Conseil Conc., 18 décembre 2007, n° 07-D-47
CONSEIL DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à des pratiques relevées dans le secteur de l'équipement pour la navigation aérienne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport de M. Avignon, par M. Nasse, vice-président, présidant la séance, Mme Mader-Saussaye, ainsi que MM. Bidaud, Combe, membres.
Le Conseil de la concurrence (section I),
Vu la lettre enregistrée le 6 janvier 2003 sous le numéro 03/0003F, par laquelle le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence, en application de l'article L. 462-5 du Code de commerce, d'un dossier relatif à des pratiques relevées dans le secteur de l'équipement pour la navigation aérienne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu la décision relative à la protection du secret des affaires n° 06-DSA-35 du 4 septembre 2006 ; Vu la décision n° 07-S-01 du 23 mai 2007 par laquelle le Conseil a renvoyé le dossier à l'instruction ; Vu les observations présentées par la société Thales Security Systems pour le compte de la société Thomson CSF Inexel, par la société Thales Services Industrie, anciennement Thomson-CSF Services Industrie, par la société Ineo SA pour le compte des sociétés Coris et l'Entreprise industrielle, par la société Ineo Centre, anciennement SEEE, par la société Cegelec SAS pour le compte des sociétés Cegelec SA et Cegelec Paris, par la société Système audio fréquence (SAF), par la société Spie SA pour le compte de la société Spie Trindel, par la société Eurelec Midi-Pyrénées pour, anciennement Electrique Provence Industrie (EPI), et par les SAS Établissements Jean Graniou et Graniou Azur ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Thales Services Industrie, Thales Security Systems, Ineo SA, Cegelec SAS, SAF, Spie SA, Eurelec Midi Pyrénées, Établissements Jean Graniou et Graniou Azur entendus lors de la séance du 11 décembre 2007 ; Adopte la décision suivante :
I. Constatations
A. LE STNA ET LES MARCHES D'EQUIPEMENT DE LA NAVIGATION AERIENNE
1. MISSIONS ET ACTIVITES DU STNA
1. Le service technique de la navigation aérienne (STNA), implanté à Toulouse, dépend de la direction générale de l'aviation civile (DGAC).
2. La mission du STNA, fixée par un décret du 4 février 1961, est de : " ... concevoir, développer, installer, acheter et entretenir, ainsi qu'homologuer les matériels qui concourent au service public de la navigation aérienne ainsi que toutes études qui peuvent contribuer à cette mission. "
3. La plaquette de présentation du STNA indique (cote 4757) : " ... plus précisément, le STNA réalise les programmes d'investissement de la [DGAC] concernant les cinq centres de contrôle en route, la dizaine de grands aéroports métropolitains avec leurs espaces associés et les aérodromes d'outre-mer d'intérêt national. Cette activité recouvre, d'une part, les études, développements et achats des équipements et systèmes basés au sol et, d'autre part, la conception et la réalisation des installations, leur mise en œuvre et leur suivi technique ainsi que la formation des personnels concernés. Une mission qui englobe également la livraison de systèmes " clés en mains " aux centres en route ou aérodromes qui se chargent ensuite de leur exploitation et de leur maintenance. Pour mener à bien cette mission, le STNA est ordonnateur secondaire du Budget Annexe de l'Aviation Civile (B.A.A.C.) et passe chaque année plus de deux cents marchés avec l'industrie pour un total de plus de 130 ME. Par ailleurs, le STNA est responsable du contrôle en vol, de l'ensemble des aides radioélectriques à la navigation et de l'homologation de tout matériel relatif au contrôle aérien installé par des tiers. "
4. Ainsi, les marchés d'équipement du STNA concernent :
- les cinq centres de contrôle régionaux de la navigation aérienne (CRNA),
- les stations isolées,
- les petites stations Air Sol,
- les installations d'Outre-Mer,
- les aéroports des principales métropoles régionales.
