sites permettra donc d'améliorer la gestion des "rompus" et de joindre des salons sur des thèmes connexes. Cependant, le Conseil ne peut que regretter la difficulté de chiffrer ces gains d'efficacité au regard du peu de données quantitatives fournies.
B. SUR LE BILAN ECONOMIQUE ET SOCIAL
1. SUR LES RETOMBEES ECONOMIQUES GENERALES
202. Les parties proposent une étude reposant sur une méthodologie à base d'enquêtes développée dans les années 1990 et mise à jour régulièrement. Elle permet d'étayer le calcul de l'impact de l'opération en termes de croissance économique. Cette méthodologie peut être ainsi résumée :
- des données d'activités sont collectées chaque année auprès des 10 centres d'exposition et salons participant à l'enquête annuelle réalisée par la CCIP. Elles concernent les m² loués et le nombre d'exposants, en distinguant les franciliens, les provinciaux et les étrangers, enfin le nombre de visiteurs en distinguant de même les franciliens, les provinciaux et les étrangers ;
- pour les visiteurs, la dépense moyenne de chaque participant aux foires et salons (actualisées en fonction de l'indice INSEE mensuel des prix à la consommation, série parisienne, janvier) et le nombre moyen de jours passés par les visiteurs ont été déterminés par des enquêtes, la dernière étant de 1999 ;
- pour les exposants, toujours sur la base d'une enquête, a été déterminé un montant des dépenses engagées pour la conception des stands, ramenées au m² de stand et le nombre de personnes présentes par stand, avec les dépenses moyennes par exposant. L'ensemble de ces données permet de calculer le montant des retombées dites "directes" des entreprises exposantes et "indirectes" liées aux frais engagés par les visiteurs et représentants, sur les stands des entreprises exposantes, dans la filière tourisme (emplois liés aux dépenses d'hébergement, de restauration, de transports, de shopping, etc.). Ces dépenses sont ensuite ventilées par grands postes entre la filière "salons" et la filière "tourisme" à partir d'enquêtes effectuées auprès des exposants et visiteurs.
203. Les résultats de cette étude sont les suivants. En 2005, les dépenses totales induites ont été de 3,3 milliards d'euro, réparties entre dépenses directes dans la filière "salons et foires" (1,6 milliards d'euro) et dépenses indirectes dans la filière "tourisme" (1,7 milliards d'euro). L'étude de référence ne prenant en compte que 10 des 13 sites des parties et ne concernant que l'activité "salons et foires", une extrapolation est effectuée afin de prendre en compte l'activité "congrès", évaluée à environ 1,2 milliards d'euro, d'où une activité totale de 4,4 milliards d'euro.
204. A partir des estimations des dépenses directes et indirectes, des conversions en équivalents-emplois temps plein sur la base d'un ratio de chiffre d'affaires par personne ont été établies. Les dépenses directes et indirectes génèrent un total d'environ 70 000 équivalents emplois temps plein, en prenant en compte les activités "congrès" et "salons et foires".
205. L'engagement d'extension annoncée par les parties à Paris Nord Villepinte est de 135 000 m², à l'horizon 2021. Ceci correspond à une extension des capacités disponibles actuelles de l'ordre de 25 %.
206. En procédant par extrapolation, on peut donc prévoir une augmentation de l'activité de 1 milliard d'euro et la création d'environ 17 000 équivalents emplois temps plein, à l'horizon 2021.
207. Le Conseil considère comme bien établi que les activités de foires, salons et congrès créent des externalités positives pour les marchés géographiques où elles se tiennent, ce qui explique d'ailleurs pourquoi les collectivités locales potentiellement bénéficiaires acceptent assez souvent de contribuer à l'effort d'investissement pour la création ou la modernisation des sites. Mais il considère aussi que l'évaluation quantitative de ces retombées économiques à un terme aussi éloigné est relativement aléatoire.
2. SUR L'AMELIORATION DE LA COMPETITIVITE DES ENTREPRISES AU REGARD DE LA CONCURRENCE INTERNATIONALE
208. On assiste actuellement en Europe à une forte stimulation de la demande par un développement rapide de l'offre en surfaces d'exposition équipées des dernières technologies, ce qui a pour résultat d'accroître la compétition entre les villes candidates, au détriment des destinations historiques comme Paris.
209. Selon les parties, l'opération donnera à Paris tous les atouts pour maintenir son leadership européen en matière d'organisation de salons et de congrès. La nouvelle entité représentera, dès la réalisation de l'opération, 570 000 m² de surface totale d'exposition, soit [5-15] % de l'ensemble des surfaces européennes. Avec l'extension des surfaces de 150 000 m² sur le parc de Paris-Nord Villepinte prévue à terme dans le cadre de l'opération projetée, le nouvel ensemble aura en gestion plus de 700 000 m² de surfaces d'exposition.
a) Une intégration verticale nécessaire à la conquête des marchés étrangers
210. Les parties rappellent que l'intégration verticale est l'une des caractéristiques de l'industrie. Comme le montrent les données EMECA disponibles pour l'année 2006, à l'exception de Paris et Birmingham, tous les grands sites de congrès-expositions européens sont intégrés. Selon les parties, cette intégration verticale n'est pas seulement une caractéristique du marché mais plutôt une nécessité pour les opérateurs français, moins intégrés que les autres, s'ils veulent avoir une présence significative à l'étranger.
211. De façon générale, les parties soulignent que les parcs d'exposition-organisateurs étrangers sont généralement détenus par les villes, les régions et les chambres de commerce. Lorsque ces dernières recherchent un opérateur, leur objectif majeur est la capacité du candidat à créer des manifestations, sources de retombées économiques pour la ville et la région. C'est la seule et unique raison pour laquelle ils acceptent de s'adosser à un groupe, et à cette occasion de concéder la gestion du site.
