Conseil Conc., 19 décembre 2007, n° 07-D-49
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à des pratiques mises en œuvre par les sociétés Biotronik, Ela Medical, Guidant, Medtronic et Saint Jude Medical dans le cadre de l'approvisionnement des hôpitaux en défibrillateurs cardiaques implantables
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de Mme Bourguignon, Mme Zoude-Le-Berre, par Mme Aubert, vice-présidente, Mme Behar-Touchais, M. Bruno Flichy, M. Piot, membres.
Le Conseil de la concurrence (section IV),
Vu la lettre enregistrée le 19 novembre 2003 sous le numéro 03/0081 F, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les sociétés Biotronik, Ela Medical, Guidant, Medtronic et Saint Jude Medical dans le cadre de l'approvisionnement des centres hospitaliers publics en défibrillateurs cardiaques implantables ; Vu les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; le décret n° 86 1309 du 29 décembre 1986 modifié et le décret n° 2002 689 du 30 avril 2002 modifié, fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Biotronik, Ela Medical, Guidant, Medtronic et Saint Jude Medical et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les décisions de secret des affaires n° 06-DSA-46, 06-DSA-47, 06-DSA-48, 06-DSA-49, 06-DSA-50, 06-DSA-51, 06-DSA-52, 06-DSA-53 du 18 octobre 2006 et la décision de déclassement n° 07-DECR-01 du 16 janvier 2007 ; Vu les autres pièces du dossier ; Les rapporteures, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Biotronik, Ela Medical, Guidant, Medtronic et Saint Jude Medical entendus lors de la séance du 10 octobre 2007 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LE SECTEUR DES DÉFIBRILLATEURS CARDIAQUES IMPLANTABLES
1. PRÉSENTATION DES DÉFIBRILLATEURS CARDIAQUES IMPLANTABLES
1. Le défibrillateur est un dispositif conçu pour détecter les tachycardies et fibrillations ventriculaires et les interrompre à l'aide d'un traitement électrique approprié. Il surveille le rythme du coeur et délivre un traitement électrique permettant de rétablir un rythme cardiaque normal. Il peut être utilisé en prévention dite secondaire chez les patients ayant survécu à une attaque pouvant provoquer une mort subite cardiaque ou en prévention primaire chez les patients à haut risque de mort subite.
2. Le traitement de la fibrillation cardiaque utilise deux catégories d'appareils :
- le défibrillateur externe, issu d'une technologie qui ne nécessite pas d'implantation et qui intervient avant la pose éventuelle d'un défibrillateur implantable ;
- le défibrillateur implantable qui est un appareil de petite taille (environ 5 x 5 x 1 cm) que le médecin place sous la peau au niveau de la poitrine ;
- il est accompagné d'une ou de plusieurs sondes dites de défibrillation et d'un programmateur qui permet de fixer et de modifier les paramètres programmables du défibrillateur ainsi que de recueillir les informations utiles relatives au fonctionnement de l'appareil, aux troubles détectés et aux traitements délivrés.
3. Ces trois éléments constituent un " système de défibrillation ". Par ailleurs, le défibrillateur est alimenté par des batteries non rechargeables qui ont une autonomie variable suivant la fréquence d'utilisation de ses fonctions.
4. Le défibrillateur implantable a bénéficié de progrès techniques et logiciels importants depuis la première implantation réalisée en 1980. Il existe trois types de défibrillateurs à simple, double ou triple chambres. Le dispositif à triple chambres est apparu en 2000-2001 et seuls à cette époque, trois industriels (Guidant, Medtronic et Biotronik) le commercialisent.
5. D'autres caractéristiques différencient les défibrillateurs : un appareil peut avoir une fréquence asservie ou non, délivrer une énergie plus ou moins importante, avoir un boîtier de volume plus ou moins faible, une durée de vie plus ou moins longue. Cette diversité des modèles existants répond à la diversité des pathologies et aux spécificités des individus. Selon la pathologie et le patient, le cardiologue choisit le modèle le plus adapté. Ce besoin d'adéquation rend les différents modèles de défibrillateurs implantables peu substituables entre eux.
6. Les implantations sont décidées par des rythmologues et réalisées avec l'assistance d'ingénieurs techniciens appartenant aux sociétés de fabrication qui sont donc seules en mesure d'assurer la distribution de leurs appareils. Ce technicien conseille le médecin et réalise les réglages nécessaires. Les cardiologues et les fabricants travaillent en étroite coopération. Il existe de plus une obligation d'entretien et de remplacement du dispositif. Cette obligation de service après-vente s'étend sur toute la durée de vie du défibrillateur.
2. LES ENTREPRISES
7. Au niveau mondial, seuls cinq groupes commercialisent des défibrillateurs cardiaques implantables :
- trois groupes américains : Guidant Corporation, Saint Jude Medical et Medtronic Inc.
- deux groupes européens : Sorin Group (Italie) et Biotronik Gmbh (Allemagne).
8. Guidant est l'inventeur du défibrillateur et il est co-leader mondial avec Medtronic sur ce marché. Ces cinq groupes sont représentés en France par les sociétés Guidant, Saint Jude Médical, Medtronic, Ela Medical (Sorin Group) et Biotronik. Ils sont également présents sur d'autres marchés tels que celui des stimulateurs cardiaques ou des pacemakers.
9. Seule la société ELA Medical fabrique les défibrillateurs en France, les autres sociétés les importent.
3. LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES CONCERNÉES
a) Le SNITEM
10. Le SNITEM, syndicat national de l'industrie des technologies médicales est une organisation professionnelle régie par la loi de 1884. Créé en 1987, il regroupe la majeure partie des entreprises opérant sur le marché des produits ou services qui relèvent de l'industrie des technologies et dispositifs médicaux. Première association patronale en France représentant les entreprises de ce secteur d'activité, le SNITEM est l'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics.
11. Le syndicat a pour principal objet d'assurer l'étude et la défense des intérêts économiques et industriels de ses membres ; de les représenter, tant en France qu'à l'étranger, auprès des pouvoirs publics, et de tout organisme public ou privé; d'étudier toutes les questions d'ordre économique, professionnel et technique afférentes à son objet; de réaliser toute opération ou d'organiser toute manifestation qui serait jugée utile à l'intérêt commun de ladite Industrie, notamment en ce qui concerne la formation professionnelle ; de développer et d'entretenir, parmi ses membres, le respect des intérêts généraux de la profession ainsi que les relations de confraternité et de correction commerciale.
12. Les sociétés Biotronik, Ela Medical, Guidant, Medtronic et Saint Jude Medical étaient adhérentes du SNITEM en 2001.
13. Sur le plan interne, l'équipe du SNITEM anime, avec les industriels adhérents, des dizaines de groupes de travail spécialisés, techniques ou économiques. L'un de ces groupes de travail, le groupe Cardiac Rythm Management (CRM), auquel participent les sociétés Biotronik, Ela Medical, Guidant, Medtronic et Saint Jude Medical, concerne plus particulièrement les défibrillateurs implantables.
14. Dans le cadre de ce groupe de travail, le SNITEM organise des réunions et des conférences téléphoniques. Mme Y..., directrice générale du SNITEM, résume dans le procès verbal d'audition du 20 janvier 2001, l'organisation du SNITEM et son rôle au titre de l'année 2001 dans le domaine des défibrillateurs : " Nous n'évoquons les défibrillateurs que dans les réunions stimulation cardiaque ou CRM. [...] Les réunions CRM n'ont pas de périodicité définie, c'est en fonction de l'actualité et des agendas des participants. A chaque réunion sectorielle, nous faisions un point sur l'actualité réglementaire et ensuite nous traitions les problèmes techniques ". " Pour les conférences téléphoniques, chaque participant prend des notes, il n'y a pas de compte-rendu SNITEM. Les conférences téléphoniques sont très souvent à l'initiative du SNITEM sauf cas particulier ". " Pour le groupe stimulation cardiaque, il y a un coordinateur du SNITEM, moi-même, et un coordonnateur ressource industriel : Jusqu'en juillet 2001 Z... de la société Guidant, qui a été remplacé par A... depuis. [...] Cette personne est désignée de façon consensuelle par les participants sans durée particulière ". " Pour les comptes-rendus de réunion stimulation cardiaque, Mme B... prenait des notes au fur et à mesure des réunions " (cotes Conseil 3033 et 3034).
15. Par ailleurs, le SNITEM établit des statistiques semestrielles et annuelles concernant le marché des défibrillateurs cardiaques implantables à partir des données qui lui sont transmises par les sociétés. Ces statistiques présentent pour chaque type de défibrillateurs (simple chambre, double chambres, défibrillateurs particuliers) le chiffre d'affaires réalisé par les sociétés, le nombre total d'unités de défibrillateurs vendus et le prix moyen de vente qui en résulte.
b) La Conférence des directeurs généraux de CHU
16. La Conférence des directeurs généraux de Centres Hospitaliers Régionaux et Universitaires intervient pour améliorer le service rendu aux malades et le fonctionnement des CHU. Elle a pour vocation de promouvoir et de défendre les atouts et spécificités des hôpitaux universitaires. Constituée en association régie par la loi du 1er juillet 1901, la Conférence est reconnue par le législateur comme une force de proposition et d'analyse.
17. La Conférence remplit ainsi un devoir d'information auprès des autorités de tutelle, au premier rang desquelles figure la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, du ministère de la Santé, sur les conditions de mise en œuvre de la politique de santé dans les CHU. Le cas échéant, la Conférence exerce son devoir d'alerte lorsqu'elle a la conviction que les CHU ne sont pas en mesure d'appliquer les directives prescrites. La Conférence assure également une fonction de veille réglementaire sur tous les textes en préparation ayant une incidence sur la gestion des CHR-CHU.
c) La Société Française de Cardiologie
18. Créée en 1937 par C..., la Société Française de Cardiologie se compose de membres, tous médecins spécialisés en cardiologie.
19. La société Française de Cardiologie poursuit trois objectifs principaux, définis à l'article premier de ses statuts : développer et propager la recherche scientifique dans le domaine cardiovasculaire ; assurer une formation continue de qualité ; indiquer les règles du bon exercice de la pratique cardiologique notamment par l'édition de recommandations.
20. Sur le plan scientifique, la Société Française de Cardiologie est présente par ses 3 filiales (Cardiologie pédiatrique, Echocardiographie, Hypertension) et par ses 17 groupes de travail dont le plus ancien, le groupe Rythmologie, a été créé en 1969.
4. FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ DES DÉFIBRILLATEURS
21. En 2001, le marché des défibrillateurs est caractérisé par un environnement juridique en évolution, par une demande croissante mais encore essentiellement limitée aux centres hospitaliers universitaires et par une surveillance constante du marché par les cinq sociétés commercialisant des défibrillateurs.
a) Environnement juridique
22. L'article L. 665-5 du Code de la santé publique, relatif à la mise sur le marché des dispositifs médicaux, et la directive 90-385-CEE du Conseil du 20 juin 1990 concernant le rapprochement des législations nationales relatives aux dispositifs médicaux implantables actifs sont applicables aux défibrillateurs cardiaques implantables. Ces appareils font l'objet d'un marquage CE, d'une norme NF et sont soumis à la procédure ISO. Néanmoins aucune législation spécifique au défibrillateur implantable n'existait en France en 2001.
23. Par ailleurs, en 2001, les défibrillateurs implantables n'étaient pas encore inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables par la Sécurité sociale. Le tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS1) puis la liste des produits et prestations (LPP) fixent la liste des matériels pris en charge par les caisses d'assurance maladie au titre des prestations sanitaires et des tarifs applicables.
24. La liste des matériels inscrits au TIPS puis à la LPP évolue en fonction des demandes de nouvelles inscriptions qui peuvent émaner des industriels ou des associations de malades et qui sont régulièrement examinées. L'administration peut elle-même se saisir de l'étude d'une inscription au TIPS suivant l'intérêt que présente un matériel du point de vue de la santé publique.
25. Quel que soit le coût du matériel, le montant remboursé par la Sécurité sociale est celui déterminé par le TIPS. Ce montant correspond à une somme forfaitaire et non à un pourcentage du coût comme c'est le cas pour les médicaments. Cette inscription au TIPS est une étape décisive pour les industriels car elle signifie l'existence d'un remboursement par la Sécurité sociale. Les défibrillateurs implantables sont inscrits sur la liste depuis août-octobre 2004. Auparavant, ils n'étaient pris en charge que lorsqu'ils étaient acquis par l'hôpital public.
26. En 2001, la procédure d'inscription au TIPS était entamée. L'AFSSAPS (agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) étudiait les défibrillateurs implantables. Les sociétés qui produisent ces appareils ont soumis leurs dossiers à l'AFFSAPS au deuxième semestre 2001 et ont été auditionnées le 4 juillet 2001 pour examiner les conditions du remboursement des défibrillateurs dans le privé.
27. Les prix pratiqués pour un produit juste avant son inscription au TIPS sont importants car ils vont servir de base de négociation lors de l'inscription du produit au TIPS.
b) La demande
28. Si la France demeurait en 2001 en retard avec le taux d'implantation le plus faible d'Europe, le marché des défibrillateurs implantables était un marché en pleine croissance. Le chiffre d'affaires total hors taxe obtenu s'élevait en 2000 à 15,6 millions d'euro, à 19,1 M en 2001 (+ 27 %), et à 25,7 M en 2002 (+ 29 % par rapport à l'année précédente et + 65 % en deux ans). En volume, le marché est passé de 1153 à 1466, puis à 1939 défibrillateurs implantés, soit une croissance de 68 % en deux années. Cette tendance a continué pendant les quatre années suivantes (2003-2006), le rattrapage par rapport aux autres grands Etats membres de l'Union européenne s'étant activement poursuivi, accéléré par l'admission des défibrillateurs au remboursement par la Sécurité sociale. Le nombre des défibrillateurs vendus a ainsi atteint 2518 en 2003, 3472 en 2004, 5000 en 2005 et 6589 en 2006. Les chiffres d'affaires TTC correspondants sont passés de 38,1 M en 2003 à 52,1 M en 2004, à 78,1 M en 2005, à 101,8 M en 2006, soit une croissance de 266 % en 4 ans.
29. L'implantation des défibrillateurs a principalement eu lieu dans des centres hospitaliers universitaires (CHU) car ces centres disposaient des cardiologues formés pour ces interventions et des moyens d'acheter ces produits onéreux dans le cadre de leur budget global.
30. Cependant, en 2001, des cliniques privées procédaient à l'implantation de 150 à 200 défibrillateurs. Ces défibrillateurs faisaient rarement l'objet d'une facturation, car ils étaient donnés par les fabricants recevant des protocoles d'accord ou sous forme de mécénat.
31. L'achat de défibrillateurs implantables par les CHU se fait au moyen d'appels d'offres régis par le Code des marchés publics. La plupart du temps, chaque CHU procède à un appel d'offres chaque année. En 2001 néanmoins, 17 CHU se sont regroupés pour lancer une procédure d'achat groupé de défibrillateurs.
32. Pour acquérir ces appareils, les CHU passent des marchés fractionnés sous la forme de marchés à bons de commande. Cette procédure est justifiée lorsque, pour des raisons économiques, techniques ou financières, le rythme ou l'étendue des besoins à satisfaire ne peuvent être entièrement arrêtés dès la conclusion du marché. Le marché à bons de commande détermine les spécifications, la consistance et le prix des prestations ou ses modalités de détermination ; il en fixe le minimum et le maximum en valeur ou en quantité. Le marché est ensuite exécuté par émission de bons de commande successifs, selon les besoins.
c) Un marché caractérisé par une veille constante des sociétés
33. Toutes les sociétés procèdent peu ou prou de la même manière pour établir leurs propositions de prix pour les appels d'offres concernant des défibrillateurs implantables : elles réalisent un travail de veille permanent qui leur permet d'acquérir une excellente connaissance du terrain et des cardiologues.
34. Ainsi, le directeur tachycardie France de Saint Jude Medical décrit le mode d'établissement d'une offre sur le marché des défibrillateurs : " Pour établir une offre, je m'appuie sur la veille terrain. A posteriori des appels d'offres nous avons communication des prix : grâce aux avis d'attribution, aux informations de terrain (prix affichés dans le bloc ou la salle d'examen). Le marché des défibrillateurs implantables est un petit marché en France et il concerne peu de lots. Nous avons également des informations via les pharmaciens sur les éventuelles modifications des lots et l'augmentation éventuelle des quantités (augmentation de budget par exemple). Pour avoir une vision globale du marché, nous prenons en compte l'ensemble des prix pratiqués dans les appels d'offres " (cote Conseil 2527).
35. Toutes les sociétés s'emploient constamment à affiner leur connaissance du terrain. Pour ce faire, elles suivent les publications au BOAMP afin de connaître les appels d'offres lancés mais aussi les résultats des appels d'offres passés et donc les prix retenus. Lors de la réception d'un appel d'offres, les vendeurs cherchent à réunir toutes les données concernant le marché précédent et à cerner le marché de la région concernée. Ainsi le directeur général de Saint Jude Medical précise : " Nous nous basons notamment sur les prix de l'appel antérieur pour définir notre offre ainsi que sur les autres appels d'offres disponibles. Il arrive que certains hôpitaux affichent les prix des produits pour sensibiliser les utilisateurs " (cote Conseil 2523) confirmé par Guidant : " Lorsqu'une série d'appels d'offres est lancée dans une région, les attributions du premier appel d'offres permettent au vendeur d'affiner les propositions qu'il va faire aux autres hôpitaux dans cette même région, sachant que les administratifs communiquent entre eux afin de s'assurer qu'ils achètent au meilleur prix " (cote 2186).
36. Les contacts permanents des sociétés avec les hôpitaux leur permettent donc d'obtenir des renseignements précis sur les prix pratiqués par leurs concurrents. Ainsi l'un des vendeurs de la société Guidant indique, dans un message électronique envoyé à son directeur général : " Je viens de passer quelques heures au bloc au Chu Rennes pour l'implantation d'un DEF et j'ai eu tout le loisir de noter les prix de l'AO en cours qui sont affichés en salle par le Pr D... pour sensibiliser les médecins au budget du service (ceci a donc un impact sur les implantations!!) " (cotes Conseil 591 et 592). Sont effectivement précisés dans ce message les prix des défibrillateurs pratiqués par les sociétés Medtronic, Ela Medical, Saint Jude Medical et Biotronik. Le directeur général de Guidant, M. X..., déclare au sujet de ce document : " En ce qui concerne le document placé sous scellé 2 cote 1, il s'agit du relevé par un vendeur de prix affichés dans le bloc opératoire du CHU de Rennes par les médecins de l'ensemble des produits de stimulation et de défibrillation utilisés. C'est une pratique assez répandue. S'il n'y a pas d'affichage, les médecins disent systématiquement les niveaux de prix " (cote Conseil 2040). Une étude récapitulant les prix pratiqués au CHU de Rennes a été retrouvée chez la société ELA Medical.
37. Il arrive que les hôpitaux transmettent des informations précises sur les offres des concurrents. Ainsi, ont été retrouvés chez la société Medtronic des tableaux réalisés par l'hôpital de Reims et synthétisant les offres faites par les sociétés Guidant, Biotronik, Medtronic et ELA France dans le cadre d'appels d'offres pour des défibrillateurs implantables. Ont également été saisis chez la société Medtronic deux documents réalisés par le centre hospitalier de Castres- Mazamet dont l'un est annoté : " info remontée par Luc CONFIDENTIEL " (cotes Conseil 996 et 997). Ces deux documents qui présentent les offres des sociétés Guidant et ELA France pour des défibrillateurs ont été télécopiés du centre hospitalier de Castres. Un document récapitulant les prix de vente des défibrillateurs à l'assistance publique hôpitaux de Paris a été retrouvé chez Saint Jude Medical. M. E... précise au sujet de ce document : " En ce qui concerne le document placé sous scellé 1 cote 150, il est relatif au marché de l'AP de Paris en cours qui date du 1er avril 2002 jusqu'au 31 mars 2003. Ces prix sont affichés dans le bureau d'un praticien et dans la salle d'examen " (cote Conseil 2530).
38. Ainsi, comme en témoignent M. F... (Biotronik) " pour l'établissement des prix des appels d'offres, nous nous basons dans un premier temps sur les prix du marché antérieur. Nous effectuons un travail de recherche d'information sur le terrain. Ensuite nous avons une fourchette de prix par appareil " (cote Conseil 1909) mais aussi M. G... (ELA Medical) " j'élabore mes prix à partir du tarif et des éléments de marché par région que les commerciaux peuvent collecter. L'acheteur public communique généralement une fourchette de prix. Il arrive que dans certains centres hospitaliers les prix soient affichés, je pense au cas de Rennes " (cote Conseil 2217) ou encore la société Saint Jude Medical, " au vu de toutes ces données, les fourchettes de prix que nous déterminons pour répondre aux appels d'offres peuvent s'avérer étroites. Nous supposons que nos concurrents ont une approche assez semblable pour déterminer leurs prix. Il n'est donc pas surprenant que les prix proposés par des sociétés concurrentes soient parfois similaires voire identiques " (cote Conseil 2634). L'ensemble des données recueillies permet aux sociétés de déterminer pour chaque appel d'offres un intervalle de prix qui peut s'avérer étroit. Toutes les sociétés procédant de même, les offres de ces sociétés concurrentes se révèlent souvent proches.
39. Ainsi, cette veille constante et pratiquée par tous les acteurs du marché aboutit à une grande transparence des marchés.
B. PARTICULARITÉS DE L'APPEL D'OFFRES N°01S0082 RELATIF À L'ACHAT GROUPÉ DE DÉFIBRILLATEURS
40. Les directeurs généraux de CHU ont pris la décision de lancer en 2001 un appel d'offres commun pour l'achat de défibrillateurs implantables. Ils ont également décidé de charger un mandataire unique de gérer la procédure d'appel d'offres. A l'époque, le président de la Conférence des directeurs généraux de CHU étant M. K..., directeur général du CHU de Montpellier, le CHU de Montpellier a été choisi comme mandataire de l'appel d'offres groupé.
1. LA MISE EN PLACE D'UN APPEL D'OFFRES NATIONAL
41. L'idée d'utiliser une procédure d'achat groupé pour bénéficier de meilleures conditions (au niveau du prix mais aussi du service rendu) a tout d'abord été évoquée au second semestre 1999. En février 2000, un questionnaire a été transmis à 31 centres hospitaliers universitaires pour tester l'opportunité d'un achat groupé : 18 CHU y étaient favorables. Plusieurs réunions de travail ont eu lieu au cours de l'année 2000 pour mettre au point la procédure d'achat groupé.
42. La procédure utilisée était celle de l'appel d'offres européen. Il s'agissait d'un marché fractionné à bons de commande qui a fait l'objet d'une publication au BOAMP et au JOCE du 24 mai 2001. Les 17 CHU participant finalement à la consultation étaient les CHU de : Amiens, Angers, Bordeaux, Besançon, Caen, Clermont-Ferrand, Lille, Lyon, Montpellier, Nice, Orléans, Pointe-à-Pitre, Poitiers, Reims, Rennes, Saint Etienne et Toulouse.
43. Cet appel d'offres était relatif à la fourniture, à la livraison et la mise en service de défibrillateurs implantables pour la première fois mais ne concernait pas les renouvellements ni les innovations ni les essais cliniques.
44. Une part importante des achats de défibrillateurs était concernée. En effet, le chiffre d'affaires total réalisé en France pour ces acquisitions s'est élevé en 2001 à 19 872 425 euro dont 9 138 422 euro réalisés avec les 17 CHU en dehors de cet appel d'offres.
