CCE, 13 septembre 2007, n° 2007-831
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Toyota
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
(1) La présente décision, adoptée en application de l'article 9, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (1), est adressée à Toyota Motor Europe NV/SA (ci-après dénommée "Toyota") et porte sur la fourniture d'informations techniques nécessaires à la réparation des véhicules de marques Toyota (2).
(2) Ces informations techniques comprennent des données, des processus et des instructions qui sont nécessaires pour contrôler, réparer et remplacer des pièces défectueuses/cassées/usées de véhicules automobiles ou pour remédier aux défaillances des systèmes de ces véhicules. Elles relèvent de sept grandes catégories:
- paramètres fondamentaux (documentation de toutes les valeurs de référence et des points de réglage des valeurs mesurables concernant le véhicule, telles que les réglages de couples, les écartements de garniture et les pressions hydrauliques et pneumatiques),
- diagrammes et descriptions concernant les divers stades des opérations de réparation et d'entretien (manuels d'entretien, documents techniques tels que plans de travail, descriptions des outils utilisés pour effectuer une réparation donnée et diagrammes tels que les schémas électriques ou hydrauliques),
- tests et diagnostics (notamment codes d'erreur/de diagnostic de pannes, logiciels et autres informations nécessaires pour diagnostiquer les défectuosités sur les véhicules) - ces informations sont souvent, mais pas toujours, contenues dans des outils électroniques spécialisés,
- codes, logiciels et autres informations nécessaires pour reprogrammer, remettre à zéro ou réinitialiser les unités de contrôle électronique ("UCE") embarquées sur un véhicule. Cette catégorie est liée à la précédente, les mêmes outils électroniques étant souvent utilisés pour diagnostiquer les défectuosités, et ensuite pour effectuer les adaptations nécessaires par l'intermédiaire des UCE pour régler les problèmes constatés,
- informations relatives aux pièces détachées, notamment les catalogues de pièces détachées contenant codes et descriptions, et méthodes d'identification des véhicules (c'est-à-dire les données concernant un véhicule spécifique qui permettent à un réparateur de connaître les codes individuels des pièces installées au moment de l'assemblage du véhicule et d'identifier les codes correspondants des pièces détachées d'origine compatibles pour ce véhicule spécifique),
- informations particulières (avis de rappel et notifications des défectuosités fréquentes),
- matériel de formation.
(3) En décembre 2006, la Commission a ouvert la procédure et a fait part à Toyota de son avis préliminaire selon lequel les accords conclus par la société avec ses partenaires chargés du service après-vente soulevaient des doutes quant à leur compatibilité avec l'article 81, paragraphe 1, du traité CE.
(4) D'après l'évaluation préliminaire de la Commission, Toyota semblait ne pas avoir donné accès à certaines catégories d'informations techniques ayant trait à la réparation des véhicules, bien après l'expiration de la période transitoire prévue par le règlement (CE) n° 1400-2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile (3). De plus, au moment où la Commission a ouvert son enquête, Toyota n'avait toujours pas mis en place de système efficace permettant aux réparateurs indépendants d'avoir accès aux informations techniques nécessaires à leurs travaux de réparation sans les obliger à en acheter davantage. Bien que Toyota ait amélioré l'accessibilité de ses informations techniques au cours de l'enquête de la Commission, notamment en mettant davantage d'informations techniques à disposition sur son site internet intitulé TechDoc ("le site IT") et en étendant la gamme de modèles inclus dans ce site, les informations mises à la disposition des réparateurs indépendants semblaient encore incomplètes.
(5) Il est ressorti de l'évaluation préliminaire que les marchés en cause affectés en l'espèce étaient le marché de la fourniture de services de réparation et d'entretien pour les voitures particulières et le marché de la fourniture d'informations techniques aux réparateurs. Les réseaux agréés Toyota détenaient des parts de marché très élevées sur le premier de ces marchés, tandis que, sur le second, Toyota était le seul fournisseur en mesure de communiquer toutes les informations techniques nécessaires à la réparation de ses véhicules.
(6) Pour résumer, les accords en matière de services et de distribution de pièces détachées de Toyota obligent les membres de ses réseaux agréés à effectuer une gamme complète de services de réparation propres à la marque et à faire office de grossistes en pièces détachées. La Commission craint que les effets préjudiciables potentiellement produits par ce type d'accords puissent être renforcés par le fait que Toyota ne donne pas aux réparateurs indépendants un accès approprié à ses informations techniques, excluant ainsi les entreprises désireuses et à même de proposer des services de réparation selon un modèle commercial différent.
(7) La conclusion préliminaire de la Commission était que les modalités selon lesquelles Toyota diffusait ses informations techniques aux réparateurs indépendants ne répondaient pas à leurs besoins tant en ce qui concernait le champ des informations disponibles que leur accessibilité. Ces pratiques, conjuguées à des pratiques analogues imputables à d'autres constructeurs automobiles, pourraient avoir contribué au déclin de la position des réparateurs indépendants sur le marché et causé, de ce fait, un préjudice considérable aux consommateurs en réduisant nettement le choix de pièces détachées, en augmentant le prix des réparations, en réduisant le choix d'ateliers de réparation, en présentant des risques pour la sécurité et en entravant l'accès à des ateliers de réparation innovateurs.
(8) En outre, le refus apparent de Toyota de fournir aux réparateurs indépendants un accès approprié aux informations techniques pourrait priver les accords conclus avec ses partenaires chargés du service après-vente du bénéfice de l'exemption prévue par le règlement (CE) n° 1400-2002, puisqu'aux termes de son article 4, paragraphe 2, l'exemption ne s'applique pas lorsque le fournisseur de véhicules automobiles refuse aux opérateurs indépendants l'accès aux informations techniques, aux équipements de diagnostic et autres, aux outils, y compris les logiciels appropriés, ou à la formation nécessaires pour la réparation et l'entretien de ces véhicules automobiles. Comme le précise le considérant 26 du règlement, les conditions d'accès ne doivent pas faire de discrimination entre les opérateurs agréés et les opérateurs indépendants.
(9) Enfin, la Commission a conclu, à titre préliminaire, que, vu l'absence d'accès aux informations techniques nécessaires pour procéder aux réparations, les accords conclus entre Toyota et ses réparateurs agréés avaient peu de chances de bénéficier de l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité.
(10) Le 22 janvier 2007, Toyota a offert des engagements à la Commission afin de répondre aux préoccupations en matière de concurrence formulées dans l'appréciation préliminaire.
(11) Selon ces engagements, le principe qui détermine le champ des informations à fournir est celui de la non-discrimination entre réparateurs indépendants et agréés. Suivant ce principe, Toyota permettra aux réparateurs indépendants d'avoir accès à toutes les informations techniques, aux outils, aux équipements, aux logiciels et à la formation nécessaires pour la réparation et l'entretien de ses véhicules qui sont fournis par elle-même ou en son nom aux réparateurs agréés et/ou aux importateurs indépendants dans tout État membre de l'Union européenne.
(12) Les engagements précisent que les "informations techniques " au sens de l'article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1400-2002 comprennent toutes les informations fournies aux réparateurs agréés pour la réparation et l'entretien des véhicules automobiles Toyota. On peut citer, à titre d'exemple, les logiciels, les codes d'erreur et autres paramètres, ainsi que les mises à jour, qui sont nécessaires pour travailler sur les unités de contrôle électroniques (UCE) afin d'installer ou de rétablir les réglages recommandés par Toyota, les méthodes d'identification des véhicules, les catalogues de pièces détachées, les solutions pratiques résultant de l'expérience concrète et répondant à des problèmes qui affectent généralement un modèle ou une série en particulier, et les campagnes de rappel et autres avis signalant les réparations qui peuvent être effectuées gratuitement au sein du réseau de réparateurs agréés.
(13) L'accès aux outils comprend l'accès aux équipements de diagnostic et autres outils de réparation électroniques, y compris les logiciels associés et leurs mises à jour périodiques, ainsi que le service après-vente de ces outils.
(14) Les engagements lieront Toyota et ses entreprises associées, mais ne lieront pas directement les importateurs indépendants des marques de véhicules Toyota, appelés "entreprises nationales de commercialisation et de vente non affiliées" ("ENCV non affiliées"). Dans les États membres dans lesquels Toyota distribue ses véhicules par l'intermédiaire d'ENCV non-affiliées, elle a donc accepté de tout mettre en œuvre pour obliger contractuellement ces entreprises à lui communiquer toutes les informations techniques ou versions linguistiques de ces informations qu'elles ont fournies à des réparateurs agréés dans l'État membre considéré. Toyota s'engage à mettre sans délai ces informations techniques ou versions linguistiques sur son site internet IT
(15) En vertu du considérant 26 du règlement (CE) n° 1400-2002, Toyota n'est pas tenue de fournir aux réparateurs indépendants les informations techniques qui permettraient à un tiers de déjouer ou de neutraliser les dispositifs antivol installés à bord et/ou de recalibrer (4) les dispositifs électroniques ou de manipuler les dispositifs qui limitent la performance des véhicules. Comme toute exception prévue par le droit communautaire, le considérant 26 doit être interprété de manière restrictive. Les engagements précisent que, si Toyota devait invoquer cette exception pour ne pas communiquer certaines informations techniques à des réparateurs indépendants, elle s'est engagée à faire en sorte que les restrictions soient limitées à ce qui est nécessaire pour apporter la protection décrite au considérant 26 et que l'absence des informations en question n'empêche pas les réparateurs indépendants d'effectuer les opérations autres que celles qui sont énumérées dans ce considérant, et notamment les travaux sur des dispositifs tels que les UCE pour la gestion moteur, les coussins gonflables, les prétensionneurs de ceintures de sécurité ou les éléments de verrouillage centralisé.