212. Les parties en déduisent que l'intégration verticale résultant de l'opération est une condition nécessaire à la conquête des marchés étrangers et à l'animation de la concurrence internationale comme le soulignent certains professionnels allemands à travers les informations fournies par les parties dans leurs observations. Le Conseil remarque aussi que cet argument atténue les allégations des parties selon lesquelles l'intégration verticale entre gestionnaire de sites et organisations serait sans importance sur la concurrence en France.
213. Le Conseil remarque tout d'abord que le nombre de salons pour lesquels existe une concurrence internationale est faible. Cependant, les effets bénéfiques de l'intégration pour la filière ont été reconnus par le test de marché, et notamment par la Fédération des Industries Mécaniques qui précise: "Les exposants que nous sommes voient un avantage à ce qu'un opérateur plus puissant permette de sauvegarder la manifestation qui les intéresse contre une concurrence étrangère".
214. Le Conseil relève également que l'extension des sites n'est pas la seule composante à prendre en compte pour évaluer la compétitivité des sites. Comme l'ont expliqué les représentants de la société Reed Exposition France, "il faut être conscient que l'extension de PNV ne peut se faire sans améliorer les infrastructures d'accès. Aujourd'hui il faut une heure pour sortir du parc vers 18 heures à l'occasion des grands salons". La nécessité de moderniser les infrastructures permettant d'accéder au site PNV a aussi été reconnue par les représentants de la CCIP qui ont déclaré qu'"en tout état de cause, en l'absence d'infrastructures de transports modernes vers PNV, le transfert de site nous paraît très difficile".
215. Or, à court terme, peu d'améliorations des infrastructures de desserte du site de PNV sont prévues comme l'ont expliqué les représentants du conseil régional d'Ile-de-France : "Il n'y a pas de RER ou de métro sur le site du parc du Bourget. A PNV, les infrastructures du RER B côté Villepinte sont très anciennes et le RER B est saturé. Cette infrastructure n'est plus adaptée pour permettre un accès correct au site dans le cadre d'un salon. Nous étudions la possibilité d'améliorer l'utilisation de certaines plages horaires ainsi que celle de créer des voies d'accès spécifiques au site. Le projet de CDG express (Roissy/Gare de l'Est avec un stop à PNV) pose des difficultés de financement : la région n'a pas programmé dans le contrat de projet État-Région le financement du CDG express. Il y a donc actuellement une divergence entre la région et l'Etat sur ce projet... Il faut trouver les financements pour réaliser le projet CDG express qui apparaît néanmoins nécessaire à l'efficacité de l'extension de PNV. Il s'agit d'un projet de partenariat public privé. Nous devons donc nous mettre d'accord avec les acteurs (Etat, SNCF, RATP, partenaires privés). Dans la perspective de l'extension de PNV sur le territoire de Villepinte et Tremblay-en-France, nous devons donc programmer le "barreau de Gonesse" (jonction RER B et RER D) qui nécessite une nouvelle gare à Tremblay qui permettrait également de desservir PNV coté Tremblay. Ce projet est inscrit dans le projet de contrat État-Région 2007-2013".
216. Le Conseil en conclut que si le rapprochement entre les sites de la CCIP et Unibail peut apparaître comme une condition nécessaire pour faire face à la concurrence internationale, elle ne saurait en être une condition suffisante.
b) Économies de coûts liées à l'intégration verticale
217. Selon les parties, des économies de coûts importantes peuvent être envisagées comme résultant de l'opération en ce que, d'une part, le degré d'intégration verticale effective des parties est réduit, chacune de ces dernières organisant une fraction importante de ses salons sur les sites gérés par l'autre partie et d'autre part, l'économie des activités de gestion de sites et d'organisation de salons, ainsi que l'état de la concurrence sur chacun des marchés, se traduisent par l'existence de marges sur coûts variables positives, et potentiellement significatives, à l'amont comme à l'aval.
218. Au regard de ces constatations, l'opération devrait entraîner une réduction de la double marginalisation, la marge sur coût variable qui intervient dans la détermination des prix pratiqués par l'organisateur affilié à l'aval étant déterminée relativement aux coûts marginaux de l'activité de gestion de sites, plutôt que par référence aux prix de location de sites, comme c'est le cas actuellement.
219. Selon les parties, ces effets porteront sur les situations dans lesquelles l'opération permet une intégration verticale effective, c'est-à-dire lorsque les salons organisés par l'une des parties se tiennent sur le site géré par l'autre partie. Le chiffre d'affaires des parties pour leur activité d'organisateurs correspondant à leurs relations croisées est évalué à [50-100 millions d'euro en 2005 et à [1 250-175] millions d'euro en 2004. Il résulterait donc de l'opération une économie globale pour les exposants au moins égale à [0-50] millions d'euro si l'on se réfère aux chiffres de 2005 et proche de [0-50] millions d'euro si l'on se réfère aux chiffres de 2004.
220. Le Conseil relève que le raisonnement des parties repose sur une hypothèse de tarification linéaire, aussi bien en amont qu'en aval. Or, cette hypothèse ne correspond pas à la réalité du système de tarification utilisé par les parties puisque le document "Politique tarifaire locatif salon 2008-2010 Porte de Versailles" remis par Unibail concernant les tarifs en m²/jours montrent des remises de prix allant de [5-15] %, pour des volumes compris entre 300 000 et 2 000 000 de m² jours, à [75-85] %, pour des volumes au-delà de 4 000 000 de m² jours. Étant donné le ratio coût variable/prix utilisé par les parties pour étayer leur démonstration, le Conseil estime que pour les acheteurs les plus importants, la tarification actuelle est déjà au niveau du coût variable sur le marché amont. Pour les salons organisés par ces acheteurs, les effets liés à l'élimination de la double marginalisation seront donc nuls.
