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Décisions

CE, 9e et 10e sous-sect. réunies, 10 décembre 2007, n° 275093

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Syndicat professionnel des entreprises locales gazières, Syndicat FF2C combustibles, Syndicat FF2C chauffage

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Commissaire du gouvernement :

M. Collin

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez

CE n° 275093

10 décembre 2007

LE CONSEIL : - Vu la décision du 7 juillet 2006 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, avant de statuer sur les conclusions des requêtes du Syndicat professionnel des entreprises locales gazières, ainsi que du Syndicat FF2C combustibles et du Syndicat FF2C chauffage tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et du ministre délégué à l'Industrie du 12 novembre 2004 relatif au prix de vente du gaz combustible vendu à partir des réseaux publics de distribution, a invité le Conseil de la concurrence : - à fournir tous éléments d'appréciation susceptibles de permettre au Conseil d'Etat de déterminer si ledit arrêté méconnaît la prohibition des abus de position dominante résultant de l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne et de l'article L. 420-2 du Code de commerce ou la prohibition des prix de vente abusivement bas résultant de l'article L. 420-5 du Code de commerce ; - à préciser, en particulier, le ou les marchés pertinents en ce qui concerne, d'une part, la vente de combustibles (gaz et fioul) et d'autre part, la fourniture de gaz en distribution publique ; - à indiquer également, pour chaque distributeur concerné, si les prix de vente du gaz en distribution publique résultant de l'arrêté attaqué sont au moins égaux, compte tenu du montant de l'abonnement payé par le consommateur, aux coûts complets moyens de fourniture du gaz ainsi distribué ; Vu les autres pièces des dossiers ; Vu le traité instituant la Communauté européenne ; Vu la directive 2003-55-CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98-30-CE ; Vu le Code de commerce ; Vu la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 ; Vu le décret n° 90-1029 du 20 novembre 1990 ; Vu le Code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mme Claire Legras, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage, - les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Sur la requête du Syndicat professionnel des entreprises locales gazières : - Considérant que le désistement du Syndicat professionnel des entreprises locales gazières est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Sur la requête du Syndicat FF2C combustibles et du Syndicat FF2C chauffage : - Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, dans sa rédaction issue de la loi du 9 août 2004 : "Les tarifs de vente du gaz naturel aux clients non éligibles sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts à l'exclusion de toute subvention en faveur des clients éligibles (...)" ; que l'article 2 du décret du 20 novembre 1990 réglementant les prix du gaz combustible vendu à partir des réseaux publics de transport ou de distribution dispose : "Le prix du gaz combustible est déterminé et évolue, en moyenne pondérée, en tenant compte des variations : 1°) Des coûts de construction, d'entretien et de renouvellement des installations de stockage, de transport et de distribution ; 2°) Des coûts d'approvisionnement en gaz ; 3°) Des coûts d'exploitation des équipements de stockage, de transport et de distribution" ;

Considérant que si, dans les limites fixées par la loi du 3 janvier 2003, les ministres chargés de l'Economie et de l'énergie, compétents pour prendre les décisions relatives à ces tarifs en vertu du deuxième alinéa du I de l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003, peuvent légalement tenir compte de la situation économique générale, et plus particulièrement de celle des ménages, pour moduler l'évolution du prix de vente du gaz en distribution publique, sans être tenus de répercuter intégralement, dans les tarifs qu'ils fixent, les variations, à la hausse ou à la baisse, des coûts complets moyens de fourniture du gaz ainsi distribué, il résulte des dispositions combinées de l'article 7 de cette loi et de l'article 2 du décret du 20 novembre 1990 que ces tarifs ne peuvent être inférieurs aux coûts moyens complets de chaque opérateur ; que, pour satisfaire à cette obligation, il appartient aux ministres compétents, à la date à laquelle ils prennent leur décision, premièrement, de permettre au moins la couverture par les tarifs des coûts moyens complets des opérateurs tels qu'ils peuvent être évalués à cette date, deuxièmement, de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur l'année à venir, en fonction des éléments dont ils disposent à cette même date, et, troisièmement, d'ajuster ces tarifs s'ils constatent qu'un écart significatif s'est produit entre tarifs et coûts, du fait d'une sous-évaluation des tarifs, au moins au cours de l'année écoulée, afin de compenser cet écart dans un délai raisonnable ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des éléments chiffrés fournis par l'avis du 27 juillet 2007 du Conseil de la concurrence demandé par une décision avant dire droit du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 7 juillet 2006 que la hausse des tarifs du gaz en distribution publique autorisée par l'arrêté attaqué du 12 novembre 2004 permettait, à la date à laquelle elle est intervenue, d'ajuster le prix de vente du gaz aux différents tarifs réglementés, pondéré par le volume des ventes effectuées sous chacun de ces tarifs, au niveau des coûts moyens complets supportés par Gaz de France pour fournir les clients bénéficiant de ces tarifs, tout en tenant compte des écarts constatés l'année précédant l'adoption de l'arrêté attaqué pour une partie de ces clients ; qu'il n'est pas allégué que cette hausse ait été fondée, à l'époque, sur des prévisions manifestement erronées ; qu'ainsi, le niveau de hausse autorisé n'est entaché ni d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il suit de là que le Syndicat FF2C combustibles et le Syndicat FF2C chauffage ne sont pas fondés à soutenir que cet arrêté méconnaît les dispositions précitées de l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003 et de l'article 2 du décret du 20 novembre 1990 relatives à la couverture des coûts par les tarifs réglementés ;

Considérant, en deuxième lieu, que les syndicats requérants soutiennent que les tarifs fixés par l'arrêté attaqué ne sont pas conformes aux dispositions de l'article L. 420-5 du Code de commerce, qui prohibent les prix de vente abusivement bas ; que le Syndicat FF2C combustibles et le Syndicat FF2C chauffage font valoir, en outre, que l'arrêté attaqué aurait pour effet, en raison d'une hausse insuffisante des tarifs du gaz en distribution publique, d'avantager certains distributeurs de gaz au détriment des distributeurs de fioul et méconnaîtrait ainsi les règles de concurrence rappelées par l'article 25 de la directive du 26 juin 2003, notamment la prohibition des abus de position dominante résultant des stipulations de l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du Conseil de la concurrence que le marché du fioul domestique et celui du gaz naturel ne constituent pas un même marché économique pertinent dans la mesure où, passé le stade de l'installation des équipements de chauffage, le consommateur n'est plus en situation d'arbitrer entre les différentes sources d'énergie ; qu'il en résulte que le Syndicat FF2C combustibles et le Syndicat FF2C chauffage ne peuvent valablement invoquer la méconnaissance des règles de la concurrence issues de l'article 82 du traité instituant la Communauté européenne et de l'article L. 420-5 du Code de commerce qui résulterait, pour les distributeurs de fioul, du niveau auquel l'arrêté attaqué a fixé le tarif du gaz en distribution publique ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Syndicat FF2C combustibles et le Syndicat FF2C chauffage ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et du ministre délégué à l'Industrie du 12 novembre 2004 ; que, par voie de conséquence, les conclusions de ces syndicats tendant, d'une part, à ce qu'il soit enjoint aux ministres compétents de prendre un nouvel arrêté fixant le prix du gaz combustible vendu à partir des réseaux publics de distribution à un niveau conforme aux exigences du II de l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003 et, d'autre part, à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête du Syndicat professionnel des entreprises locales gazières.

Article 2 : La requête du Syndicat FF2C combustibles et du Syndicat FF2C chauffage est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat professionnel des entreprises locales gazières, à la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage et au ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi.