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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 28 septembre 2006, n° 04-04462

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Monster Cable Products Inc (Sté)

Défendeur :

Audio Marketing Service (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pimoulle

Conseillers :

MM. Faucher, Remenieras

Avoués :

Me Kieffer-Joly, SCP Bernabe-Chardin-Chevillier

Avocats :

Mes Desoutter, Cerquara de la Vega, Briefel

T. com. Bobigny, du 5 déc. 2003

5 décembre 2003

Vu l'appel interjeté par la société Monster Cable du jugement du 5 décembre 2003 par lequel le Tribunal de commerce de Bobigny s'est déclaré compétent, a dit que le droit français est seul applicable et a renvoyé le débat au fond;

Vu les dernières conclusions, signifiées le 9 juin 2006, par lesquelles la société Monster Cable, appelante, demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré,

- de renvoyer la société Audio Marketing Service, ci-après AMS, à mieux se pourvoir devant le Tribunal du Comté de San Francisco (USA),

- à titre subsidiaire, de déclarer la loi de l'Etat de Californie (USA) seule applicable au litige,

- de condamner la société AMS à lui verser une somme de 10 000 euro au titre de ses frais irrépétibles et de la condamner aux dépens;

Vu les ultimes écritures, signifiées le 15 juin 2006, par lesquelles la société AMS, intimée, prie la cour :

- de confirmer le jugement entrepris,

- de condamner Monster Cable à lui verser une somme de 8 000 euro au titre de ses frais irrépétibles et de la condamner aux dépens;

Sur ce,

Considérant que Monster Cable, entreprise soumise à la législation de l'Etat de Californie qui a pour principale activité la fabrication et la commercialisation de câbles sonores et audiovisuels, a conclu le 18 septembre 1995 avec AMS un contrat de distribution exclusive de ses produits en France succédant à deux précédents contrats; qu'à la suite de la résiliation de cet accord avec un préavis d'un mois notifiée par Monster Cable par courrier du 2 août 2002, AMS l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Bobigny en dénonçant un abus de dépendance économique incriminé par l'article L. 442-6 I 2°) b du Code de commerce qui résulterait de l'imposition abusive du nouveau contrat de distribution en 1995, de la rupture brutale et également abusive par celle-ci de l'exclusivité dont elle bénéficiait concernant les chaînes de grande distribution ainsi que de prix "abusivement bas" consentis aux sociétés Dacem et Darty; que AMS impute également à sa partenaire une rupture brutale de la relation commerciale visée par l'article L. 442-6 I 5° du même Code qui serait constituée par un préavis estimé insuffisant ainsi que par le caractère "inacceptable" des propositions de contrats ayant succédé à la résiliation; qu'elle prétend que de telles pratiques engagent la responsabilité de sa partenaire en application de l'article L. 442-6 I alinéa 1er du Code de commerce et qu'elle est en conséquence fondée à obtenir sa condamnation au paiement :

1°) pour abus de dépendance économique, de la somme de 1 001 000 euro en réparation de son préjudice économique ainsi caractérisé :

- 20 000 euro en raison de la réduction du nombre de produits et de marchés depuis 1995,

- 821 000 euro au titre de la rupture de l'exclusivité depuis 2002,

- 160 000 euro par suite des prix discriminatoires ayant entraîné une baisse d'activité,

2°) pour rupture brutale de leur relation commerciale, de la somme de 3 443 106 euro correspondant aux sommes suivantes :

- 743 106 euro en réparation du préjudice pour non-respect du préavis,

- 2 700 000 euro en "compensation des ventes Dacem pour la durée du préavis";

Considérant que Monster Cable maintient, au soutien de son recours, qu'en raison de la nature contractuelle de l'action engagée à son encontre par AMS, elle est fondée à lui opposer la clause de l'article 7-5 du contrat de distribution qui dispose:

"La validité, l'interprétation et l'exécution du présent contrat seront régis par les lois de l'Etat de Californie. La juridiction de l'Etat de Californie des Etats-Unis d'Amérique, district de San Francisco, aura compétence pour connaître des litiges nés du présent contrat";

Mais considérant que s'il est vrai que l'action de AMS a été engagée à la suite de la résiliation du contrat de distribution, force est toutefois de constater que cette entreprise demande au tribunal, indépendamment de toute appréciation des clauses de ce contrat ainsi que de son exécution, en application des dispositions impératives relevant de l'ordre public économique et comme telles constitutives d'une loi de police de l'article L. 442-6 du Code de commerce, la réparation d'un préjudice résultant de pratiques discriminatoires assimilées à des délits civils qui ont été commises sur le territoire national;

Considérant que le litige soumis au tribunal ne pouvant ainsi être regardé comme né du contrat de distribution, c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté l'application au cas d'espèce de la clause attributive de compétence et se sont déclarés compétents, en relevant, de surcroît, que seul le droit français était applicable;

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré, Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute la société Audio Marketing Services de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel, Condamne la société Monster Cable aux dépens d'appel et admet la SCP Bernabé Chardin Cheviller, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.