5. La plaquette de présentation du STNA précise aussi (cotes 4774 et 4776) : " ... le STNA joue un rôle d'ensemblier et d'intégrateur auprès des cinq centres de contrôle en route d'Athis-Mons, Brest, Reims, Aix-en-Provence et Bordeaux, auprès de la dizaine de grands aéroports métropolitains, exceptés Orly et Roissy, des aérodromes d'intérêt général d'outre-mer ainsi que pour toutes les aides extérieures en route : stations radar, antennes avancées, moyens de radionavigation. "
6. Sur l'étendue de l'intervention de la structure, elle ajoute :
" ... le STNA intervient dans tous les grands projets de la navigation aérienne, dès la définition des programmes de génie civil, qu'il s'agisse de la construction d'un nouveau centre en route, d'un nouveau bloc technique d'aérodrome, d'une station radar ou radio. Une mission diversifiée qui englobe l'étude de génie civil, l'installation des équipements techniques, la vérification des infrastructures, la définition et la réalisation des pupitres opérationnels et des mobiliers techniques. Le STNA procède en outre à la définition et à la mise en œuvre des systèmes de supervision et de documentation. "
2. LES MARCHES PASSES PAR LE STNA
7. Dans une lettre du 4 janvier 2006 au rapporteur, la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) indique :
" Les marchés pour la navigation aérienne se répartissent en deux catégories principales :
Des marchés d'achat de fournitures industrielles, accompagnés ou non de travaux d'installation sur site de ces fournitures, et généralement passés par appel d'offres.
Des marchés de prestations intellectuelles utilisés principalement pour la réalisation, selon nos spécifications, de logiciels spécifiques utilisés pour la surveillance du trafic aérien et sa présentation aux contrôleurs en temps réel. "
a) Caractéristiques
8. Les marchés concernés en l'espèce appartiennent à la première catégorie. Ils mettent en œuvre des technicités particulières qui ne nécessitent cependant pas d'habilitation spécifique pour les personnels qui interviennent, ceux-ci n'étant le cas échéant soumis qu'aux habilitations " de droit commun ", comme celle nécessaire pour travailler sur les courants forts.
9. Le décret du 4 février 1961 prévoit :
" aucune installation de navigation aérienne (...) ne peut être réalisée ou faire l'objet de modifications sans que ses caractéristiques techniques aient été définies par le STNA ou vérifiées conformes par ce service aux dispositions techniques réglementaires. "
10. Le STNA expose aussi qu'il :
" est architecte système des équipements de la navigation aérienne ; en tant que maître d'œuvre de premier niveau, il définit les sous-systèmes et leurs interfaces et confie leur développement à l'industrie. Il s'assure de leur conformité aux spécifications initiales et de leur fonctionnement, et les intègre à l'ensemble des moyens de l'aviation civile. Ce mode de coopération entre le STNA et l'industrie est le garant, pour les équipements réalisés, de la qualité exigée par la sécurité aérienne, et leur confère une plus-value à l'exportation. "
11. De leur côté, les entreprises indiquent que le STNA accorde des homologations pour certains équipements spécifiques. A cet égard, un représentant de Thales a déclaré aux enquêteurs (cote 4567) :
" J'étais en contact direct avec le STNA pour réaliser des installations sachant que nous ne fabriquons pas de fournitures spécifiques. Pour répondre aux appels d'offres du STNA, il est possible que nous soyons obligés de demander des renseignements à des entreprises qui, par ailleurs, peuvent répondre à ces appels d'offres. Pour beaucoup d'équipements, c'est un passage obligé en raison des homologations accordées par le STNA pour certains équipements spécifiques (SAF : petites chaînes radios ; SEEE : positionneurs d'antennes ; Coris : téléphones de sécurité ; SPIE : pupitres de navigation aérienne ; EPI : rideaux spécifiques pour tour de vigie, etc ...).
Le STNA demande que les entreprises soient habilitées et connaissent les règles de sécurité de l'aviation civile. "
b) Part des marchés passés sur appel d'offres
12. Le rapport financier 2000 du STNA donne des précisions sur les types de marchés qui sont passés par celui-ci (cote 4800) :
" ... la part des marchés négociés sans mise en concurrence a représenté 30 % du nombre des marchés, mais 58 % des montants, s'agissant pour la plupart des gros marchés de développement logiciels ou d'équipements spécifiques.
5 % sont des marchés types sur conventions.
Les 65 % restants ont donné lieu à appel public à la concurrence, 53 % par appel d'offres et 12 % relevant de la procédure négociée appliquée aux marchés inférieurs à 700 000 F. "
13. Entre 1998 et 2000, le nombre de marchés passés sur appel d'offres a évolué de la manière suivante :
<emplacement tableau>
3. LES ENTREPRISES ET LES MARCHES CONCERNES PAR L'ENQUETE
14. En moyenne, 75 groupements ou entreprises travaillant dans le domaine informatique et électronique sont sélectionnés chaque année dans le cadre de ces marchés publics de fournitures d'équipement, d'installation et de câblage.
