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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 16 novembre 2007, n° 06-13276

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

UFC Que Choisir

Défendeur :

Maaf Assurances (Sté), Unilever France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Giroud

Conseillers :

Mme Blum, Guilguet-Pauthe

Avoués :

Me Bodin-Casalis, SCP Roblin-Chaix de Lavarene, SCP Arnzudy-Baechlin

Avocats :

Mes Franck, Delrue, Lalance

CA Paris n° 06-13276

16 novembre 2007

Vu le jugement rendu le 13 juin 2006 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :

- déclaré l'Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir (UFC Que Choisir) mal fondée en l'ensemble de ses demandes dirigées contre les sociétés Unilever France et Maaf Assurances et l'en a déboutée;

- déclaré recevables et fondées les demandes reconventionnelles des sociétés Unilever France et Maaf Assurances;

- ordonné sous un délai d'un mois à compter de la signification du jugement la publication par extraits de la décision aux frais d'UFC Que Choisir dans la revue Que Choisir et sur le site internet de l'UFC, et dans les journaux Le Monde, Le Figaro, Le Parisien, Le Quotidien du Médecin et Panorama du Médecin, sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de 2 000 euro;

- condamné UFC Que Choisir à payer au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à la société Unilever France la somme de 5 000 euro et à la société Maaf Assurances celle de 3 000 euro;

- rejeté toute autre demande;

- condamné UFC Que Choisir aux dépens.

Vu l'appel relevé par UFC Que Choisir et ses dernières conclusions signifiées le 8 juin 2007 par lesquelles elle demande à la cour, vu les articles L. 421-1, L. 421-2, L. 121-1 et suivants du Code de la consommation, 1382 du Code civil, vu le règlement CE n° 608-2004 du 31 mars 2004, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau de :

- constater que la publicité portant sur l'offre de réduction des cotisations 2007 au titre de l'assurance complémentaire santé Maaf, sur justification de l'achat de produits de la gamme Fruit d'Or Pro-Activ, commercialisés par la société Unilever France, constitue une publicité trompeuse et de nature à induire en erreur les consommateurs;

- en conséquence, faire interdiction aux sociétés Maaf Assurances et Unilever France de diffuser cette publicité sur tous supports dans un délai de 24 heures à compter de la signification à intervenir et ce, à peine d'astreinte de 10 000 euro par jour de retard une fois expiré ce délai;

- constater que la diffusion de cette publicité trompeuse engage la responsabilité civile des sociétés Maaf Assurances et Unilever France en leurs qualité d'annonceurs;

Vu l'article L. 421-9 du Code de la consommation,

- ordonner, aux frais des sociétés Unilever France et Maaf assurances, la publication d'un communiqué judiciaire à la même place, dans les mêmes conditions, et sur les mêmes supports sous astreinte de 2 000 euro par jour de retard ou de manquement constaté, une fois expiré un délai de 72 heures à compter de la signification de la décision à intervenir;

- condamner les sociétés Unilever France et Maaf Assurances lui payer la somme de 30 000 euro en réparation du préjudice causé à la collectivité des consommateurs, vu les dispositions de la loi du 29 juillet 1881,

- déclarer irrecevables les demandes reconventionnelles des sociétés Unilever France et Maaf Assurances,

- en tout état de cause, les débouter de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner solidairement les sociétés Unilever France et Maaf Assurance à lui payer la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- les condamner aux dépens;

Vu les dernières conclusions signifiées le 29 mai 2007 par la société Unilever France qui demande à la cour, vu la décision de la Commission européenne du 24 juillet 2000, vu la décision de la Commission européenne du 31 mars 2004, vu le règlement CE 608-2004 du 31 mars 2004 de :

- dire et juger UFC Que Choisir mal fondée en toutes ses demandes fondées sur les dispositions des articles L. 121-1 du Code de la consommation et 1382 du Code civil et de l'en débouter;

- confirmer le jugement et, y ajoutant,

- dire que les publications ordonnées par les premiers juges feront mention de l'arrêt à intervenir;

- condamner UFC Que Choisir à lui payer une somme complémentaire de 10 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens;

Vu les dernières conclusions signifiées le 30 mars 2007 par la société Maaf Assurances qui demande à la cour, vu la décision de la Commission européenne du 24 juillet 2000, vu le règlement CE du 31 mars 2004, vu l'article L. 121-1 du Code de la consommation de :

- constater que les nombreuses actions entreprises par elle en termes d'information, de prévention, tant dans le domaine de la sécurité des personnes que dans le domaine de la santé, et ce, depuis plus de dix ans;

- constater que l'intégralité des mentions précisées dans le cadre de l'autorisation de mise sur le marché du 24 juillet 2000 ainsi que dans le règlement de la Commission européenne du 31 mars 2004 sont présentes dans la campagne de communication de Maaf et Unilever;

- constater au surplus qu'il résulte de nombreuses publications intervenues dans le domaine médical, que les qualités substantielles des produits de la gamme Pro-Activ sont incontestables, notamment en ce qu'elles permettent une baisse significative du cholestérol dans le cadre d'un régime adapté;

- que dès lors le grief selon lequel il devrait être mentionné que la seule consommation de produits de la gamme Fruit d'Or Pro-Activ ne permettrait pas d'agir sur le cholestérol sanguin, est infondé;

Dès lors, à titre principal :

- débouter UFC Que Choisir de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire qu'il ne saurait être considéré que la campagne de publicité serait susceptible d'induire en erreur sur le résultat ou sur les qualités substantielles des produits de la gamme Pro-Activ;

- dire qu'il ne saurait être considéré que l'absence des mentions particulièrement générales suggérées par UFC Que Choisir, sur la base de recommandations nouvelles et dénuées de toute portée juridique, aurait pour conséquence d'induire le consommateur en erreur,

- ordonner la publication judiciaire de l'arrêt à intervenir déboutant UFC Que Choisir de l'intégralité de ses demandes, aux frais de la demanderesse, dans la revue Que Choisir, sur son site internet ainsi que dans La Nouvelle République, Le Courrier de l'Ouest, Les Echos, Le Monde, Le Figaro, Le Parisien et le Quotidien du Médecin;

- condamner UFC Que Choisir à lui verser la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la condamner aux dépens.

Sur ce, LA COUR :

Considérant que les sociétés Unilever France et Maaf Assurances ont fait publier dans la presse écrite un message publicitaire dont les termes sont reproduits dans le jugement frappé d'appel et auxquels la cour renvoie ; qu'elles ont en outre fait diffuser à la télévision et sur Internet un film publicitaire mettant en scène deux acteurs, l'un jouant le rôle du client, l'autre celui du directeur d'agence, dont la retranscription du dialogue est faite dans le jugement et à laquelle la cour renvoie également;

Considérant que UFC Que Choisir reprend devant la cour ses prétentions et moyens de première instance; qu'elle fait ainsi valoir que certains annonceurs diffusent des messages publicitaires comportant des "allégations santé" et plus généralement, des indications ou présentations dont le contenu est sujet à critique dès lors qu'il fait croire que le produit permet seul d'obtenir un résultat, alors que ce résultat est le produit d'une pluralité de facteurs et que tel est le cas de la campagne publicitaire menée par les société Unilever France et Maaf Assurances ; qu'elle soutient donc que les messages publicitaires diffusés par les sociétés Maaf assurances et Unilever ont un caractère trompeur en raison des omissions qu'ils comportent et que les indications et présentations contenues dans les messages publicitaires font penser au consommateur moyen que la consommation des produits de la société Unilever Fruit d'Or Pro-Activ, entraîne, à elle seule et de manière suffisante, une réduction significative du taux de cholestérol, cette croyance étant renforcée par l'engagement de la société Maaf, assureur, qui promet au consommateur de ces produits une réduction de la prime d'assurance couvrant les risques santé; qu'elle précise, s'agissant de la publicité parue dans la presse qu'un message publicitaire loyal nécessitait de signaler également à l'attention du consommateur l'activité physique régulière, la prise en charge de facteurs de risques associés, l'exclusion de facteurs de dyslipidémie secondaire par le biais d'une consultation médicale préalable; qu'elle précise encore, s'agissant de la publicité diffusée sur le support télévisé et sur Internet qu'il n'est pas explicitement indiqué que le produit doit être consommé sous contrôle médical, qu'il n'est pas signalé de façon visible et lisible que le produit peut ne pas convenir aux femmes enceintes et allaitant ainsi qu'aux enfants âgés de moins de cinq ans, que l'utilisation du produit dans le cadre d'un régime alimentaire comprenant une consommation régulière de fruits et légumes n'est pas expressément recommandée, qu'il n'est pas indiqué qu'une consommation supérieure à 3 g de stérols végétaux doit être évitée, qu'il n'est pas non plus indiqué qu'une utilisation prolongée des produits nécessite un avis médical;

