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Décisions

Cass. soc., 28 novembre 2007, n° 06-44.087

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Tradesco (SARL)

Défendeur :

Deauze

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Rapporteur :

Mme Quenson

Avocat général :

M. Mathon

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Me Odent

Cons. prud'h. Auch, du 17 janv. 2005

17 janvier 2005

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 23 mai 2006), que M. Deauze a été engagé le 1er juillet 1990 par la société Tradesco en qualité de représentant multicartes puis exclusif à compter de juillet 1997; qu'il a été licencié pour faute grave le 21 mars 2003; - I. Sur le premier moyen du pourvoi incident du salarié, qui est préalable : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi;

II. Sur le pourvoi principal de l'employeur : - Sur le premier moyen : - Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement de M. Deauze ne reposait pas sur une faute grave et de l'avoir condamné au paiement d'une indemnité de préavis et de congés payés sur préavis, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité spéciale de rupture, alors, selon le moyen : 1°) que constitue une faute grave le fait pour un salarié de commettre des actes d'insubordination en refusant de façon délibérée et réitérée d'exécuter des obligations contractuelles ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel d'une part, que le salarié avait refusé délibérément d'adresser ses rapports à son employeur alors qu'il y était tenu, qu'il avait persisté en son comportement malgré l'engagement d'une précédente procédure de licenciement à laquelle l'employeur n'a pas donné suite en raison de l'engagement pris par le salarié de respecter ses obligations, engagement qu'il n'avait pas respecté et, d'autre part, qu'il avait pris des vacances sans autorisation, ce comportement étant la négation de la subordination qui liait le salarié à l'employeur ; qu'en considérant néanmoins que le licenciement n'était pas fondé sur une faute grave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 751-7 du Code du travail; 2°) que le fait que le caractère insuffisant de l'activité du salarié n'ait pas été démontré, que l'activité de la société semblait être en concurrence avec l'activité d'une autre société ayant le même dirigeant, - ce qui était vivement contesté par l'employeur - et que l'employeur n'ait pas répondu à des courriers du salarié, sont sans effet pour ôter aux agissements du salarié leur caractère de gravité ; qu'il est d'autant plus ainsi que l'obligation du salarié de rendre compte de son activité par des rapports circonstanciés hebdomadaires était expressément prévu par son contrat de travail, que le contrat de travail précisait que la non-observation de ces obligations constituerait une faute grave et que le salarié avait préalablement fait l'objet de plusieurs avertissements pour les mêmes raisons; que la cour d'appel a relevé que le salarié s'était engagé à établir lesdits rapports, qu'il ne pouvait refuser les instructions qui lui étaient données de déposer des rapports d'activité mais qu'il avait néanmoins persisté à refuser de les établir; qu'en se fondant néanmoins sur le fait que le caractère insuffisant de l'activité du salarié n'avait pas été démontré, que l'activité de la société semblait être en concurrence avec l'activité d'une autre société ayant le même dirigeant et que l'employeur n'avait pas répondu à des courriers du salarié - sans même préciser quel était l'objet des missives du salarié qui seraient restées sans réponse de la part de l'employeur - pour considérer que la faute grave n'était pas caractérisée, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 751-7 du Code du travail; 3°) que les constatations de l'arrêt relativement à l'activité commerciale sont impropres à diminuer la gravité de la faute consistant à prendre unilatéralement des congés, niant ainsi la subordination liant le salarié à l'employeur; qu'en statuant par un motif ainsi inopérant, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9 et L. 751-7 du Code du travail ; 4°) que les juges sont tenus d'examiner l'ensemble des faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement ; que la lettre de licenciement mentionnait également que le salarié avait déjà fait l'objet de nombreux avertissements antérieurs, qu'il avait écrit au président-directeur général en exprimant son refus de son lien hiérarchique avec le directeur commercial et qu'il s'était également permis d'écrire à l'employeur pour définir la politique commerciale de l'entreprise; qu'en n'examinant pas ces faits, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9, L. 122-14-2, L. 122-14-3 et L. 751-7 du Code du travail;

Mais attendu, d'abord, que l'employeur ne se prévalait d'une faute grave qu'eu égard à l'absence d'envoi de rapports hebdomadaires et au refus réitéré volontaire de M. Deauze de se plier à cette obligation contractuelle;

Et attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a relevé que le comportement de l'employeur avait contribué à la cristallisation d'une situation conduisant le salarié à adopter une attitude qui ne pouvait que conduire à la rupture du contrat de travail à ses torts, a pu décider que la faute commise n'était pas constitutive d'une faute grave;

Mais sur le second moyen : - Vu les articles 1134 et 1147 du Code civil et l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des voyageurs-représentants-placiers du 3 octobre 1975; - Attendu que pour condamner la société Tradesco à payer à M. Deauze une somme à titre de contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence, la cour d'appel, après avoir décidé que la clause contractuelle était nulle, l'employeur s'étant réservé la faculté après la rupture d'imposer au salarié une obligation de non-concurrence, a énoncé qu'il convenait dès lors de faire application des dispositions de la convention collective y compris celles prévoyant la contrepartie financière de la clause de non-concurrence qui s'applique de plein droit dès lors que le contrat de travail, qui comporte une telle clause, se réfère à cet accord;

Qu'en statuant ainsi, alors que la nullité de la clause contractuelle de non-concurrence interdisait au salarié d'obtenir paiement de la contrepartie financière prévue par l'article 17 de l'accord national interprofessionnel des VRP, le salarié ayant seulement la faculté de demander réparation du préjudice ayant résulté de l'incertitude dans laquelle il avait été placé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi incident : Rejette le pourvoi incident formé par M. Deauze; Casse et annule, mais seulement en ses dispositions confirmant le jugement du Conseil de prud'hommes d'Auch du 17 janvier 2005, en ce qu'il a condamné la société Tradesco à payer à M. Deauze, au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, la somme de 12 312 euro, l'arrêt rendu le 23 mai 2006, entre les parties, par la Cour d'appel d'Agen; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Pau.