15. Treize entreprises représentent 55 % du budget du STNA. Il s'agit de : Cap Gemini, CS-SI, Coris, CRAA-DI, France Aérospace, Hewlett-Packard, Matra-Marconi-Space, SEEE, Sofreagia, Steria, Syseca, Telerad et Thomson-CSF intervenue au cours du temps sous différentes appellations ou structures.
16. La situation des entreprises parties à la présente affaire a évolué comme suit. Au sein du groupe Thomson, devenu depuis l'époque des faits le groupe Thales, la société Thomson-CSF Services Industrie a vendu le 2 janvier 2000 l'activité concernée à la société Thomson-CSF Inexel. En janvier 2001, Thomson-CSF Services Industrie a changé de dénomination sociale pour se dénommer Thales Services Industrie SA et Thomson-CSF Inexel a changé de dénomination sociale pour se dénommer Thales Industrial Services SA. Cette dernière a été absorbée en avril 2004 par la SA Thales Security Systems et a été radiée du registre du commerce. En 2003, l'activité concernée par le présent dossier a été cédée hors du groupe Thales au groupe Assystem. Dans la suite de la présente décision, il sera fait référence à Thomson, sauf nécessité particulière.
La société l'Entreprise Industrielle (ci-après, le cas échéant, " EI ") a été radiée du registre du commerce après avoir été absorbée le 31 mai 2001 par la société GTMH SA qui a changé de dénomination sociale pour se dénommer Ineo SA. Ineo SA est à la tête du groupe Ineo, qui fait lui-même partie du groupe Suez. La société Coris a cédé son activité dans le secteur de la navigation aérienne à une société SEEE Ingénierie et systèmes, désormais dénommée Ineo Engineering and Systems. Coris a elle-même été absorbée par Ineo SA au terme d'une opération de dissolution sans liquidation avec transmission universelle du patrimoine à son actionnaire unique prenant effet le 1er août 2006. La société SEEE a changé de dénomination sociale pour se dénommer Ineo Centre. Son activité dans le secteur de la navigation aérienne a été transférée à la société SEEE Ingénierie et systèmes qui a changé ensuite de dénomination sociale pour se dénommer Ineo Engineering and Systems. Ineo Centre a elle-même été absorbée par Ineo SA le 30 novembre 2007.
La société Électrique Provence Industrie (ci après EPI) a changé de dénomination sociale pour se dénommer Eurelec Midi Pyrénées après sa prise de contrôle par le groupe Eurelec en 2001.
Au sein du groupe Graniou, la société Graniou Azur existe toujours et l'entité "Graniou A2R", parfois appelée "Graniou Orly", qui était au moment des faits une agence ou un établissement secondaire des "Établissements Jean Graniou", a vu son fonds de commerce transféré début 1999 à une filiale, à savoir Graniou IDF. Les Établissements Jean Graniou existent toujours.
A la suite de deux fusions-absorptions qui aboutissent à la société Spie SA, Spie Trindel a été radiée du registre du commerce en 2005.
Cegelec SA a apporté le 16 février 1999 ses activités concernées par le présent dossier, qui relevaient de sa direction régionale Paris, à une société Cegelec Paris (RCS 419 390 521). Au même moment Cegelec SA a changé de dénomination sociale pour se dénommer Alstom Entreprise. Cette dernière a été absorbée le 29 juin 2001 par la société Alstom Industrie qui a repris le 23 juillet 2001 la dénomination " Cegelec SA ". En juin 2002, Cegelec Paris (RCS 419 390 521) a été absorbée par la nouvelle Cegelec SA tandis que ses activités étaient apportées à une autre Cegelec Paris (RCS 438 116 428). En 2006 Cegelec SA a été dissoute sans liquidation par voie de transmission universelle de son patrimoine à son actionnaire unique, la SAS Cegelec.
La société SAF (Systèmes et Audio Fréquences) n'a pas connu d'évolutions et existe toujours.
17. Le tableau ci-après, issu du rapport d'enquête, présente le montant des travaux réalisés sur le segment des marchés d'installation de matériels électriques et électroniques par les principales entreprises partenaires du STNA entre 1998 et 2001.
<emplacement tableau>
18. Sur un montant total de travaux réalisés de 210 143 180 F, les travaux en groupement, avec un montant de 67 443 412 F, représentent 32 % de l'ensemble.