221. Les économies de coûts liées à l'intégration verticale seront donc nettement plus faibles que celles avancées par les parties.
Conclusion intermédiaire sur le bilan économique et social
222. Les progrès économiques liés à l'opération, à savoir l'extension du site de Paris Nord Villepinte (PNV), la gestion coordonnée des plannings des sites parisiens, les retombées économiques régionales et le renforcement de la capacité concurrentielle à l'international, sont bien établis au plan qualitatif même s'ils restent difficiles à chiffrer. Par ailleurs, l'impossibilité pour la CCIP de réaliser seule les investissements d'extension de PNV n'est établie que si ces investissements visent la grande extension de 136 000 m² et ne se limitent pas à la seule étape initiale de 40 000 m².
223. Ces gains sont toutefois insuffisants pour compenser à eux seuls les problèmes de concurrence soulevés par l'opération. C'est donc à l'aune des engagements proposés par les parties notifiantes qu'il convient d'examiner le bilan global de cette dernière.
VII. Appréciation des engagements proposés par les parties
224. Si les parties n'ont pas expressément formulé d'engagements durant la première phase d'analyse du projet devant les services du ministre chargé de l'économie, elles ont présenté aux services de l'instruction du Conseil de la concurrence différents engagements, susceptibles, selon elles, de répondre aux principales préoccupations de concurrence soulevées par les rapporteurs. Dans leurs observations au rapport ainsi que lors de la séance devant le Conseil, les parties ont précisé et complété leurs propositions d'engagements. La liste de ces engagements est annexée au présent avis.
225. Avant de les examiner en détail, il convient de préciser la logique d'ensemble qui permet d'en apprécier la valeur.
226. On considère généralement que la constitution d'une forte position dominante à l'occasion d'une concentration doit être corrigée par des remèdes structurels, principalement des cessions d'actifs, de manière à réduire le périmètre de la dominance. Dans les cas où ces remèdes ne sont pas appropriés, l'autorité de concurrence s'efforce de réguler la nouvelle entité par les engagements de comportement futur afin de prévenir l'exploitation abusive de son pouvoir de marché et à compenser l'affaiblissement de la concurrence qui résulte de l'opération.
227. En l'espèce, le Conseil constate que la situation actuelle de la concurrence sur le marché national de la gestion des sites de foires et salons est médiocre. L'insuffisance des surfaces permet aux gestionnaires de sites de bénéficier d'une rente de rareté, la demande excédant structurellement l'offre, notamment pour les périodes calendaires les plus recherchées. Le fait que cette rente de rareté bénéficie à un duopole et non à un monopole n'a que peu d'effet sur le marché, notamment pour les salons de grande taille, car les deux opérateurs ne sont pas en concurrence frontale : l'implantation différente de leurs sites principaux, l'un en bordure de la ville, l'autre dans la plus grande périphérie, suffit à maintenir entre les salons grand public et les salons professionnels une répartition par site stable et peu sensible aux prix.
228. Il faut, de plus, noter, que chaque "duopoleur" verticalement intégré est, en tant qu'organisateur de salons, le premier client de son concurrent sur le marché de la gestion de sites, ce qui augmente encore les incitations à adopter une même ligne d'action sur le marché.
229. L'élément décisif pour améliorer la situation de la concurrence est donc de réduire la rareté des surfaces en augmentant de manière très significative la taille des sites susceptibles d'accueillir des grandes manifestations. Ce déverrouillage de l'offre permettra de peser sur les prix de location et incitera les gestionnaires de sites à rechercher une bonne occupation des nouvelles surfaces et donc à favoriser le développement du marché aval de l'organisation des manifestations.
230. Ces effets positifs sont susceptibles d'être obtenus indépendamment du fait que l'ensemble des sites parisiens sera géré par un monopole ou un duopole, la différence étant que la situation de monopole sur le marché amont nécessitera une régulation et donc des engagements comportementaux spécifiques.
231. Le modèle concurrentiel recherché par le Conseil n'est donc pas celui où la concurrence serait animée sur chaque marché de la chaîne verticale, objectif probablement hors d'atteinte compte-tenu des contraintes foncières pesant sur Paris et sa banlieue, mais un modèle caractérisé par une animation de la concurrence sur deux axes : d'une part, une rivalité sur le marché aval entre organisateurs de foires et salons et, d'autre part, une compétition entre villes, aussi bien au plan national qu'international, pour laquelle des opérateurs verticalement intégrés essayent de capter ou de développer les manifestations les plus importantes.
232. Pour favoriser ce modèle il faut agir sur plusieurs leviers dont la mise en œuvre cohérente et simultanée est susceptible d'en accroître l'efficacité :
- laisser se créer un opérateur parisien susceptible de financer des augmentations de capacités, de réaliser les gains d'efficacité liés à l'intégration verticale et à la gestion coordonnée des sites, et capable de concurrencer plus efficacement les sites étrangers ;
- réguler efficacement les prix du monopole amont de la gestion des sites ;
- encadrer le développement de la nouvelle entité sur les marchés aval de l'organisation et des prestations annexes afin d'éviter que sur ces marchés la concurrence ne soit faussée par le pouvoir de marché détenu en amont.
233. Les engagements proposés par les parties au terme de l'instruction et complétés au cours de la séance tenue par le Conseil s'inscrivent dans ce schéma et peuvent donc apporter une réponse aux atteintes portées à la concurrence par l'opération.
A. LES ENGAGEMENTS PROPOSES PAR LES PARTIES
a) Les engagements relatifs au risque de hausse des prix de location de sites et de discrimination tarifaire entre les organisateurs
234. Les parties se sont engagées à ce que les éventuelles hausses de tarifs pratiquées en matière de loyers des sites gérés en Ile-de-France ne soient pas supérieures aux hausses de tarifs autorisées par la ville de Paris dans le cadre du contrôle qu'elle exerce sur le site d'exposition de la Porte de Versailles. Par ailleurs, les parties se sont engagées à élaborer de manière transparente une grille tarifaire pour chaque site, qui sera communiquée à tout organisateur qui en fera la demande.
b) Les engagements relatifs à la non discrimination dans l'élaboration des calendriers des sites
235. Les parties se sont engagées à ce que l'établissement des calendriers des différentes manifestations sur leurs surfaces d'exposition se fasse de manière non discriminatoire et transparente sous la surveillance d'un mandataire indépendant, avec un éventuel recours à l'arbitrage.
236. Concernant les modalités d'élaboration du calendrier des sites, les parties se sont engagées à ce que la réservation ne soit pas possible au delà de 24 mois et respecte une hiérarchie dans le positionnement des manifestations : tout d'abord les salons pivots (d'une surface supérieure à 100 000 m²), puis les salons déjà présents antérieurement, ces derniers bénéficiant de "droits du grand-père" qui leur offrent un priorité sur le créneau qu'ils occupaient précédemment et enfin, les nouveaux salons qui seront positionnés de manière non discriminatoire. Afin de garantir la transparence dans l'élaboration des calendriers, les parties se sont engagées à organiser deux fois par an des réunions associant le gestionnaire du site et les organisateurs intéressés pour établir les calendriers ainsi qu'identifier et régler les éventuels conflits de créneaux.
237. Les parties ont par ailleurs proposé la désignation d'un mandataire indépendant dont le rôle sera de surveiller la bonne application des principes de non discrimination et de transparence dans l'élaboration du calendrier et d'intervenir comme médiateur pour faciliter le règlement d'éventuels litiges. Les parties se sont engagées à permettre au mandataire d'accéder aux informations internes de Gesco et Opco nécessaires à l'accomplissement de ses missions.
238. Enfin, les parties se sont engagées à recourir à une procédure d'arbitrage rapide (Procédure ICC fast track) en cas d'échec de la négociation et de la médiation, le principe étant que la charge de la preuve incombe aux parties, le requérant se limitant à démontrer prima facie le bien fondé de sa requête.
c) Les engagements relatifs au risque d'asphyxie du marché de l'organisation
239. Les parties ont complété les engagements précédents par une garantie de 'respiration' du marché de l'organisation en s'engageant à ce que la part occupée sur ses sites par ses propres salons (mesurées en m² x JOCC) sur la totalité des m² x JOCC commercialisés ne soit pas supérieure à un seuil à déterminer. Au delà du seuil, la nouvelle entité devra céder des salons afin de revenir en dessous du seuil dans un délai suffisant pour garantir un minimum de flexibilité.
d) Les engagements relatifs aux prestations annexes
240. Les parties se sont engagées à ne pas modifier le périmètre des prestations annexes obligatoires ou exclusives, site par site, tel qu'il existe au 1er janvier 2007. Par ailleurs, elles s'engagent à ne pas pratiquer de [nouveau couplage] entre les prestations exclusives ou obligatoires et les prestations concurrentielles étant donné que l'assiette d'éventuelles remises de couplage ne pourra comprendre que le prix des prestations non concurrentielles.
241. Par ailleurs, les parties se sont engagées à sélectionner leurs fournisseurs ou sous-traitants pour les prestations obligatoires ou exclusives à l'issue de procédures d'appel d'offres et pour des durées de contrats raisonnables.
242. Enfin, les parties ont proposé d'informer le mandataire, qui en rendra compte au Ministre, de l'évolution des prix des prestations annexes obligatoires ou exclusives afin d'identifier aisément d'éventuels abus.
e) Les engagements relatifs aux extensions des capacités
243. Les parties se sont engagées à réaliser les extensions des surfaces couvertes du site de Paris- Nord Villepinte dans la limite de 135 000 m² sous réserve (i) que les conditions de marché et les grands équilibres économiques le permettent, (ii) que la nouvelle entité obtienne les autorisations administratives requises, (iii) que ne survienne pas un cas de force majeure. Cette extension sera réalisée selon quatre tranches successives : une première de 36 000 m² livrable en 2010, puis trois autres de 25 000 m² au moins chacune pour livraison respective en 2013, 2017 et 2021.
f) Durée des engagements et clause de rendez-vous générale
244. Les parties ont souscrit leurs engagements jusqu'au 1er janvier 2026. Cette longue durée est assortie d'une clause de rendez-vous générale qui prévoit que le ministre chargé de l'Economie pourra, à la demande des parties, modifier ou substituer, en cas de circonstances nouvelles ou exceptionnelles, une ou plusieurs des obligations initialement instaurées par les présents engagements. Par ailleurs, les parties envisagent la caducité des engagements relatifs au risque d'asphyxie du marché de l'organisation dans l'hypothèse ou l'ensemble formé par les parties ne détiendrait plus la majorité du capital d'Opco et ne détiendrait plus à lui seul une influence déterminante dans cette société.
B. ANALYSE DES ENGAGEMENTS DES PARTIES
245. A titre liminaire, le Conseil observe que s'agissant des problèmes soulevés par la création d'un quasi-monopole sur le marché amont, rien n'oblige à rechercher par principe la mise en œuvre de remèdes structurels.