45. La consultation comportait 12 lots, dont 3 lots étaient subdivisés en sous-lots. L'enveloppe budgétaire prévue était au minimum de 8 327 294 euro et au maximum de 11 970 027 euro pour 2002. Elle était au minimum de 11 023 594 euro et au maximum de 15 064 816 euro pour 2003.
46. Pour réaliser le groupement des achats, un mandat a été donné par chaque centre hospitalier au CHU de Montpellier désigné comme mandataire pour procéder à l'appel d'offres. La convention de mandat a été soumise au contrôle de légalité des hôpitaux. Les avis de la DGCCRF et de la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère des Finances ont été sollicités au préalable.
47. Comme l'explique la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, en ce qui concerne la convention de mandat, " la question s'est posée, courant 2000, de savoir quel cadre juridique utiliser, dans la mesure où le Code des marchés publics ne prévoyait pas cette possibilité. En effet, le livre IV parle de coordination des commandes publiques mais... sur le plan local, c'est-à-dire avec une limitation territoriale. Le groupe de travail qui pilotait ce dossier a pris contact avec la DGCCRF et la DAJ du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie qui, par courriers (...) ont estimé que la convention de mandat était une solution possible, certes non exclusive de risques. En conséquence une telle convention a été rédigée, discutée et signée par tous les CHU adhérents. (...) Afin de donner une plus grande légitimité à cette procédure, atypique par rapport au Code actuel mais très anticipatrice au vu des dispositions prévues par le nouveau Code qui entre en vigueur dès le 9 septembre prochain (cf. article 8 : convention constitutive de groupement de commandes), il a été décidé que chaque centre hospitalier universitaire adresserait la convention à son contrôle de légalité, ce qui n'était pas a priori une obligation. Le mandataire (centre hospitalier de Montpellier) a lui-même adressé l'ensemble des conventions avec un rapport de présentation à son propre contrôle de légalité. Aucune observation n'a été faite par les différents contrôles de légalité " (cote Conseil 237).
48. Au sein du CHU de Montpellier, M. H..., directeur des équipements et de la logistique, et Mme I..., pharmacienne hospitalière, ont été chargés de gérer la procédure.
2. PREMIÈRES RÉACTIONS AUTOUR DU PROJET D'APPEL D'OFFRES NATIONAL
a) Réaction des cardiologues et de la société française de cardiologie
49. La société française de cardiologie s'est très tôt intéressée au projet d'appel d'offres national pour l'achat de défibrillateurs implantables et s'y est opposée.
50. Une note manuscrite trouvée dans le bureau de M. J..., directeur général de Saint Jude Medical France, relative à une réunion du groupe de stimulation cardiaque de la société française de cardiologie, atteste de la connaissance du projet dès mai 2000 (cote Conseil 1475).
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51. Et, par télécopie du 26 mai 2000, le secrétaire du groupe stimulation cardiaque de la société française de cardiologie a transmis à M. K..., président de la conférence des directeurs généraux de CHU " la lettre du Président reflétant l'opinion de l'ensemble du groupe stimulation vis-à-vis d'un éventuel appel d'offres national concernant les défibrillateurs " (cote Conseil 2697).
52. Dans ce courrier daté du 26 mai 2000, le professeur L... précise : " Je tiens à vous informer en tant que président du groupe de Stimulation de la Société Française de Cardiologie, que ce groupe est opposé à ce que certaines administrations hospitalières semblent vouloir mettre en place, à savoir un appel d'offres national concernant les défibrillateurs " (cotes Conseil 2698 et 2699).
53. Selon le professeur L..., cette opposition est justifiée par les arguments suivants :
1) "Les appels d'offres nationaux sont "à la mode" actuellement pour le matériel "disposable", ce qui n'est pas le cas des défibrillateurs automatiques par définition destinés à prévenir la mort subite (une pathologie vitale !) ;
2) cet appel d'offres national ne concernerait que les CHU. Est-ce que cela veut dire que les 'petits centres' qui implantent des défibrillateurs auraient le libre choix des appareils, en payant le prix fort bien entendu ? Je vois là une discrimination fondamentale vis-à-vis des patients admis dans les CHU qui risquent d'avoir des défibrillateurs 'bas de gamme' ;
3) il n'existe aucune étude comparative des mérites des différents défibrillateurs. Le choix sera, donc essentiellement subjectif ou alors purement économique : le moins-disant étant retenu. Dans ce cas, il est connu que les défibrillateurs les plus chers sont construits par le fabricant français, ELA Médical. Dès lors, deux hypothèses : ou bien ce fabricant sera exclu du marché (trop cher) et devra mettre la clé sous la porte puisque ses clients sont uniquement français (et un peu allemands), ou bien on lui demandera avant la soumission de casser les prix et alors le contribuable français paiera sous forme de subvention ce que les directeurs économiseront sur leur budget (voilà une démarche parfaitement intelligente !) ;
4) prenons le cas de figure qui semble être en vogue ; trois fournisseurs sur les cinq actuellement possibles sont retenus à l'appel d'offres national. Il est évident que les fabricants exclus, qui ne sont pas des organismes humanitaires, se sépareront de leur staff technique, ce qui va poser des problèmes considérables pour le suivi des patients déjà implantés par les défibrillateurs de ces fabricants exclus ;
5) toutes les sondes implantées pour défibriller ne sont probablement pas compatibles avec tous les modèles de défibrillateurs. Dès lors, comment procéderons-nous au changement des défibrillateurs en fin de vie appartenant à des marques exclues de l'appel d'offres ? Et comment ferons-nous bénéficier nos patients des progrès techniques décisifs qui pourraient intervenir dans une marque exclue du marché (il est de vocation des CHU d'être à la pointe de la technologie dans la prise en charge des affections quelles qu'elles soient) ?
6) Ajoutons à cela que cette procédure apparaît comme un acte de défiance vis-à-vis des médecins qui se sont investis depuis longtemps dans la gestion d'appels d'offres au bénéfice des budgets des CHU ;
7) enfin une telle procédure est une atteinte à la liberté de prescription médicale et si le choix de la prothèse ne correspondait pas à celui du médecin qui implante, il serait de son devoir d'en informer les patients par écrit avant l'intervention. Il s'ensuivrait bien sûr que l'organisation du suivi et la résolution des problèmes techniques incomberaient à celui qui aurait limité le choix du matériel. Il va sans dire qu'en cas de panne grave due à un ennui technique, la responsabilité serait transférée es qualité vers le directeur de l'hôpital qui aurait à assumer la gestion de cette panne ".
54. Le 29 mai 2000, le président de la conférence des directeurs généraux de CHU, M. K..., répondait à ce courrier point par point. Il stigmatisait " le faux débat entre l'exigence de la qualité au détriment du prix et réciproquement " et rappelait que si " la liberté de prescription médicale, la défense de tel ou tel fabricant français, l'information des patients, la responsabilité du Directeur d'Hôpital sont des préoccupations fortes ", " elles ne doivent pas cependant constituer des blocages, a priori, pour refuser toute innovation " (cotes Conseil 2692 à 2694).
55. Par ailleurs, M. H... a cherché à associer les cardiologues à l'élaboration du cahier des charges ainsi qu'à la procédure d'appel d'offres. Mais malgré cette volonté d'associer les cardiologues à la démarche, leur réaction a été défavorable. Ainsi M. H... explique : " Nous avions précisé aux cardiologues qu'ils seraient associés à l'élaboration du cahier des charges et ensuite au dépouillement. La première réaction a été peu favorable : certains acheteurs nous ont dit que les cardiologues ne s'associeraient pas à la procédure. En conséquence, de nombreux cardiologues n'ont pas joué le jeu : ils étaient informés par leur équipe de direction (acheteur) mais ne fournissaient pas en retour d'informations. Il y a eu très peu de courriers écrits. Beaucoup de CHU n'ont pas obtenu des cardiologues l'état des besoins qui était demandé auprès des cardiologues, ils ont dû établir seuls cet état " (cote Conseil 2647).
b) Réaction des sociétés
56. M. H..., a pris soin d'informer personnellement les sociétés commercialisant les défibrillateurs du projet (contenu et procédure) dès le mois de février 2001 en les convoquant individuellement au CHU de Montpellier. M. H... et Mme I... déclarent que lors de ces premiers contacts, les sociétés ont paru être intéressées par l'appel d'offres national.
57. Néanmoins cette impression est contredite par les sociétés qui font état de leurs incertitudes et déclarent que, lors des entretiens de présentation de l'appel d'offres national, M. H... aurait indiqué que seules 2 ou 3 sociétés allaient être sélectionnées. Par exemple, selon M. F... de la société Biotronik : " M. H... nous avait laissé entendre qu'il ne retiendrait que trois sociétés. A mon avis, il aurait retenu les deux plus grosses (GUIDANT et MEDTRONIC) et la troisième aurait probablement été une société qui à l'époque était française la société ELA " (cotes 1901 et 1902). Ou encore selon M. X..., directeur général de la société Guidant : " Je sais par M. Z... que M. H... avait exprimé le souhait de réduire le nombre de fournisseurs idéalement à 2 " (cote 2033).
58. Cette crainte avait déjà été exprimée par le professeur L... dans son courrier daté du 26 mai 2000 (paragraphe 52).
59. Une télécopie du 26 février 2001 adressée par M. M... à M. J... (Saint Jude Medical France) fait le point sur le contenu de la conversation avec M. H.... Ne figure dans ce compte-rendu aucune allusion au fait que seules trois sociétés pourraient être retenues ; au contraire M. M... considère " qu'il y aura bien multi-attributions et que le seul résultat sera d'aligner les prix sur le plus bas en vigueur à ce jour, un hôpital ne pouvant en effet accepter d'acheter à un prix supérieur à celui qu'il pratiquait dans le passé " (cotes 1257 et 1258).
60. Par ailleurs, M. H... confirme avoir eu connaissance de la crainte des sociétés concernant la possible disparition de l'une d'entre elles à la suite de l'appel d'offres national. Il précise que " cette remarque était inattendue de la part des plus grosses sociétés : Medtronic, Saint Jude et Guidant ". Il souligne par ailleurs : " j'ai précisé aux sociétés au cours de l'entretien que le cahier des charges serait alloti pour permettre aux 5 sociétés présentes sur le marché de répondre, mais je leur ai dit que je ne pouvais pas leur garantir que toutes auraient un lot, les règles de l'achat public s'appliquant ". Enfin, selon M. H..., " à aucun moment au cours de l'entretien, les sociétés n'ont évoqué l'idée de ne pas répondre " (cote 2646).
61. Lors de ces rendez-vous, M. H... a expliqué et justifié la convention de mandat aux sociétés. Ainsi la télécopie de M. M... à M. J... (Saint Jude) du 26 février 2001 qui fait le point sur le contenu de la conversation avec M. H... montre que le sujet de la convention a été abordé : " 17 CHU sont fédérés dans cet AO qui prendra effet en 01/2002 [...] Le cadre juridique semble défini et, de leur point de vue inattaquable. Ils agiront dans le cadre d'une convention de mandat, le tout avec l'accord de toutes les instances impliquées " (cote 1257). M. A... (ELA) précise également " M. H... nous a présenté longuement le projet de l'appel d'offres avec tous les aspects juridiques " (cote 2213).
62. Le CHU de Montpellier a ainsi pris des précautions dans l'organisation de l'appel d'offres, en donnant toutes les informations souhaitées par les candidates pressenties. Lors de ces entretiens, aucun obstacle majeur n'a été porté à la connaissance de M. H... par les sociétés alors même que, dès le 16 janvier 2001 dans le cadre d'une réunion du SNITEM, les sociétés se sont posées la question de la convention de mandat.
C. LES PRATIQUES RELEVÉES
63. Les services de la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression de Fraudes (DGCCRF) ont diligenté une enquête en recourant aux dispositions des articles L. 450-3 et L. 450-4 du Code de commerce. Le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nanterre, a rendu une ordonnance autorisant les visites et saisies, le 14 novembre 2001.
1. CONTACTS ENTRE LES SOCIÉTÉS AVANT LE LANCEMENT DE L'APPEL D'OFFRES
a) Par l'intermédiaire de la société française de cardiologie
64. Les représentants des cinq sociétés distribuant des défibrillateurs ont participé à des réunions, séminaires organisés par la société française de cardiologie et plus spécialement au groupe de stimulation présidé par le professeur L.... L'appel d'offres national a été très tôt évoqué dans le cadre de ces réunions.
65. M. J... (Saint Jude Medical) présent, le 21 octobre 2000 à une réunion du groupe de stimulation au cours de laquelle l'appel d'offres national a été de nouveau évoqué, a rédigé une note manuscrite à l'intention des représentants des autres sociétés, où figure l'annotation suivante : " AO nationale des def, toujours en cours. Pas d'information officielle à ce jour " (cote 1522 à 1524).
<emplacement image>
66. Les mentions rayées n'apparaissent pas dans la version dactylographiée trouvée dans le bureau de M. N... (Medtronic).
67. Ainsi, le projet d'un appel d'offres national a été connu très tôt et a suscité un vif intérêt de la part des participants du groupe de stimulation de la société française de cardiologie qui a néanmoins, par la voix du professeur L..., émis un avis défavorable.
b) Par l'intermédiaire de réunions organisées par le Snitem
68. Le Snitem organise officiellement les réunions du groupe stimulation cardiaque appelé encore CRM (cardio rythm management). Mme Y..., directrice générale du Snitem, précise que " les réunions CRM n'ont pas de périodicité définie, c'est en fonction de l'actualité et des agendas des participants. A chaque réunion sectorielle, nous faisions un point sur l'actualité réglementaire et ensuite nous traitions les problèmes techniques " (cote Conseil 3033). Des comptes-rendus des réunions stimulation cardiaque sont réalisés par le Snitem.
69. Tous les comptes-rendus de l'année 2001 ont été retrouvés par le Snitem à l'exception du compte-rendu du 19 novembre 2001. Des comptes-rendus de l'année 2000 ont également été saisis dans certaines entreprises (Biotronik et Medtronic). Selon les comptes-rendus disponibles, l'appel d'offres national a été évoqué au cours des réunions du 3 octobre 2000, du 27 novembre 2000, du 16 janvier 2001, du 1er mars 2001 et du 22 juin 2001.
70. Lors de la réunion du 3 octobre 2000, le compte-rendu fait ainsi état d'une " rumeur d'un appel d'offres national pour les défibrillateurs cardiaques : le Snitem va s'informer sur d'éventuelles directives de la Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins et va essayer de se procurer le rapport de l'IGAS sur les appels d'offres " (cote Conseil 420).
71. Le 27 novembre 2000, les membres du groupe CRM conviennent de demander à un spécialiste des appels d'offres de participer à une réunion de ce groupe afin de répondre aux préoccupations des industriels du secteur portant sur l'appel d'offres national sur les défibrillateurs cardiaques implantables initié par l'hôpital de Montpellier et sur la légalité de la présence d'une clause faisant référence au tarif TIPS dans le cahier des charges. (cotes Conseil 944 à 945).
72. Pour ce faire, le Snitem a invité, lors de la réunion CRM du 16 janvier 2001, un ancien pharmacien hospitalier. En outre, lors de cette réunion, la question de la fiabilité juridique de la convention de mandat est mentionnée. Le Snitem s'engage alors à transmettre une copie de la convention de mandat au service juridique de la Fédération des Industries Mécaniques (FIM) à laquelle est affilié le Snitem. La légalité de la clause TIPS est à nouveau abordée.
73. Les comptes-rendus du Snitem témoignent donc de l'intérêt suscité par l'appel d'offres mais aussi des interrogations relatives à l'utilisation de la convention de mandat et à la présence de la clause TIPS.
74. Le 1er mars 2001 s'est tenue une autre réunion CRM organisée dans le cadre du Snitem. Lors de cette réunion, le Snitem a fourni à ses adhérents une analyse article par article du règlement de la consultation d'un appel d'offres national qui s'appuyait sur la consultation de plusieurs spécialistes du Code des marchés publics (service juridique de la FIM, UGAP...) et ce afin d'apporter des éléments de réflexion à ses adhérents concernant l'appel d'offres national.
75. Une note manuscrite datée du 1er mars 2001 se rapportant notamment à cet appel d'offres national a été saisie dans le bureau de M. F..., directeur général de Biotronik (cotes Conseil 415 et 416). Elle reprend les sujets abordés dans le cadre de cette réunion Snitem et la partie consacrée à l'appel d'offres national est précédée de la mention soulignée " Code des marchés ", suivie d'un premier tiret intitulé : " - position des constructeurs ", qui montre que la discussion a porté sur la situation des offreurs face à ce futur appel d'offres.
76. Après une série de rappel sur le format de l'appel d'offres groupé et notamment le fait que les lots seraient attribués à plusieurs fabricants mais que tous ne seraient pas retenus, on lit :
<emplacement image>
" Comment répondre si on répond ?
Qui fait quoi ? Actions [souligné d'une flèche].
Attendre le règlement définitif.
Si le AO sort ? réponse pas possible par manque de temps
on essaie de ne pas rentrer dans le système " (cote 415)
77. Interrogé sur ces notes, M. F... a déclaré aux enquêteurs : " Les notes manuscrites sont de ma main (...) le document est daté du 1er mars 2001 (...) Je ne me souviens plus a priori de l'occasion à laquelle j'ai rédigé ces notes. Mais en regardant mon agenda 2001 du mois de février, je constate que le 26 j'ai noté que M. O... était inscrit à 16 heures et qu'ensuite je suis allé à l'APODEC. Or la suite du document concerne l'APODEC ".
78. Selon cette déclaration, M. F... ne se souvient plus des circonstances dans lesquelles il a pris ces notes mais suggère que ce serait, au moins en partie, le 26 février 2001 lors d'un entretien avec son collaborateur M. O..., sans toutefois expliquer pourquoi la date du 1er mars figure sur le document. Il faut toutefois relever que l'agenda de M. F... montre que le 1er mars 2001 à 10h il était à la réunion du Snitem.
c) Entre sociétés
79. M. N... de Medtronic a pris les notes suivantes à l'occasion du comité de direction interne à la société en date du 22 mai 2001 (cote Conseil 1139) :
<emplacement image>
" AA- A.O. National Déf [défibrillateurs] Cahier de charges officiel CHU Montpellier
Motiver le SNITEM - rencontre et volet politique Industrie/CHU
AA ? Fax désignant P...
AM? Réunion Z... / J... + expertise légale (AA à faire analyser) ".
80. Ainsi, des contacts ont eu lieu entre M. Z... (Guidant), M. J... (Saint Jude Medical) et M. N... (Medtronic). Ce dernier a eu par ailleurs le souci que le SNITEM s'implique davantage dans l'appel d'offres.
2. DÉROULEMENT DE L'APPEL D'OFFRES
81. Après la publication au BOAMP du 24 mai 2001 de la procédure d'achat groupé, les cinq sociétés ont retiré sans attendre un dossier.
82. La société Biotronik a alors été la seule société à demander un rendez-vous, demande qu'elle a annulée quelques jours après sans fournir d'explications. Cette attitude est jugée surprenante par M. H... : " La première et la seule société à demander un rendez vous a été la société BIOTRONIK, qui quelques jours après a annulé sa demande sans fournir d'explications. Ce n'est pas du tout une attitude habituelle d'annuler sans explication et sans prendre de nouveaux rendez-vous. Nous avons été surpris par le silence total des sociétés à ce sujet " (cote Conseil 2647). En outre, M. F..., directeur général de Biotronik, semble avoir oublié cette demande de rendez-vous lorsqu'il déclare " Il ne m'est pas venu à l'idée de demander un entretien à M. H... fin juin 2001. Il n'était pas pour moi un partenaire compétent pour me répondre techniquement " (cote Conseil 1902).
83. Deux sociétés, Biotronik et Saint Jude Medical, ont toutefois demandé des renseignements complémentaires par courrier, après un long délai depuis l'annonce de l'appel d'offres puisque la première demande de renseignements a été faite le 19 juin 2001.
84. Le calendrier des demandes de renseignements et des courriers envoyés par les sociétés pour informer le CHU de Montpellier de leur décision de ne pas répondre à l'appel d'offres est présenté ci-dessous :
<emplacement tableau>
85. La lettre envoyée par Biotronik le 22 juin 2001 concerne les aspects techniques de l'appel d'offres mais un point vise le mandat. Malgré les clarifications données, M. F... (Biotronik) déclare lors de son audition le 13 décembre 2002 : " J'estimais que les réponses faites par M. H... ne me permettaient pas de répondre à l'appel d'offres. Les incertitudes techniques étaient telles que nous avons pris le risque de ne pas répondre " (cote 1901).
86. Quant à la société Saint Jude Medical France, M. J..., qui en était alors le directeur général, reconnaît qu'il était en mesure de répondre aux lots 1 à 9 de l'appel d'offres à condition d'obtenir des clarifications techniques : mais sa lettre ne contient aucune demande de précision technique et s'intéresse uniquement à la convention de mandat. Aucun rendez-vous n'a été demandé à M. H... pour obtenir les éclaircissements soi-disant souhaités.
87. En dehors de Biotronik et de Saint-Jude Medical, Medtronic s'est aussi fondée sur le manque de clarification technique de cet appel d'offres pour justifier l'absence de réponse, sans estimer utile d'interroger M. H... qui se tenait à la disposition des candidats pour donner tous les renseignements complémentaires : " Le point 2 du courrier du 3 juillet 2001 développe un certain nombre de questions relatives à l'allotissement. Cet allotissement nous paraissait imprécis " et " J'ai formulé des remarques techniques à M. H... et souligné qu'il serait plus adéquat de séparer l'aspect support technique et le produit. Le point 3 du courrier du 3 juillet 2001 développe d'ailleurs cette argumentation " (cote 2294).
88. Toutes les sociétés ont informé M. H... quelques jours avant la date limite de remise des offres de leur décision de ne pas répondre à la consultation.
89. Les premières sociétés ayant signalé leur volonté de ne pas répondre à un appel d'offres national qui concernait près de la moitié des achats nationaux de défibrillateurs implantables encouraient un risque d'exclusion du marché. Risque dont était clairement consciente la société Medtronic : " Prendre la décision de ne pas répondre à l'appel d'offres n'a pas été facile car il y avait un risque que les autres concurrents répondent et nous nous serions retrouvés exclus d'office de la compétition quels que soient les prix proposés par la concurrence " (cote 2295).
90. Ainsi, aussi longtemps que toutes les sociétés n'avaient pas manifesté leur refus de participer, elles risquaient de perdre ce marché à moins que chacune des sociétés n'ait su que les autres refuseraient également de participer.
3. CONTACTS ENTRE LES SOCIÉTÉS PENDANT L'APPEL D'OFFRES
91. Entre le 24 mai 2001, date de la publication au BOAMP de la procédure d'achat groupé et le 6 juillet 2001, date limite de remise des offres, les sociétés ont eu des contacts soit lors de réunions organisées par le Snitem, soit de manière informelle lors de conférences téléphoniques organisées par le Snitem qui ne donnent lieu à aucun compte-rendu.
a) Par l'intermédiaire de réunions organisées par le Snitem
92. Une réunion a été organisée par le Snitem le 22 juin 2001 soit entre la publication et la clôture de l'appel d'offres national.
93. Une note manuscrite du 14 juin 2001 rédigée par M. X... directeur général, lors d'une réunion interne de la société Guidant et saisie dans son bureau montre l'importance attachée à cette réunion. En effet, selon M. X..., " les notes manuscrites placées sous le scellé 2 cotes 4 à 18 correspondent bien à mon écriture. Il s'agit de trois documents : le premier (cotes 4 à 13) concerne une réunion de vente interne du 14 juin 2001 à laquelle j'ai assisté " (cote 2037). Il est écrit (cote 601) :
<emplacement image>
" AO national des défibrillateurs (...) ? définition d'une politique fin semaine prochaine ".