19. La part des entreprises mentionnées dans le tableau ci-dessus représente 43 % du montant des marchés d'installation de matériels électriques et électroniques. Ce chiffre est en baisse par rapport à 1996 et continue de décroître par la suite, comme l'attestent les éléments fournis par le STNA récapitulant les montants de ces marchés d'installation notifiés en procédure formalisée entre 2000 et 2005. Sur cette période plus récente, les entreprises en cause dans la présente affaire voient leur part de marché passer à 27 %.
<emplacement tableau>
B. LES FAITS
1. SUR LE MARCHE DE LA CONSTRUCTION DE QUATRE STATIONS SATELLITES H.U.M. ET D'UN RELAIS HERTZIEN
a) La consultation
20. Le STNA a lancé par publication au Bulletin officiel des marchés publics (BOAMP) du 7 septembre 1999, une consultation pour un marché négocié divisé en quatre lots, en vue de l'installation de quatre stations satellites au système HUM (Hight Monitory Unit) et d'un relais hertzien (cote 5340). La date limite de dépôt des offres a été fixée au 17 novembre 1999.
21. Le marché a été attribué à la société ELG qui a fait l'offre la moins-disante.
b) Analyse des offres
22. Sur les dix propositions reçues par le STNA, deux offres, celles de Thomson et de la SEEE, sont rigoureusement identiques, poste par poste et ligne à ligne. Par une lettre du 20 décembre 1999, le STNA a demandé des explications aux sociétés concernées (cote 5506).
Les explications des entreprises
La SEEE
23. Le directeur opérationnel aéronautique et télécommunications de la SEEE a répondu au STNA par une lettre du 19 janvier 2000 dans les termes suivants (cotes 5503-5504) : " Lors de la parution de l'annonce dans le BOAMP du 7 septembre 1999, il nous est apparu nécessaire, ne connaissant pas la teneur technique du dossier et s'agissant d'opérations sur des sites de T.D.F, de nous renseigner sur les sociétés ayant les compétences et intervenant pour le compte de cette entité. Nous avons ainsi appris que les sociétés Thomson-CSF et Sofrer étaient compétentes et expérimentées en la matière.
A réception du dossier d'appel d'offres et après analyse, nous l'avons envoyé à la Société Thomson-CSF en lui demandant de nous faire parvenir une proposition de prix dans les meilleurs délais.
Au reçu très tardif du courrier de Thomson le 10/11/99 soit la veille de la remise des offres (compte tenu du pont du 11 novembre), nous avons repris intégralement, par manque de temps, le bordereau de prix que nous avons trouvé très élevé avec l'intention, si nous étions retenus, de négocier le prix avec Thomson-CSF, voire de mettre cette société en concurrence avec Sofrer. Je précise qu'à cette date nous ignorions que Thomson-CSF prévoyait de répondre directement à cet appel d'offres.
A réception de votre courrier qui m'a vivement ému, j'ai déclenché une enquête interne mettant en évidence le déroulement des événements tel que décrit ci-dessus.
J'ai donc pris contact avec la société Thomson-CSF pour obtenir une explication : il semblerait qu'une erreur de transmission de document s'est produite, le document qui aurait dû nous parvenir devait être une lettre de non-réponse à notre demande de prix, Thomson-CSF ayant l'intention de répondre directement.
Je suis navré qu'un concours de circonstances, bien indépendant de notre volonté, ait pu laisser supposer une entente entre notre société et Thomson-CSF, pratique que nous réprouvons vigoureusement. "
24. Dans le même sens, le chef d'agence France aéronautique et télécommunications de la SEEE, a déclaré aux enquêteurs (cotes 4562-4564) :
" En ce qui concerne les réponses à l'appel d'offres du STNA publié au BOAMP du 7 septembre 1999, concernant la construction de quatre satellites H.M.U. et d'un relais hertzien, qui étaient identiques pour les sociétés Thales (anciennement Thomson) et SEEE, j'ai demandé une étude de prix à Thomson pour la raison suivante : pour ce type de travaux, il faut être habilité. J'ai demandé une étude prix que j'avais évalué à environ 450 à 500 KF de francs, avec précision vraisemblablement orale d'une marge brute de 20 %. Au reçu de cette étude de prix par la société Thomson qui était supérieure à mon estimation, j'ai repris intégralement l'offre sans y ajouter de coefficient multiplicateur car je trouvais cela cher. "
25. Dans une lettre du 1er février 2006 au rapporteur, Ineo Engineering and Systems, qui avait dit venir aux droits de SEEE, a confirmé les motifs qui ont poussé cette dernière à s'adresser à Thomson (cotes 4550-4551). Elle a indiqué qu'effectivement SEEE envisageait de sous-traiter une partie des travaux mais qu'au moment de déposer son offre, elle n'avait pris aucun engagement avec un sous-traitant potentiel.
Thomson
26. Le président directeur général de Thomson CSF Inexel, qui avait repris les activités de Thomson-CSF Services Industrie, a, par une lettre du 18 janvier 2000 au STNA, justifié ainsi cette attitude (cote 5502) :
" La société SEEE nous a consultés considérant que nous avions déjà réalisé ce type d'installation pour le compte de TDF En réponse à cette demande, nous avions décidé de décliner parce que nous vous répondions directement. Pour cela, l'envoi d'un courrier précisait notre position.
Hélas, par erreur et par précipitation, au lieu du courrier de refus, c'est le bordereau de prix qui fût envoyé à la société SEEE à la place de notre lettre de refus.
Je regrette très fortement ce qui vient de se passer et j'ai donné les instructions nécessaires de façon à ce que ce type d'erreur ne puisse plus se reproduire. De plus, je fais étudier par les directions concernées toutes actions complémentaires appropriées visant à garantir une parfaite maîtrise dans le processus de communication de notre société à l'égard de nos clients et de nos partenaires. "
27. S'agissant de cette lettre de refus, M. X..., ingénieur commercial de Thomson, a déclaré (cotes 4566-4569) : " A la suite de la demande de prix de SEEE, j'avais préparé une lettre de non réponse que j'ai transmise à ma secrétaire qui a fait une erreur et a transmis le bordereau de prix correspondant à notre offre pour le même marché. "
Les documents saisis au sein de la société SEEE
28. Quatre documents ont été saisis dans les locaux de SEEE.
La fiche d'élaboration de l'offre
29. Le premier concerne une fiche de " filtrage et de suivi " d'une offre de la société élaborée le 25 octobre 1999 par la division aéronautique et télécommunications (cotes 3066-3067).
30. Elle se présente ainsi : " Fiche de filtrage et de suivi d'une offre
N° d'étude/chantier : 111 E 2830
N° agence : 111
Date réception du dossier : 25.10.1999
Date et heure limite réponse : 17.11.99 (16h00)
<emplacement tableau>
1. Analyse stratégique <emplacement tableau>
2. Analyse des risques
<emplacement tableau>
3. Complément d'analyse
<emplacement tableau>
4. Avis et commentaires des services techniques
<emplacement tableau>
5. Décision
<emplacement tableau>
6. Identification des points clef
<emplacement tableau>
7. Document complémentaire à créer
<emplacement tableau>
8. Revue d'offre
<emplacement tableau>
... "
La lettre de SEEE au STNA
31. Le deuxième document est une lettre de SEEE au STNA, du 21 septembre 1999, par laquelle la société sollicite son admission pour l'exécution des travaux (cotes 3088-3090). Est agrafé à cette lettre un extrait de deux pages du BOAMP du 7 septembre 1999. Sur la page de titre figure la mention manuscrite : " A voir sociétés habilitées TDF - Thomson
- Sofrer "
32. Sur la deuxième page de ce document qui présente les quatre lots du marché, on note, s'agissant du lot 1 relatif à l'installation d'une antenne hertzienne TDF au mont Salève, en regard du mot TDF entouré au crayon la mention : " Thomson Sofrer. "
33. Le troisième document est un bordereau d'envoi du cahier des charges techniques particulières de ce marché adressé le 29 octobre 1999 à la société Thomson (cote 3099) et signé par M. Y..., responsable de l'agence France aéronautique et télécommunications de la SEEE, qui indique :
" Transmis pour étude à l'attention de M. [X..].
En vous demandant de bien vouloir nous faire parvenir un bordereau de prix pour le 10/11/99 au plus tard. "
La réponse de Thomson
34. Le dernier document est le fax de réponse de M. X... daté du 10 novembre 1999 qui contient le bordereau des prix relatif aux 4 lots du marché des sites HUM (cotes 3097-3098).
Les documents saisis au sein de la société Thomson
35. Un document indiquant la chronologie des faits a été saisi chez Thomson. M. X... a déclaré avoir rédigé ce document " de façon à pouvoir expliquer ce qui s'était passé à tout le management Inexel (service qualité compris). " (cotes 4566-4569). Ce document qui a pour titre " planning octobre-novembre-décembre " se présente comme suit (cote 3340) :
" - 29 octobre 1999 : Courrier de demande de proposition par SEEE
- 9 novembre 1999 : Fax Thomson vers SEEE + courrier daté du 9.10.1999 pour dire nous ne vous répondons pas
- 10 novembre 1999 : Envoi de la proposition par Thomson au STNA Recommandé avec A/R
- 15 novembre 1999 : Prop. SEEE et Date de réception sur A/R au STNA Toulouse
- 17 novembre 1999 : Date limite de réception au STNA des réponses
- 22 décembre 999 : Réception courrier STNA
Réception courrier du STNA TH 22-12
S.E.E.E. 23-12
Contact. TP de SEEE avec TH. Le 24, 27 ou 28. "
36. Parmi les autres documents saisis, on trouve :
* une lettre du 9 novembre 1999 du responsable commercial de Thomson, M. X... à M. Y... de la SEEE (cote 3338) qui indique à propos de la consultation demandée par cette dernière :
" Malheureusement, nous ne pouvons donner suite à votre demande dans la mesure où nous répondons directement au STNA. "
Cette lettre n'est apparemment jamais parvenue à SEEE.
* la copie du fax adressant le 10 novembre à SEEE le bordereau des prix portant sur les 4 lots du marché ;
* un document manuscrit non daté ayant pour titre " lettre SEEE " qui est une explication donnée par SEEE au STNA sur ce qui s'est passé entre les deux sociétés. A propos de l'utilisation du bordereau des prix, on peut lire au point 3 : " Au reçu très tardivement du courrier Thomson, nous avons repris intégralement par manque de temps le bordereau des prix que nous avons jugé très élevé donc négociable ultérieurement. " (brouillon de lettre de SEEE - cote 3345).
Le responsable de Thomson a expliqué ainsi ce document (cote 4567):
" La cote 14 du scellé 2 de la société Thomson CSI Inexel a été écrite par mes soins sous les indications données par une secrétaire de la société SEEE. "
* copie d'une lettre de réponse de SEEE au STNA en date du 27 décembre 1999 qui reprend les faits évoqués dans le document précédent et montre que Thomson et SEEE ont préparé ensemble leur réponse au STNA (cote 3339).
* copie d'un projet de lettre en date du 18 janvier 2000 adressée par le président directeur général de Thomson CSF Inexel au STNA et corrigée de manière manuscrite en réponse à la lettre du STNA du 20 décembre 1999 (cote 3346).
* un brouillon de lettre, toujours à propos de la réponse de SEEE au STNA qui a été corrigé à la main sur trois points (cote 3345). D'une part, l'expression " nous avons contacté la société Thomson " a été remplacée par " nous avons envoyé le dossier à la société Thomson ". D'autre part, la phrase " le choix de celle-ci [à propos de Thomson] n'a tenu qu'au seul critère géographique " a été supprimé. Enfin, la phrase écrite pour le compte de la société SEEE " nous avons repris intégralement le bordereau de prix, n'ayant rien à redire d'autant plus que nous avions précisé le montant de la marge brute " est devenu " nous avons repris intégralement par manque de temps le bordereau de prix que nous avons jugé très élevé donc négociable ultérieurement. " (cote 3347).
2. SUR LE MARCHE DE L'INSTALLATION DES EQUIPEMENTS DE LA REGIE PROVISOIRE SUR L'AEROPORT DE MONTPELLIER
a) La consultation
37. Le STNA a lancé le 16 mars 1999, une première consultation (cotes 1583-1604 et 5511-5605) sous forme d'un appel d'offres restreint (AO n° 99/21) pour les équipements de contrôle de l'aéroport de Montpellier.
38. Sur 12 entreprises candidates, huit ont été sélectionnées par tirage au sort : Spie-Trindel, EPI, SAF, EI, SNEF Côte d'azur, SEEE, R3E et Thomson CSF Services Industrie. Elles ont reçu le dossier le 26 janvier 2000, la date limite de réponse étant le 8 mars 2000.
39. Sur les huit entreprises citées, seules les quatre premières ont fait des propositions à partir du bordereau des prix élaboré par le STNA. Les autres entreprises ont présenté des offres hors délai ou se sont excusées.
40. La commission d'analyse des offres a constaté que sur un certain nombre de rubriques, les bordereaux des prix des entreprises présentaient des chiffres strictement proportionnels. Considérant que ces similitudes ne pouvaient être le fruit d'une simple coïncidence, elle a déclaré l'appel d'offres infructueux.
41. Le deuxième appel d'offres a été publié au BOAMP du 13 juillet 2000 (référence AO 00/30) et lancé sous forme d'un appel d'offres ouvert, la date de réception de ces offres étant fixée au 4 septembre 2000.
42. La société Graniou Azur, qui n'avait pas répondu au premier appel d'offres, a été candidate à ce deuxième marché en même temps que les sociétés SAF, EPI et Spie Trindel.
b) Analyse des offres sur le premier marché
Comparaison des offres globales
43. L'offre la moins-disante est celle d'EPI avec un montant de 300 895,56 F, suivie de celle de Spie Trindel (+ 4,4 %), de EI (+ 10,37 %) et de SAF (+ 11,13 %).
Comparaison de la structure des offres
44. Sur les 136 postes du bordereau rempli par les entreprises, on ne constate aucun alignement des prix proposés mais des différences entre les propositions des entreprises qui, dans un certain nombre de cas, sont strictement proportionnelles.
Offres de Spie Trindel et de EPI
45. Comme l'indique le rapport administratif, l'écart entre les deux offres est de 4,30 % dans 60 cas et compris entre 4,28 et 4,32 % dans 34 cas supplémentaires, soit 94 cas sur 136 rubriques où l'on constate la même proportionnalité entre les propositions des deux entreprises.
Offres de Spie Trindel et de SAF
46. 19 prix unitaires diffèrent exactement de 6,42 % et 25 de 6,43 %.
Offres de SAF et d'EPI
47. La différence est exactement de 11 % dans 37 cas, et de 11,01 % dans 18 cas. 109 prix au total présentent des différences comprises entre 10,80 et 11,20 %.
c) Analyse des offres sur le second marché
48. Outre Graniou Azur, qui n'avait pas répondu au premier appel d'offres, et à nouveau Spie Trindel, EPI et SAF, SEEE, Fontanie et Coris ont été candidates à ce deuxième marché et ont déposé des offres. EPI a finalement obtenu le marché (cote 4835).
d) Les documents saisis
Les documents saisis au sein de la société Spie Trindel
49. Cette société a fourni aux enquêteurs un bordereau de prix établi par la société Graniou Azur que celle-ci lui a adressé le 29 février 2000 accompagné d'une lettre ainsi rédigée : " comme suite à votre demande, nous vous prions de bien vouloir trouver ci-joint notre meilleure offre de prix concernant l'aéroport de Montpellier-Méditerranée. " (cotes 4603 à 4608)
50. Figure aussi dans cet envoi une note manuscrite rédigée par un responsable de la direction régionale Nord-Picardie de Spie Trindel (cote 4609) présentant un coefficient multiplicateur appliqué au prix de Graniou Azur. Celui-ci est ainsi présenté :
" 3 147 818/2 694 612 = 1,1681. "
51. L'offre finale de Spie Trindel pour ce marché a été très proche du montant indiqué dans la note : 3 153 818,60 contre 3 147 818 F.
Les documents saisis au sein de la société EPI
52. Plusieurs documents ont été saisis dans les locaux d'EPI :
* Dans le dossier du premier appel d'offres (99/21), des devis de plusieurs sociétés adressés à Graniou Azur en janvier, février et mars 2002 qui ont trait au marché de la régie provisoire de Montpellier (cotes 262 à 301 et 303 à 304).
* Dans le dossier du deuxième appel d'offres (00/30), un bordereau des prix de Graniou Azur, différent de celui évoqué au point 49 de la présente décision, dont manque la première page, concernant les familles 2, 3, 4, 5 et 6 du bordereau unitaire. Les prix de Graniou Azur sont différents de ceux proposés par EPI. Ce bordereau indique un prix final concernant l'ensemble du bordereau du maître d'ouvrage de 4 149 395 F (cotes 207 à 208).
53. Le rapprochement entre la première et la seconde proposition de prix de la société EPI montre que son offre passe de 3 643 200 F à 1 205 908 F (cotes 156-167).