246. Le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE) a récemment souligné (Arrêt du TPICE, ARD c/Commission, T-158-00, 30 septembre 2003, que "si les engagements structurels sont en principe préférables aux engagements comportementaux, puisqu'ils empêchent définitivement ou à tout le moins durablement l'émergence ou le renforcement de la position dominante et ne nécessitent pas des mesures de surveillance à moyen ou à long terme, on ne saurait toutefois exclure a priori que des engagements à première vue de type comportemental, tels que l'accès à une infrastructure essentielle dans des conditions non discriminatoires, soient de nature eux aussi à empêcher l'émergence ou le renforcement d'une position dominante (arrêt Gencor/Commission, précité, point 319)" (§ 193).
247. Le TPICE ajoute que si ce type d'engagements " présente plutôt une nature comportementale, ils ont néanmoins un caractère structurel puisqu'ils visent à résoudre un problème structurel qui est celui de l'accès au marché par les tiers (...) Il s'ensuit que [ces] engagements ne sauraient être qualifiés comme de simples engagements de nature comportementale inaptes à résoudre les problèmes de concurrence identifiés par la Commission" (§ 199).
248. En l'espèce, un engagement structurel consistant par exemple dans la cession de salons actuellement organisés par les filiales des parties présentes sur le marché de l'organisation permettrait éventuellement de diminuer le poids de la nouvelle entité sur le marché aval de l'organisation, mais ne présenterait aucune garantie sérieuse contre le risque d'utilisation de la position quasi-monopolistique sur le marché amont, par exemple pour discriminer au profit de ses filiales, fussent-elles moins puissantes à la suite d'éventuelles cessions.
249. En outre, l'engagement de " création d'actifs " par augmentation de l'offre sur le marché amont peut s'analyser, dans le cas de l'espèce, comme une forme de remède structurel qui est, selon l'analyse de l'opération par le Conseil, plus efficace que le remède symétrique de la " cession d'actifs ".
a) Sur les risques d'augmentation des tarifs de location des sites
250. L'analyse concurrentielle précédemment développée a souligné le risque d'augmentation des prix de location des sites résultant de la constitution d'un quasi-monopole sur le marché de la gestion de sites de foires et salons en région parisienne. Afin d'éliminer ce risque, l'engagement proposé vise à ce que l'encadrement des prix de location du site de la Porte de Versailles par la Ville de Paris puisse discipliner l'ensemble des sites d'exposition de la nouvelle entité.
251. En effet, la convention pour l'exploitation du Parc des expositions de la Porte de Versailles envisage, au titre des conditions de la concession, que la Ville de Paris approuve la grille tarifaire de la location du site par la société qui l'exploite. Dans ce cadre, la Ville de Paris exerce un contrôle du caractère non excessif des hausses de prix. Ainsi, sur les trois dernières années, la grille tarifaire a connu une hausse annuelle de 3 % dans un contexte de pression de la demande et les représentants de la Ville ont indiqué que cette tendance serait maintenue pour les trois prochaines années. La Ville de Paris a indiqué qu'elle était particulièrement attentive à ce que la grille tarifaire proposée garantisse une activité maximale du site. Lors de l'instruction, ses représentants ont déclaré "on ne saurait accepter une hausse des prix qui conduirait à une sous-occupation du site. Nous avons une approche volume visant à maximiser l'occupation et donc l'activité du site".
252. La constitution du monopole devrait, en théorie, conduire à une maximisation du profit du monopoleur conduisant à une réduction des volumes occupés et une hausse des prix. Or, le principe mis en œuvre par la Ville de Paris pour son contrôle de la grille tarifaire de la Porte de Versailles souligne précisément qu'il constitue un rempart crédible contre les risques liés à d'éventuels comportements d'un monopoleur maximisant son profit.
253. L'engagement pris par les parties vise à ce que cette régulation (contrôle de prix non excessifs) des tarifs du site de la Porte de Versailles contraigne l'ensemble des sites de la nouvelle entité en Ile-de-France. Dès lors, le risque de hausse des prix lié à la constitution d'un quasi-monopole sur la gestion des sites en Ile-de-France serait largement contenu.
b) Sur les risques de discrimination tarifaire entre organisateurs
254. L'analyse concurrentielle a souligné le risque que la nouvelle entité opère des discriminations, notamment tarifaires, afin de favoriser sa société Opco au détriment des autres organisateurs. Afin de minimiser ces risques, les parties ont proposé d'élaborer une grille tarifaire pour chaque site, qui pourra être communiquée à tout organisateur qui en ferait la demande ainsi qu'au mandataire. Cette disposition contribue certainement à renforcer la transparence dans la tarification des différents sites. Néanmoins elle n'exclut pas que Opco puisse bénéficier de remises commerciales privilégiées dans la facturation effective de la location des sites.
255. Afin de diminuer les risques de discrimination tarifaire entre organisateurs, la transparence tarifaire est un élément clé de la détection d'éventuels abus. En ce sens, la séparation organique telle que prévue dans le projet entre, d'une part, Gesco qui gérera les sites de la nouvelle entité et, d'autre part, Opco-Waimea (qui regroupera ses activités d'organisation), constitue un élément fondamental de l'opération projetée. En effet, la séparation comptable qui l'accompagnera est de nature à permettre la transparence des coûts de cessions internes permettant d'identifier et de sanctionner d'éventuelles discriminations.
256. C'est pourquoi il conviendra que les parties s'engagent expressément à ce que le mandataire et les arbitres puissent avoir accès à l'ensemble des facturations internes à la nouvelle entité s'ils jugeaient en avoir besoin pour l'exercice de leurs missions.
c) Sur les risques de discrimination dans l'élaboration des calendriers des sites
257. L'analyse concurrentielle ainsi que le test de marché réalisé par l'instruction ont souligné que les risques de discrimination dans l'élaboration des calendriers des sites étaient particulièrement prégnants. Les engagements proposés visent essentiellement à garantir plus de transparence dans l'attribution des créneaux (date et lieu) pour les salons et à diminuer les risques de discrimination non tarifaire. Ils encadrent donc le pouvoir de monopole que détiendrait la nouvelle entité sur les sites parisiens, notamment pour favoriser ses activités aval sur le marché de l'organisation.