94. La mention encadrée " fin semaine prochaine " se comprend évidemment par rapport au 14 juin 2001, date à laquelle cette note a été écrite. Elle correspond au vendredi 22 juin 2001, date retenue pour la réunion du CRM du Snitem et en révèle l'intérêt concernant l'appel d'offres.
95. Le compte-rendu de la réunion du 22 juin 2001 porte sur l'appel d'offres national : " Les industriels ont reçu un Appel d'Offres National émis par le CHU de Montpellier et portant sur les défibrillateurs et sondes implantables. Cet Appel d'Offres regroupe 17 CHU (+50% du Marché total). La date de retour des propositions est le 06 juillet 2001. Après un tour de table, il est convenu ce qui suit : le SNITEM quant à lui saisira le Conseil de la Concurrence sur le fond de cet Appel d'Offres après consultation du service juridique de la FIM " (cotes 3048 à 3050).
96. En outre, plusieurs notes manuscrites se rapportent à cette réunion.
97. En premier lieu, une note manuscrite saisie au siège de la société Guidant dans le bureau de M. X..., était insérée dans le dossier concernant l'ordre du jour fourni par le Snitem intitulé : " Réunion : 'groupe stimulation cardiaque' Date : vendredi 22 juin 2001 à 10h00, salle 545 ", " 3/ Appel d'Offres National sur les défibrillateurs " (cotes Conseil 615 et 616). M. X... a déclaré : " Les notes placées après l'ordre du jour réunion groupe stimulation cardiaque du SNITEM du 22 juin 2001 (scellé 2 cotes 25 et 26) correspondent bien à mon écriture. Il s'agit de notes que j'ai prises lors de la réunion précitée " (cote 2036). On peut y lire :
<emplacement image>
" AO National defs
(1) ? saisine de la DGCCRF
? entrave à la libre concurrence ? démarche institutionnelle du SNITEM
(2) courrier sur la forme / mandatement [entouré]
lettres à H... / chaque entreprise [entouré] CC : DG Montpellier 4...
(3) Voir centres privés / lois / Conseil de la Concurrence "
98. Selon M. X..., les mots entourés (mandatement et chaque entreprise) correspondent à des réflexions personnelles : " 'courrier sur la forme /mandatement', il s'agit de mes propres réflexions sur la question qui reste en suspens sur le mandatement. [...] Lorsque j'entoure quelque chose c'est généralement une réflexion de ma part " (cote 2036).
99. En deuxième lieu, une note manuscrite a été retrouvée dans le bureau de M. F..., directeur général de la société Biotronik, rédigée au verso de l'ordre du jour de la réunion (cotes 413 et 414) :
<emplacement image>
" AO (1) Il faut répondre !
(2) Saisine pour avis du Conseil de la Concurrence
(3) Mandatement (à condition que ceci soit t.b. documenté)
(4) Faille ? AO + de 50% du marché
? donc il y a une régulation du marché par le biais de l'AO "
puis, dans un cadre séparateur,
" RB PO [encerclés] ? Lettre à H... [encadré] merci de préciser le mandatement et de le documenter rapide
(+) préciser les lots qui nous semblent libellés de manière telle que nous redoutons que les lots soient infructueux -> faible énergie
->lot n°5, n° 6 Petite taille ?
n°5 reconnaissance AA par un DDDR ".
100. M. F... a déclaré : " La note manuscrite placée sous scellé 2 cote 117 a été rédigée par moi. Elle se réfère à l'ordre du jour de la réunion du SNITEM du 22 juin 2001 (Cf scellé 2 cote 116). II s'agit des notes que j'ai prises après la réunion. Il s'agit de mes réflexions personnelles. Les abréviations RB et PO font référence à O... et à Q.... Comme je vous l'ai expliqué précédemment, j'ai pris ces notes dans la voiture à la sortie de la réunion et j'ai dicté à ce moment la lettre du 22 juin pour M. H... " (cote 1909).
101. En troisième lieu, une note manuscrite saisie dans le bureau de M. Q..., directeur administratif et financier de la société Biotronik et agrafée au courrier du 22 juin 2001 adressé par Biotronik à M.H... est ainsi rédigée (cotes 500 à 504) :
<emplacement image>
" Recours Conseil concurrence par Snitem en cours
-> 2e Lettre des Industriels disant que les compétiteurs ne peuvent répondre tant que le Snitem n'a pas la réponse du C. d'Etat
Now : 1ère lettre
1/ en quoi consiste votre mandatement et quelle est la qualité de Montpellier pour agir au nom des autres établissements.
2/ clauses techniques.
102. Selon M. Q..., " il s'agit de consignes que j'ai prises le 22 juin à l'occasion d'une conversation téléphonique avec M. F... qui avait pour objet de préciser les modalités de notre réponse à l'appel d'offres national de Montpellier " (cote 2027), explication confirmée par M. F... : " je me souviens avoir dicté le courrier de réponse à M. H... daté du 22 juin dans la voiture en revenant de cette réunion [réunion Snitem, groupe stimulation sur les défibrillateurs] à M. Q... " (cote 1907). De plus, M. Q... mentionne dans sa note manuscrite le recours au Conseil de la concurrence par le Snitem décidé lors de la réunion, ce qui confirme que cette note, prise sous la dictée de M. F..., est le fruit de la réunion du Snitem.
103. M. Q... commente le document en inversant sa présentation, ce qui ne change rien à son contenu : " Ces modalités devaient s'articuler en 2 temps :
Now [immédiatement], l'émission d'un premier courrier : 1/ demandant au CHU de Montpellier de justifier de son mandatement en produisant les délégations, qu'il n'a d'ailleurs pas produites et
2/ demandant au CHU de Montpellier de répondre à des interrogations techniques de notre part suscitées par les insuffisances de précision et ambiguïtés du cahier des clauses techniques.
2iéme lettre des industriels disant que les compétiteurs ne peuvent répondre tant que le SNITEM n'a pas la réponse du Conseil d'Etat " (cote Conseil 2027).
104. Les trois notes rédigées à l'issue de la réunion du 22 juin 2001 présentent de nombreuses similitudes :
<emplacement tableau>
b) Documents relatifs à l'appel d'offres entre le 23 juin et le 6 juillet
105. Entre le 23 juin 2001, lendemain de la réunion organisée par le Snitem, et le 6 juillet 2001, date limite de remise des offres, plusieurs documents attestent de l'évolution des réflexions des sociétés concernant la décision à prendre.
Notes de M. X...
106. Plusieurs notes manuscrites ont été saisies dans le bureau de M. X..., de la société Guidant qui reconnaît les avoir rédigées " fin juin début juillet " (cote Conseil 2038) et se succèdent les unes aux autres. Les différentes notes manuscrites sont reproduites et suivies des explications de leurs auteurs :
107. 1°/ les notes des pages 55 (cote Conseil 645) et 56 (cote Conseil 646) :
<emplacement image>
" ? Taille marché defs en 2000
1100 unités
440 ~ 630+ [encerclé]
? Copie de la saisine
DGCCRF
Direction CHU / M. H...
? sociétés
2ieme mouture / Maître R... [encerclé]
? Retravailler le texte
(cf S...) //
explication plus tonique de la jurisprudence
éléments + précis la moitié des CHU
Destinataire [encadré] A renvoyer à Y... "
<emplacement image>
" (1)? Saisine du conseil de la concurrence
léger ??[très peu de chance d'aboutir]
(2) ? Préoccupation du TIPS /
dialogue avec la DGCCRF [Encerclé]
(3) écrire au CHU [Documenter le fait de ne pas répondre]
? Syndicat écrirait
répondre mais pas faire d'offre [Encadré] [Annexe des prix fausse tout]
(proposition GDT) "
108. M. X... déclare à propos de ces deux documents : " En ce qui concerne les notes manuscrites placées sous scellé 2 cotes 55 à 56, il s'agit bien de mon écriture. Il s'agit de notes de réflexion non datées. Elles sont visiblement de fin juin début juillet. Le fait que j'ai pris mes notes sur un bloc à entête de M. Z... prouve que mon bloc personnel n'était pas encore imprimé. Par réflexe, j'ai barré le nom de M. Z.... Ces notes montrent que nous avons fait plusieurs consultations juridiques concordantes au sujet de la base légale incertaine voire inexistante de l'appel d'offres national avant l'entrée en vigueur du nouveau Code des marchés publics. Je lis 'éléments plus précis : la moitié des CHU'. Il s'agit probablement du fait que l'appel d'offres concernait 17 CHU sur 35 en France, si l'on compte le potentiel des grands hôpitaux. Il y 25 CHRU en France, 'destinataire à renvoyer à Y...' signifiait que je voulais transmettre à Y... ma réflexion sur le bien fondé d'une saisine du conseil de la concurrence par le SNITEM. Je voulais valider cette hypothèse avec le SNITEM. Cote 56, je précise que l'avis qui m'est transmis montre que la saisine a très peu de chances d'aboutir dans des délais rapides. D'où l'idée, juste après, d'un dialogue avec la DGCCRF. Nous ne souhaitions pas nous engager dans un conflit majeur au moment des discussions sur le dossier de remboursement des défibrillateurs. Ensuite je lis 'écrire au CHU (documenter le fait de ne pas répondre) flèche Syndicat' : l'action du syndicat ne nous dispensait pas de répondre au CHU et de prendre une décision propre à la société. Nous devions décider de répondre ou pas et de remettre ou non une offre. Je lis entre parenthèses 'proposition Guidant' qui est une option, soit 'répondre mais pas faire d'offre' ce qui est une seconde option. Je précise 'annexe des prix fausse tout', ce qui confirme que la décision n'est pas encore prise " (cote Conseil 2038). 109. 2°/ La note de la page 57 (cote Conseil 647), on peut lire :
<emplacement image>
" (1) Idéal ? tout le monde écrit directement
au CHU Montpellier ? Points techniques [encadré]
(2) Dialogue avec la DGCCRF ? Bloquer le CHU de Montpellier s'il
intente une action qui viserait à
démontrer entente
(3) Autorité indépendante ? saisine très légère
Conseil de la concurrence [encerclé]
- Pb de délai
très léger
- procédure très longue
- tjs possible + tard
Motifs [encadré] ELA [encerclé] //
Qui la saisir a comment ? [encadré] réponse Jeudi [encerclé] programmer la réunion mijuillet
[encadré] Saisir la DGCCRRF [encadré]
Pb des regroupements nationaux ? [ELA/GDT] Directeur de cabinet
(4) Saisie par l'industrie via Snitem ? CHU Montpellier M. H...
questions d'éclaircissement [encadré] "
110. M. X... a déclaré à propos de ce document : " La note manuscrite sous scellé 2 cote 57 non datée est bien de ma main. Je ne peux dire s'il s'agit du même document que les notes prises en cotes 55 et 56. J'ai l'impression que c'est au même moment car cela me paraît être une réflexion personnelle sur toutes les options disponibles. En ce qui concerne le point 1 développé dans la note, dans l'idéal tout le monde devrait répondre avec sa propre offre. Nous sommes dans le cadre d'une concurrence qui est loyale sur une opportunité d'un marché supplémentaire. Là, la différence se ferait sur les produits, j'ai noté 'points techniques'. Je voulais m'assurer que notre offre répondait le mieux au cahier des charges. Mais il y a plusieurs autres cas de figures. Si jamais personne ne répondait avec une offre, nous savions bien que l'on pouvait s'exposer à une apparence d'entente. D'où le point 2 de la note qui évoque l'hypothèse d'un dialogue avec la DGCCRF. Le point 3 concerne les possibilités de saisine des autorités de la concurrence ; soit on le fait à titre individuel (chaque société peut le faire), soit c'est un des représentants de l'industrie qui le fait au nom de l'industrie (A... de ELA était le responsable du groupe à l'époque). Je me demande qui saisit et comment : ELA au titre du groupe, est-ce que Guidant doit s'associer à ELA pour cette action ? Je précise 'répondre Jeudi'. Je constate qu'au mois de juillet 2001 le premier Jeudi est le 5 date d'envoi du courrier Guidant à M. H.... Je note également 'programmer la réunion mi-juillet' pour la saisie de la DGCCRF, car il y avait moins d'urgence. Au point 4 je me demande l'éventualité d'une saisine par le Snitem, je note 'questions d'éclaircissement'. Finalement je demande à mes avocats la meilleure façon de procéder en étant bien conscient des risques " (cotes Conseil 2038 et 3039).
111. 3°/ Les notes des pages 58 à 60 du bloc-notes de M. Z... (cotes Conseil 649 à 651) :
<emplacement image>
" Avocat de Guidant
Avocat de ST Jude Medical
J... Baker a mc Kenzie
15h30 [encerclé]
5...
[01-44-17-53-09]
? Conference call : 15h00 [encerclé]
a 17h30 [encerclé]
? Bien préciser les risques d'entente ]
16h00 ~ 16h30 / Appel "
" Application des lois [encadré]
+ dialogue DGCCRF [encadré] (3mois)
VS action agressive
Raisonnement Conseil de la concurrence (18 mois)
+ vaste via [[Snitem ]] ou industrie
Oligopole dans son ensemble
d'acheteurs
On est d'accord pour répondre
Mais de façon loyale
06-07-03-25-02 S... "
" Réponse au CHU
Contrat de mandat : pas de
marché public / ne relève pas des procédures
/ du marché public
(Achat groupé défibrillateurs implantables)
faible énergie ? énergie délivrée
en cas de choc
45 joules[encadré] HE durée de vie + courte
2 ans
Revoir autre projet : service fédération Adhérents [encerclé] "
112. M. X... a déclaré à propos de ces documents : " La note manuscrite placée sous scellé 2 cote 58 vient probablement à la suite des réflexions des notes cote 57. Je demande à mon avocat de se mettre en rapport avec ses confrères qui auraient été saisis. La mention 'conférence call 15h00 ou 17h30' fait référence à la conférence téléphonique qui devait avoir lieu entre mon avocat et l'avocat de Saint Jude médical. Je pense que cette note a été prise au moment où je parlais à mon conseil ". " La note manuscrite placée sous scellé 2 cote 59 est à nouveau une réflexion de ma part sur un dialogue possible avec la DGCCRF et qui fait état de ma position in fine et en particulier de l'incapacité du Code des marchés publics ancien à offrir la base juridique requise à l'appel d'offres national. Sachant que 3 mois après la question ne se posait plus voir note en haut de page '3 mois' d'où la conclusion de répondre conformément au courrier du 5 juillet. Je lis 'un dialogue DGCCRF versus une action plus agressive conseil de la concurrence (18 mois), soit via le Snitem ou industrie dans son ensemble. Raisonnement plus vaste'. Guidant voulait avoir un raisonnement plus large dans son dialogue avec la DGCCRF et notamment englober les discussions sur le remboursement et attirer l'attention sur un éventuel problème d'oligopole d'acheteurs. La note en haut de page 'application des lois (3 mois)' fait référence au nouveau Code des marchés publics. La note précise également 'on est d'accord pour répondre mais de façon loyale', Guidant souhaite répondre mais le cadre juridique est inadapté et pouvait être jugé illégal. Le on dans la note ne concerne que la société Guidant ". " La note manuscrite placée sous scellé 2 cote 60 vient à la suite des notes précédentes. Il s'agit de mon écriture. Dans cette note, je prends note de ce que me dit M. Z... dans la réponse téléphonique faite par M. H... à ses interrogations : en particulier que le contrat de mandat ne relève pas des marchés publics. 'HE' correspond à haute énergie, il s'agissait d'une des questions que nous nous posions concernant un éclaircissement de notion relative à plusieurs lots (faible et haute énergie). Concernant la note 'revoir autre projet : service fédération adhérents', il s'agit d'un autre sujet [...] " (cote Conseil 2039).
4°/ Les notes des pages 68 et 69 (cotes Conseil 659 à 660) :
<emplacement image>
" ? processus innovant vs Code des marchés publics
? les prix [encadré]
? dommage que vous ne répondez pas "
" ? Voir HCS / JRH
? Tel S... "
113. M. X... a déclaré à propos de ces documents : " La note manuscrite placée sous scellé 2 cote 68 est à nouveau une réflexion personnelle qui rappelle que le processus est tellement innovant qu'il n'est pas prévu par le Code des marchés publics. Nos prix sont déterminés, notre offre est prête. Mais je lis 'dommage que nous ne répondions pas', je résume mes réflexions finales. Il s'agit de la conclusion quant à ma réflexion et décision en ce qui concerne la position de la société Guidant relative à l'appel d'offres national ". " Dans la note manuscrite placée sous scellé 2 cote 69, il s'agit d'un complément de note à la note manuscrite précédente 'voir HCS/JRH'. Il s'agit de 6..., à l'époque Président du conseil d'administration de Guidant et mon supérieur hiérarchique direct que je vais informer de ma décision finale et de 7..., Directeur des affaires publiques qui travaille sur le dossier de remboursement des défibrillateurs et spécialiste des relations avec l'administration. Enfin la note précise que je vais appeler mon avocat pour la rédaction finale de mon courrier à M. H... " (cote 2039).
Autres contacts entre les sociétés
114. Par ailleurs, des contacts ont eu lieu entre les sociétés au moyen de conférences téléphoniques organisées par le Snitem pour la plupart entre l'annonce de l'appel d'offres et la date limite de remise des offres. Les agendas de MM. F..., X... et J... en font mention.
115. Ainsi des conférences téléphoniques ont eu lieu le 5 et le 6 juin 2001, selon l'agenda de M. X... (Guidant), le 18 juin 2001, selon l'agenda de M. F... (Biotronik), le 19 juin 2001 selon l'agenda de Mme T..., assistante de M. J..., le 29 juin 2001, selon l'agenda de M. F.... Cette dernière conférence a eu lieu entre M. F... et M. A... (ELA) au sujet, selon M. F..., du professeur U... de l'hôpital Ambroise Paré à Boulogne.
116. Les agendas de M. F... et de M. X... mentionnent deux conférences téléphoniques (à 9h30 et à 15h00) au 2 juillet 2001 à propos desquelles M. F... précise : " En ce que qui concerne les conférences téléphoniques de 9 heures 30 et de 17 heures 30, elles sont vraisemblablement organisées dans le cadre du SNITEM, car c'est généralement le cas lorsqu'on me donne un numéro de téléphone " (cotes Conseil 1907 et 1908). Dans l'agenda de M. J... tenu par son assistante Mme T... n'est indiquée que la conférence de 9h30. En outre M. J... ne se rappelle que de cette seule conférence : " D'après mes souvenirs, il n'y a eu qu'une seule conférence téléphonique. L'après midi, l'agenda précise que j'étais en réunion préparation du budget. Je n'ai pas d'autre souvenir sur le sujet " (cote 2523).
117. Il est néanmoins précisé dans l'agenda de M. F... pour la conférence de 15h00 " AO. DEF O. Y... " (cote Conseil 355). De plus, le rendez-vous de M. X... précédant la conférence de 9h30 concernait l'appel d'offres national " 08 : 30 09 : 30 A/O NATIONAL " (cote Conseil 584).
118. M. F... reconnaît que le sujet de l'appel d'offres a été abordé au cours de ces conférences. Ainsi M. F... précise : " Nous avons effectivement parlé de l'appel d'offres national mais uniquement des aspects juridiques à quelques jours de la limite de dépôt des offres " (cote Conseil 1908) tandis que M. X... ne le reconnaît pas explicitement mais concède : " En ce qui concerne le lundi 2 juillet 2001 (agenda électronique scellé 1 cote 14), la note A/0 national signifie appel d'offres national. D'après mes souvenirs, de 8h30 à 9h30, il s'agissait d'une réunion interne à la société. Ensuite, j'ai eu une conférence téléphonique avec le SNITEM de 9h30 à 10h00, mais je ne me souviens plus du sujet évoqué : cela a pu concerner l'appel d'offres national ou la préparation du dossier de remboursement [...] Début juillet 2001, nous nous posions la question de la saisine du Conseil de la concurrence [...]. Par ailleurs le SNITEM nous avait proposé sa propre expertise juridique en plus de la nôtre, je ne serais pas étonné qu'on ait évoqué ce sujet lors de la conférence téléphonique " (cotes Conseil 2034 et 2035). Tous deux insistent fortement, et sont rejoints en cela par M. J..., sur la réunion AFFSAPS qui s'est déroulée le 4 juillet 2001. Ainsi, selon M. J..., " le 2 juillet, dans le cadre du Snitem, nous avons préparé la réunion de l'AFFSAPS du 4 " (cote 2523). C'est l'importance de cette réunion qui justifierait les deux conférences téléphoniques de la journée.
119. Même s'il n'est pas possible de déterminer les personnes qui ont participé à chaque conférence téléphonique et les sujets abordés il n'en demeure pas moins que des échanges ont eu lieu entre plusieurs sociétés commercialisant des défibrillateurs et portant sur l'appel d'offres national grâce aux conférences organisées par le SNITEM au cours du mois précédant la date fixée pour la remise des offres.
4. RÉPONSES DES SOCIÉTÉS À L'APPEL D'OFFRES
a) Chaque société a envoyé une lettre
120. Chacune des cinq sociétés a envoyé au CHU de Montpellier un courrier exposant et justifiant sa décision de ne pas répondre à l'appel d'offres.
121. Les arguments employés par les cinq sociétés présentent des similitudes et, pour certains d'entre eux, relatifs à des préoccupations de concurrence, ressemblent à ceux avancés dans le projet de saisine du Conseil de la concurrence. Ces arguments sont de trois sortes : arguments juridiques mettant en cause l'organisation de la procédure ; arguments techniques ; argument spécifique relatif à la clause d'indexation sur le TIPS.
<emplacement tableau>
122. Quatre sociétés sur cinq se sont fondées d'une part sur des problèmes de légalité d'appel d'offres, d'autre part sur des imprécisions relatives aux clauses techniques et trois d'entre elles ont critiqué l'insertion d'une clause d'indication sur le TIPS. Aucune d'entre elles n'a envisagé de saisir le juge administratif du problème de légalité ni de demander à M. H..., ouvert au dialogue, des précisions utiles sur les clauses techniques.
b) Certaines sociétés avaient préparé une offre
123. Des propositions détaillées et précises répondant à l'appel d'offres national ont été rédigées par les sociétés Guidant et Biotronik. Ces propositions n'ont jamais été communiquées au CHU de Montpellier, les sociétés Guidant et Biotronik n'ayant en définitive pas déposé d'offre.
124. A propos du projet de réponse de Biotronik à l'appel d'offres national, M. F... a précisé : " L'enjeu était de taille pour notre société, nous sommes un des plus petits concurrents sur le marché français. Nous réfléchissions à l'offre que nous allions remettre d'autant plus que M. H... nous avait donné des indications de prix dans sa demande. J'ai trouvé inhabituel que dans les clauses du cahier des charges de l'appel d'offres, ces indications de prix apparaissent. C'est le document placé dans le scellé n° I cote 22 [cote 287] intitulé recensement des besoins qui était annexé au cahier des charges. Je pense que le document placé dans le scellé n°l cotes 15 à 2l [cotes Conseil 280 à 286] est un document interne à la société. Il a été élaboré par M. O... Directeur de la division tachycardie qui de manière habituelle avec ses collaborateurs établit les offres. Ce document interne essaie de faire l'adéquation entre nos produits et l'offre. Nous vérifiions si nous étions en mesure de répondre à tous les lots. Même si la date d'édition du document est le 3 juillet 2001, il est plus que probable que ce document ait été établi antérieurement. Les documents placés dans le scellé n°l cotes 17 à 20 [cotes 282 à 285] sont des tableaux présentant l'impact des remises selon quantités. Nous élaborons ces documents systématiquement " (cote 1901).
125. Quant à la proposition de la société Guidant, M. X... explique : " Nous avons travaillé sur cet appel d'offres jusqu'au dernier moment ; nous avons d'ailleurs établi une offre que je vous ferai parvenir ultérieurement en insistant sur la confidentialité absolue vis à vis des concurrents de ce document " (cote 2034).
126. L'étude de ces propositions, notamment celle établie par la société Guidant, montre leur caractère élaboré. Elles n'ont cependant pas donné lieu à des offres déposées.
5. CONTACTS ENTRE LES SOCIÉTÉS APRÉS L'APPEL D'OFFRES
127. Le 11 juillet 2001, l'appel d'offres est déclaré infructueux par la commission d'appel d'offres du CHU de Montpellier. Néanmoins, les CHU espéraient encore être en mesure d'organiser un nouvel appel d'offres national. Ainsi, M. H... a envoyé le 16 juillet 2001 un courrier aux sociétés les informant de l'échec de l'appel d'offres et les avertissant de la mise en place d'une nouvelle consultation collective à la fin du mois de septembre 2001.
128. Les sociétés ont été informées du projet de saisine de la DGCCRF par le président de la Conférence des directeurs généraux des Hôpitaux relatif à l'appel d'offres de Montpellier.
129. L'étude de l'agenda de M. X..., (Guidant) montre que le 27 juillet 2001, M. X... a pris part à une conférence téléphonique de 10h45 à 11h30, mais n'a fourni aucune explication au sujet de cette conférence.
130. Par ailleurs, une note manuscrite a été retrouvée dans le bureau de M. Q..., directeur financier de la société Biotronik. Cette note manuscrite rédigée par M. Q... comporte deux pages manuscrites. La première de ces deux pages est intitulée et datée. Les deux pages sont présentées ci-dessous (cotes 496 et 498) :
<emplacement image>
" Conférence Call du 27/01(1 ou 7)/01
Objet : Appel d'offres National - AFFSAPS
Participants : * R.R. Biotronik
* A.B. Biotronik
* P.O. Biotronik
* D.V.
* J.B.
* 8...
SUJET
AO DEF MONTPELLIER
HOP PRIVE ST Martin CAEN "
" Courrier adressé au PSDT DGCCRF par PSDT de la Conférence des directeurs généraux des Hop relatif à l'AO de Montpellier
Guidant préconise de 1/ Ne pas recourir au Snitem
2/ Maintenir l'impression d'action
individuelle de la part de chaque
Industriel
Envisager de profiter du passage à l'Euro pour harmoniser
les prix des industriels
=> Envois des tarifs"
131. M. Q... (Biotronik) dans un courrier du 31 janvier 2003 adressé à la DGCCRF s'est expliqué sur les différentes étapes de l'élaboration de ce document et a commenté ainsi la partie de celui-ci introduite par le point 4) ci-dessus visé :
" Document placé sous scellé 4 cote 6 "
" Il s'agit d'une information transcrite après le 12 juillet 2001, date à laquelle M. V..., Président de la conférence des Directeurs généraux de centres hospitaliers, procède à la saisine de la DGCCRF. "
" Bien que ne faisant pas référence aux mêmes périodes dans le même temps que le document du 27/01/01 commenté précédemment, cette note a été portée et classée volontairement à la suite du document manuscrit du 27/01/01, lui-même classé avec le courrier adressé par Biotronik le 22 juin 2001 à M. H..., afin de rassembler en un même lieu de classement les différentes informations traitant du sujet sans considération de la chronologie ".
" Les commentaires colportés par les praticiens hospitaliers au sujet de ce courrier allaient bon train. L'un d'eux concernait entre autres la société Guidant. "
" Il fallait semble-t-il comprendre que dans la perspective d'une réponse au courrier du Président de la conférence des Directeurs Généraux, la société Guidant souhaitait personnellement ne pas recourir au Snitem et que chaque industriel agisse seul en toute indépendance " (cotes Conseil 2025 à 2027).
6. ECHEC DE LA RELANCE
132. Lorsque le CHU de Montpellier a tenté de relancer la procédure en septembre 2001, les cardiologues qui avaient refusé de s'associer à l'appel d'offres se sont opposés à sa relance.
133. La réunion qui s'est tenue le 2 octobre 2001 entre les représentants des CHU et des cardiologues a débouché sur un constat de désaccord : " Cet appel d'offres sur un matériel innovant est vécu comme un risque inutile " (cotes Conseil 2689 à 2690) par les cardiologues ainsi qu'il est indiqué dans un compte-rendu établi par M. W..., directeur général du CHU d'Orléans.
134. A la suite de cette réunion, les directeurs des CHU ont décidé de ne pas poursuivre la procédure après avoir pris acte de la position des cardiologues.
135. Les CHU concernés par l'appel d'offres national ont alors prorogé les appels d'offres antérieurs pour l'année 2001 et ont organisé de nouvelles procédures d'achat individuelles pour l'année 2002.
D. LE GRIEF NOTIFIÉ
136. Au regard des pratiques constatées, un grief d'entente a été notifié aux sociétés Biotronik (France), Guidant (France), ELA Medical (France), Medtronic (France) et Saint Jude Medical (France) en ces termes :
137. " Il est fait grief aux sociétés Biotronik, Guidant, ELA Medical, Medtronic et Saint Jude Medical de s'être concertées pour s'abstenir de répondre à l'appel d'offres n° 01S0082 relatif à l'achat groupé de défibrillateurs. Cette entente, destinée à faire échouer l'achat groupé envisagé par 17 CHU et contraindre ces derniers à procéder à des appels d'offres individuels, procédure en vigueur préalablement, est contraire à l'article L 420-1 du Code de commerce et à l'article 81 du traité CE ".
II. DISCUSSION
A. SUR LA PROCÉDURE
1. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA SAISINE
138. La société Biotronik considère que le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour apprécier la légalité de l'appel d'offres n°01S0082 et, partant, les pratiques anticoncurrentielles qui trouvent leur origine dans les conditions de la conclusion d'un marché public, en vertu de l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 22 avril 2004 (Bouygues n°99PA01016 et 01043) et de l'arrêt de la Cour de cassation du 29 septembre 2004. L'examen de la légalité de l'appel d'offres est, selon l'entreprise mise en cause, un préalable à l'appréciation de l'existence d'une pratique anticoncurrentielle dans le déroulement de celui-ci, de sorte que le Conseil de la concurrence devrait surseoir à statuer et renvoyer les parties devant la juridiction administrative compétente.
139. Si le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour apprécier la légalité de l'appel d'offres n°01S0082 dont seul le juge administratif compétent peut être saisi, il est en revanche compétent pour apprécier, au regard des règles du droit de la concurrence, les pratiques mises en œuvre par des entreprises ayant pour objet et pour effet de faire échouer une procédure d'appel d'offres, indépendamment de la présence alléguée d'irrégularités entachant cette procédure. Ainsi, le Conseil a relevé dans sa décision n°02-D-23 : " Considérant que l'association "Urgence 88" et les ambulanciers, représentés conjointement, font valoir que l'échec des consultations organisées par le CHG d'Epinal et leur propre attitude ne s'expliquent que par les nombreuses irrégularités dont ont été entachées les procédures utilisées par l'établissement hospitalier ; mais considérant qu'il ressort des compte-rendus de réunion de l'association "Urgence 88" et de la déclaration de son président, M. 1..., que ses membres se sont concertés afin d'adopter une position commune vis-à-vis de l'appel d'offres lancé par le CHG d'Epinal en vue de la passation d'un marché portant sur les transports médicalisés secondaires ; que la position adoptée en commun consistait à ne pas répondre à l'appel d'offres comme l'indique la très faible participation des ambulanciers privés à cet appel d'offres ; qu'une telle concertation a faussé le jeu de la concurrence que le CHG d'Epinal tentait d'instaurer entre les ambulanciers privés et est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ".
140. Contrairement aux allégations de la société Biotronik, cette décision est transposable au cas d'espèce, car le Conseil après avoir rappelé le moyen invoqué concernant l'irrégularité de l'appel d'offres à propos duquel il n'avait pas à prendre parti, a répondu en analysant les faits relevant de sa compétence pour démontrer l'existence de pratiques anticoncurrentielles comme il doit le faire dans la présente procédure. Il convient d'ailleurs de préciser que dans les deux arrêts cités par la société Biotronik, la Cour administrative d'appel et la Cour de cassation ont seulement confirmé la compétence du juge administratif pour apprécier le bien fondé d'une demande en réparation du préjudice né de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par une personne publique, ayant préalablement fait l'objet d'une décision de sanction de la part du Conseil de la concurrence.
141. La cour d'appel a affirmé à différentes reprises que la compétence des juridictions de droit commun pour apprécier la validité d'actes administratifs ne faisait pas obstacle à la sanction par le Conseil de pratiques anticoncurrentielles (arrêt du 29 janvier 2002, 2 juillet 2003 Régie départementale de transport de l'Ain). Dans un arrêt du 30 mars 2004, ( Semiacs ) alors que la requérante soutenait qu'à la suite de l'annulation par le tribunal administratif du marché public litigieux, le Conseil n'était plus compétent pour statuer sur les pratiques en cause, la cour d'appel a rappelé que "le Conseil de la concurrence peut prononcer sous le contrôle de la cour d'appel de Paris, des sanctions pécuniaires lorsqu'il constate des pratiques ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de la compétence parallèlement reconnue aux juridictions judiciaires de droit commun et comme en l'espèce aux juridictions administratives, qui seules ont le pouvoir d'annuler le contrat ou l'acte constitutif d'une pratique anticoncurrentielle, et d'allouer le cas échéant des dommages-intérêts en réparation des dommages résultant de ces pratiques."
142. Il en résulte que le Conseil de la concurrence n'est tenu ni de surseoir à statuer ni de renvoyer les parties devant la juridiction administrative compétente, pour apprécier, dans le cadre d'une question préjudicielle, la validité de l'appel d'offres lancé par le CHU de Montpellier, avant de se prononcer, dans le cadre de sa compétence, sur le caractère anticoncurrentiel du refus de l'ensemble des entreprises intéressées par ce marché.
2. SUR LA NULLITÉ DE LA PROCÉDURE
143. La société Biotronik entend faire valoir par le Conseil que la procédure 03/0081F doit être annulée dans la mesure où M. Cerutti, alors directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au ministère de l'Economie et des Finances, présente la double qualité de représentant de la partie plaignante, la DGCCRF, et de commissaire du Gouvernement, ce qui constituerait une atteinte aux droits de la défense et ne permettrait pas, dès lors, la tenue d'un procès équitable, au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.
144. Mais la situation dénoncée par Biotronik résulte de l'application de la loi qui prévoit que le ministre chargé de l'Economie a la faculté de saisir le Conseil de la concurrence en vue de la sanction de pratiques anticoncurrentielles en application de l'article L. 462-5 du Code de commerce et qu'il est par ailleurs, lui-même ou les représentants qu'il a désignés commissaire du Gouvernement auprès du Conseil en application de l'article L. 461-2 du même Code. Cette analyse a été faite par le Conseil dans sa décision 00-D-66 du 7 janvier 2001 où il a rappelé " que le législateur n'a pas entendu établir de séparation entre ces deux fonctions qui par leur caractère complémentaire, donnent au ministre des moyens de veiller à la protection de l'ordre public économique " et souligne ensuite que ni le ministre de l'Economie, ni le commissaire du Gouvernement ne disposent de pouvoirs d'intervention sur le déroulement de l'instruction conduite par le rapporteur.
145. Ce dispositif légal ne porte pas atteinte aux droits de la défense et à la garantie d'un procès équitable. Le moyen doit donc être écarté.
3. SUR LA DURÉE EXCESSIVE DE LA PROCÉDURE
146. Les sociétés Medtronic et Guidant invoquent la durée excessive de la procédure au sens de l'article 6-1 de la CEDH. La société Medtronic relève que l'appel d'offres publié le 24 mai 2001 et déclaré infructueux le 16 juillet 2001 a fait l'objet d'une enquête par les services de la DGCCRF qui a donné lieu à des opérations de visites et saisies le 21 novembre 2001. Le rapport de la DGCCRF a été établi deux ans après, transmis au Conseil de la concurrence avec la lettre de saisine du 19 novembre 2003 tandis que la notification des griefs n'a été envoyée que le 22 janvier 2007. Medtronic estime que la longueur de la procédure a rendu délicate la collecte d'informations utiles pour préparer sa défense compte tenu du nombre d'années écoulées et des changements de personnel.
147. Conformément à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 7 mars 2006, la société Medtronic ne saurait valablement prétendre avoir subi un préjudice, du fait de la durée de la procédure, caractérisée par la difficulté de collecter des informations utiles à sa défense alors qu'elle a fait l'objet de visites et saisies le 21 novembre 2001 et qu'elle savait donc que la procédure était toujours en cours et devait par conséquent conserver les pièces susceptibles de lui être utiles.
148. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la sanction d'une éventuelle violation de l'obligation de se prononcer dans un délai raisonnable ne peut être l'annulation de la procédure, mais la réparation du préjudice causé par une telle durée : " il résulte d'une jurisprudence constante que la sanction qui s'attacherait à la violation de l'obligation, pour le Conseil de la concurrence, de se prononcer dans un délai raisonnable résultant [de la Convention européenne des droits de l'homme], consisterait non pas dans le prononcé d'un non-lieu, mais dans la réparation du préjudice résultant éventuellement de la durée excessive de la procédure (Cour de cassation, 28 janvier 2003 et 13 juillet 2004) ".
149. Par suite, le moyen tiré de la durée de la procédure doit être écarté.
4. SUR L'EXISTENCE DE COMMUNICATIONS ENTRE AVOCATS COUVERTES PAR LE SECRET PROFESSIONNEL
150. Les sociétés Saint Jude Medical France (SJMF) et Guidant estiment que leurs droits ont été violés au regard de la jurisprudence communautaire applicable au secret professionnel qui couvre les communications entre avocats et clients (CJCE, AM&S, aff 155-79 du 18 mai 1982, ordonnances du TPICE, Hilti, aff T-30-89 puis AKZO aff T-125-03 R du 30 octobre 2003). Elles soutiennent que les notes de M. X... (cotes Conseil 645 à 647, 649 à 651, 659 et 660) ont été prises à l'occasion de conversations téléphoniques avec un conseil extérieur, en reprenant la substance des conseils sollicités et reçus de ce conseil, qu'elles font état d'échanges visant à saisir les autorités de la concurrence, de l'évolution et de l'efficacité d'une saisine du Conseil de la concurrence ainsi que des options réservées aux parties pour contester la légalité de l'appel d'offres.
151. Guidant fait valoir que dans l'ordonnance Akzo, le juge communautaire a accordé le bénéfice du secret professionnel au deuxième exemplaire d'une note dactylographiée interne sur laquelle figuraient des mentions manuscrites indiquant le nom et les coordonnées d'un conseil externe, qui faisaient état d'une conversation téléphonique avec ce conseil. Elle en déduit que la même protection doit être accordée aux notes de M. X... mentionnant les noms et coordonnées de plusieurs avocats, en particulier les cotes 645, 649, 650 et 660.
152. SJMF conteste enfin que les notes en cause ne fourniraient aucune information directe sur les axes de défense envisagés par les sociétés concernées, condition posée par le président du TPICE pour accorder le bénéfice du secret professionnel à des notes internes, au motif que, grâce à ces informations, la rapporteure a pu, dans la notification de griefs, i) présenter de manière détaillée- avant même d'avoir reçu les réponses des parties - les arguments fondés sur le fait que l'appel d'offre groupé était anticoncurrentiel et illégal, principal axe de défense des parties ; ii) évoquer le projet de saisine du Conseil de la concurrence " préparé par un avocat ".
En ce qui concerne le contenu des notes
153. Mais l'ensemble des notes prises sur un bloc-notes à en tête Z... sont des réflexions personnelles de M. X..., ainsi qu'il l'a déclaré lors de son audition, et ne se présentent pas comme la restitution d'indications données par des avocats :
- le document coté 645 (§103) mentionne qu'" une deuxième mouture " du projet de la saisine pour avis du Conseil de la concurrence par le SNITEM sera demandée à Me R..., qu'il faut "retravailler le texte (cf. S...), explication plus tonique de la jurisprudence, éléments plus précis la moitié des CHU destinataires, à renvoyer un exemplaire à Y..." ;
- s'agissant des documents cotés 646 et 647 (§ 103, 105), M. X... indique qu'il poursuit sa réflexion sur la saisine du Conseil de la concurrence et note " très peu de chance d'aboutir ", puis sous les points énumérés de 1 à 4 du document coté 647, il évalue les différentes options disponibles relatives à l'appel d'offres ;
- le document coté 649 (§ 111) indique les références de l'avocat de Saint-Jude Médical avec qui une " conference call " devait avoir lieu entre " 15h00 et 17h30 ", afin de " bien préciser les risques d'entente " suivi de l'indication " 16h-16h30 appel "; M. X... a déclaré que
" conference call " faisait référence à la conférence téléphonique qui devait avoir lieu entre son avocat et l'avocat de Saint-Jude Médical et qu'il pensait que cette note avait été prise au moment où il parlait avec son conseil ;
- le document suivant coté 650 (§ 111) contient à nouveau des réflexions de M. X... qui se réfère à l'application dans trois mois du nouveau Code des marchés publics, souhaite élargir le dialogue avec la DGCCRF et indique le numéro de téléphone de son avocat;
- le dernier document coté 651 (§ 111) contient selon la déclaration de M. X... une note relative à une réponse faite par M. H... à M. Z... à propos du contrat de mandat qui ne relève pas de la procédure des marchés publics, de la définition de haute énergie retenue pour certains lots.
En ce qui concerne l'étendue du secret professionnel de l'avocat
? En droit national de la concurrence
154. L'article 66.5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques introduit par la loi n° 97.308 du 7 avril 1997 dispose : " En toutes matières que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ".
? En droit communautaire de la concurrence
155. S'il est exact que le président du TPICE a considéré dans une ordonnance du 4 avril 1990 (aff T-30-89, Hilti, point 18) que " la protection des communications entre avocats et clients doit être considérée comme s'étendant également aux notes internes qui se bornent à reprendre le texte ou le contenu de ces communications ", le TPICE a précisé dans un arrêt du 17 septembre 2007 que " compte tenu de sa finalité, le principe de protection accordée aux communications entre l'avocat et son client doit être regardé comme s'étendant aux documents préparatoires, même s'ils n'ont pas été échangés avec un avocat ou n'ont pas été créés pour être transmis matériellement à un avocat, dès lors qu'ils ont été élaborés exclusivement aux fins de demander un avis juridique à un avocat, dans le cadre de l'exercice des droits de la défense. En revanche, le simple fait qu'un document ait été l'objet de discussions avec un avocat ne saurait suffire à lui attribuer cette protection (...) il est nécessaire d'interpréter restrictivement la possibilité qu'un document préparatoire puisse être considéré comme protégé par la confidentialité. Il incombe à l'entreprise qui invoque cette protection la charge de prouver que les documents en cause ont été rédigés dans le seul but de demander un avis juridique à un avocat. Cela doit résulter de façon univoque du contenu des documents eux-mêmes ou du contexte dans lequel ces documents ont été préparés et trouvés " (soulignement ajouté).
156. En l'espèce, le TPICE a constaté que le document pour lequel le secret professionnel était demandé était un mémorandum dactylographié de deux pages rédigé par le directeur général de la société sur lequel figuraient des annotations manuscrites qui se réfèrent à des contacts avec un avocat des requérantes, en faisant, notamment, mention de son nom. Or, le Tribunal a considéré que ces divers éléments " montrent seulement que le contenu du mémorandum en cause a fait l'objet d'une discussion téléphonique entre le directeur général d'Ackros Chemicals et ledit avocat. Ces éléments ne sont toutefois pas de nature, en eux-mêmes, à prouver que ce mémorandum a été élaboré dans le but - et a fortiori dans le but exclusif - de lui demander un avis juridique ". Le TPICE a donc rejeté la demande.
Application au cas d'espèce
157. Au regard de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, ci-dessus cité, aucune des notes manuscrites de M. X... n'est couverte par le secret professionnel car elles ne constituent pas une communication entre un avocat et son client. En particulier, dans le document coté 645, M. X... a noté sur son bloc-notes qu'il envisageait de demander aux avocats mentionnés d'améliorer un projet de saisine du Conseil de la concurrence par le SNITEM, qui est une action étrangère à la présente procédure, et, dans le document coté 649, les résultats d'une conversation téléphonique qu'il aurait eue avec son avocat en inscrivant les coordonnées d'un avocat en vue de l'organisation d'une conférence téléphonique dont l'objet serait de faire préciser les risques d'entente. Si ces notes renseignent sur des actions qu'envisageait d'entreprendre la société Guidant auprès d'avocats elles ne donnent aucune indication sur les échanges qui ont pu avoir lieu entre la société Guidant et son avocat, ni entre cet avocat et son confrère. En vertu de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 qui s'applique à la présente procédure, le secret professionnel qui couvre les communications entre l'avocat et son client n'a donc pas été méconnu.
158. Au surplus, la solution ainsi dégagée au regard des principes de procédure du droit national est identique au regard de la jurisprudence communautaire ci-dessus citée. En effet, ces notes qui sont des réflexions personnelles de M. X... et servent d'aide-mémoire sur les actions à entreprendre, ne sont pas des documents préparatoires élaborés exclusivement aux fins de demander l'avis juridique à un avocat, dans le cadre de l'exercice des droits de la défense dans la présente procédure.
159. Le Conseil considère donc que le moyen doit donc être écarté s'agissant des cotes 645 et suivantes.
5. SUR L'IMPRÉCISION DU GRIEF NOTIFIÉ
160. La société Medtronic considère que le grief notifié est imprécis.
161. Mais le Conseil de la concurrence, dans sa décision n° 06-D-07 bis du 21 mars 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des travaux publics dans la région Ile-de-France, a rappelé que la précision exigée de la notification des griefs avait pour but de permettre aux parties de se défendre sans qu'elles aient pu se méprendre sur le grief notifié, exigence qui pouvait être compatible avec une rédaction synthétique des griefs proprement dits, dès lors que la notification des griefs est : " (...) un document synthétique qui définit l'accusation, contient une description précise des faits reprochés, leur date, leur imputabilité et leur qualification, puis reprend, in fine, en les résumant, la rédaction des griefs eux-mêmes dans une formule concise. Elle constitue l'acte d'accusation et doit donc être précise, cette exigence n'excluant pas que les juges d'appel et de cassation acceptent parfois une rédaction imparfaite et cherchent dans le corps même de la notification de griefs si les entreprises mises en cause n'avaient pu se méprendre sur les griefs notifiés ".
162. Ainsi, le Conseil doit s'assurer que les entreprises en cause ont été mises en mesure de présenter utilement leur défense pour les marchés cités et si, à cet effet, les pratiques reprochées leur ont été clairement indiquées et si elles n'ont pu se méprendre sur les accusations portées contre elles. Cette vérification doit se faire au regard de la formule finale d'accusation mais également au regard du corps même de la notification de griefs.
163. Or, la société Medronic n'apporte aucun élément au soutien de son affirmation selon laquelle elle aurait pu se méprendre sur la nature du grief qui lui a été notifié. La seule considération de la longueur des développements qui sont directement consacrés à la présentation du grief dans le texte complet de la notification est insuffisante pour étayer une telle allégation.
164. Le moyen doit donc être écarté.
6. SUR LE NON-RESPECT DU PRINCIPE D'INSTRUCTION À CHARGE ET À DÉCHARGE
165. Les sociétés avancent que le principe d'instruction à charge et à décharge n'a pas été respecté au cours de l'instruction.
166. Mais il est de jurisprudence constante que le rapporteur fonde la notification de griefs sur les faits qui lui paraissent de nature à en établir le bien-fondé et dispose d'un pouvoir d'appréciation quant à la conduite de ses investigations. Ainsi que la Cour d'appel de Paris l'a rappelé dans un arrêt en date du 27 février 2003, " le fait que la notification de griefs puis le rapport n'aient pas cité tous les faits et documents qui n'ont pas été retenus comme indices des pratiques anticoncurrentielles ne peut faire grief aux entreprises précitées, celles-ci ayant eu accès à l'ensemble de la procédure ; (...) l'argument selon lequel le rapporteur aurait dénaturé les documents et les déclarations figurant au dossier est dépourvu de portée, dès lors que les requérantes reconnaissent dans le même temps que ceux-ci sont sujets à interprétation et qu'il n'est pas contesté qu'elles ont pu faire valoir, tout au long de la procédure, leurs moyens de défense sur l'interprétation qui en était donnée par le rapporteur, le conseil puis la cour ayant été mis en mesure par la suite de faire un nouvel examen des éléments de preuve ainsi produits ". En outre le Conseil précise dans sa décision 06-D-09 du 11 avril 2006 : " dans la mesure où le rapporteur s'est fondé, pour établir la notification de griefs, sur des éléments, à charge et à décharge, qui ont pu, tous, être discutés par les parties, et que celles-ci ont eu toute latitude pour apporter d'autres éléments utiles à leur défense, il ne saurait être reproché à l'instruction d'avoir porté atteinte au principe d'impartialité ".
167. Le moyen doit donc être écarté.
7. SUR L'ABSENCE DE RÉPONSE À TOUS LES ARGUMENTS DÉVELOPPÉS PAR LES PARTIES DANS LEURS OBSERVATIONS
168. Certaines parties estiment insuffisantes les réponses faites par le rapport à leurs observations.
169. Mais selon une jurisprudence constante, il n'est pas nécessaire que le rapport réponde au détail de l'argumentation des parties, dès lors qu'il contient l'essentiel des considérations concernant les éléments soumis à la discussion contradictoire. Ainsi dans l'arrêt "Ordre des avocats au barreau de Marseille" du 24 janvier 2006, la Cour d'appel de Paris a jugé que le rapporteur n'a pas à répondre à tous les arguments développés par les parties (cf. décision 05-D-37). Cette règle concernant la motivation a été rappelée dans l'arrêt de la Cour d'appel du 4 avril 2006 : " la décision du Conseil étant motivée en droit et en fait, aucune nullité ne saurait résulter de ce qu'il n'a pas suivi la société (...) dans le détail de son argumentation, que celle-ci a du reste tout loisir de soumettre à nouveau à la cour au soutien de son recours de pleine juridiction, qu'il s'agisse d'éléments non écartés expressément par la décision ou selon elle retenus à tort en ce qu'ils seraient erronés ou dénués de pertinence ".
170. Les critiques relatives au rapport sont donc sans fondement.
B. SUR LE FOND
1. SUR L'APPLICABILITÉ DU DROIT COMMUNAUTAIRE
171. A l'inverse de la société Guidant, qui considère que l'article 81§1 du traité trouve à s'appliquer, la société Medtronic, fait valoir qu'aucun élément ne permet de justifier que la pratique alléguée est susceptible d'affecter le commerce entre États membres, bien que le marché couvre une partie substantielle de la demande nationale et qu'il ait été réalisé selon la procédure de l'appel d'offres européen. En effet, l'appel d'offres en cause ne serait pas de nature à modifier sensiblement le courant d'échanges intracommunautaires au sens du paragraphe 77 des lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce du 27 avril 2004 puisque toutes les entreprises susceptibles de fournir des défibrillateurs implantables en Europe sont présentes en France et ont eu la possibilité de répondre à l'appel d'offres, la concurrence potentielle de leurs filiales européennes étant exclue compte tenu de la nature des produits en cause.
172. Les articles 81 et 82 du traité CE s'appliquent aux accords horizontaux et verticaux et aux pratiques abusives qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres. Les cartels nationaux sont, par définition, susceptibles d'affecter le commerce intracommunautaire. Ainsi que l'énonce le paragraphe 78 de la communication de la Commission concernant les lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du Traité, " Les ententes horizontales couvrant l'ensemble d'un Etat membre sont normalement susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres. [...] Les juridictions communautaires considèrent souvent que l'entente qui s'étend à l'ensemble du territoire d'un Etat membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l'interpénétration économique voulue par le traité ".
173. L'envergure des opérateurs impliqués dans l'entente est prise en compte dans l'appréciation du caractère sensible de cette affectation : " [...] En principe, ces accords peuvent également, par leur nature même, affecter sensiblement le commerce entre Etats membres, compte tenu de la couverture de marché requise pour assurer l'efficacité de ces ententes " (paragraphe 79 de la communication).
174. En l'occurrence, l'appel d'offres n° 01S0082 lancé suivant la procédure de l'appel d'offres européen et qui porte sur près de 46 % des ventes de défibrillateurs implantables en 2001 auprès de la moitié des CHU français susceptibles d'acheter des défibrillateurs représente une partie substantielle du marché commun au sens de la jurisprudence communautaire, d'autant que les cinq fournisseurs de défibrillateurs en cause sont des groupes d'envergure internationale qui opèrent sur l'ensemble du marché commun.
175. L'article 81§1 du traité CE est donc applicable dans la présente affaire.
2. SUR L'ENTENTE
a) Le raisonnement général suivi pour démontrer l'entente
176. Les entreprises mises en cause ne contestent pas la matérialité des échanges entre fournisseurs puisqu'elles reconnaissent leur participation aux réunions litigieuses du SNITEM et l'existence de contacts bilatéraux entre fournisseurs. Mais elles contestent l'existence d'une concertation anticoncurrentielle pendant la procédure d'appel d'offres, en soutenant que ces réunions n'ont pas influé sur leur décision de ne pas soumissionner. Elles rappellent que le fait de ne pas répondre à un appel d'offres n'est pas un acte illégal par nature et soutiennent qu'en l'espèce, le faisceau d'indices permettant d'établir un accord de volonté pour ne pas répondre n'est pas constitué. L'objet des réunions en cause se limitait, selon elles, à examiner en commun l'éventuelle irrégularité de l'appel d'offres : un tel objet entre dans la compétence d'un syndicat professionnel agissant dans l'intérêt de ses membres.
177. Elles considèrent ensuite qu'elles avaient des raisons valables d'ordre juridique, économique ou technique de ne pas répondre à l'appel d'offres et que, dès lors, le simple parallélisme de leur comportement ne saurait être qualifié d'entente.
178. Accessoirement, la société Ela Medical soutient que le fait que les fabricants n'ont pas répondu à l'appel d'offres a eu pour effet d'assurer un progrès économique au sens de l'article L.420-4 du Code de commerce.
179. Mais s'il est exact qu'un syndicat professionnel peut examiner une question juridique soulevée par ses membres, sans qu'un tel examen en commun constitue per se une entente anticoncurrentielle, cela ne signifie nullement qu'une telle pratique ne puisse être qualifiée au regard du droit de la concurrence en fonction de l'étendue des discussions menées, des circonstances concrètes dans lesquelles elles se déroulent et des conséquences qu'en tirent les participants.
180. En l'espèce, il convient de prendre en considération le fait que les discussions entre fournisseurs ont commencé dès l'annonce du projet d'appel d'offres groupé, fin 2000, se sont poursuivies lorsque le CHU de Montpellier a présenté les principaux éléments de son projet, en février 2001, et enfin qu'une rencontre des cinq fournisseurs s'est tenue pendant le déroulement de l'appel d'offres puisque la dernière réunion du syndicat a eu lieu le 22 juin 2001, alors que la procédure avait été lancée le 24 mai 2001 et que la date limite de dépôt des offres était fixée au 6 juillet 2001. Ainsi, la dernière réunion des fournisseurs, au cours de laquelle l'appel d'offres a été évoqué, s'est tenue deux semaines avant la date limite impartie pour déposer les offres.
181. Par ailleurs, le fait que les compte-rendus officiels ne mentionnent que des points juridiques ne fait pas obstacle à ce que le Conseil qualifie différemment les échanges mis en œuvre en fonction des indices figurant au dossier. Dans un arrêt du 29 juin 2004, Conseil national des professions de l'automobile, la Cour d'appel a relevé que l'action d'un syndicat, fût-elle apparemment menée dans le cadre de ses compétences légales, devait être examinée in concreto pour en déterminer l'objet et l'effet réels : " Il ressort des comptes rendus et notes manuscrites (...) que sous couvert d'une demande d'analyse juridique sur la motivation pertinente d'un refus de prestation de services aux négociateurs indépendants, le CNPA a, en réalité, fait connaître au Républicain Lorrain que certains concessionnaires cesseraient tout insertion publicitaire dans les éditions du quotidien " (soulignement ajouté).
182. Il faut donc préciser la nature des discussions qui se sont tenues entre les fournisseurs à partir des pièces du dossier qui en révèlent la teneur et, en fonction des réponses apportées sur ce premier point, déterminer quel objet et quels effets ont pu avoir ces discussions entre soumissionnaires potentiels, en fonction des circonstances dans lesquelles elles se sont tenues.
b) En ce qui concerne la concertation antérieure au 24 mai 2001, date de la publication de l'appel d'offres.
183. Les sociétés mises en cause considèrent que les réunions tenues sous l'égide du SNITEM avant le 24 mai 2001 n'ont donné lieu à aucune concertation répréhensible car, si l'appel d'offres national était bien à l'ordre du jour selon les comptes rendus de ces réunions, seule la question de sa légalité au regard des règles relatives aux marchés publics ou au droit de la concurrence aurait été évoquée, question qui entrait dans la compétence du syndicat.
184. Mais, s'agissant des documents écrits, deux séries de notes contredisent cette affirmation : la note manuscrite rédigée par le directeur général de Biotronik, M. F..., lors de la réunion du SNITEM du 1er mars 2001 (§ 75 et 77 supra) et les notes prises, le 22 mai 2001, par le président de Medtronic, M. N..., lors d'un comité de direction de sa société (§79 supra).
185. Les parties soutiennent que la note manuscrite, du 1er mars 2001, rédigée par M. F... ne fait que présenter, en bas de page, la position de Biotronik vis-à-vis du projet d'appel d'offres car un trait porté sur la note permettrait de distinguer les éléments discutés au cours de la réunion et les réflexions personnelles de M. F.... Celui-ci, en employant le terme " on ", s'interroge sur les suites à donner, par sa société, compte-tenu des informations reçues mais ne fait état d'aucune décision collective. Pour sa part, la société Guidant relève que les termes " attendre le règlement définitif " et le verbe " essaie " montrent que toute décision est différée, que ces termes n'expriment pas l'existence d'une décision mais tout au plus une intention d'abstention de répondre.
186. Mais la première partie de la note manuscrite de M. F..., dont il n'est pas contesté qu'elle se rapporte bien à la réunion du SNITEM du 1er mars 2001, commence par les mentions " Code des marchés : - position des constructeurs ; - visite à Montpellier " (soulignement ajouté) et se termine avant le trait séparateur par la phrase " Comment répondre si on répond ". Ainsi, même dans l'hypothèse où l'on admettrait que ce trait séparateur distingue une partie consacrée au compte-rendu des débats (au-dessus du trait) et une partie de réflexions personnelles (au-dessous du trait), comme le soutiennent les parties, cela ne changerait rien au fait que l'interrogation sur la possibilité de ne pas répondre à l'appel d'offres fait bien partie de la discussion commune sur la position des constructeurs et la visite à Montpellier.
187. Ce constat montre que la mention " Qui fait quoi ? " rapprochée de " Comment répondre si on répond " ne peut signifier que l'auteur de la note s'interrogeait sur les actions à mener au sein de sa société. Dans le cadre d'une discussion avec les autres fournisseurs, le " Qui " ne peut renvoyer aux différents responsables de Biotronik, mais vise nécessairement les autres membres du SNITEM présents à la réunion. De même, la formule " on essaie de ne pas rentrer dans le système " ne peut, dans ce contexte, renvoyer à une décision individuelle.
188. Toute ambiguïté sur le sens de cette note disparaît lorsqu'elle est lue dans sa continuité : "Lots attribués à plusieurs fabricants ; tous les fournisseurs ne seront pas retenus ! Pas de concertation des cardiologues. On s'oriente vers un référencement. Comment répondre si on répond ? Qui fait quoi ?? Actions. Si le AO sort, réponse pas possible par manque de temps. On essaie de ne pas rentrer dans le système ". Ainsi, la note manuscrite rédigée par M. F... révèle que, contrairement à ce que soutiennent les parties, la question de l'attitude à adopter dans le cadre de cet appel d'offres a bien fait l'objet de discussions lors de la réunion du SNITEM du 1er mars 2001.
189. C'est en vain que la société Biotronik et la société Guidant soutiennent que ces mentions traduisent une réflexion sur des actions possibles et non un accord de volontés entre les membres du SNITEM. En effet, il ne s'agit pas d'établir, à ce stade du raisonnement, qu'une décision commune aurait été prise dès le 1er mars 2001, mais que les discussions entre fournisseurs n'ont pas porté seulement sur la légalité du futur appel d'offres mais sur ce qu'il convenait de faire dans le cadre de la procédure. Il faut, à cet égard, relever que les notes de M. F... mentionnant les questions juridiques soulevées par le futur appel d'offres figurent sur une feuille distincte de celle visée au paragraphe précédent.
190. S'agissant des notes prises par M. N... au cours de la réunion du comité de direction de la société Medtronic du 22 mai 2001, elles révèlent tout d'abord qu'une réunion a été organisée entre M. N... (Medtronic), M. Z... (Guidant) et M. J... (Saint Jude Médical), au moment du lancement de l'appel d'offres, le 24 mai 2001. L'objet de cette réunion est clairement l'appel d'offres national puisque les notes débutent par la mention " A.O. National Déf [défibrillateurs] Cahier des charges officiel ; CHU Montpellier " et précisent que la réunion entre les dirigeants des trois concurrents est décidée en liaison avec une autre action d'expertise légale : " Réunion Z... / J... + expertise légale ".
191. Il faut, en premier lieu, relever que les échanges visent bien un " cahier des charges officiel " qui n'est pas encore public, ce qui pourrait conduire à s'interroger sur la décision de procéder à une expertise légale avant même sa diffusion. Mais l'enquête a permis d'établir que la société Saint-Jude Medical détenait déjà un exemplaire du projet de cahier des charges de la future consultation, comme l'a confirmé M. E..., le responsable des marchés au sein de cette société : " Il s'agit du projet de CCAP de l'appel d'offres national. J'ai noté la date de décembre 2000. Ce document m'a été remis par J... [directeur général de Saint-Jude Medical]. Je ne sais pas comment il l'a obtenu. J'ai emporté ce document le jour où j'ai rencontré M. H... en février 2001 " (cote 41). Les grandes lignes du document pouvaient donc être connues de MM. N... (Medtronic), Z... (Guidant) et J... (Saint-Jude Medical) puisque l'un d'entre eux détenait un exemplaire du projet depuis plusieurs mois.
192. En second lieu, il faut noter que le SNITEM n'est nullement présenté comme l'interlocuteur naturel pour procéder à cette expertise juridique puisque les notes précisent " Motiver le SNITEM - rencontre et volet politique Industrie / CHU " (soulignement ajouté). Cette mention montre clairement que l'initiative des rencontres et l'idée d'utiliser le syndicat professionnel revient aux entreprises elles-mêmes et non au SNITEM.
193. L'existence de contacts fréquents est de plus attestée, pendant cette période par les mentions de conférences téléphoniques organisées entre fournisseurs en marge des réunions du SNITEM.
194. Ainsi, des échanges portant sur la conduite à tenir en cas de lancement de l'appel d'offres national, et non sur sa légalité, ont eu lieu entre les fournisseurs avant le 24 mai 2001.
c) Sur la concertation entre la publication de l'appel d'offres le 24 mai 2001 et la date limite de remise des offres le 6 juillet 2001.
En ce qui concerne la réunion du SNITEM le 22 juin 2001 et les notes afférentes
195. Les cinq sociétés ne contestent pas avoir pris part à la réunion organisée par le SNITEM le 22 juin 2001 mais soutiennent que l'objet de la réunion était de connaître l'avis de ce syndicat professionnel sur la légalité de l'appel d'offres groupé et d'envisager la saisine par ce dernier du Conseil de la concurrence. Le compte-rendu ne mentionne aucune autre action commune et la formule " le SNITEM quant à lui saisira " ne peut vouloir dire que les industriels auraient décidé de mettre en place " quant à eux " des actions communes distinctes de cette saisine qui est la seule action décidée en commun, chaque entreprise demeurant pour le reste libre d'agir à sa guise.
196. La société Guidant fait valoir à propos de la note de M. X... du 14 juin 2001 qu'aucune politique n'avait encore été définie à cette date puisque la note renvoie à la semaine suivante pour la déterminer et que ce dernier a attendu de connaître la position du SNITEM avant de répondre à l'appel d'offres.
197. La société Biotronik analyse la note de son directeur général, M. F..., comme reflétant les réflexions personnelles de celui-ci, retranscrites à M. Q..., et relève que celui-ci a commis une erreur en évoquant le recours au Conseil d'Etat qui était hors sujet. Elle ajoute qu'aucune démarche commune n'a été élaborée, dans le cadre de cette réunion, pour envoyer une lettre à M. H..., dans la mesure où la société Saint-Jude Médical avait déjà envoyé une lettre à ce dernier le 19 juin 2001 et que ni Guidant, ni Ela Medical, ni Medtronic n'ont envoyé après le 22 juin 2001 de lettre dont le contenu était celui que M. Q... désigne comme la première lettre.
198. Mais il faut tout d'abord relever que cette réunion du 22 juin, tenue deux semaines à peine avant la date limite de remise des offres, a rassemblé les cinq fournisseurs destinataires des griefs : elle a donc permis, en pleine procédure d'appel d'offres, un échange de vue entre l'ensemble des entreprises qui étaient susceptibles de soumissionner et qui ne pouvaient ignorer les risques d'une telle réunion au regard du droit des ententes. Elles y ont néanmoins toutes participé.
199. Par ailleurs, la note du 14 juin 2001 de M. X... (§ 93), dont il n'est pas contesté qu'elle vise la réunion du 22 juin, indique " AO national des défibrillateurs (...) ? définition d'une politique fin semaine prochaine ". Cette mention ne peut être interprétée, ainsi que le soutient la société Guidant, comme la simple indication que M. X... attend d'avoir la position du SNITEM sur la légalité de l'appel d'offres pour savoir s'il répond à l'appel d'offres et définir ainsi sa propre politique. En effet, les notes établies par MM. X... (Guidant) et F... (Biotronik) lors de cette réunion ainsi que par des consignes reçues par M. Q... de son supérieur M. F... à l'issue de la réunion viennent contredire cette affirmation et corroborer l'existence d'une concertation.
200. M. X... (Guidant) a confirmé que les notes de séance saisies (§ 97) "correspondent bien à mon écriture. Il s'agit de notes que j'ai prises lors de la réunion précitée " et qu'elles reflètent donc bien les discussions tenues pendant la réunion et dont l'objet n'est pas contesté : " AO National defs" qui signifie "Appel d'offres national défibrillateurs". Mais contrairement à ce qui est soutenu par les parties mises en cause, la teneur des discussions ne porte pas sur le seul problème de légalité mais bien sur la marche à suivre comme l'attestent les mentions "lettres à H... / chaque entreprise [entouré]". L'utilisation du pluriel "lettres" et la précision "chaque" prouvent que s'il a été question de l'action du SNITEM, le comportement des entreprises a également été examiné .
201. En outre, le caractère concerté de l'envoi des lettres à M. H... est confirmé par la mention du contenu des lettres " courrier sur la forme / mandatement ". On ne voit pas comment M. X... aurait pu être conduit à noter que les lettres à M. H... devaient soulever le problème des mandats si ce point n'avait pas fait l'objet d'un échange avec ses concurrents.
202. Les notes relatives au point 2 du sujet " appel d'offres défibrillateurs " définissent donc la ligne de conduite suivante : chaque entreprise transmettra un courrier à M. H..., dont l'objet sera de l'interroger sur la forme et la validité de son mandatement par les autres hôpitaux.
203. Cette démonstration est corroborée par la note de M. F... (§ 99) qui a précisé qu'elle " se réfère à l'ordre du jour de la réunion du SNITEM du 22 juin 2001. II s'agit des notes que j'ai prises après la réunion ". Or, ces notes mentionnent également une action de la société et non du SNITEM : " Lettre à H... [encadré] merci de préciser le mandatement et de le documenter rapide ". Cette note de Biotronik recoupe celle de Guidant " Lettres à H... ", dont on a vu qu'elle renvoyait sans ambiguïté à un comportement commun des fournisseurs: " chaque entreprise ", et visait un contenu : le mandatement.
204. Cette lecture est confortée par les notes saisies dans le bureau de M. Q..., directeur administratif et financier de Biotronik, qui a expliqué avoir reçu des instructions de M. F... à l'issue de la réunion du 22 juin (§101). Ce document mentionne l'envoi de deux lettres, la première destinée à faire préciser le mandatement et la qualité du CHU de Montpellier pour agir au nom des autres, la deuxième accompagnée de la mention "2ème Lettre des Industriels disant que les compétiteurs ne peuvent répondre tant que le SNITEM n'a pas la réponse du C. d'Etat " . L'utilisation non ambiguë des pluriels: " des industriels ", " les compétiteurs ", prouve que le rédacteur mentionne une décision relative à un comportement commun et non à un comportement individuel de Biotronik.
205. C'est en vain que la société Biotronik soutient que la mention erronée du Conseil d'Etat au lieu du Conseil de la concurrence montrerait que la 2ème lettre mentionnée dans la note concernerait une autre affaire que l'appel d'offres national. En effet, M. Q... a précisé lors de son audition :" Il s'agit de consignes que j'ai prises le 22 juin à l'occasion d'une conversation téléphonique avec M. F... qui avait pour objet de préciser les modalités de notre réponse à l'appel d'offres national de Montpellier ". (soulignement ajouté). Il ajoute dans ses explications : " Ces modalités devaient s'articuler en deux temps : [immédiatement], l'émission d'un premier courrier [adressé au CHU de Montpellier] (...) Deuxième lettre des industriels (...) " (soulignement ajouté). Les explications de M. Q... sur ses propres notes ne laissent donc subsister aucun doute sur le fait que la " 2ème lettre " se rapporte bien à une action relative à l'appel d'offres national de Montpellier.
206. Cette déclaration de M. Q... est, de plus, conforme à la continuité des notes manuscrites, la phrase mentionnant par erreur le Conseil d'Etat devant être lue au regard des lignes qui la précèdent et de celles qui la suivent. Or la ligne précédente mentionne bien un " Recours Conseil concurrence par SNITEM " qui renvoie au compte-rendu officiel de la réunion du 22 juin : " Après un tour de table, il est convenu ce qui suit : le SNITEM quant à lui saisira le Conseil de la concurrence ", et la ligne suivante mentionne la lettre à M. H..., action qui avait déjà été relevée dans leurs notes de séance par M. F... (Biotronik) et M. X... (Guidant) comme un des résultats de la réunion du 22 juin. La ligne que ces deux mentions encadrent et qui précise : 2ème Lettre des Industriels disant que les compétiteurs ne peuvent répondre tant que le SNITEM n'a pas la réponse du C. d'Etat " se rapporte bien au même sujet, l'action des industriels à l'issue de la réunion du 22 juin mais comprend une erreur matérielle.
