CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 6 décembre 2007, n° 05-06059
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Centre poids lourds du Périgord (SA), Fidexpa (SA)
Défendeur :
Daimler Chrysler France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Laporte
Conseillers :
MM. Coupin, Duclaud
Avoués :
SCP Jullien, Lecharny, Rol, Fertier, SCP Debray-Chemin
Avocats :
Me Bourgeon, Cabinet Vogel & Vogel
Faits et procédure :
La SA Centre poids lourds du Périgord - CPLP - et la SARL Etoile d'Auvergne ayant le même dirigeant, ont été concessionnaires exclusifs des véhicules de marque Mercedes sur les secteurs de Brive et d'Aurillac depuis 1973 et 1999, selon des contrats conclus, en dernier lieu, le 1er septembre 1999, conformément au règlement d'exemption automobile CE n° 1475-95 du 28 juin 1995.
Le 16 septembre 2002, la SAS Daimler Chrysler France a mis fin à ces contrats à effet au 30 septembre 2003, avec un préavis réduit à une année en faisant état de la nécessité de réorganiser le réseau.
Estimant les résiliations ainsi intervenues illicites et abusives et arguant d'un refus d'agrément comme distributeur discriminatoire, les sociétés CPLP et Etoile d'Auvergne ont engagé une action indemnitaire devant le Tribunal de commerce de Versailles à l'encontre de la société Daimler Chrysler France.
Par jugement rendu, le 24 juin 2005, cette juridiction a débouté les sociétés CPLP et Etoile d'Auvergne de toutes leurs prétentions, rejeté la demande reconventionnelle de la société Daimler Chrysler France, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et condamné les demanderesses aux dépens.
La société CPLP et la SA Fidexpa, aux droits de la société Etoile d'Auvergne, ont relevé appel de cette décision.
Après conclusions des parties, l'affaire a été fixée à l'audience du 28 septembre 2006 et renvoyé alors avec leur accord à la mise en état dans l'attente d'une décision de la Cour de justice des Communautés européennes devant être rendue sur une question préjudicielle susceptible d'avoir une incidence sur la solution du litige ainsi qu'en fait foi l'extrait de plumitif.
Les sociétés CPLP et Fidexpa soutiennent que les résiliations des contrats de concession sont abusives puisqu'elles sont totalement incompatibles avec les engagements que la société Daimler Chrysler France les avait incitées à prendre ainsi qu'avec les investissements effectués au cours des trois années précédentes.
Elles font état, à cet égard, du rachat, par la société Etoile d'Auvergne, en septembre 1999, de la concession Mercedes d'Aurillac implantée dans un secteur peu attractif et éloigné de Brive qui a été réalisé à la demande de la société Daimler pour un coût total de 1 690 976 euro ne pouvant être amorti que dans la perspective d'une poursuite durable des relations contractuelles.
Elles invoquent l'incidence négative sur la rentabilité de la société Fidexpa de la concurrence développée par la société Europe Service en pièces de rechange grâce au statut de concessionnaire que lui a conféré la société Daimler Chrysler France en 1999.
Elles indiquent que les investissements engagés à Aurillac jusqu'à la fin du premier semestre 2002 pour transférer l'activité de concession dans de nouveaux locaux s'inscrivent dans la logique de la poursuite d'un partenariat évoqué par la société Daimler Chrysler France dans son courrier du 17 décembre 2001.
Elles affirment que cette lettre constituait l'aboutissement du schéma de réorganisation prévu par la société Daimler Chrysler France sur leurs secteurs en fonction de l'échéance du règlement CE 1400-2002.
Les sociétés CPLP et Fidexpa allèguent la nullité du chef du jugement déféré excluant le caractère illicite des résiliations par référence à d'autres décisions n'ayant pas autorité de chose jugée, en l'estimant contraire aux exigences de motivation prescrites par l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.
Elles font valoir que les motifs exposés par la société Daimler dans ses courriers du 16 septembre 2002 ne justifient pas le recours à une procédure de résiliation avec un préavis réduit à un an sur le fondement de l'article 5-3 du règlement 1475-95 au regard des principes posés par la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts des 7 septembre et 30 novembre 2006 imposant aux juridictions nationales de vérifier si l'entrée en vigueur du règlement 1400-2002 a rendu nécessaire une véritable réorganisation du réseau en cause au sens de cette disposition.
Elles précisent que l'entrée en vigueur du règlement 1400-2002 ainsi que le passage d'un système de distribution antérieur combinant exclusivité et sélectivité pour un uniquement sélectif, n'impliquait pas ipso facto une réorganisation du réseau de distribution.
Elles invoquent la défaillance de la société Daimler dans l'administration de la preuve d'une réorganisation matérielle substantielle des réseaux Mercedes, véhicules particuliers, industriels et utilitaires légers, entre septembre 2002 et septembre 2003, l'essentiel de la restructuration engagée en 2000 ayant été achevée avant le 1er octobre 2002.
Elles dénient la mise en place de réseaux de distribution sélective à compter du 1er octobre 2003 par la société Daimler.
Elles estiment qu'aucune des modifications essentielles des conditions d'exemption des accords de distribution résultant du règlement 1400-2002 n'était en elle-même de nature à induire une modification de la structure des réseaux de distribution.
Elles considèrent que la société Daimler Chrysler France aurait dû tenter de négocier les aménagements des contrats en cours aux nouvelles conditions d'exemption à l'instar d'autres constructeurs automobiles.
Les sociétés CPLP et Fidexpa observent que la société Daimler lors de l'adoption d'un système de distribution sélectif quantitatif n'a pas indiqué ses critères de détermination du nombre des distributeurs agréés par ses soins à compter du 1er octobre 2003, en violation des dispositions de l'article 1-g) du règlement CE 1400-2002.
Elles remarquent que les points de vente dont elles disposaient faisaient partie intégrante du numérus clausus arrêté par la société Daimler Chrysler France puisque leur exploitation est actuellement poursuivie par les titulaires actuels des secteurs de Brive et d'Aurillac.
Elles en déduisent que la société Daimler Chrysler France s'est rendue coupable d'agissements discriminatoires en refusant purement et simplement d'instruire leurs candidatures en tant que distributeur.
La société CPLP invoque des préjudices résultant de la privation du bénéfice d'un véritable préavis de résiliation "ordinaire" de 24 mois jusqu'au 30 septembre 2004. Elle prétend avoir été victime de multiples atteintes de la part de l'intimée à une bonne exécution des contrats pendant la période du préavis jusqu'à la vente de son fonds de commerce, le 1er décembre 2003, qui a été à l'origine d'une baisse de rentabilité estimée à 337 406 euro, outre le manque à gagner durant les 10 mois de préavis qu'elle n'a pu effectuer, évalué à 336 000 euro.
Elle argue aussi des pertes sur la valeur du fonds de commerce cédé, dans ses éléments incorporels (184 000 euro) et corporels, sur les stocks de véhicules neufs (85 151 euro), de véhicules d'occasion (193 851,83 euro) et des pièces de rechange (46 637 euro).
La société Fidexpa revendique des préjudices tenant aussi à la privation d'un préavis de 24 mois ayant entraîné une perte de 144 029 euro et un manque à gagner sur 10 mois de 20 761 euro, outre des pertes sur la valeur des éléments incorporels cédés (72 715 euro) et corporels de 61 755 euro, sur le stock des véhicules neufs de 42 816,64 euro et de 56 907 euro sur ceux des véhicules d'occasion et des pièces de rechange.
Elle allègue également des pertes subies de 2000 à 2003 en raison de la concurrence de la société Europe Service et de l'impossibilité d'accéder aux primes pièces de rechange, estimée au total à 612 008 euro.
La société CPLP affirme, par ailleurs, n'être débitrice envers la société Daimler Chrysler France qu'à hauteur de la somme de 97 012,92 euro au titre du solde de leurs comptes.
Elle soutient que l'intimée lui est redevable des sommes de 13 417,15 euro et de 3 100 euro HT.
Les sociétés CPLP et Fidexpa soulèvent, en conséquence, la nullité des dispositions du jugement déféré ayant estimé licites les résiliations de la société Daimler Chrysler France sur le fondement de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.
Elles demandent à la cour de déclarer les résiliations abusives et illicites et de retenir le refus discriminatoire de la société Daimler Chrysler France, de les agréer en qualité de distributeur à compter du 1er octobre 2003.
Elles sollicitent la condamnation de la société Daimler à des dommages et intérêts de :
- la société CPLP : 337 406 euro, 336 000 euro, 184 000 euro, 85 151 euro, 193 851 euro et 46 637 euro
- et la société Fidexpa de : 144 029 euro, 20 761 euro, 72 715 euro, 61 755 euro, 56 907 euro, 42 816 euro et 612 008 euro.
La société CPLP demande acte de ce qu'elle se reconnaît débitrice de la somme de 97 012,92 euro envers la société Daimler.
La société Fidexpa réclame à cette dernière les sommes de 13 417,15 euro et de 3 100 euro.
Les appelantes revendiquent enfin chacune une indemnité de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Daimler expose avoir entrepris un processus de réorganisation du réseau Mercedes dès l'année 2000 afin d'y opérer une évolution vers des distributeurs financièrement plus forts et de tirer les conséquences de la fusion Daimler-Chrysler selon une stratégie comportant le développement des plaques Daimler-Chrysler et la réduction du nombre des investisseurs.
Elle poursuit que l'entrée en vigueur le 1er octobre 2002 du nouveau règlement d'exemption automobile n° 1400-2002 du 31 juillet 2002, avec une période de transition d'un an imposait de conclure de nouveaux contrats avant le 1er octobre 2003 pour obtenir le bénéfice de l'exemption.
La société Daimler Chrysler France énonce qu'aux fins de se conformer aux nouvelles règles, elle a décidé de recourir, en France, à compter du 1er octobre 2003, à un double réseau de distribution et de réparation sélectifs sans aucune exclusivité territoriale.
Elle indique avoir résilié, le 16 septembre 2002, tous les contrats de concession avec un préavis d'un an en application de leur article 15-5 conforme à celui 5-3 de l'ancien règlement n° 1475-95 du 28 juin 1995.
Elle précise avoir simultanément proposé aux sociétés appelantes de devenir réparateurs agréés, lesquelles l'ont accepté le 27 septembre 2002 mais que leur dirigeant a très vite manifesté son souhait de céder son entreprise en sorte qu'elle a accepté de maintenir les contrats jusqu'aux cessions des fonds de commerce qui sont intervenus les 16 octobre et 2 décembre 2003.
Elle soutient qu'elle était en droit de résilier les contrats de concession en respectant un préavis d'un an, cette résiliation contractuellement prévue ayant été opérée dans le cadre de la réorganisation de son réseau à la suite de l'adoption du règlement d'exemption CE n° 1400-2002.
Elle se prévaut d'arrêts définitifs de cette cour ayant jugé de telles résiliations régulières.
Elle ajoute que l'analyse de ces décisions a été reprise par la Cour de justice des Communautés européennes dans trois arrêts récents, et que cette position a été adoptée par les juridictions de nombreux pays européens.
Elle considère que l'opinion de la Commission, selon laquelle le changement de règlement ne justifiait pas la résiliation des contrats en cours avec un préavis d'un an, n'est pas pertinente.
La société Daimler Chrysler France fait valoir surabondamment que les juridictions communautaires et nationales estiment que le passage, comme elle, de la distribution exclusive et sélective à un double réseau de distribution et de réparation sélectifs constitue bien une réorganisation de nature à fonder un préavis réduit.
Elle estime qu'aucun élément n'est susceptible de la priver du droit contractuel et légal de résilier les contrats de concession, en réfutant point par point les arguments adverses des appelantes à cet égard et en se référant aux motifs du tribunal.
Elle rappelle que les relations entre les parties n'ont jamais cessé jusqu'à la vente par les appelantes de leurs fonds de commerce à des conditions normales.
La société Daimler Chrysler France en déduit que les préjudices allégués par les anciens concessionnaires ne sont pas justifiés dans leurs principes, ni dans leurs montants, en contestant après analyse chacun de leurs postes.
Elle indique ne pas avoir été réglée du prix de quatre véhicules vendus à la société CPLP qui, à la suite d'une méprise en a reçu deux fois le prix, de la part de la société Patrick Launay qui les a acquis et d'elle-même qui les lui a remboursés sous forme d'avoirs.
Elle s'insurge contre des communications de pièces nombreuses et tardives par les sociétés CPLP et Fidexpa.
Elle soutient que la demande en paiement de la société Fidexpa est nouvelle et ne peut, en compensation de la sienne, être dirigée à l'encontre de la société CPLP.
La société Daimler Chrysler France sollicite donc le rejet des débats des pièces 102 à 110 et de celles étant prétendument son compte fournisseur produites par les appelantes la veille de la clôture sur le fondement des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile.
Elle conclut à la confirmation du jugement déféré hormis en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle et forme appel incident pour obtenir la condamnation de la société CPLP à lui verser la somme de 114 011,50 euro au titre du prix de quatre véhicules en soulevant l'irrecevabilité de la prétention nouvelle de la société Fidexpa et subsidiairement son mal fondé.
Elle sollicite l'entier débouté des appelantes et subsidiairement, la limitation de leur éventuelle indemnisation au seul préjudice incontestablement démontré.
Elle réclame, enfin, une indemnité de 15 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la décision :
Sur le rejet de pièces des débats
Considérant que la demande formulée à cet égard par la société Daimler Chrysler France, à la lumière de ses écritures (page 55), a, en réalité, pour objet les documents n° 105 à 113 produits par les sociétés CPLP et Fidexpa;
Considérant que les pièces n° 105 à 111 ont été communiquées, le 12 septembre 2007, à la veille de la date qui était prévue pour le prononcé de la clôture;
Que toutefois, celle-ci ayant été reportée du 13 septembre au 27 septembre 2007, la société Daimler Chrysler France a disposé d'un délai suffisant pour en prendre utilement connaissance dans l'intérêt de la défense;
Considérant, en revanche, qu'il n'a pu en être de même des deux dernières communications effectuées tardivement, le 19 septembre 2007, bien que les sociétés CPLP et Fidexpa en disposaient dès lors que les pièces concernées émanent de leur comptabilité;
Qu'en effet, celles-ci comportent 131 pages au total de données comptables brutes nécessitant un examen spécifique comparatif et long de la part de la société Daimler Chrysler France pour pouvoir en analyser les éléments de manière opérante aux fins d'y apporter une réponse pertinente;
Considérant que les pièces n° 112 et 113 versées aux débats par les appelantes en seront donc exclues.
Sur la demande de nullité d'une disposition du jugement déféré
Considérant que pour rejeter le caractère illicite des résiliations des contrats de concession, le tribunal s'est borné à estimer que les changements radicaux apportés par le règlement 1400-2002 rendaient nécessaires une réorganisation des anciens réseaux de concessionnaire et justifiaient une résiliation avec un préavis d'un an en se référant à d'autres juridictions ayant pris une position semblable;
Considérant qu'une telle motivation ne répond pas aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile prescrites à peine de nullité par l'article 458 du même Code;
Que la disposition du jugement déféré ayant déclaré ces résiliations licites sera donc annulée;
Que la cour en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, n'en demeure pas moins saisie de l'entier litige conformément à l'article 562 du nouveau Code de procédure civile et statuera donc aussi de ce chef.
Sur la licéité des résiliations des contrats de concession
Considérant que les contrats de concessions exclusives qui unissaient les sociétés Daimler Chrysler France aux sociétés CPLP et Etoile d'Auvergne, devenue Fidexpa, stipulaient à l'article 15.5, la possibilité pour le concédant de les résilier avec un préavis abrégé d'un an, à l'échéance de la fin d'un trimestre, en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle de son réseau;
Que ce texte est lui-même conforme à l'article 5-3 du règlement CE n° 1475-95 du 28 juin 1995 en vigueur lors de la conclusion des contrats ainsi qu'au moment de leur rupture;
Considérant qu'usant de cette faculté, la société Daimler Chrysler France a résilié les contrats de concession des sociétés CPLP et Etoile d'Auvergne par lettres recommandées avec avis de réception en date du 16 septembre 2002 à effet au 30 septembre 2003;
Considérant que la société Daimler Chrysler France, à laquelle il incombe de démontrer l'existence d'une réorganisation présentant ces caractéristiques comme de sa nécessité, se prévaut essentiellement à titre d'éléments de preuve, de ses déclarations dans la presse et des constatations effectuées dans deux arrêts rendus les 24 février 2005 et 24 novembre 2005 par les 13e et 12e chambre 1re section de cette cour ainsi que des arrêts de la Cour de cassation prononcés les 6 mars 2007 et 26 juin 2007 rejetant les pourvois formés contre ces décisions, en les versant aux débats;
Considérant qu'il s'infère de l'ensemble de ces données, que la société Daimler Chrysler France a entrepris depuis l'année 2000 de mettre en œuvre une nouvelle politique commerciale aux fins de disposer de partenaires plus solides financièrement pouvant faire face à un marché très concurrentiel et de tirer les conséquences de son évolution alors récente résultant notamment de la fusion Daimler et Chrysler;
Considérant que la société Daimler Chrysler France a ainsi développé une stratégie nouvelle reposant sur l'instauration de "plaques Daimler Chrysler" constituées de concessions plus étendues territorialement en incitant les distributeurs à diffuser non plus seulement la marque Mercedes mais également les marques Chrysler, Jeep et Smart;
Qu'à cette fin, la société Daimler Chrysler France a concentré son réseau en réduisant le nombre de ses distributeurs d'environ un tiers entre 2000 et 2003 et a parallèlement procédé elle-même à la commercialisation de ses véhicules dans les grandes villes par la voie de succursales ou de filiales;
Considérant qu'en outre, le 1er octobre 2002, un nouveau règlement communautaire n° 1400-2002 du 31 juillet 2002 d'exemption automobile est entré en vigueur avec une période transitoire d'un an;
Considérant que ce règlement a modifié les structures de la distribution automobile en prescrivant une interdiction de la combinaison entre distribution sélective et exclusive précédemment autorisée en sorte que les constructeurs doivent choisir entre l'une ou l'autre lors de la nomination des distributeurs;
Considérant que la distribution sélective peut être aussi quantitative sans que les constructeurs ne puissent proscrire à leurs distributeurs l'essaimage par l'ouverture de nouveaux points de vente ou de livraison sur l'ensemble de l'Espace économique européen;
Considérant qu'en cas d'option pour une distribution exclusive, le fournisseur ne peut limiter les ventes du distributeur aux revendeurs hors réseau;
Considérant que le nouveau règlement rompt aussi le lien entre vente et service après-vente et prévoit un contrat pour chaque type d'activité;
Considérant que lors de l'entrée en vigueur de ce règlement, la société Daimler Chrysler France disposait d'un seul réseau de distributeurs exclusifs pour la vente et l'après-vente de véhicules neufs sur un territoire déterminé de manière contractuelle qui s'engageaient à ne pas vendre à des revendeurs ne faisant partie du réseau commercial ;
Considérant que la société Daimler Chrysler France a opté pour un système sélectif dual purement qualitatif pour le service après-vente mais à la fois qualitatif et quantitatif pour la distribution;
Que par ailleurs, cette société établit avoir résilié, le 16 septembre 2002, tous les contrats de distribution automobile en cours sur le territoire français pour en conclure de nouveaux sur l'ensemble de la France;
Considérant ainsi que la poursuite de sa nouvelle politique commerciale combinée avec l'obligation de mettre en œuvre, avant le 1er octobre 2003, de nouveaux contrats tant pour les véhicules neufs que pour le service après-vente rendaient nécessaire pour la société Daimler Chrysler France la réorganisation de l'ensemble de son réseau;
Considérant que cette réorganisation impliquait ainsi une modification significative de l'organisation des structures de distribution de la société Daimler Chrysler France portant sur leur nature, leur forme, et le nombre des participants ainsi que leur couverture géographique;
qu'elle s'avérait, en outre, justifiée par des motifs d'efficacité économique et par la fin de la période transitoire, le 30 septembre 2003, obligeant la société Daimler Chrysler France à mettre en conformité les contrats avec le nouveau règlement aux fins de pouvoir bénéficier de l'exemption indispensable à l'exercice régulier de son activité et propre à assurer la sécurité juridique et l'efficacité économique de son réseau;
Considérant qu'il a, par ailleurs, été constaté dans l'arrêt définitif de la cour précité du 24 février 2005 que le processus de réorganisation commencé par la société Daimler Chrysler France en 2000 était toujours en cours lorsque la résiliation a été notifiée à tous les concessionnaires, le 16 septembre 2002, dont les sociétés CPLP et Fidexpa, étant observé que cette résiliation en constituait une des parties intégrantes;
Considérant que contrairement aux affirmations des appelantes, la société Daimler Chrysler France n'aurait pas pu négocier, au cas par cas, avec chaque concessionnaire, l'aménagement de son contrat de concession afin qu'il soit conforme aux dispositions du règlement n° 1400-2002;
qu'en effet, cet argument n'apparaît guère réaliste eu égard tant à l'opposition prévisible de certains concessionnaires d'accepter de renoncer à une distribution exclusive qui leur est plus favorable, susceptible d'être génératrice de procédures judiciaires et en tout cas, de difficultés juridiques importantes de nature à avoir des incidences sur la compétitivité économique du fournisseur, qu'à la nécessité primordiale de conserver l'unité du réseau de distribution;
Considérant, de même, que le reproche des appelantes tiré de l'absence d'anticipation par la société Daimler Chrysler France de la fin du règlement précédent CE n° 1475-95 est inopérant;
Qu'en effet, les fournisseurs ne pouvaient adopter une position définitive avant de connaître la version finale du nouveau règlement, ni de pouvoir indiquer à leurs cocontracteurs la nature de leur future relation étant de surcroît observé que la période transitoire aurait pu aussi être fixée à deux ans, ce qui aurait exclu le besoin de résilier les contrats de concession avec un préavis abrégé d'un an;
Considérant que la société Daimler Chrysler France était également dans l'incapacité, comme le suggèrent les sociétés CPLP et Fidexpa, de maintenir leurs contrats de concession au-delà du 1er octobre 2003 en les amendant aux fins d'opter pendant une année pour une distribution exclusive dès lors qu'une telle décision impliquant l'abandon de l'interdiction de revente hors réseau aurait nécessité une renonciation de la part des autres distributeurs à l'étanchéité du réseau peu plausible à obtenir, et que celle-ci aboutissait non pas à une modification des conditions d'application des contrats, mais à celle de leur objet-même;
Considérant qu'il suit de là, que la résiliation, le 16 septembre 2002, des contrats de concession des sociétés CPLP et Etoile d'Auvergne s'avère licite.
Sur le caractère prétendument abusif des résiliations
Considérant que les sociétés CPLP et Fidexpa ne démontrent pas que la société Daimler Chrysler France ait imposé, d'une quelconque manière, la reprise par cette dernière de la concession d'Aurillac;
Qu'il appartenait, en effet, à leur dirigeant commun, commerçant indépendant et professionnel particulièrement averti en la matière pour avoir exploité auparavant pendant 26 ans une concession Mercedes à Brive, d'examiner avec toute la compétence et l'expérience qui étaient les siennes, l'intérêt et les risques de cette opération qu'il a réalisée en parfaite connaissance de cause;
Considérant qu'il ne peut être utilement allégué comme un investissement majeur, l'installation informatique de la nouvelle concession qui relève des dépenses d'équipement normales;
Que Monsieur Plasset ne pouvait ignorer les standards Mercedes nécessaires à tout concessionnaire;
Qu'en outre, le matériel acquis en 1999 était largement amorti lors de la résiliation du contrat, le 16 septembre 2002, et qu'en toute hypothèse, il faisait partie du fonds de commerce cédé;
Considérant par ailleurs, que la société Fidexpa ne saurait imputer à la société Daimler Chrysler France un comportement fautif résultant de la présence de la société Europe Service en qualité de concessionnaire Unilog sur le territoire d'Aurillac;
Considérant, en effet, que la société Unilog étant préexistante dans ce secteur par rapport à la société Etoile d'Auvergne, sa concurrence potentielle et prévisible ne pouvait être ignorée par Monsieur Plasset qui a pu pleinement en apprécier l'impact avant de décider de s'implanter à Aurillac;
Considérant qu'il n'est nullement établi que la société Europe Service ait disposé des mêmes avantages que la société Etoile d'Auvergne puisqu'il n'est pas contesté qu'elle ne bénéficiait pas de primes de rappel en fin d'année, ni de prime " booster " sur les pièces concurrencées;
Considérant que la société Daimler Chrysler France avait, de plus, demandé début 2001 à la société Europe Service de ne plus vendre de pièces à des clients autres que ceux résultant de leur contrat de concessionnaire Unilog;
Considérant, en outre, que la société Fidexpa n'était pas fondée à revendiquer une modification de l'objectif pièces détachées, à titre personnel, alors que celui-ci avait été calculé sur la base des mêmes règles pour l'ensemble des membres du réseau Mercedes ainsi que l'intimée le lui a indiqué dans un courrier du 7 mai 2001;
Considérant enfin, que contrairement à ses dires, la société Fidexpa a perçu des primes de pièces de rechanges pour les années 2001 et 2002;
Considérant, par ailleurs, que la société CPLP se prévaut encore d'une lettre adressée, le 17 décembre 2001, par la société Daimler Chrysler France rédigée en ces termes:
"À plusieurs reprises, lors de nos entretiens, nous vous avons présenté la stratégie de distribution Daimler Chrysler telle que nous souhaitons la mettre en place dans les prochains mois.
Concernant l'activité Mercedes Benz voitures particulières et véhicules industriels, nous sommes heureux de la poursuite de notre partenariat sur les secteurs de Brive et Aurillac.
Par ailleurs, nous vous précisons que dans le cadre de notre stratégie réseau, nous sommes favorables à ce que vous repreniez, sur vos secteurs, la représentation Chrysler Jeep et que vous vous engagiez réellement dans votre activité relais/ventes et services Smart".
Que suivait l'énoncé des standards à mettre en œuvre pour ces dernières activités;
Considérant que cette correspondance qui fait état de la nouvelle politique commerciale de la société Daimler Chrysler France déjà évoquée et dont il apparaît que la société CPLP était ainsi parfaitement informée, ne saurait être interprétée comme une promesse de la part du concédant de poursuivre leur partenariat sur le long terme alors même qu'elle se situe dans le contexte de la réorganisation globale de son réseau entrepris par l'intimée depuis un an et de l'élaboration du nouveau règlement européen n° 1400-2002 du 31 juillet 2002;
Que ce courrier tend essentiellement à inciter la société CPLP à représenter la marque Chrysler-Jeep mais que celle-ci ne justifie pas y avoir donné suite après avoir spécifié dans une lettre du 7 janvier 2002 que la rentabilité de l'opération lui semblait difficile compte tenu des investissements exigés;
Considérant, de surcroît, qu'il apparaît que simultanément aux résiliations des contrats de concession, le 16 septembre 2002, la société Daimler Chrysler France a proposé aux sociétés CPLP et Etoile d'Auvergne de devenir réparateurs agréés à compter du 1er octobre 2003, ce que celles-ci ont accepté, ces contrats ayant été signés dès le 27 septembre 2002;
Qu'en outre, eu égard au souhait de leur dirigeant de céder les fonds de commerce, la société Daimler Chrysler France a, avec leur accord, missionné, à ses frais, le cabinet Price Waterhouse Coopers, pour en évaluer leurs valeurs et a accepté de présenter à ces sociétés des partenaires susceptibles d'être intéressés par la reprise, tandis qu'un second rapport établi par le cabinet Bird Consulting a été dressé en juillet 2003;
Considérant, de surcroît, que les ventes n'ayant pas encore été réalisées, le 30 septembre 2003, la société Daimler Chrysler France a encore accepté, à leur demande expresse, de poursuivre avec les sociétés CPLP et Fidexpa des relations commerciales après le 1er octobre 2003, ainsi que le confirme son courrier électronique du 7 octobre 2003, en plus des contrats de réparateurs agréés aux fins de leur permettre de poursuivre leurs activités et de céder leurs fonds dans les meilleures conditions possibles;
Considérant ainsi que les relations entre les parties n'ont pas été interrompues jusqu'à la vente des fonds de commerce réalisées les 16 octobre et 2 octobre 2003;
Considérant, dans ces conditions, que les sociétés CPLP et Fidexpa ne sont pas fondées en leurs demandes tendant à voir admettre un prétendu caractère abusif des résiliations qui ont été valablement notifiées par l'intimée.
Sur le prétendu refus d'agrément discriminatoire comme distributeurs à compter du 1er octobre 2003
Considérant qu'il a déjà été constaté que les sociétés CPLP et Etoile d'Auvergne sont demeurées des concessionnaires, puis des distributeurs Mercedes-Benz de tous types de véhicules et des réparateurs agréés jusqu'à la revente de leurs fonds de commerce;
Qu'elles ne sauraient reprocher à la société Daimler Chrysler France une attitude discriminatoire à leur égard dès lors qu'elles avaient souhaité vendre leurs fonds de commerce et y sont parvenues sans que leurs relations commerciales avec la société Daimler Chrysler France n'aient cessé jusqu'à la réalisation de ces transactions;
Que ce moyen qui n'est pas davantage pertinent sera rejeté.
Sur les demandes indemnitaires des sociétés appelantes
Considérant que celles-ci n'ayant pas démontré que la responsabilité de la société Daimler Chrysler France soit engagée, en la cause, toutes leurs prétentions en dommages et intérêts seront rejetées.
Sur la demande reconventionnelle de la société Daimler Chrysler France
Considérant qu'il ressort de tous les documents opérants produits à cet égard par l'intimée ainsi que de ses explications circonstanciées, qu'elle est en droit d'obtenir la somme réclamée de 114 011,50 euro au titre du prix de quatre véhicules qu'à la suite d'une méprise elle a recrédité sous forme d'avoirs à la société CPLP qui l'avait déjà perçue de son cessionnaire.
Sur la demande en paiement de la société Fidexpa
Considérant que cette demande qui découle de la cessation des relations contractuelles entre les parties et constitue donc la conséquence et le complément au sens de l'article 566 du nouveau Code de procédure civile de celles formées en première instance, s'avère recevable;
Considérant toutefois que la société Fidexpa ne démontre pas que la société Daimler Chrysler France serait redevable d'un solde à son égard de 13 417,15 euro eu égard au rejet des débats des documents communiqués sur ce point;
Considérant, en revanche, que la demande concernant le prix d'un système de navigation "Comand" de 3 100 euro HT dont le client a refusé le montage sur son véhicule en raison d'un retard de livraison, apparaît justifiée contre restitution de ce matériel à la société Daimler Chrysler France.
Sur les prétentions accessoires
Considérant que l'équité commande d'accorder une indemnité de 9 000 euro en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à la société intimée;
Que les sociétés CPLP et Fidexpa qui succombent en leur appel et supporteront les dépens, ne sont pas fondées en leur demande au même titre.
Par ces motifs, Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort ; Rejette des débats les pièces n° 112 et 113 produites par les appelantes en application des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile, Déboute la SAS Daimler Chrysler France du surplus de son incident, Déclare nulle la disposition du jugement déféré ayant admis la licéité des résiliations des contrats de concession en date du 16 septembre 2002, sur le fondement de l'article 458 du nouveau Code de procédure civile pour violation de l'article 455 du même Code, Et statuant à nouveau de ce chef conformément à l'article 562 du nouveau Code de procédure civile, Déclare licites ces résiliations, Confirme la décision entreprise en ses autres dispositions hormis celle relative au rejet de la demande reconventionnelle de la SAS Daimler Chrysler France, Statuant encore à nouveau sur ce point, Condamne la SA Centre poids lourds du Périgord -CPLP- à verser à la SAS Daimler Chrysler France la somme de 114 011,50 euro, Y ajoutant, Déclare recevable la demande en paiement de la SA Fidexpa, Condamne la SAS Daimler Chrysler France à lui régler la somme de 3 100 euro HT contre restitution de l'équipement de navigation "Comand", La déboute du surplus de sa prétention de ce chef, Condamne la SA Centre poids lourds du Périgord -CPLP- et la SA Fidexpa in solidum à verser à la SAS Daimler Chrysler France une indemnité de 9 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette leur demande au même titre, Les Condamne sous la même solidarité aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP Debray-Chemin, avoués, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.