258. Selon la Conseil, le caractère durable du monopole qui serait constitué sur le marché amont de la gestion de sites en région parisienne appelle davantage des engagements apportant des garanties de long terme contre les risques de discrimination plutôt que des engagements de cession nécessairement liés au seul moment de la réalisation de l'opération.
259. L'impossibilité de réserver un salon plus de vingt quatre mois avant la date de la manifestation permet une gestion dynamique du calendrier des différents sites et évite de figer le marché par anticipation. Il est un signal aux différents acteurs et notamment à d'éventuels nouveaux entrants que le marché n'est pas préempté.
260. La priorité donnée à la fixation des dates des salons pivots s'explique essentiellement par le fait qu'ils occupent généralement de grandes plages du calendrier ; alors qu'il est toujours possible d'insérer des petits salons (en taille et en durée) entre des grands, la réciproque n'est pas vraie.
261. L'engagement de donner un "droit du grand-père" aux salons existants permet d'éviter que la nouvelle entité ne se réserve les meilleurs créneaux en écartant ses concurrents actuels. Ainsi, le produit en cause étant un créneau, c'est-à-dire un lieu et une date pouvant se répéter d'année en année (salons annuels) ou tous les deux ans (salons bi-annuels), cet engagement garantit que les organisateurs qui disposent actuellement de créneaux pour leurs salons ne seront pas évincés du fait du pouvoir de marché dont disposeraient les parties à l'issue de l'opération.
262. Il est néanmoins particulièrement important que les titulaires des droits s'engagent de manière ferme sur la réservation de leurs créneaux afin qu'il ne soit pas possible de bloquer de manière artificielle des disponibilités dans un objectif d'éviction d'éventuels concurrents. Dans tous les cas où le droit au créneau n'est pas utilisé par un engagement ferme, il doit revenir sur le marché pour les nouveaux salons.
263. Il convient de remarquer que l'existence de créneaux disponibles ainsi que l'arrêt chaque année de plusieurs salons permettra de proposer des disponibilités aux nouveaux salons. Par ailleurs, l'engagement d'augmentation des surfaces (voir au paragraphe 243) contribuera à limiter les risques de cristallisation des situations liés à l'octroi de droits du grand-père.
264. En outre, il conviendrait que les créneaux issus du "droit du grand-père" soient non seulement attachés à un site mais plus précisément à un hall déterminé. Ainsi, par exemple, le site de la Porte de Versailles comporte de nombreux halls dont la localisation et la qualité sont très hétérogènes. Il ne conviendrait pas que la nouvelle entité puisse reléguer un salon qui se tenait habituellement dans un hall phare dans un hall difficile d'accès.
265. Concernant les réunions d'élaboration du calendrier des sites, s'il est compréhensible que les discussions s'établissent site par site, il apparaît préférable que l'ensemble des calendriers de tous les sites soient abordés lors des mêmes réunions afin de faciliter les gains liés à une meilleure coordination des plannings et d'assurer une transparence plus complète.
266. Par ailleurs, il est nécessaire que soient conviés à ces réunions l'ensemble des organisateurs susceptibles de vouloir organiser une manifestation sur un site parisien. Ainsi, les nouveaux entrants potentiels doivent eux aussi pouvoir assister à ces réunions dans les mêmes conditions que les organisateurs déjà en place : cela passe notamment par une large publicité donnée à ces réunions auprès des acteurs (pas seulement nationaux) du secteur. En effet, la non discrimination dans l'élaboration des calendriers doit aussi être garantie vis-à-vis des organisateurs non encore présents sur les marchés et notamment les organisateurs étrangers. Ce point est fondamental pour que ces réunions de calendriers constituent de véritables vecteurs d'animation de la concurrence et ne soient pas le support de collusion entre les acteurs en place.
267. Le mandataire apparaissant comme un acteur clé de la mise en œuvre des engagements, il est nécessaire que les conditions de sa nomination, de sa rémunération de la cessation de ses fonctions soient précisément et explicitement déterminées. En effet, sa qualité, son indépendance par rapport aux parties et son mode de désignation apparaissent comme des éléments importants pour apprécier la crédibilité des missions qui lui seraient attribuées.
Le Conseil de la concurrence recommande au ministre de porter une attention toute particulière à ses qualités et à son indépendance.
d) Sur les risques d'assèchement de la concurrence sur le marché de l'organisation
268. L'engagement proposé a pour objet de limiter la croissance de la nouvelle entité sur le marché aval de l'organisation, qui ne pourra excéder la croissance globale de ce marché. Avec un tel engagement, la nouvelle entité n'aura pas intérêt à abuser de son pouvoir de monopole sur le marché amont de la gestion de sites, puisque si elle affaiblissait trop ses concurrents, le nombre de m² x JOCC commercialisés sur ses sites diminuerait et elle serait donc tenue de diminuer sa propre activité (par des cessions notamment). La nouvelle entité ne pourrait faire croître son activité sur le marché aval de l'organisation que si le marché, dans son ensemble (et donc certains de ses concurrents) croissait lui aussi.
269. Les parties ont présenté initialement cet engagement en précisant qu'il "garantit la "respiration" du marché de l'organisation, en prévenant tout risque d'annexion progressive des sites au seul profit de la nouvelle entité. De ce point de vue, on est proche des engagements d'accès des tiers à une infrastructure essentielle, qui garantissent aux tiers un quota des capacités de l'infrastructure" et que "la vertu majeure de cet engagement est d'inciter la nouvelle entité à favoriser une dynamique de croissance du secteur dans son ensemble, qui bénéficie notamment aux concurrents de l'entité fusionnée. En effet, toute croissance des concurrents est un facteur de diminution de la part relative de la nouvelle entité et lui donne ainsi en retour des marges supplémentaires pour sa propre croissance. L'entité est ainsi amenée à rechercher la croissance de ces concurrents pour ménager la sienne propre".
270. Un tel engagement offre des garanties contre les risques liés à une asphyxie progressive et rampante du marché de l'organisation et retire toute incitation à mettre en œuvre des discriminations, mais son application trop rigide présenterait le risque de figer la concurrence en neutralisant un acteur majeur. Dès lors, il convient que le seuil retenu permette à l'entité d'animer la concurrence sur le marché de l'organisation en lui permettant de gagner des parts de marché par rapport à celles qu'elle détient aujourd'hui. Eu égard aux analyses du poids actuel des parties, il semble au Conseil de la concurrence qu'un seuil voisin de 45 % (et qui ne saurait dépasser 50 %) apparaîtrait comme approprié en laissant ainsi à la nouvelle entité une marge de progression d'environ 10 points par rapport à la part de marché actuelle, tout en prévenant une préemption du marché au détriment des autres organisateurs.
271. Par ailleurs, les inconvénients de cet engagement, limitant la part de marché de la nouvelle entité sur le marché de l'organisation, seront d'autant moins sensibles qu'il restera limité dans le temps et ne sera imposé que pour une période transitoire afin de ne pas neutraliser de manière durable un acteur susceptible de contribuer à l'animation concurrentielle du marché. Dès lors, le Conseil de la concurrence est d'avis que cet engagement devrait être levé à l'ouverture effective d'une part significative des nouvelles surfaces d'exposition prévues pour le site de Paris-Nord Villepinte. Il pourrait ainsi être pertinent de retenir, comme date limite, l'année 2013, soit la date prévisionnelle de l'ouverture de la deuxième tranche d'agrandissement. En effet, la nécessité pour l'investisseur de rentabiliser ces nouvelles surfaces constituera une incitation importante pour la nouvelle entité de préserver le dynamisme du marché de l'organisation.
272. Enfin, un tel mécanisme doit nécessairement être mis en œuvre avec une certaine souplesse. Puisqu'il n'est pas envisagé d'interdire aux parties d'être actives sur le marché aval de l'organisation, il convient de ne pas les priver des moyens de mener des stratégies efficaces, d'opérer des arbitrages et finalement de contribuer à l'animation concurrentielle de ce marché. Dès lors, il est nécessaire d'envisager une période d'ajustement par rapport au plafond préalablement défini afin qu'un éventuel dépassement puisse être rétabli par la vente non précipitée d'un salon existant (une période de douze mois suivant le dépassement du seuil paraît correspondre au rythme du marché). Cette souplesse permettrait de pérenniser les garde-fous contre les distorsions de concurrence tout en permettant aux parties d'exercer pleinement leur activité sur le marché de l'organisation et de contribuer à l'animation concurrentielle de celui-ci. La contrepartie inhérente à cette souplesse est le caractère non équivoque et explicite de l'engagement à céder des salons si ce plafond est atteint.
e) Sur les risques liés aux prestations annexes
273. Comme l'ont souligné les développements relatifs à l'analyse concurrentielle, il convient d'opérer une distinction entre les prestations qui sont directement attachées aux sites (sécurité du site, accès aux fluides, aux réseaux de télécommunications et d'électricité, ventilation, par exemple) et celles qui ne le sont pas (conception-fabrication des stands, fleuristes, par exemple). S'il apparaît naturel que les premières soient assurées de manière exclusive par le gestionnaire du site, notamment pour des raisons de responsabilité et de sécurité, en revanche, il n'existe pas de justification objective pour que les autres prestations échappent à des prestataires en concurrence les uns avec les autres.
274. Le Conseil de la concurrence est d'avis que le seul engagement du maintien du périmètre des prestations annexes obligatoires ou exclusives tel qu'il existe au 1er janvier 2007 n'est pas suffisant dans la mesure où sa substance est indéterminée et vague et qu'il procède à un inversement logique. Ne peuvent rentrer dans le périmètre du monopole de la gestion de sites que les prestations pour lesquelles il existe une justification objective, technique notamment, du lien direct et exclusif avec le site.
275. Dès lors, le Conseil de la concurrence est d'avis qu'il appartiendra aux parties de dresser pour chaque site une liste des prestations qu'elles estiment devoir être exclusives, la charge de la preuve de la justification objective de leur lien nécessaire avec la gestion du site pour des motifs de responsabilité et de sécurité devant peser sur elles. Cette liste précise et exhaustive est un rempart indispensable contre le risque que les parties n'abusent de leur monopole sur le marché de la gestion de sites pour étendre le périmètre et le prix des prestations annexes obligatoires ou exclusives.
276. L'analyse concurrentielle des prestations qui ne peuvent être réalisées qu'exclusivement par le gestionnaire du site doit suivre celle liée au site. Le champ de la régulation tarifaire doit correspondre au périmètre du monopole. Puisque la grille tarifaire du site de la Porte de Versailles telle qu'approuvée par la mairie de Paris n'inclut pas les tarifs des prestations exclusives, il convient de rechercher un mécanisme a priori qui constituera une garantie contre d'éventuels prix excessifs. Le Conseil de la concurrence attire l'attention du ministre sur le soin particulier qui doit être porté à ce que la limitation du prix de location du m², encadré dans les conditions fixées par l'engagement précité, ne puisse pas être partiellement contournée par une augmentation abusive du prix des prestations annexes obligatoires ou exclusives.
277. Si les parties doivent pouvoir continuer à proposer des prestations concurrentielles et transmettre aux utilisateurs les gains d'efficacité qu'elles pourront dégager par leur intervention, elles ne doivent pas être mises en mesure de fausser la concurrence en offrant dans des conditions abusives des prestations "packagées" incluant des prestations exclusives et des prestations facultatives. A cet effet, il est indispensable que les parties ne puissent plus proposer le couplage de prestations exclusives soumises au monopole avec des prestations concurrentielles en offrant des remises de couplage dont l'assiette inclurait les prestations en monopole comme le prévoit d'ailleurs l'engagement des parties, qui doit rester très clair sur ce point.
f) Sur l'engagement d'extension du site de Paris-Nord Villepinte
278. Cet engagement est un élément clé pour parer aux risques liés à la constitution d'un monopole sur le marché amont de la gestion de sites et aux risques de discrimination sur le marché aval de l'organisation. En effet, en s'engageant à augmenter les surfaces d'exposition, les parties limitent leur capacité à exploiter le monopole en tirant bénéfice du déséquilibre de l'offre en leur faveur. En effet, en théorie, un tel monopoleur n'a pas intérêt à augmenter les quantités offertes pour ne pas desserrer une contrainte de rareté qui lui permet de maximiser son profit. C'est pourquoi l'engagement d'augmenter ces capacités est capital pour l'efficacité du dispositif.
279. En espèce en effet, l'augmentation des surfaces disponibles diminuera la contrainte de rareté qui existe actuellement et réduira fortement l'incitation de l'entité à augmenter les prix de location des sites dont elle assure la gestion afin de garantir le remplissage et la rentabilité de ces lourds investissements. Cette nécessité de remplir les nouvelles surfaces conduira aussi la nouvelle entité à ne pas asphyxier le marché aval de l'organisation dont le dynamisme conditionnera la capacité d'occupation et la rentabilité des investissements de capacité. Si elle ne le faisait pas, la nouvelle entité risquerait de mettre en péril la rentabilité de ces extensions en affaiblissant les organisateurs concurrents qui contribuent de manière significative à animer le marché de l'organisation et garantissent l'occupation des sites par la réussite de leurs salons.
280. Enfin, l'augmentation des surfaces permettra de dégager des créneaux disponibles sur plusieurs sites et diminuera ainsi les risques de cristallisation de la situation et de création de barrières à l'entrée liés à l'octroi de "droits du grand-père" aux salons existants.
281. Comme cela a été indiqué plus haut, il s'agit donc d'une forme de remède structurel puisque la période sur laquelle il sera mis en œuvre, environ 15 ans, et ses effets durables sur le marché apportent une réponse pérenne à un défaut structurel du marché dans sa configuration actuelle.
282. Il est donc indispensable, selon le Conseil de la concurrence, que la confirmation de cet engagement central soit considérée comme une condition de l'autorisation de l'opération.
283. S'il est compréhensible que les parties notifiantes, comme tout opérateur économique, puissent se garantir contre des évolutions imprévisibles de la situation économique générale et introduire des clauses de sauvegarde dans la rédaction de l'engagement, le sens de celui-ci ne doit pas s'en trouver modifié. L'opération d'extension, présentée aux autorités de concurrence comme l'avantage principal de l'opération de concentration, ne saurait être un engagement conditionnel, lié à la réalisation d'évènements futurs, mais doit prendre la forme d'un engagement ferme sous réserve de la mise en œuvre des clauses de sauvegarde.
g) Sur la durée des engagements et la clause de rendez-vous générale
284. L'engagement des parties vaut jusqu'au 1er janvier 2026. Ce terme est doublement cohérent avec les analyses des risques concurrentiels précédemment développées.
285. Tout d'abord, la convention d'exploitation du parc des expositions de la Porte de Versailles fera l'objet d'un nouvel appel d'offres en 2026, ce qui sera une occasion de remettre en cause le quasi-monopole sur le marché de la gestion de sites. D'autres acteurs pourront, dans le cadre d'une concurrence par les mérites, proposer de reprendre la gestion du site, décisif, de la Porte de Versailles.
286. Par ailleurs, les parties s'étant engagées à achever leur programme d'extension de 135 000 m² en 2021, les contraintes de capacité seront réduites par une offre plus abondante et les risques de comportements abusifs sensiblement réduits.
287. La clause de rendez-vous envisage que les parties pourront demander au ministre de l'économie une modification des engagements souscrits "en cas de circonstances nouvelles ou exceptionnelles". Si une telle clause semble admissible pour garantir une nécessaire souplesse au regard de la durée particulièrement longue des engagements, elle mérite néanmoins d'être strictement encadrée. En l'espèce l'hypothèse de circonstances "nouvelles" comme pouvant justifier une demande de réexamen n'est admissible que si celles-ci créent un bouleversement dans la situation quasi-monopolistique identifiée. Le Conseil invite le ministre à préciser de manière rigoureuse et restrictive la définition de ces "circonstances nouvelles ou exceptionnelles".
288. Enfin, l'hypothèse de caducité de l'engagement garantissant "la respiration" du marché de l'organisation ne peut être admise que dans le seul cas où l'entité ou l'une des parties n'exerce plus sur Opco-Waimea une influence déterminante au sens du droit de la concurrence.
Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil de la concurrence est d'avis :
Que ce n'est qu'à la condition que les parties confirment les engagements analysés ci-dessus et précisés selon les indications données par le Conseil dans le présent avis, que la concentration résultant du rapprochement des activités de la société Unibail et de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris dans le secteur de la gestion de sites de congrès-exposition et d'organisation de foires et salons peut être regardée comme n'étant pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés.