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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 24 juillet 2007, n° 05-04003

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Yachir

Défendeur :

Banque Fédérale Mutualiste

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Larque

Conseillers :

Mme Tibot Laspière, M. de Sequeira

Avoués :

SCP de Ginestet-Duale-Ligney, SCP Piault-Lacrampe-Carraze

Avocat :

Me Gaftarnik

TI Mont-de-Marsan, du 8 nov. 2005

8 novembre 2005

Par acte sous-seing privé en date du 18 décembre 1999, la Banque Fédérale Mutualiste a consenti à M. Jérémy Yachir un prêt de 45 000 F, et par acte sous seing privé en date du 8 avril 2000, elle lui a consenti un prêt de 30 000 F.

Au mois de novembre 2001, la Commission de surendettement des particuliers des Landes a adopté au profit de M. Jérémy Yachir un plan de réaménagement de ses dettes, prévoyant un rééchelonnement des créances de la Banque Fédérale Mutualiste au titre des deux crédits susvisés, et une réduction des taux d'intérêts à 4,26 %.

Par acte d'huissier de justice en date du 29 novembre 2004, la Banque Fédérale Mutualiste a fait assigner M. Jérémy Yachir devant le Tribunal d'instance de Bordeaux, pour obtenir paiement avec exécution provisoire des sommes suivantes :

- Au titre du prêt de 45 000 F, la somme de 7 371,60 euro, outre les intérêts au taux contractuel de 4,26 % sur la somme de 6 842,37 euro, à compter du 5 février 2004 et les intérêts au taux légal sur l'indemnité d'exigibilité anticipée, à compter de la déchéance du terme ;

- Au titre du prêt de 30 000 F, la somme de 4 906,39 euro, outre les intérêts au taux contractuel de 4,26 % sur la somme de 4 553,42 euro, à compter du 25 janvier 2004, et les intérêts au taux légal sur l'indemnité d'exigibilité anticipée, à compter de la déchéance du terme ;

- 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement prononcé le 1er juillet 2005, le Tribunal d'instance de Bordeaux s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal d'instance de Mont-de-Marsan.

Par jugement réputé contradictoire prononcé le 8 novembre 2005, le Tribunal d'instance de Mont-de-Marsan a condamné avec exécution provisoire M. Jérémy Yachir à payer les sommes suivantes :

- 6 842,37 euro, avec intérêts au taux de 4,26 % à compter du 5 février 2004 ;

- 4 553,42 euro, avec intérêts au taux de 4,26 % à compter du 25 janvier 2004.

Par déclaration en date du 16 novembre 2005, M. Jérémy Yachir a interjeté appel de ce jugement.

M. Jérémy Yachir a déposé des conclusions les 16 mars et 14 novembre 2006.

La Banque Fédérale Mutualiste a déposé des conclusions les 23 mai 2006 et 10 janvier 2007.

Par ordonnance du 20 mars 2007, le Magistrat de la mise en état a constaté que la procédure était en état et l'affaire susceptible d'être jugée au fond, déclaré l'instruction close, et fixé la date des plaidoiries au 30 avril 2007.

Aux termes de ses dernières conclusions, M. Jérémie Yachir demande à la cour de :

- Déclarer la Banque Fédérale Mutualiste irrecevable à agir, comme forclose, par application de l'article L. 311-37 du Code de la consommation ;

- La débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- A titre infiniment subsidiaire, constater l'accord intervenu entre les parties, et dire et juger que M. Jérémy Yachir pourra se libérer de sa dette par versements mensuels de 100 euro, jusqu'à extinction de celle-ci ;

- Débouter la Banque Fédérale Mutualiste de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;

- La condamner à lui payer 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outre les dépens, dont distraction au profit de la SCP Ginest-Duale-Ligney.

Aux termes de ses dernières conclusions, la Banque Fédérale Mutualiste demande à la cour :

- Confirmer en tous points le jugement prononcé par le Tribunal d'instance de Mont-de-Marsan ;

- Débouter M. Jérémy Yachir de l'ensemble de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

- condamner en deniers ou quittances M. Jérémy Yachir à lui payer :

* la somme de 7 371,60 euro, outre les intérêts au taux contractuel de 8,50 % sur la somme de 6 842,37 euro, à compter du 5 février 2004 et les intérêts au taux légal sur l'indemnité d'exigibilité anticipée, à compter de la déchéance du terme ;

* la somme de 4 906,39 euro, outre les intérêts au taux contractuel de 6,70 % sur la somme de 4 553,42 euro, à compter du 25 janvier 2004, et les intérêts au taux légal sur l'indemnité d'exigibilité anticipée, à compter de la déchéance du terme ;

* la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

* les dépens, dont distraction au profit de la SCP Piault-Lacrampe-Carraze.

