Livv
Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 25 avril 2007, n° 04-01547

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

RMC Info (SA)

Défendeur :

Lagardère Active Broadcast (Sté), Europe 1 Télécompagnie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cabat

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Teytaud

Avocats :

Mes Lipskier, Fourgoux

T. com. Paris, du 12 déc. 2003

12 décembre 2003

Vu le jugement du 12 décembre 2003 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a dit que l'utilisation par la société Radio Monte Carlo (ci-après désignée RMC) du slogan "n° 1 pour le sport" était constitutive de concurrence déloyale et condamné cette dernière à payer aux sociétés Lagardère Active Broadcast et Europe 1 Télécompagnie la somme de un euro à titre de dommages-intérêts;

Vu l'appel interjeté par la société RMC et ses conclusions enregistrées le 29 janvier 2007;

Vu, enregistrées le 5 décembre 2006, les conclusions présentées par les sociétés Lagardère Active Broadcast et Europe 1 Télécompagnie;

Sur ce,

Sur la responsabilité

Considérant qu'il sera, tout d'abord, rappelé que la société Lagardère Active Broadcast est titulaire des autorisations d'émission en modulation de fréquence de la radio Europe 1 dont le programme est édité et réalisé par la société Europe 1 Télécompagnie ; que, pour sa part, la société RMC a obtenu les droits exclusifs de radiodiffusion de la Coupe du Monde de Football et, à cette occasion, s'est prévalue, courant 2002, dans différentes publicités faites tant sur son antenne que dans diverses publications d'être le "n° 1 sur le sport";

Considérant que si, pour contester le bien-fondé de l'action en concurrence déloyale dirigée à son encontre, la société RMC justifie de la pertinence du slogan litigieux "n° 1 sur le sport" qui lui est reproché en prétendant qu'il ferait référence au temps d'antenne consacré au sport et qu'il s'agissait, en tout état de cause, d'un superlatif couramment utilisé dans de multiples secteurs d'activité et constitutif d'une simple hyperbole, il convient de rappeler qu'en vertu de l'article L. 121-1 du Code de la consommation est interdite toute publicité comportant des allégations, indications et présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'existence ou la nature d'un bien ou d'un service ; qu'en l'occurrence, les slogans utilisés en matière de publicité radiophonique renvoient communément au critère de la part d'audience tel qu'arrêté et évalué par la société Médiamétrie, organisme de référence en matière de mesures d'audience des médias audiovisuels et interactifs; qu'ainsi le fait d'indiquer en gros caractères "n° 1 sur le sport" sans autre précision terminologique ou sémantique quant au sens à donner à cette formule conduit nécessairement à retenir, alors précisément qu'une publicité doit comporter l'ensemble des informations requises et se suffire à elle-même en termes de compréhension de son message et de ses références, l'interprétation selon laquelle la société RMC disposerait de la part d'audience la plus élevée en ce qui concerne la tranche consacrée au sport par rapport à tout autre concurrent; que, cependant, l'appelante n'établit ni même n'allègue que sa part d'audience pour les événements sportifs serait supérieure à celle des autres radios généralistes ; qu'elle reconnaît, de ce fait même, la réalité du caractère mensonger du slogan litigieux, lequel ne saurait davantage être regardé comme simplement hyperbolique dès lors qu'il s'agit d'une publicité qui se veut fondée sur des chiffres avec les caractères de rigueur et de certitude inhérents à toute affirmation exprimant une vérité techniquement mesurable; que, dans ces conditions, l'utilisation par la société RMC du slogan "n° 1 pour le sport" doit être regardée comme déloyale eu égard à la confusion créée dans l'esprit du consommateur concerné et de nature à modifier le jeu normal de la concurrence sur le marché considéré;

Sur le préjudice

Considérant qu'outre le fait que le principe d'un préjudice pour les sociétés intimées s'infère nécessairement de la concurrence déloyale ci-dessus retenue à l'encontre de la société RMC, la répétition de la publicité litigieuse, courant 2002, a eu pour effet obligé de créer une distorsion dans l'appréhension de l'audience des différentes radios existantes, notamment vis-à-vis des annonceurs, et de permettre d'induire en erreur ces derniers pendant la période particulièrement sensible pour le marché publicitaire de la diffusion de la Coupe du monde de football ; que cette perception trompeuse de l'importance respective des radios auprès des tiers et des consommateurs n'a pu que générer, pour les sociétés intimées en situation de concurrence commerciale directe avec la société RMC, une perte de revenus publicitaires que la cour, au regard des éléments d'appréciation dont elle dispose, évaluera à 10 000 euro;

Considérant, enfin, qu'eu égard à la nature même du présent contentieux, il convient d'autoriser les sociétés intimées à faire publier le présent arrêt selon les modalités fixées dans le dispositif de celui-ci;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement sauf à porter à 10 000 euro le montant de la condamnation mise à la charge de la société RMC et, y ajoutant, d'autoriser la publication du présent arrêt et de débouter, par voie de conséquence, l'appelante de l'ensemble de ses prétentions et, notamment, de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive, les intimées s'étant bornées à faire valoir leur droit en exerçant les voies contentieuses à leur disposition;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme, Au fond, confirme le jugement sauf à porter à 10 000 euro le montant de la condamnation mise à la charge de la société RMC, Y ajoutant, Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives, Autorise les intimées à faire publier, en entier ou par extraits, le présent arrêt dans trois revues de leur choix aux frais de la société RMC et sans que le coût de chaque insertion ne puisse dépasser la somme de 2 000 euro, Condamne la société RMC aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Teytaud, titulaire d'un office d'avoué, La condamne également à verser aux sociétés intimées la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.