(16) L'article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1400-2002 dispose que les informations techniques doivent être rendues accessibles de façon proportionnée aux besoins des réparateurs indépendants, ce qui suppose à la fois une dissociation des informations et un prix tenant compte de l'usage qu'en font ces réparateurs.
(17) En vertu de ce principe, les engagements précisent que Toyota fera figurer sur le site IT toutes les informations techniques relatives aux modèles lancés à partir du 1er janvier 1997 et veillera à ce que toutes les informations techniques actualisées figurent à tout moment sur ce site IT ou son successeur. De plus, Toyota veillera en permanence à ce que le site IT puisse être facilement localisé et soit aussi efficace que les méthodes utilisées pour fournir les informations techniques aux membres de ses réseaux agréés. Lorsque Toyota ou une autre entreprise agissant en son nom mettra un élément d'information technique à la disposition des réparateurs agréés dans une langue donnée de l'UE, Toyota veillera à faire figurer sans délai cette version linguistique de l'information sur le site IT.
(18) En ce qui concerne les informations techniques se rapportant à des modèles lancés par Toyota entre le 1er janvier 1997 et 1er janvier 2000, Toyota s'est engagée à les faire figurer sur le site pour le 31 décembre 2007.
(19) Les engagements précisent que les frais d'accès au site de Toyota seront basés sur le prix payé par les réparateurs agréés pour un abonnement annuel à l'intranet de Toyota, soit 2 400 EUR. Toutefois, afin de respecter la condition de proportionnalité établie dans le règlement, Toyota accepte de prévoir une décomposition proportionnelle en accès mensuel, hebdomadaire, quotidien, de quatre heures, de trois heures, de deux heures et d'une heure au prix de 3 EUR pour une heure, de 6 EUR pour deux heures, de 9 EUR pour 3 heures, de 12 EUR pour quatre heures, de 16 EUR par jour, de 72 EUR par semaine et de 240 EUR par mois. Toyota accepte de maintenir cette structure de frais d'accès et de ne pas l'augmenter au-delà de l'inflation moyenne de l'UE pendant toute la durée de validité des engagements.
(20) Les engagements de Toyota sont sans préjudice de toute disposition actuelle ou future du droit communautaire ou national qui étendrait le champ des informations techniques que Toyota doit fournir aux opérateurs indépendants et/ou établirait des modalités plus favorables pour la fourniture de ces informations.
(21) Toyota s'est engagée à mettre en œuvre une procédure de traitement des plaintes précisée ci-dessous, qui peut être appliquée à toute plainte émanant d'un réparateur indépendant ou d'une association de réparateurs indépendants établis dans l'Union européenne et portant sur l'accès aux informations techniques.
(22) Selon cette procédure, à la suite de la notification initiale, la société nationale de commercialisation et de vente ("ENCV") traitera d'abord la plainte à son niveau en désignant un gestionnaire du dossier. Ce dernier examinera la plainte, fournira des renseignements ou explications complémentaires et/ou proposera une solution au plaignant. Si le gestionnaire du dossier et le plaignant ne parviennent pas à un accord ou à un règlement, le gestionnaire renvoie rapidement le dossier au service d'assistance mis en place par Toyota, sauf si le défaut d'accord ou de règlement résulte d'une absence de réaction du réparateur indépendant ou de l'association de réparateurs indépendants. Toyota examinera alors l'affaire et, soit confirmera l'avis du gestionnaire du dossier, soit proposera une autre solution. Si Toyota et le plaignant ne parviennent pas à un accord ou à un règlement, Toyota s'engage à accepter un arbitrage. En tout état de cause, le plaignant peut requérir cet arbitrage dans un délai de 20 jours ouvrables suivant la notification initiale de sa plainte à une ENCV.
(23) Cet arbitrage sera régi par la législation nationale en la matière et l'instance d'arbitrage se composera de trois arbitres désignés conformément à ces dispositions. L'arbitrage aura lieu dans l'État membre où le siège social du plaignant est établi. La langue de la procédure d'arbitrage sera la langue officielle du lieu de l'arbitrage. L'arbitrage est sans préjudice du droit de saisir la juridiction nationale compétente.
(24) La décision constate que, compte tenu des engagements, la Commission n'a plus lieu d'agir. Les engagements sont obligatoires jusqu'au 31 mai 2010.
(25) Le Comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes a émis un avis favorable le 9 juillet 2007.
Notes
(1) JO L 1 du 4.1.2003, p. 1. Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 411-2004 (JO L 68 du 6.3.2004, p. 1).
(2) Dans la suite du document, le terme "Toyota" désigne "Toyota Motor Europe NV/SA" tandis que l'expression "marque Toyota" ou "véhicule/ voiture de marque Toyota" caractérise les véhicules automobiles commercialisés par Toyota sous sa marque.
(3) JO L 203 du 1.8.2002 p. 30.
(4) C'est-à-dire de modifier les réglages originaux d'une UCE d'une manière non recommandée par Toyota.