207. Cette lecture est confirmée par le fait que l'action visée par la lettre porte bien sur un appel d'offres en cours (" les compétiteurs ne peuvent répondre ") et que la mention " 2ème lettre " renvoie évidemment à la ligne suivante " 1ère lettre " qui vise l'appel d'offres national des défibrillateurs avec la même mention du contenu : " en quoi consiste votre mandatement ".
208. Les notes convergentes de MM. F... et X... prises lors de la réunion du 22 juin 2001 et celles prises par M. Q... sous la dictée de M. F... au sortir de cette réunion ne laissent donc subsister aucun doute sur l'existence d'une concertation entre les sociétés au sujet de l'attitude à tenir pour répondre à l'appel d'offres.
209. Ces éléments étant établis, la phrase finale du compte-rendu de la réunion " Après un tour de table, il est convenu ce qui suit : le SNITEM quant à lui saisira le Conseil de la concurrence..." atteste l'existence d'un accord entre les cinq sociétés participant à la réunion portant non seulement sur la saisine du Conseil de la concurrence par le SNITEM mais aussi sur d'autres actions comme le laisse entendre la formule " quant à lui ". En ce qui concerne les notes de M. X... (Guidant) prises à la fin du mois de juin
210. Les notes de M. X... (reproduites aux § 107 à 110) sont présentées par leur auteur de la façon suivante : "En ce qui concerne les notes manuscrites placées sous scellé 2 cotes 55 à 56, il s'agit bien de mon écriture. Il s'agit de notes de réflexion non datées. Elles sont visiblement de fin juin début juillet. Le fait que j'ai pris mes notes sur un bloc à entête de M. Z... prouve que mon bloc personnel n'était pas encore imprimé. Par réflexe, j'ai barré le nom de M. Z... ". Il indique par ailleurs : " La note manuscrite sous scellé 2 cote 57 non datée est bien de ma main. Je ne peux dire s'il s'agit du même document que les notes prises en cotes 55 et 56. J'ai l'impression que c'est au même moment car cela me paraît être une réflexion personnelle sur toutes les options disponibles ".
211. La date indiquée par l'auteur des notes est confirmée par le fait qu'il indique travailler sur le projet de saisine du Conseil de la concurrence par le SNITEM qui a été décidé lors de la réunion du 22 juin - les notes sont donc postérieures - et par la mention " Réponse jeudi " qui correspond à l'envoi par Guidant de la lettre du jeudi 5 juillet 2001 à M. H... - les notes sont donc antérieures à cette date. Il s'agit de notes qui ont été prises par M. X... entre le 22 juin et le 5 juillet 2001 et plus probablement vers la fin du mois de juin. Elles informent sur les sujets de préoccupation de la société Guidant pendant la courte période précédant l'expiration du délai de remise des offres.
212. A cet égard, les points suivants doivent être relevés :
- M. X... indique dans ses notes " copie de la saisine (...) Deuxième mouture, retravailler le texte : explication plus tonique de la jurisprudence ; éléments plus précis " et ajoute à la page suivante que la " Saisine du Conseil de la concurrence ; léger ; très peu de chance d'aboutir " et encore à la page suivante " saisine très légère ; problème de délai ; procédure trop longue " et relève que cette démarche sera " toujours possible plus tard ". Dans sa déclaration il indique avoir voulu retravailler sur le projet de saisine du Conseil de la concurrence par le SNITEM dont la société Guidant avait été destinataire : " Je voulais transmettre à Y... ma réflexion sur le bien fondé d'une saisine du Conseil de la concurrence par le SNITEM. Je voulais valider cette hypothèse avec le SNITEM ".
- Les notes envisagent alors une démarche alternative, la saisine de la DGCCRF : " préoccupation du TIPS/ dialogue avec la DGCCRF ", puis à la page suivante " Dialogue avec la DGCCRF " et plus loin " Saisir la DGCCRF ".
- Puis, les notes manuscrites prévoient : " écrire au CHU , documenter le fait de ne pas répondre ", mentionnant en marge " répondre mais pas faire d'offre " en précisant que cela est la " proposition Guidant ". M. X... commente dans sa déclaration " l'action du syndicat ne nous dispensait pas de répondre au CHU et de prendre une décision propre à la société ".
- Sur une même page, quatre points reprennent toutes les actions menées concernant l'appel d'offres, dont la première est décisive : " Idéal tout le monde écrit directement au CHU Montpellier / points techniques ", qui doit, selon M. X..., être ainsi interprétée : " en ce qui concerne le point 1 développé dans la note, dans l'idéal tout le monde devrait répondre avec sa propre offre ".
213. Les parties soutiennent que ne sont évoquées dans ces notes, pour l'essentiel, que la saisine du Conseil de la concurrence et la légalité du contrat de mandat, sujets qui ont été discutés lors des réunions du SNITEM mais n'ont débouché sur aucune action commune des sociétés.
214. La société Guidant fait plus précisément valoir que son intervention sur le projet de saisine du SNITEM ne constitue pas un indice à charge. Elle soutient que l'indication " proposition Guidant " qui figure sur le deuxième document (cote 646) à côté de l'inscription " répondre mais pas faire d'offre " ne renvoie pas à une proposition faite auprès des autres fournisseurs de ne pas répondre. Elle insiste sur le fait que les notes sont postérieures à la réunion du 22 juin 2001 et indiquent la poursuite de l'instruction du dossier par Guidant et l'absence de décision commune de s'abstenir de répondre qui aurait été prise lors de cette réunion.
215. Mais la société Guidant soutient à tort qu'il faut lire la mention " Idéal tout le monde écrit directement au CHU Montpellier / points techniques " comme signifiant " dans l'idéal tout le monde devrait répondre avec sa propre offre ". Cette lecture est contraire au texte même des notes de M. X.... En effet, la mention " /points techniques " ne peut signifier autre chose que le fait que ce courrier portera sur des points techniques, ce qui entraîne nécessairement que ce courrier n'est pas la réponse à l'appel d'offres. Cette conclusion est d'autant plus évidente lorsqu'on lit, à la page précédente du même scellé, la double mention, " écrire au CHU, documenter le fait de ne pas répondre " et " répondre mais pas faire d'offre ", particulièrement explicite sur le fait que le même rédacteur, M. X..., distingue l'action d'écrire au CHU et la réponse à l'appel d'offres.
216. Il est donc établi que la phrase " tout le monde écrit " ne vise pas le dépôt d'une offre mais un simple courrier adressé au CHU. Les notes de M. X... veulent bien dire que dans l'" idéal " chaque société écrit (et non fait une offre) au CHU en soulevant des points techniques. Cette interprétation est la seule cohérente avec les citations précédentes relatives au besoin de documenter le refus de répondre à l'appel d'offres.
217. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la société Guidant, ces notes révèlent bien une préoccupation de son directeur général sur l'action commune des fournisseurs, pour laquelle il affirme que " l'idéal " est une action consistant à ce que chaque fabricant écrive un courrier technique au CHU sans répondre à l'appel d'offres.
218. Au surplus, les notes rappelées au § 212 ci-dessus présentent l'action du SNITEM comme ayant peu de chance d'aboutir et, en toute hypothèse, comme étant vouée à rester sans effet sur le déroulement de l'appel d'offres, compte tenu de son caractère tardif. La mention d'une procédure de demande d'avis " trop longue " montre que l'analyse qui est faite par l'auteur des notes est que cette action du SNITEM n'atteindra pas le but recherché. Il relève d'ailleurs " toujours possible plus tard ".
219. Doit être relevée, une nouvelle fois, l'absence totale de mention relatant les échanges sur les problèmes juridiques qui sont réputés, selon les parties, être le seul objet des discussions entre fournisseurs. La seule note qui se rapproche d'une appréciation juridique est l'affirmation selon laquelle la demande d'avis a " très peu de chance d'aboutir ", mais cette affirmation et les autres considérations sur les délais trop longs de la demande d'avis montrent que ce qui est commenté se limite aux effets décevants que cette saisine pourrait avoir sur le déroulement de la procédure.
220. Ainsi, les notes de M. X... de fin juin 2001 confirment que les discussions entre fournisseurs ont porté non seulement sur la saisine du Conseil de la concurrence par le SNITEM, mais aussi sur une action distincte des fournisseurs consistant à écrire au CHU de Montpellier pour soulever des points techniques, cette action étant une des conséquences à tirer des discussions par chacun des membres pour déterminer sa conduite.
d) Sur les échanges d'informations postérieurs à la date de remise des offres
221. Les parties contestent que le rapprochement des agendas de MM F... (Biotronik), J... (SJMF) et X... (Guidant) permettant de constater l'existence de conférences téléphoniques puisse être retenu comme un élément à charge tant il est courant de procéder à des conférences téléphoniques et que rien n'indique l'objet des dites conférences, sauf s'agissant de la conférence téléphonique " SNITEM " du 2 juillet 2001. Les sociétés Medtronic et ELA Médical considèrent qu'aucun élément ne montre leur participation à l'une quelconque de ces rencontres téléphoniques et qu'elles ne peuvent donc en connaître l'objet.
222. En tout état de cause, les parties considèrent que l'étude des contacts postérieurs à la date de remise des offres est sans intérêt pour le dossier.
223. Mais les sociétés Saint-Jude Medical, Guidant et Biotronik ne contestent pas avoir eu recours à des conférences téléphoniques régulières entre le 5 juin 2001 et le 22 novembre 2001, le plus souvent organisées par le SNITEM. Or, s'il est exact que la réunion du 4 juillet 2001 avait été organisée à la suite de l'initiative de l'AFSSAPS, plusieurs documents montrent que l'objet de certaines de ces conférences téléphoniques concernait d'abord l'appel d'offres national des défibrillateurs puis le projet de renouvellement d'un appel d'offres national à partir de septembre à la suite de l'échec du premier sans que le compte-rendu précis de ces discussions puisse être rapporté.
224. Ces éléments constituent un indice supplémentaire de l'existence d'échanges d'informations réguliers entre les fournisseurs et le SNITEM, de nature à remettre en cause la thèse selon laquelle chacun d'eux a agi en toute autonomie.
225. La société Guidant conteste également l'utilisation d'une note de M. Q... (Biotronik), (§ 131 supra) qui permettrait de déterminer l'objet d'une conférence téléphonique du 27/07/2001. Outre le problème de datation de la note qui mentionne la date du 21/01/01, Guidant rappelle que M. X... ne se souvient pas de cette conférence du 27 juillet 2001, qu'il n'a jamais eu de contact avec M. Q... et que six participants de la société Biotronik sont listés alors que les conférences téléphoniques entre dirigeants d'entreprises ne réunissent que ces derniers voire un ou deux collaborateurs. Guidant en conclut que M. Q... a été informé d'éléments auxquels il n'a pas pris part et n'a fait que consigner l'interprétation que lui a transmise M. F..., son supérieur, lorsque ce dernier a appris la décision de M. V... de saisir la DGCCRF.
226. Mais le compte-rendu de conférence téléphonique de M. Q... (Biotronik), qui serait selon lui daté du 27/01/01 puisqu'il porte cette date sur la première page, doit en fait être daté postérieurement au 12 juillet 2001. En effet, il mentionne dans sa deuxième page la décision du président de la conférence des directeurs généraux de centre hospitaliers de saisir la DGCCRF de l'échec de l'appel d'offres national, décision qui n'est intervenue qu'après la réunion, le 11 juillet, de la commission d'appel d'offres qui a déclaré le marché infructueux.
227. Sans contester cette datation irréfutable de la seconde page puisqu'il reconnaît que sa note reprend " une information transcrite après le 12 juillet 2001, date à laquelle M. V..., président de la conférence des Directeurs généraux de centre hospitaliers procède à la saisine de la DGCCRF (...) ", M. Q... soutient que les deux feuillets ont été écrits à six mois d'intervalle puis ont été agrafés ensemble.
228. Mais, il faut tout d'abord relever que les deux feuillets agrafés qui constituent le document en cause présentent au recto les notes de M. Q... et au verso des pages déjà utilisées. Les notes ont donc été prises sur du papier brouillon usagé. Or les versos des deux pages manuscrites (cotes Conseil 248 et 249) se suivent. Ils sont tous deux issus d'un même contrat (selon la déclaration même de M. Q...) la page 5 du contrat portant les articles 6 à 9, constitue le verso de la page de notes numérotée 2 et la page 6 du contrat portant la fin de l'article 9 et les articles 10 et 11 constitue le verso de la page de notes numérotée 1. Il est impossible que des notes manuscrites prises à six mois d'intervalle aient été écrites sur deux feuilles successives d'une même pile de papier recyclé utilisé comme brouillon.
229. En outre, et contrairement à ce que prétend M. Q..., les deux feuillets ont été rédigés le même jour. En effet, le document est constitué de deux pages agrafées et numérotées 1 et 2 en haut à droite de chaque feuillet. Sur le premier, trois sujets sont traités et numérotés 1/, 2/ et 3/ et le point 4/ apparaît sur le second, mais l'annonce de ce point 4/, à savoir " l'AO défibrillateurs Montpellier " est bien inscrite sur le premier feuillet.
230. En conséquence, il est établi que les deux feuillets agrafés forment un tout qui n'a pu être rédigé qu'après la clôture de l'appel d'offres national.
231. La date probable de réalisation de ce document est le 27 juillet 2001 : lorsqu'un mois est indiqué sous forme chiffrée, il est facile de confondre certains chiffres notamment le 1 et le 7. On doit en outre relever que le 21 janvier 2001 était un samedi et que les agendas saisis n'indiquent aucune conférence téléphonique ce jour là. En revanche, l'agenda de M. X..., directeur général de Guidant, mentionne bien une conférence téléphonique le 27 juillet 2001 et un numéro de téléphone identique à ceux utilisés pour les conférences téléphoniques du SNITEM. Dans ses notes, M. Q... écrit en face des mentions relatives à l'appel d'offres " Guidant préconise ". Il existe donc de très fortes présomptions que la conférence téléphonique ait eu lieu le 27 juillet et qu'elle concernait, au moins, les sociétés Guidant et Biotronik.
232. En tout état de cause, seul le point 4/ de la note manuscrite concerne la présente affaire et il n'est pas contesté qu'il n'a pu être rédigé que postérieurement au 12 juillet 2001 comme l'indique la déclaration de son auteur, M. Q....
233. Or, cette note porte les mentions suivantes :
" 4/ Courrier adressé au PSDT DGCCRF par PSDT de la Conférence des directeurs généraux des Hop relatif à l'AO de Montpellier
Guidant préconise de 1/ Ne pas recourir au Snitem
2/ Maintenir l'impression d'action individuelle de la part de chaque industriel
Envisager de profiter du passage à l'Euro pour harmoniser les prix des industriels
=> Envoie des tarifs"
234. L'interprétation donnée par M. Q... est la suivante : " les commentaires colportés par les praticiens hospitaliers au sujet de ce courrier allaient bon train. L'un d'eux concernait entre autres la société Guidant. Il fallait semble-t-il comprendre que dans la perspective d'une réponse au courrier du Président de la conférence des Directeurs Généraux, la société Guidant souhaitait personnellement ne pas recourir au SNITEM et que chaque industriel agisse seul en toute indépendance ".
235. Mais cette interprétation ne résiste pas à l'examen. En premier lieu, " la perspective d'une réponse " ne pouvait avoir pour objet que de répondre à la dénonciation d'une entente éventuelle auprès de la DGCCRF et les " commentaires colportés ", notamment sur Guidant, ne pouvaient également, s'ils étaient avérés, que concerner le rôle de cette entreprise dans l'entente. Ne sont donc en cause que des évènements très récents sur lesquels aucune entreprise n'avait encore réagi comme le montre l'expression prudemment utilisée par M. Q... " dans la perspective ". S'il s'agissait d'une situation nouvelle, l'expression " Maintenir l'impression d'action individuelle de la part de chaque industriel " n'aurait certainement pas été utilisée. Le verbe " maintenir " fait référence à la notion de durée et donc d'une action passée qui se prolonge dans le temps, mais on ne voit pas de quelle action il pourrait s'agir. Quant au substantif " l'impression ", il se réfère à une volonté de dissimuler la réalité, celle d'une une action concertée et non d'une addition d'initiatives individuelles.
236. En réalité, la phrase se lit naturellement comme la demande de la poursuite d'une concertation entourée de précautions, recommandation en accord avec les échanges précédents demandant que chaque industriel adopte le comportement décidé en commun tout en maintenant l'impression de conduites autonomes.
237. Ce caractère collusif du propos est d'autant plus patent que la phrase suivante " Envisager de profiter du passage à l'Euro pour harmoniser les prix des industriels => Envois des tarifs " évoque clairement un projet concernant les concurrents, l'usage du pluriel " des industriels " ne laissant subsister aucune ambigüité à cet égard. Ce projet de coopération est d'ailleurs bien avancé puisqu'il mentionne l'envoi des tarifs, ce qui montre que l'annotation concerne un interlocuteur qui sera le destinataire de l'envoi. Il ne s'agit donc pas de simples spéculations internes à la société Biotronik.
238. Ainsi l'expression " maintenir l'impression d'action individuelle de la part de chaque industriel " (soulignement ajouté) annotée après le 12 juillet 2001 signifie que la préconisation de Guidant est de maintenir la position adoptée tout au long de la procédure de consultation nationale, pendant laquelle les industriels se sont efforcés de donner une impression d'autonomie vis à vis de l'acheteur public, en particulier par l'envoi, par chacune des sociétés, d'un courrier à M. H... argumentant sa non-réponse à l'appel d'offres national.
Conclusion intermédiaire
239. A ce stade du raisonnement il est établi que :
- les cinq fournisseurs de défibrillateurs cardiaques se sont rencontrés avant et pendant la procédure d'appel d'offres national conduite par le CHU de Montpellier, dont une réunion deux semaines avant la date limite de dépôt des offres;
- les cinq fournisseurs ont discuté de la conduite à tenir face à cet appel d'offres national et pas seulement de questions juridiques au sein du SNITEM ;
- les cinq fournisseurs ont adopté une même ligne de conduite en refusant de répondre à l'appel d'offres, faisant ainsi échouer la procédure.
240. La conjonction de ces trois éléments suffit à établir le grief notifié aux cinq fabricants " de s'être concertés pour s'abstenir de répondre à l'appel d'offres n° 01S0082 relatif à l'achat groupé de défibrillateurs. ".
241. Un tel comportement est prohibé par les règles de concurrence car il supprime la nécessaire autonomie des opérateurs sur le marché qui " s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de tenir soi-même sur le marché " (CJCE, arrêt du 12 juillet 2001, Tate & Lyle).
242. S'agissant plus particulièrement des marché publics, la jurisprudence nationale, particulièrement fournie sur ce point, considère également que tout échange d'informations entre soumissionnaires potentiels sur la conduite à tenir lors d'un appel d'offres a pour objet et pour effet d'atténuer ou supprimer l'incertitude sur ce marché. Cette pratique concertée peut être qualifiée d'entente au sens des articles L.420-1 du Code de commerce et 81 du traité européen sans qu'il soit besoin de démontrer que l'accord de volonté des soumissionnaires à l'appel d'offres portait sur l'exécution d'un plan particulier.
e) Sur le fait que la concertation a porté sur le boycott de l'appel d'offres
243. Mais, au-delà des échanges d'informations sur le comportement à suivre, les pièces du dossier permettent de pousser plus loin la démonstration de l'entente en montrant que les discussions entre fabricants ont effectivement porté sur la mise en œuvre d'une option commune consistant à ce qu'aucune des entreprises ne réponde, afin de mettre en échec la procédure d'appel d'offres groupé.
244. On relève, tout d'abord, dans les notes de M. X... (§109), directeur général de Guidant, rédigées à la fin du mois de juin, soit une semaine avant la date limite de dépôt des offres, la mention : " bloquer le CHU de Montpellier s'il intente une action qui viserait à démontrer une entente " (§ 109 cote 647). Interrogé sur le sens de cette note, M. X... a confirmé que cette mention visait bien le cas d'un refus général de soumissionner et donc une entente générale des fournisseurs : " Si jamais personne ne répondait avec une offre, nous savions bien que l'on pouvait s'exposer à une apparence d'entente ". (soulignement ajouté) (§110).
245. Il est frappant de constater que M. X... ne se préoccupe pas des conséquences que pourrait avoir, pour la société Guidant, le fait de ne pas répondre à l'appel d'offres si les autres entreprises déposaient une offre, mais se place directement dans l'hypothèse de l'absence de réponse des cinq entreprises. Dans ce contexte, la proposition de " bloquer le CHU de Montpellier " est incompréhensible si elle vise une action menée par la seule société Guidant, puisque cette dernière ne dispose pas d'un tel pouvoir. En revanche, cette proposition prend tout son sens si on envisage une action commune qui pourrait, avec plus de vraisemblance, tendre à dissuader le CHU de Montpellier de déposer une plainte pour entente contre l'ensemble de ses fournisseurs. Cette mention d'une action collective est d'autant plus logique qu'elle est inscrite sur la même page, et donc au même moment, que d'autres notes relatives aux actions collectives qui ont été discutées par les cinq fournisseurs lors de la réunion du 22 juin 2001 : la saisine du Conseil de la concurrence par le SNITEM, le dialogue préventif à engager avec la DGCCRF et l'envoi direct au CHU de Montpellier de lettres des fournisseurs portant sur des points techniques. Cet indice supplémentaire tend donc à démontrer que l'option d'un refus collectif de répondre a fait l'objet d'une discussion commune.
246. A cet égard, la société Guidant ne peut affirmer sans incohérence que l'indication "répondre mais pas faire d'offre/proposition Guidant " qui figure dans les notes de M. X... (§ 109 cote 646) ne renvoie pas à une proposition faite par Guidant aux autres fournisseurs. On ne peut, en effet, sérieusement soutenir que M. X... se fait une proposition à lui-même et écrit " proposition Guidant " lorsqu'il envisage pour sa société une action en deux temps : répondre au CHU mais ne pas faire d'offre. Cette interprétation serait d'autant moins convaincante que la même proposition d'action en deux temps figure dans les propres notes de M. X... prises lors de la réunion du SNITEM du 22 juin, ainsi que dans les notes de M. F... (Biotronik) du même jour et dans celle de M. Q... (Biotronik). Or, l'analyse de ces notes (§ 200 à 208 ci-dessus) a démontré que l'action " en deux temps " consistant à répondre au CHU mais à ne pas faire d'offre à été discutée collectivement.
247. Par ailleurs, la note de M. X... cotée 649 (§ 113) témoigne de l'existence d'un échange d'informations entre les sociétés Guidant et Saint-Jude Medical sur l'hypothèse d'un refus général de répondre. Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'identité de l'interlocuteur de M. X... (Guidant) au moment où celui-ci prend ses notes, il suffit de relever que les échanges rapportés ont eu pour objet d'organiser une " conférence call " bilatérale entre deux concurrents pour laquelle des horaires précis sont envisagés. L'échange en cours et le rendez-vous téléphonique en préparation ne se rapportent visiblement pas à une réunion du SNITEM puisque le directeur général de Guidant inscrit le nom du directeur général de Saint-Jude Medical " J... " à côté de la mention " avocat St-Jude Medical ". Il s'agit donc de contacts bilatéraux.
248. Pourtant, la préoccupation qui justifie ces contacts bilatéraux est " de bien préciser les risques d'entente ". Or, il a été établi que cette mention d'une " entente " renvoie à l'hypothèse d'une absence de réponse générale : personne ne répond comme dans la phrase " une action qui viserait à démontrer une entente " figurant dans les notes commentées au § 244 ci-dessus. Cette note démontre que les deux concurrents discutent directement entre eux des risques d'un comportement collectif de l'ensemble des fournisseurs.
249. La note suivante (cote 650) comporte la mention " on est d'accord pour répondre mais de façon loyale ". Contrairement à ce qu'a déclaré M. X..., il n'est pas vraisemblable que cette phrase mentionne une réflexion interne à la société, ce qui supposerait que M. X..., se parlant à lui-même ou à un collaborateur, utilise l'expression " on est d'accord ". En revanche, cette tournure est naturelle pour exprimer une proposition d'action commune, lecture qui serait logique puisque cette phrase est notée après d'autres qui visent également des actions communes : " Dialogue DGCCRF vs action agressive, Conseil de la concurrence via SNITEM ou industrie dans son ensemble ".
250. L'ensemble des éléments ci-dessus démontre que le sujet discuté était celui d'une absence de réponse à l'appel d'offres de tous les fournisseurs, la concertation ayant porté par ailleurs sur les moyens de donner une présentation acceptable à ce comportement commun, soit par l'envoi de courriers mentionnant des obstacles techniques ou juridiques, soit en engageant une procédure de diversion devant le Conseil de la concurrence.
f) Sur la convergence des comportements adoptés par les fournisseurs.
251. Le constat que les cinq sociétés ont adopté un comportement identique consistant à ne pas répondre à l'appel d'offres et l'analyse des modalités suivant lesquelles elles ont fait connaître cette décision au CHU de Montpellier est un dernier élément de preuve de la concertation.
252. En premier lieu, les entreprises étaient conscientes du risque qu'elles prenaient en ne répondant pas pour un marché public couvrant les besoins en défibrillateurs de dix-sept CHU pour deux ans, comme l'a indiquée l'un des leaders du marché, la société Medtronic. (§ 89)
253. Il n'est pas concevable que les cinq opérateurs du marché aient pris séparément un tel risque sans un minimum de précautions juridiques. Pourtant, les déclarations des intéressés montrent que tel n'a pas été le cas.
254. Ainsi, pour la société Medtronic, le responsable des marchés affirme avoir prévenu par téléphone, le 3 juillet 2001, M. H... du courrier lui indiquant sa décision de ne pas répondre, mais précise " Parallèlement nous attendions les réponses de nos conseils juridiques. Mais ma réponse était en partie arrêtée (...) Aucune offre n'a été formalisée, j'ai seulement travaillé sur un tableau manuscrit que je n'ai pas conservé ". (cote 38, soulignement ajouté).
255. La société ELA Médical déclare : " Je n'ai pas fait appel à un conseil juridique pour prendre la décision de ne pas répondre à l'appel d'offre national " (cote 38 soulignement ajouté)
256. Pour la société Biotronik, M. F... indique avoir disposé d'une offre, préparée par les services de M. O..., responsable des marchés, et qu'il aurait donc été en mesure de la déposer mais indique avoir décidé de ne pas répondre tout en précisant : " Je me suis posé la question de savoir si je devais en référer à un conseil juridique. J'ai finalement décidé de ne pas m'engager dans cette voie " (cote 36 soulignement ajouté)
257. Pour la société Saint-Jude Medical, le responsable des marchés, M. E... a déclaré qu'il avait eu, une semaine avant le dépôt des offres, un contact téléphonique avec M. H... qui souhaitait savoir si aucun aspect du dossier ne gênait la remise d'une offre et qu'il a indiqué à cette occasion : "Je lui ai répondu que nous étions en train de travailler sur le dossier. J'ai travaillé sur l'offre à proposer mais je ne l'ai pas conservée. Cette offre était une ébauche manuscrite qui n'a pas donné de suite." (cote 40, soulignement ajouté)
258. Enfin, le directeur général de la société Guidant indique : " Nous avons attendu le 5 juillet 2001 pour envoyer un courrier à M. H... pour deux raisons principales : la première parce que je suis arrivé en fonction le 1er juillet et il me fallait le temps de la réflexion, la seconde parce que c'était une consultation novatrice qui demandait réflexion (...) Nous avons travaillé sur cet appel d'offres jusqu'au dernier moment ; nous avons d'ailleurs établi une offre (...) " (cote 36 soulignement ajouté).
259. Ainsi, trois entreprises sur cinq affirment avoir pris cette décision sans consulter de juristes ou sans attendre leur réponse et sans préparer d'offre. Il faut donc en déduire que les questions juridiques posées par le marché des défibrillateurs ne justifiaient pas, à leurs yeux, une telle consultation, soit qu'aucune question sérieuse n'était posée, soit au contraire que les réponses à ces questions étaient tellement évidentes qu'il n'y avait pas lieu de consulter des spécialistes.
260. Pourtant, elles ont toutes les trois déclaré que la nouveauté des questions juridiques posées ont justifié leur participation aux discussions des fabricants au sein du SNITEM, y compris en cours de la procédure d'appel d'offres.
261. Malgré cette absence d'étude juridique propre, leur confiance dans la solution consistant à ne pas répondre a été telle qu'elles n'ont même pas eu la prudence de formaliser une offre à toutes fins utiles, cette absence de précaution risquant de rendre matériellement impossible un changement de position.
262. En réalité, cette apparente prise de risque, sans étude juridique préalable de ce risque, ne peut s'expliquer que parce que ces sociétés étaient assurées que leurs concurrentes agiraient dans le même sens. C'est en fonction de cette assurance, quels que soient les prétextes allégués, que chacun a fait le choix ultime de ne pas répondre.
263. En deuxième lieu, les sociétés ont adopté les mêmes modalités pour faire connaître leur refus en choisissant d'écrire au CHU de Montpellier pour expliquer les raisons pour lesquelles elles ne soumissionnaient pas. Cette démarche générale serait surprenante si elle était spontanée puisqu'il n'est pas d'usage que des entreprises éprouvent le besoin de justifier leur décision de ne pas répondre à une soumission. En revanche, elle s'explique si l'objectif est de fournir des explications préventives afin de dissuader les hôpitaux de déposer une plainte pour entente.
264. En troisième lieu, si les sociétés se sont efforcées de rendre leurs réponses différentes en alternant les explications, elles n'ont pas pu éviter que ces réponses présentent une convergence sur le véritable motif, qui est leur contestation du principe même d'un appel d'offres groupé de dimension nationale et non régionale et de voir insérer dans le cahier des charges une clause de sauvegarde permettant la prise en compte du TIPS.
265. Sur ce dernier point, il n'est nullement nécessaire que les courriers présentent une identité parfaite pour démontrer la convergence des comportements comme l'a déjà jugé la cour d'appel dans son arrêt du 18 mars 2003 sus mentionné : " La constatation faite par la Cour d'un parallélisme de comportement et d'autres éléments tels que, notamment, l'envoi de courrier à six fournisseurs, même s'ils ne reprennent pas à l'identique les formules arrêtées lors des réunions, constituent un faisceau d'indices graves précis et concordants dès lors qu'une entente peut être établie par des éléments, autres que la constatation du seul parallélisme de comportement, qui s'ajoutent à celui-ci " (soulignement ajouté).
266. Les éléments décrits ci-dessus constituent tous des indices supplémentaires de finalité anticoncurrentielle de la concertation : s'assurer que les cinq entreprises aptes à soumissionner s'abstiendraient de déposer des offres et dissimuler la réalité de ce jeu collusif.
g) Sur la preuve de la participation des sociétés Ela Medical et Medtronic à la concertation.
267. La société Ela Médical soutient que la démonstration explicite d'un accord de volonté entre les sociétés incriminées pour faire échec à l'appel d'offres n'est pas faite, en particulier à son encontre. Les éléments du dossier ne démontreraient pas que sa participation à des réunions et des conférences téléphoniques dans le cadre du SNITEM avec les quatre autres fournisseurs mais aucun élément tangible n'attesterait de sa volonté de s'entendre avec ces derniers.
268. La société Medtronic prétend qu'aucune des notes manuscrites utilisées comme éléments de preuve n'a été saisie dans ses locaux, n'émane d'elle, ni ne la mentionne. Selon elle, les documents saisis chez un concurrent ne pourraient faire preuve contre elle que s'ils sont suffisamment précis pour être individualisés par la mention du nom de l'entreprise sur ces documents. Elle en déduit que les notes rédigées par MM. F... , X... et J... ne lui sont pas opposables.
269. A propos de la note du 22 mai 2001 saisie dans le bureau du président de Medtronic, M. N... (§ 79), elle soutient que ce n'est pas un élément de preuve et interprète l'expression " motiver le SNITEM " précédant les termes " rencontre et volet politique Industrie/CHU " comme traduisant l'intention de motiver le SNITEM dans le rôle qui lui était dévolu, à savoir les relations entre l'industrie et le monde institutionnel. Elle en conclut que le faisceau d'indices qui est exigé par le Conseil n'est pas établi à son encontre.
270. Mais les sociétés Medtronic et Ela Médical font partie du groupe stimulation cardiaque et ont participé à la réunion du 17 mai 2000 où pour la première fois a été évoqué le projet d'appel d'offres national. Elles ont pris part aux différentes réunions organisées par le SNITEM ayant pour sujet cet appel d'offres et en particulier aux réunions du 1er mars 2001 et du 22 juin 2001 au cours desquelles il est établi que les cinq sociétés participant aux réunions se sont concertées. Le fait que la démonstration de cette concertation ne se fonde pas sur des notes établies par Medtronic et Ela Medical mais sur celles prises par les autres participants à ces différentes réunions est sans effet sur la démonstration du caractère anticoncurrentiel des réunions auxquelles ces deux sociétés ont participé.
271. D'ailleurs, la société Medtronic a pris une part active aux échanges d'informations. En effet, les notes prises par M. N... au cours de la réunion du comité de direction de la société Medtronic montrent d'une part que cette société entendait agir sur le SNITEM et d'autre part qu'une réunion sur l'appel d'offres devait avoir lieu entre trois dirigeants de sociétés concurrentes, MM. N... (Medtronic), Z... (Guidant) et J... (Saint Jude Médical).
272. Enfin, il n'est nullement nécessaire, pour établir la participation d'une entreprise à une concertation anticoncurrentielle de démontrer qu'elle a participé individuellement à chacune des actions qui la constituent. Comme l'a indiqué la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 18 mars 2003 concernant une entente entre opticiens : " l'adhésion à une entente peut se déduire de la mise en œuvre par une entreprise du comportement anticoncurrentiel décidée par plusieurs de ses concurrents ; qu'en l'espèce, même si les sociétés (...) n'ont pas participé à la réunion du 8 octobre 1996 à l'origine de l'action concertée, leur comportement vis-à-vis des fournisseurs en ce qu'il a appliqué la décision de faire pression et de les menacer de représailles apporte suffisamment d'éléments pour qu'un faisceau d'indices graves précis et concordants démontre leur participation à l'action concertée ".
273. De même, le Conseil a précisé dans sa décision 06-D-03 du 9 mars 2006 que l'" accord de volonté est démontré dans deux hypothèses :
- si l'entreprise n'a participé qu'à une seule réunion ayant un objet anticoncurrentiel dès lors qu'il est également établi qu'elle a adhéré à cet objet, notamment par la diffusion des consignes adoptées ou encore par l'application des mesures décidées au cours de cette réunion ;
- si l'entreprise a participé à plusieurs réunions ayant le même objet anticoncurrentiel ".
274. Or, comme les autres sociétés, Medtronic et Ela Medical ont participé aux deux réunions du SNITEM qui leur ont permis de discuter des actions à mener dans le cadre de l'appel d'offres et ont adressé une réponse au CHU de Montpellier pour signifier qu'elles ne déposeraient pas d'offre en utilisant les arguments mentionnés dans les comptes rendus et notes de réunions et également développés par les autres sociétés dans leurs réponses au CHU.
275. Il est donc établi que les sociétés Medtronic et Ela Médical se sont concertées avec les autres sociétés pour refuser de répondre à l'appel d'offres.
Conclusion sur le faisceau d'indices démontrant la concertation
276. L'ensemble des éléments exposés aux § 183 à 275 ci-dessus constitue un faisceau d'indices graves, précis et concordants démontrant que les sociétés Guidant, Saint-Jude Médical, Biotronik, Medtronic et Ela Médical se sont concertées pour s'abstenir de soumissionner à l'appel d'offres n° 01S0082 relatif à l'achat groupé de défibrillateurs par dix-sept CHU et obliger chaque CHU à maintenir ses appels d'offres. Cette pratique est prohibée par l'article 420-1 du Code de commerce et l'article 81 du traité européen.
3. SUR LES JUSTIFICATIONS DU REFUS DE REPONDRE A L'APPEL D'OFFRES.
a) Sur le raisonnement général
277. Pour renverser le faisceau d'indices graves précis et concordants qui leur est opposé, les parties mises en cause soutiennent qu'elles ont pris leur décision de ne pas répondre à l'appel d'offres en considération de leurs propres intérêts et au terme d'un processus autonome qui les a conduites à considérer notamment que l'appel d'offres présentait un risque d'illégalité, que la mention du TIPS leur faisait courir un risque économique et que des difficultés d'interprétation des clauses techniques ne leur permettaient pas de répondre dans le cadre d'une compétition loyale. Les parties prétendent donc avoir eu des raisons valables d'ordre juridique, économique et technique de ne pas répondre à l'appel d'offres et s'être fondées sur ces raisons pour prendre individuellement cette décision.
278. Avant d'examiner ce moyen, il faut rappeler que selon une jurisprudence, nationale et communautaire, déjà citée " Si l'exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché " (CJCE, arrêt du 12 juillet 2001, Tate & Lyle).
279. La justification par l'argument du comportement rationnel autonome ne vaut que si ce dernier n'est pas simplement présumé, mais est effectivement établi en cohérence avec les éléments factuels du dossier. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice, lorsque les parties mises en cause souhaitent renverser le faisceau d'indices réuni par l'autorité de concurrence, elles doivent fournir une meilleure explication de leur comportement que celle qui résulte de l'existence d'une concertation : " Lorsque la Commission a réuni des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la conviction que le comportement de plusieurs entreprises ne s'explique que par l'existence d'une entente ou d'une pratique concertée, c'est aux entreprises concernées d'établir que leur comportement peut recevoir une explication satisfaisante ne faisant pas intervenir une telle violation des obligations que leur impose l'article 81 § 1 [85 § 1] du traité" (CJCE, arrêt du 24 octobre 1991, Atochem).
280. A cet égard, il faut rappeler que les opérateurs économiques doivent, en présence d'une compétition normale avec leurs rivaux, tenir compte de la pression concurrentielle qu'ils subissent et du comportement attendu de leurs concurrents ou de leurs clients. C'est précisément une des caractéristiques d'un pouvoir de marché que de pouvoir échapper à de telles contraintes. En l'espèce, il ne suffit pas que les parties démontrent qu'elles avaient un intérêt individuel à ne pas répondre, mais que cette ligne d'action était une stratégie gagnante compte tenu de ses risques. Elles doivent établir qu'elles étaient en mesure de prévoir que les autres opérateurs allaient faire un raisonnement identique. En outre, pour démontrer l'absence de concertation, elles doivent établir que cette décision n'a pas été influencée par les discussions au sein du SNITEM, notamment deux semaines avant la date limite de dépôt des offres. Autrement dit, elles doivent prouver elles n'ont pas utilisé les discussions autour de l'appel d'offres pour se révéler réciproquement la possibilité d'arriver sans risque excessif à une situation où aucune d'entre elles ne soumissionne.
281. Cette situation a bien été résumée par, M. 2..., le responsable de la division défibrillateurs de la société Medtronic : " Prendre la décision de ne pas répondre à l'appel d'offres n'a pas été facile car il y avait un risque que les autres concurrents répondent et nous nous serions exclus d'office de la compétition quels que soient les prix proposés par la concurrence. Je pense que sur ce point, ils devaient avoir la même difficulté que moi." (rapport administratif d'enquête - cote 39).
282. Il ressort de cette déclaration que la décision de ne pas répondre comprenait un risque important, que ce risque ne pouvait être atténué que par l'assurance que les concurrents ne répondraient pas, que " les concurrents devaient avoir la même difficulté ", que pourtant la décision de ne pas répondre aurait été prise sans connaître ses chances de succès.
283. Elle est donc partiellement contradictoire puisque, si elle était exacte, elle traduirait une prise de risque inconsidérée, une sorte de pari, dont l'issue n'aurait été connue qu'après réception du courrier du CHU indiquant que le marché a été déclaré infructueux.
284. En outre, cette déclaration n'est pas cohérente avec la description que fait le même responsable lorsqu'il décrit son comportement au moment de prendre la décision de ne pas soumissionner : " Parallèlement nous attendions les réponses de nos conseils juridiques. Mais ma réponse était en partie arrêtée (...) Aucune offre n'a été formalisée, j'ai seulement travaillé sur un tableau manuscrit que je n'ai pas conservé. Mais j'étais prêt à répondre à un nouvel appel d'offre national s'il était rédigé de façon plus appropriée. "... (cote 38, soulignement ajouté).
285. La décision a donc été prise sans attendre les réponses des conseils juridiques et aucune offre sérieuse n'a été préparée, ce qui empêchait l'entreprise de décider au dernier moment de répondre à l'appel d'offres pour minimiser le risque de l'entreprise. Surtout, le responsable commercial se projette déjà dans l'avenir en indiquant qu'il envisageait une relance de la procédure sous une autre forme après un échec. Ces éléments démontrent plutôt une grande assurance sur l'issue de la procédure et l'absence de prise de risque.
286. Or, comme cela a été exposé aux § 254 à 258 ci-dessus, cette attitude a été largement partagée par d'autres concurrents qui n'ont manifesté aucun souci de minimiser les risques pris en refusant de soumissionner.
287. Il existe une autre contradiction interne à la description de leur comportement que font les parties et qui tient aux motifs allégués concernant l'irrégularité de l'appel d'offres. Il faut rappeler que l'un des sujets qui avait conduit à la préparation d'une saisine pour avis du Conseil de la concurrence par le SNITEM était le caractère abusif de l'achat groupé, qui aurait été de nature à éliminer irrémédiablement un ou plusieurs concurrents du marché. Autrement dit, les concurrents craignaient de n'obtenir aucun lot et de perdre aussi une partie de leurs débouchés pour 2002 et 2003.
288. Ce point avait été mentionné dans le compte-rendu de la réunion du groupe de cardiologie d'octobre 2000 (voir § 53 supra). " Prenons le cas de figure qui semble être en vogue ; trois fournisseurs sur les cinq actuellement possibles sont retenus à l'appel d'offres national. "
289. De même l'organisateur de l'appel d'offres, M. H... a déclaré avoir indiqué en février 2001 aux fournisseurs : " J'ai précisé aux sociétés au cours de l'entretien que le cahier des charges serait alloti pour permettre aux cinq sociétés présentes sur le marché de répondre, mais je leur ai dit que je ne pouvais pas leur garantir que toutes auraient un lot, les règles d'achat public s'appliquant ". (§ 60)
290. Il avait été à nouveau mentionné dans les notes de M. F... (Biotronik) lors de la réunion du SNITEM du 1er mars 2001 (§ 76,77) : "Lots attribués à plusieurs fabricants ->Tous les fournisseurs ne seront pas retenus ! ". Le même M. F... avait d'ailleurs une idée de qui pouvait être retenu puisqu'il a déclaré aux enquêteurs : M. H... nous avait laissé entendre qu'il ne retiendrait que trois sociétés. A mon avis, il aurait retenu les deux plus grosses (Guidant et Medtronic) et la troisième aurait probablement été une société qui à l'époque, était française, la société ELA Medical ". (§ 57).).
291. Cet optimisme pour la société française n'était pas partagé par le président d'ELA Medical qui a au contraire déclaré au sujet de l'entretien avec M. H...: " Il nous a dit, et je m'en souviens très bien car c'est une chose qui m'a heurté, qu'il allait sélectionner deux ou au maximum trois des fournisseurs sur les cinq possibles. " (cote 27). Cette inquiétude était confirmée par Mme I... qui assistait à cet entretien : " Les petites sociétés se sentaient plus fragilisées, ELA particulièrement du fait de sa situation à l'époque " (cote 25).
292. Par contre la société Saint-Jude Medical était plus sereine, comme l'a indiqué M. E... responsable des marchés : " De plus, M. H... avait précisé que seules trois sociétés seraient retenues (...). En février, nous pouvions répondre à trois lots sur les huit existants dans l'avant-projet. Par la suite le projet a évolué vers douze lots (...) Dans le projet définitif, nous pouvions répondre à neuf lots " (cote 28).
293. Cette position est confirmée par M. J..., directeur général de Saint-Jude Medical : " M. H... avait annoncé oralement lors de son entretien la volonté de ne retenir que 2 ou 3 fournisseurs. A l'époque, nous étions troisième ou quatrième sur le marché français des défibrillateurs implantables. Pour nous l'opportunité d'un appel national était réelle car nous ne travaillions pas à l'époque avec 8 des 17 centres hospitaliers concernés.(...) Pour l'appel d'offres national nous pouvions répondre aux lots n°1 à n°9, sous réserve des clarifications techniques " (cote 39-41).
294. De même, M. X... déclare : " En tant que leader sur le marché des défibrillateurs implantables, Guidant avait tout intérêt à participer à un appel d'offres national eu égard à l'augmentation considérable des quantités prévues " (cote 45).
295. Ainsi, le directeur général de la société Guidant indique : " Nous avons attendu le 5 juillet 2001 pour envoyer un courrier à M. H... pour deux raisons principales : la première parce que je suis arrivé en fonction le 1er juillet et il me fallait le temps de la réflexion, la seconde parce que c'était une consultation novatrice qui demandait réflexion (...) Nous avons travaillé sur cet appel d'offres jusqu'au dernier moment ; nous avons d'ailleurs établi une offre (...) " (cote 36).
296. Force est donc de constater une asymétrie des positions des fournisseurs sur le marché : certains ont intérêt à répondre et ont de forts atouts pour être retenus, d'autres craignent d'être exclus.
297. Mais il existe aussi une asymétrie des opinions des fournisseurs sur la position de leurs concurrents. On observe, par exemple, qu'Ela Medical ne croit pas à ses chances, alors que Biotronik pense que cette société sera parmi les trois retenues car il s'agit d'une société française.
298. De même, la plupart des sociétés, y compris les intéressées, ont déclaré qu'elles pensaient que Guidant et Medtronic allaient être retenues et avaient donc intérêt à concourir, mais par leur comportement personnel de ne pas soumissionner, réputé rationnel, elles affirment au contraire leur conviction que ces deux entreprises leaders n'allaient finalement pas déposer d'offres, ce qui leur a permis d'en faire autant.
299. Cette contradiction est d'ailleurs relevée très tôt par M. H... : " Les sociétés craignaient que l'une des conséquences d'un achat groupé sur ce type de produit soit la disparition de l'un d'entre eux. Cette remarque était inattendue de la part des plus grosses sociétés : Medtronic, Saint-Jude et Guidant. " (Rapport administratif, page 18)
300. En outre, ces leaders du marché, peu menacés par la procédure d'achat groupé, ont pour souci, au lieu de répondre à l'appel d'offres en cours, de défendre les intérêts de leurs concurrents plus fragiles, en se consacrant avec l'aide de leurs conseils à élaborer un projet de saisine du Conseil de la concurrence par le SNITEM, dont les chances de succès sont très faibles selon leur propre opinion établie par les pièces du dossier.