Considérant que UFC Que Choisir verse aux débats devant la cour les pièces déjà produites en première instance ainsi que les résultats d'une "étude menée sur la perception de la campagne publicitaire MAAF-Unilever", réalisée par la société Téléperformance et une attestation établie le 1er juin 2007 par Mme Courrègelongue, salariée de cette société, précisant les conditions de réalisation de l'étude;

Considérant toutefois que cette étude, effectuée après le prononcé du jugement, pour les besoins de la procédure d'appel, à la demande de UFC Que Choisir, plusieurs mois après la fin de la campagne publicitaire faisant l'objet du présent litige et dans des conditions critiquées par les intimées, ne saurait être prise en compte;

Considérant qu'en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause;

Considérant qu'il suffit d'ajouter, s'agissant de la publicité réalisée par voie de presse, que le message, axé sur le traitement diététique - étant relevé qu'il n'est pas contesté que la prise en charge de la réduction du taux de cholestérol s'appuie notamment sur un régime alimentaire adapté, ne pouvait laisser penser au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé que la seule consommation de produits Fruit d'Or Pro-Activ était de nature à faire baisser son taux de cholestérol; que par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les produits concernés, qui certes relèvent d'une autorisation particulière pour être mis sur le marché et pour lesquels un étiquetage spécifique est requis, sont des produits alimentaires vendus en grandes surfaces et qu'il n'est pas établi que la réglementation impose l'obligation d'indiquer la nécessité, de façon générale, de consulter préalablement un médecin étant remarqué que les patients sous hypocholestérolémiants sont clairement invités à consulter leur médecin;

Considérant que s'agissant de la publicité diffusée à la télévision et sur Internet, il y a lieu de relever, comme le tribunal, que le film publicitaire s'inscrivait dans un cadre volontairement humoristique ; que compte tenu des contraintes d'espace et de temps imposées par le moyen de communication utilisé, les informations ne pouvaient être données de la même façon que celles fournies par le biais d'un autre support mais n'étaient pas pour autant de nature à induire en erreur le consommateur sur les propriétés des produits concernés ; que les allégations de l'appelante selon lesquelles diverses informations ont volontairement été passées sous silence ne peuvent être retenues étant d'ailleurs remarqué que l'obligation de donner certaines informations, telle celle relative à la nécessité d'un suivi médical en cas d'utilisation prolongée, ne résultent pas de la réglementation en vigueur;

Considérant que compte tenu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré UFC Que Choisir mal fondée en l'ensemble de ses demandes dirigées contre les sociétés Unilever France et Maaf Assurances;

Considérant sur les demandes reconventionnelles des sociétés Maaf assurances et Unilever France tendant à ce que la publication de la décision soit ordonnée, qu'il ressort des pièces versées aux débats que UFC Que Choisir a fait diffuser, le 24 mars 2006, un communiqué indiquant qu'elle venait d'assigner la Maaf en justice pour ses publicités mettant en avant son partenariat avec Unilever sur les produits "Pro-Activ" et dénonçant "cette publicité simpliste et dangereuse risquant d'encourager une consommation non contrôlée de ces produits en l'absence de tout suivi médical et nutritionnel "; que la Maaf Assurances indique que ce communiqué est de nature à discréditer l'action entreprise par la compagnie d'assurance mutualiste depuis 1997 ; que la société Unilever France indique pour sa part qu'il est de nature à jeter le discrédit sur des produits dont la qualité et les propriétés ont été agréées par les plus hautes instances européennes et nationales;

Mais considérant que UFC Que Choisir fait justement valoir que les défenderesses sollicitent la publication en raison de ses allégations écrites leur imputant des faits précis susceptibles de porter atteinte à leur réputation;

Considérant que la réparation des abus de la liberté d'expression commis par voie de presse ne peut être poursuivie que selon les modalités prévues par la loi du 29 juillet 1881; que tel n'étant pas le cas en l'espèce, les demandes reconventionnelles sont irrecevables ; qu'en tout état de cause la publication est inopportune ; que le jugement sera dès lors infirmé de ce chef;

Considérant, vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, qu'il n'y a pas lieu d'allouer à ce titre une indemnité aux parties pour leurs frais exposés en appel;

Par ces motifs, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevables et fondées les demandes reconventionnelles des sociétés Unilever France et Maaf Assurances et ordonné la publication par extrait de la décision dans la revue Que Choisir, sur le site Internet de l'UFC et dans les journaux Le Monde, Le Figaro, Le Parisien, Le Quotidien du Médecin et Panorama du Médecin, Statuant à nouveau de ces chefs, Rejette les demandes reconventionnelles des sociétés Unilever France et Maaf Assurances, Déboute les parties de leurs dem andes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne UFC Que Choisir aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.