Motifs

Vu les conclusions déposées le 14 novembre 2006 par M. Jérémy Yachir et celles déposées le 10 janvier 2007 par la Banque Fédérale Mutualiste, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, en application des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile,

Attendu qu'aux termes de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 11 décembre 2001, "toute action relative au crédit à la consommation doit être engagée dans les deux ans de l'événement qui lui a donné naissance à peine de forclusion" ; Qu'il est de principe que cet événement est le premier impayé non régularisé ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites que la date du premier impayé non régularisé du prêt du 18 décembre 1999 est le 5 juillet 2003 et que celle du prêt du 8 avril 2000 est le 5 avril 2003 ;

Attendu que le Tribunal d'instance de Bordeaux s'est déclaré incompétent par jugement prononcé le 1er juillet 2005, et qu'il a renvoyé l'affaire devant le Tribunal d'instance de Mont-de-Marsan, territorialement compétent ;

Et attendu que lorsque le créancier a initialement porté son action devant une juridiction incompétente, la forclusion édictée par l'article L. 311-37 du Code de la consommation n'est pas acquise si la juridiction compétente est saisie avant l'expiration du délai de deux ans par la décision du tribunal incompétent lui renvoyant la connaissance de l'affaire ;

Qu'il suit que la forclusion n'est pas acquise en ce qui concerne le premier prêt, d'un montant de 45 000 F, et que la demande de la Banque Fédérale Mutualiste en paiement des sommes dues de ce chef est recevable ;

Et attendu qu'en ce qui concerne le second prêt, la Banque Fédérale Mutualiste soutient que le délai de forclusion n'est pas acquis, dès-lors que le débiteur ayant librement accepté de payer les intérêts dus au titre du solde des deux prêts, il s'est reconnu débiteur, ce qui a eu pour effet d'interrompre la prescription par application de l'article 2248 du Code civil ;

Mais attendu que ce texte n'est pas applicable au délai de forclusion édicté par l'article L. 311-37 du Code de la consommation, qui est un délai préfixé et ne peut être interrompu par la reconnaissance de sa dette par le débiteur ;

Et attendu que la Banque Fédérale Mutualiste n'est pas plus fondée à prétendre que du fait de l'imputation des règlements effectués postérieurement par M. Yachir, on pourrait considérer que le premier incident non régularisé serait intervenu le 5 août 2003, de sorte que l'action ne serait pas forclose, alors qu'il résulte des décomptes qu'elle produit et de la mise en demeure adressée par elle au débiteur le 18 décembre 2003, que les parties ont affecté les règlements intervenus aux échéances de mai et juin 2003, celle du mois d'avril demeurant impayée ;

Attendu qu'il convient donc de constater que l'action au titre du prêt du 8 avril 2000 est forclose, et de la déclarer par voie de conséquence irrecevable ;

Et attendu que la créance de la Banque Fédérale Mutualiste au titre du crédit n° 4283470 du 18 décembre 1999 est établie par les pièces produites, à savoir l'offre de prêt acceptée, le tableau d'amortissement, le plan de réaménagement établi par la Commission de surendettement, le décompte de la créance et la mise en demeure adressée au débiteur ;

Que celui-ci ne justifiant pas de sa libération, pas plus qu'il ne justifie d'une renonciation de la banque à réclamer paiement de l'intégralité de la créance, il doit être condamné au paiement de la somme de 7 371,60 euro qu'il reste devoir selon le décompte régulièrement produit par la banque, et ce avec les intérêts au taux contractuel de 8,50 % l'an, à compter de la mise en demeure de payer en date du 5 février 2004, sur la somme de 6 842,37 euro, représentant le capital restant dû majoré des échéances impayées ;

Attendu que la condamnation sera prononcée en deniers ou quittances, pour que soient pris en compte les règlements effectués par le débiteur en cours de procédure ;

Attendu que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que l'intimé paiera les dépens, avec distraction de droit au profit de la SCP Piault Lacrampe-Carraze ;

Par ces motifs, LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Infirme le jugement dont appel ; - Constate la forclusion de l'action de la Banque Fédérale Mutualiste au titre du prêt n° 4283015 en date du 8 avril 2000 ; - Déclare l'action de la Banque Fédérale Mutualiste irrecevable en ce qui concerne les sommes réclamées au titre de ce prêt ; - Déclare l'action de la Banque Fédérale Mutualiste recevable en ce qui concerne le prêt 4283470 en date du 18 décembre 1999 ; - Condamne en deniers ou quittances M. Jérémy Yachir à payer à la Banque Fédérale Mutualiste la somme de 7 371,60 euro (sept mille trois cent soixante et onze euro soixante centimes), avec intérêts au taux contractuel de 8,50 % l'an, à compter du 5 février 2004, sur la somme de 6 842,37 euro (six mille huit cent quarante-deux euro trente sept centimes) ; - Condamne M. Yachir aux dépens, avec, au profit de la SCP Piault Lacrampe-Carraze, société d'avoués, le droit de recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance, sans avoir reçu de provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.