301. Il ne peut donc être sérieusement soutenu qu'à partir de situations aussi variées, chaque fournisseur a pu, par un raisonnement autonome, arriver à la conclusion que l'hypothèse la plus probable était que les autres fournisseurs n'allaient pas répondre et que, par conséquent, lui-même pouvait le faire sans risque.
302. Ce raisonnement a d'autant moins pu être tenu que tous prétendent avoir pris leur décision relativement tard et, en tout cas, après la réunion du SNITEM du 22 juin 2001 voire après les réponses du CHU de Montpellier du 26 juin 2001. Pour admettre un comportement parallèle sans concertation, il faudrait donc considérer que les sociétés auraient pu de manière autonome prévoir le comportement de leurs concurrents, alors que ces derniers étaient eux-mêmes dans l'incertitude de la conduite à suivre.
303. La possibilité selon laquelle un comportement parallèle de refus de soumissionner résulterait de l'analyse rationnelle des données disponibles sur le marché, sans concertation, n'est donc pas établie.
304. Il n'est pas davantage démontré, ni même allégué, que ce comportement autonome aurait pu être déterminé sans tenir compte des informations échangées lors des réunions du SNITEM.
b) Sur les justifications détaillées par les parties
305. Accessoirement, et compte-tenu de l'importance des moyens développés sur ces questions, il convient d'examiner la portée des justifications apportées, de manière abondante et détaillée par les parties, pour expliquer leur comportement, ces justifications étant selon elles, suffisamment objectives pour être considérées comme des informations disponibles sur le marché à partir desquelles chaque concurrent pouvait déterminer un comportement autonome et parallèle.
En ce qui concerne les incertitudes relatives à la légalité de l'appel d'offres.
306. Les parties prétendent que la décision de ne pas soumissionner à l'appel d'offres a été prise en raison de l'illégalité manifeste de cet appel d'offres national non prévu par le Code des marchés publics alors en vigueur et lancé par le CHU de Montpellier au moyen d'une convention de mandat dont la légalité était incertaine. Le Code des marchés publics alors en vigueur autorisait la coordination des commandes publiques, au plan local, voire régional mais au plan national la centralisation des commandes rendait nécessaire l'intervention de l'union des groupements d'achats. Un acheteur public pouvait confier par mandat à un autre acheteur la réalisation d'achats pour son compte mais il s'agissait d'achats ponctuels ce qui n'était pas le cas du marché public en cause.
307. Chacune des parties considère donc qu'elle n'avait pas intérêt à répondre à l'appel d'offres lancé par le CHU de Montpellier puisque l'absence de base légale de cet appel d'offres et l'illégalité manifeste des conventions de mandat signées entre les 16 CHU et le CHU de Montpellier ouvraient à tout concurrent non retenu la possibilité d'une contestation judiciaire facile, aboutissant à ce que l'appel d'offres soit déclaré nul et illicite. Ceci ne signifie pas pour autant que l'une ou plusieurs des parties aient eu intérêt à contester la légalité de cet appel d'offres au cours de la période précédant sa clôture. En effet, chaque partie tenait légitimement à maintenir de bonnes relations avec ses clients principaux et ne souhaitait pas ternir son image commerciale.
308. Mais, contrairement à ce que soutiennent les parties, la réponse rationnelle en cas d'illégalité manifeste d'un appel d'offres est d'en contester la régularité devant le juge administratif compétent comme l'a rappelé la cour d'appel dans un arrêt du 4 février 1997 relatif à une pratique de boycott d'appel d'offres encouragée par un syndicat d'architectes :" Si les architectes estimaient la consultation irrégulière, il leur appartenait de saisir la juridiction administrative compétente, ce qu'ils n'ont pas fait ".
309. De plus, cette démarche contentieuse est d'autant plus rationnelle que l'illégalité étant, selon eux, manifeste, la voie du référé administratif peut être utilisée.
310. Or, non seulement aucune de sociétés ne s'est engagée dans cette voie, mais ce point n'a même pas été envisagé lors des discussions du SNITEM alors même que les fabricants ont travaillé sur une autre option consistant à saisir le Conseil de la concurrence pour avis.
311. Enfin, cette prétendue illégalité n'était pas aussi manifeste que le soutiennent les parties et en tout cas ne l'était pas au point d'être une donnée objective disponible sur le marché puisque dans un compte-rendu de la réunion avec M. H... adressé, le 26 février 2001, au directeur général de Saint-Jude Medical, M. J... par un de ses collaborateurs indique : " Comme convenu, les points les plus marquants de la réunion que nous avons eue avec M. H... (...) Le cadre juridique semble défini et, de leur point de vue, inattaquable. Ils agiront dans le cadre d'une convention de mandat, le tout avec l'accord de toutes les instances impliquées " (cote 1257). De fait, les responsables du CHU de Montpellier avaient pris la précaution de soumettre le projet d'appel d'offres n° 01S0082 au contrôle de légalité du préfet de département de chacun des CHU membre du groupement : aucun d'entre eux n'a relevé l'illégalité manifeste de cette procédure, ni même saisi le tribunal administratif.
312. Cette explication n'est donc pas probante.
En ce qui concerne les raisons d'ordre économique
313. Les parties considèrent que l'inclusion, dans l'appel d'offres d'une clause relative à un ajustement obligatoire au barème TIPS alors que les négociations sur ce tarif n'étaient pas achevées, exposait chacune d'entre elles à un aléa économique incompatible avec leur obligation de gestion raisonnable. En effet, si les fournisseurs avaient proposé un tarif supérieur au barème TIPS publié par arrêté, elles n'auraient eu d'autre choix que de revoir à la baisse le tarif facturé ou de s'exposer à une résiliation du contrat par l'acheteur. Les parties ajoutent que le fait que d'autres conventions comprennent une clause d'ajustement au barème TIPS n'est pas significatif dans la mesure où, dans la très grande majorité des cas, le barème TIPS est déjà connu.
314. Mais cet argument est également infondé puisque certains cahiers des charges des appels d'offres locaux lancés par les 17 CHU pour s'approvisionner en défibrillateurs en 2002 et 2003 comprenaient une clause TIPS similaire à celle prévue dans l'appel d'offres groupé - par exemple ceux des hôpitaux de Montpellier, Rennes, Clermont-Ferrand, Bordeaux, Lyon, Saint-Etienne ou Toulouse - sans que cela conduise les sociétés en cause à refuser de soumissionner, alors même que le tarif TIPS n'était pas connu puisqu'il ne l'a été que par la publication de l'arrêté du 18 août 2004.
315. Cette explication n'est donc pas probante.
En ce qui concerne les raisons d'ordre technique
316. Les parties soutiennent que la définition floue des termes techniques employés dans le cadre de l'appel d'offres a rendu impossible l'analyse de l'allotissement et l'élaboration d'une réponse claire, notamment s'agissant des termes suivants : " haute énergie ", de " fonction mémoire étendue ", de " défibrillateur de petite taille ", Biotronik sur les notions de " haute énergie ", " faible volume ", " mémoire étendue " et St Jude Medical sur les notions de " chocs haute énergie ", " faible énergie ", " reconnaissance des arythmies atriales " et " sondes fréquence asservie ".
317. Mais cet argument est également infondé puisque ces points techniques n'ont pas empêché les fournisseurs de répondre à des appels d'offres individuels. A cet égard, Mme I..., pharmacienne au CHU de Montpellier, a justement remarqué : " que la clause de haute énergie qui soulevait des difficultés pour l'appel d'offres national est reprise dans l'appel d'offres du CHU de Montpellier pour les achats 2003 et n'a soulevé aucune question particulière. Les sociétés Saint Jude, Guidant et Medtronic ont répondu sans difficulté "...
318. De même, les termes de " haute énergie ", " mémoire étendue ", " petite taille ", termes qui ont posé problème aux sociétés dans l'appel d'offres national, ont cependant été utilisés par le CHU de Montpellier dans son appel d'offres n° 50-2002 sans poser de problème aux soumissionnaires. Le terme de " mémorisation étendue " est également utilisé par exemple par le CHU de Caen, celui de " chocs haute énergie " par le CHU de Saint Etienne, et celui de " petite taille " par le CHU de Besançon dans le cadre des appels d'offres locaux lancés après l'échec de l'appel d'offre n° 01S0082.
319. Cette explication n'est donc pas probante.
320. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les arguments juridiques, économiques, techniques ou professionnels invoqués par les parties ne sont pas probants.
4. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE L. 420-4 DU CODE DE COMMERCE
321. Les sociétés Guidant et ELA Medical estiment que le mécanisme de groupement d'achats retenu aurait conduit à la réduction du nombre d'entreprises retenues de nature à entraîner la disparition de petits concurrents tels qu'ELA Medical ou Biotronik, acteurs majeurs du point de vue de la recherche médicale. Cet appel d'offres aurait donc eu pour objet et pour effet de déstabiliser le marché en favorisant la concentration de l'offre à moyen terme et de priver le marché d'innovations essentielles ou cliniquement importantes. En outre, la disparition d'un ou plusieurs concurrents aurait entraîné des risques sur le plan de la santé publique puisque pèse sur chaque fabricant une obligation de service après-vente pour la durée de vie des appareils implantés (3 à 5 ans).
322. La société ELA Medical en déduit que, si l'existence d'une pratique anticoncurrentielle résultant du refus collectif de répondre à l'appel d'offres 01S0082 est constatée, il devrait être fait application de l'article L. 420-4 du Code de commerce afin d'exempter cette pratique en raison du progrès économique auquel elle contribue.
323. Mais pour bénéficier d'une exemption individuelle au titre de l'article L. 420-4 du Code de commerce, il convient de démontrer que la pratique anticoncurrentielle a pour effet d'assurer un progrès économique, qu'elle réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause, la restriction de la concurrence qu'elle implique étant indispensable pour atteindre cet objectif de progrès.
324. Ces dispositions sont d'interprétation stricte. Le progrès invoqué doit être la conséquence directe des pratiques en cause et être proportionné aux atteintes à la concurrence relevées.
325. En l'espèce, la société ELA Medical ne justifie aucunement que la participation à une entente pour faire échec à l'appel d'offres concernant un achat groupé de défibrillateurs était le seul moyen d'empêcher la disparition de petits concurrents sur le marché. En outre, si le progrès économique allégué est d'avoir fait échec à une procédure prétendument illégale, le même objectif aurait pu être atteint par des moyens légaux en formant un recours devant le juge administratif pour qu'il se prononce sur cette illégalité, sans qu'il soit nécessaire de mettre en œuvre une entente.
C. SUR LES SANCTIONS
326. La pratique reprochée aux sociétés Guidant, SJMF, Biotronik, Medtronic et Ela Medical a débuté antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, le 18 mai 2001, mais s'est poursuivie après cette date jusqu'au 6 juillet 2001. La saisine, enregistrée le 19 novembre 2003, est également postérieure à cette date. Il en résulte que les dispositions du livre IV du Code de commerce applicables en l'espèce sont celles issues de la loi du 15 mai 2001.
327. L'article L. 464-2 du Code de commerce applicable à la présente affaire, dispose : " Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante".
1. SUR LA GRAVITÉ DES FAITS REPROCHÉS
328. Les parties soutiennent que le refus de répondre à l'appel d'offres n° 01S0082 entre dans le champ des pratiques " peu graves " car cette pratique était purement conjoncturelle en ce qu'elle était liée au contexte réglementaire de l'époque et qu'elle n'aurait duré tout au plus que quatre mois, entre mars et juillet 2001. De plus, cette pratique n'avait aucun caractère secret car elle était motivée par l'illégalité manifeste de l'appel d'offres en cause et le refus des cardiologues de soutenir la démarche des CHU.
329. Mais une entente horizontale en matière de marché public est grave par nature, indépendamment de l'importance du marché affecté et de la durée de cette affectation puisqu'elle a pour objet de faire directement échec au processus de mise en concurrence.
330. Le caractère ponctuel ou la faible durée effective de la concertation n'est pas un critère pertinent pour atténuer cette gravité puisqu'un appel d'offres est par nature un marché instantané qui peut être faussé sans recourir à une entente durable.
331. Il est en outre impossible de connaître le comportement qu'auraient durablement adopté les participants à l'entente puisque l'appel d'offres a été déclaré infructueux et n'a pas été relancé.
332. Les pratiques mises en œuvre par les parties ont conduit à faire échouer le premier appel d'offres national portant sur un achat groupé de défibrillateurs dont le montant prévisionnel était, pour 2002, au minimum de 8,3 M et au maximum de 12 M et, pour 2003, au minimum de 11 M et au maximum de 15 M. Cet échec a empêché les hôpitaux d'expérimenter un nouveau type d'appel d'offres qui permettait une rationalisation de leurs achats d'un matériel médical onéreux et a contribué à les décourager de renouveler cette initiative.
333. Certes, la relance de la procédure avait été annoncée par le groupement des hôpitaux dès le mois de juillet 2001 pour septembre 2001 et les raisons pour lesquelles cette relance n'a pas eu lieu sont multiples, au dire même des organisateurs de la procédure. Si l'annulation du premier appel d'offres a eu pour effet de dissuader les hôpitaux d'organiser une nouvelle procédure d'achats groupés, rien ne permet d'imputer aux seuls fournisseurs le changement d'attitude des organisateurs. En toute hypothèse, leur responsabilité directe ne saurait être présumée au-delà des mois ou de l'année qui a suivi le premier échec.
2. SUR L'IMPORTANCE DU DOMMAGE CAUSÉ À L'ÉCONOMIE
334. Les parties soulignent que la pratique n'a pas causé de dommage à l'économie car les prix des défibrillateurs n'ont cessé de baisser depuis 2001 tandis que la qualité des produits s'est nettement améliorée. La société Medtronic en veut pour preuve que les prix en France figurent parmi les plus bas d'Europe. La société Saint-Jude Medical ajoute que l'évolution contrastée et divergente des tarifs des différents fournisseurs entre 2001 et 2002 illustre l'absence de toute entente sur les prix entre les acteurs du marché.
335. Les parties ajoutent enfin que la réalisation d'un achat groupé aurait eu pour effet de réduire les débouchés des fournisseurs et partant d'entraîner la disparition d'un ou plusieurs concurrents tout en réduisant les capacités d'innovation sur le marché.
336. La société SJMF précise d'ailleurs que c'est la raison pour laquelle le SNITEM et les CHU ont convenu en avril 2007 que les futures procédures d'achats groupés prévues par le nouveau Code des marchés publics ne seraient lancées qu'à la suite d'études d'impact afin de s'assurer au cas par cas que les bénéfices escomptés par les acheteurs à court terme ne soient pas neutralisés par un quelconque préjudice porté à la structure de la concurrence du côté des fournisseurs.
337. A titre liminaire, il faut rappeler que, selon la jurisprudence " le dommage causé à l'économie est indépendant du dommage souffert par le maître d'ouvrage en raison de la collusion entre plusieurs entreprises soumissionnaires et s'apprécie en fonction de l'entrave directe portée au libre jeu de la concurrence " (Cour d'appel de Paris, arrêt du 13 janvier 1998, Fougerolle Ballot). Ainsi, le dommage à l'économie est distinct du préjudice financier éventuellement subi par la victime directe de l'entente et s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée au fonctionnement normal des marchés par les pratiques en cause.
338. S'agissant de l'absence d'effet sur les prix, les arguments des parties ne sont pas probants puisqu'en l'absence d'appel d'offres de référence, il n'est pas possible de mesurer les gains économiques qu'auraient pu obtenir les hôpitaux par une procédure d'achat groupé. Ainsi, ce n'est pas parce que les prix ont baissé sur les marchés postérieurement à l'appel d'offres groupé que cette baisse n'aurait pas été encore plus importante dans le cadre de cet appel d'offres groupé.
339. En outre, s'agissant de la durée, si l'accord de volonté anticoncurrentiel, matérialisé par les réunions et les échanges d'informations entre compétiteurs, a pris corps de manière relativement rapide pour pouvoir être scellé avant le dépôt des offres, il convient également d'examiner les conséquences durables sur le marché induites par cette entente pour apprécier l'importance du dommage à l'économie. C'est ce raisonnement qu'a déjà suivi le Conseil dans sa décision n° 07-D-26 du 26 juillet 2007 à propos d'une concertation ayant eu pour effet de fausser un appel d'offres tenu sous la forme d'enchères électroniques (§ 108).
340. Or, en l'espèce, l'entente, quoique de courte durée, a également eu un effet plus important que le seul échec du marché concerné puisque, de pair avec l'opposition des cardiologues, elle a conduit les CHU à ne pas renouveler l'expérience d'un appel d'offres d'achat groupé, et ce malgré la modification du Code des marchés publics autorisant le groupement d'achat au niveau national. La mise en échec de cette procédure a donc eu un effet avéré sur les incitations des hôpitaux et a nécessairement influencé les appels d'offres ultérieurs qui ont été organisés selon des modalités plus traditionnelles.
341. Il faut, à cet égard, relever que les achats groupés sont devenus relativement fréquents pour certains produits, par exemple les médicaments, mais qu'aucun dispositif médical n'a été concerné par des appels d'offres groupés depuis celui de 2001 et, en particulier, aucun appel d'offres groupé n'a été organisé pour les défibrillateurs cardiaques implantables.
3. SUR LES ÉLÉMENTS INDIVIDUELS
342. La société Biotronik France a ses comptes consolidés au sein de ceux de la société Biotronik Gmbh dont le chiffre d'affaires consolidé mondial a varié entre 307 M en 2001 et 504 M en 2006. Biotronik France a réalisé en France, marché géographique affecté, un chiffre d'affaires hors taxes de 40,6 M en 2006 et de 21,9 M, en 2001, dont 2,2 M pour la division défibrillateurs.
343. En considération des éléments généraux et individuels exposés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Biotronik France, une sanction pécuniaire de 200 000 euro.
344. La société Guidant France a ses comptes consolidés au sein de ceux de la société Guidant Corporation dont le chiffre d'affaires consolidé mondial a varié entre 719 M$, soit environ 800 M, en 2001, et 1 473 M$, soit environ 1230 M en 2006. Guidant France a réalisé en France, marché géographique affecté, un chiffre d'affaire hors taxes de 61 M en 2006 et de 79 M, en 2001, dont 6 M pour la division défibrillateurs.
345. Les éléments du dossier montrent, par ailleurs, que la société Guidant France a joué un rôle particulièrement actif dans la mise en œuvre de la concertation.
346. En considération des éléments généraux et individuels exposés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Guidant France, une sanction pécuniaire de 400 000 euro.
347. La société Ela Medical France a ses comptes consolidés au sein de ceux de la société Sorin Group dont le chiffre d'affaires consolidé mondial a varié entre 963 M en 2001 et 791 M en 2006. ELA Medical France a réalisé en France, marché géographique affecté, un chiffre d'affaire hors taxes de 105,7 M en 2006 et de 82,7 M, en 2001, dont 1,5 M pour la division défibrillateurs.
348. En considération des éléments généraux et individuels exposés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Ela Medical France, une sanction pécuniaire de 500 000 euro.
349. La société Medtronic France a ses comptes consolidés au sein de ceux de la société Medtronic Inc. dont le chiffre d'affaires consolidé mondial a varié entre 5 551 M$, soit environ 6 167 M en 2001 et 11 292 M$, soit 9 400 M, en 2006. Medtronic France a réalisé en France, marché géographique affecté, un chiffre d'affaire hors taxes de 222 M en 2006 et de 132,5 M, en 2001, dont 6,7 M pour la division défibrillateurs.
350. En considération des éléments généraux et individuels exposés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Medtronic France, une sanction pécuniaire de 1 100 000 euro.
351. La société Saint Jude Medical France a ses comptes consolidés au sein de ceux de la société Saint Jude Medical dont le chiffre d'affaires consolidé mondial a varié entre 1347 M$, soit 1 200 M, en 2001, et 3 300 M$, soit 2 750 M, en 2006. Saint Jude Medical France a réalisé en France, marché géographique affecté, un chiffre d'affaire hors taxes de 97,7 M en 2006 et de 58,7 M, en 2001, dont 3,5 M pour la division défibrillateurs.
352. En considération des éléments généraux et individuels exposés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Saint Jude Medical France, une sanction pécuniaire de 450 000 euro.
4. SUR L'OBLIGATION DE PUBLICATION
353. Afin d'informer de la présente décision les acteurs du secteur de la santé, il y a lieu d'ordonner aux cinq fabricants de défibrillateurs implantables de faire publier le résumé suivant dans le " Quotidien du médecin " et le " Moniteur hospitalier ", à leurs frais communs et au prorata du montant de leur sanction :
" Les sociétés Biotronik France , Ela Medical France , Guidant France , Medtronic France et Saint Jude Medical France qui commercialisent des défibrillateurs implantables se sont entendues pour ne pas répondre à l'appel d'offres national lancé le 24 mai 2001, par lequel dix-sept CHU ont décidé de grouper leurs achats de défibrillateurs implantables sur deux ans, ce qui représentait plus de la moitié des achats réalisés par les hôpitaux, afin de bénéficier de meilleures conditions de prix et de service. Le Conseil de la concurrence a mis en évidence la concertation, mise en œuvre sous couvert d'échanges professionnels, pour faire échouer l'appel d'offres destiné à intensifier la concurrence et rejeté les allégations par lesquelles les entreprises ont tenté en vain de justifier leur comportement par les incertitudes relatives à la légalité de l'appel d'offres, par des raisons d'ordre économique ou technique. L'entente, quoique de courte durée puisque limitée à cet appel d'offres, a eu un effet plus important car elle a été l'un des facteurs qui a conduit les CHU à ne pas renouveler l'expérience d'un appel d'offres d'achat groupé. Le Conseil a infligé aux sociétés Biotronik France, une sanction de 200 000 euro, Guidant France, une sanction de 400 000 euro, Ela Medical France une sanction de 500 000 euro, Medtronic France une sanction de 1 100 000 euro, à la société Saint-Jude Medical France une sanction de 450.000 euro. Le texte intégral de la décision du Conseil de la concurrence est accessible sur le site www. Conseil-concurrence. fr ".
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que les sociétés Biotronik France, Guidant France, Ela Medical France, Medtronic France et Saint Jude Medical France ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE.
Article 2 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
à la société Biotronik France une sanction de 200 000 euro ;
à la société Guidant France une sanction de 400 000 euro ;
à la société ELA Medical France une sanction de 500 000 euro ;
à la société Medtronic France une sanction de 1 100 000 euro ;
à la société Saint Jude Medical France une sanction de 450 000 euro.
Article 3 : Les sociétés Biotronik France, Ela Medical France, Guidant France, Medtronic France et Saint-Jude Medical France feront publier à leurs frais communs et au prorata du montant de leur sanction dans les trois mois suivant la notification de la présente décision le texte figurant au paragraphe 353 de celle-ci , en en respectant la mise en forme dans " Le Quotidien du médecin " ainsi que dans le " Moniteur hospitalier ". Ces publications interviendront dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à 5 mm sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " Décision n° 07-D-49 du 19 décembre 2007 du Conseil de la concurrence relatives à des pratiques mises en œuvre dans le cadre de l'approvisionnement des hôpitaux en défibrillateurs cardiaques implantables ". Elles pourront être suivies de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Paris si un tel recours est exercé. Les sociétés adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence, copie de ces publications, dès leur parution.
Note
1 La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000 et ses décrets d'application n°2001-256 et 2001-257 du 26 mars 2001 ont remplacé le tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS) par la Liste des produits et prestations (LPP).