Les documents saisis au sein de la société SAF
54. Une lettre du STNA du 16 janvier 2000 adressée à la société pour lui rappeler la date limite de réception des offres fixée au 8 mars a été annotée des mentions manuscrites suivantes (cote 1603) : " A préparer-prix = vendredi 3 " avec en regard les noms des sociétés Spie, Snef, EI, TH-CSF, R3E, EPI, SAF, SEEE et Graniou.
e) Les déclarations des entreprises
La société EPI
55. S'agissant du premier marché, M. Z..., de EPI, a déclaré (cotes 4708-4709) :
" En ce qui concerne le premier appel d'offres du STNA pour la réalisation d'une vigie provisoire sur l'aéroport de Montpellier, j'ai dû en discuter avec M. A..., président directeur général de Électrique Provence industrie. Il a été décidé de répondre à l'appel d'offres, mais comme j'avais un chantier important à Clermont-Ferrand, je n'avais pas le temps de faire l'étude de prix moi-même, j'ai contacté M. B... de la société Graniou qui a accepté de faire l'étude de prix pour la société EPI. Bien entendu, il était convenu qu'il soit notre sous-traitant compte tenu de notre charge de travail ...
Je ne comprends pas pourquoi les documents qui ont servi à son étude de prix se trouvaient à la société EPI. Toujours est-il qu'il m'a fourni un bordereau de prix auquel j'ai appliqué un coefficient qui était fonction de la société EPI ... "
56. Sur le 2e marché, il a précisé (cotes 4709-4710) :
" ... pour le deuxième appel d'offres mes intentions et ma démarche ont été les mêmes sauf que je ne sais pas quel a été le suivi de cette affaire. La société Graniou devait donc être notre sous-traitant pour ce marché de la vigie provisoire de Montpellier dont le cahier des charges avait été modifié de façon importante (ex/ réseau de câblage informatique supprimé).
En général, quand on fait faire l'étude de prix par une société on prend cette société comme sous-traitant car elle est le mieux à même de réaliser le marché.
Je ne me souviens pas si la sous-traitance de Graniou a été déclarée ou non au STNA (...)
La société Graniou a dû me fournir un bordereau de prix complet (...).
En ce qui concerne les coefficients constants sur les prix du marché de la vigie provisoire de Montpellier que vous avez constatés, je n'ai aucune explication. "
La société Graniou Azur
57. Le responsable d'affaires dans la société, a déclaré (cotes 4715-4716) : En ma qualité de chargé d'affaires de la société Graniou, j'ai été contacté téléphoniquement par M. [Z...] de la société Électrique Provence industrie (EPI) pour faire l'étude de prix concernant l'installation de la vigie provisoire de l'aéroport de Montpellier.
J'avais été candidat mais pas retenu au tirage au sort, j'ai donc accepté de faire cette étude de prix pour EPI. Je connaissais très bien le site car je venais de terminer l'installation de la salle technique de la tour de contrôle où tout était prévu pour la vigie provisoire.
Je suis allé remettre l'étude personnellement à M. [Z...] chez EPI. Elle se présentait sous forme d'un bordereau de prix, à cette occasion j'ai dû oublier les feuilles reliées qui avaient servi de support pour l'étude. Ceci explique que vous ayez pu les retrouver à la société EPI.
Bien sûr, il avait été convenu que je serais le sous-traitant pour l'installation de cette vigie provisoire puisque j'en avais fait l'étude de prix, si EPI obtenait le marché.
Aucune autre société ne m'a demandé d'étude de prix pour l'installation de la vigie provisoire de Montpellier et je n'ai pas transmis de bordereau de prix concernant cette affaire aux autres entreprises présentes sur le marché. "
La société SAF
58. MM. C..., secrétaire général du groupe CS, et D..., ingénieur commercial chez SAF, ont déclaré (cotes 4558-4559) :
" Ce sont des marchés d'installation de fournitures à caractère répétitif. On nous demande d'installer des tours de contrôle pour contrôler les fonctions de l'aéroport pour l'atterrissage, le décollage et le routage au sol. En fait, toutes les tours de contrôle se ressemblent et sont composées des mêmes matériels et accessoires.
C'est un marché à typologie de fournitures récurrentes inscrit dans la durée sur lequel SAF est présent depuis plus de dix ans et par ailleurs c'est un marché pour lequel l'offre est rare. Jusqu'à il y a un an c'était un marché uniquement national avec une dizaine d'acteurs ; ces caractéristiques ont généré un certain nombre de comportements.
Ceux du donneur d'ordre (maîtrise d'ouvrage) qui apparaissent à travers les appels d'offres (nomenclature, trame, plan, y compris dans les temps de montage des éléments d'installation) on est arrivé à une certaine standardisation des appels d'offres qui encadre totalement les fournisseurs. Nous avons adapté notre comportement à ce fait. "
59. Après avoir mis en avant les délais très courts de réponse et la faible rentabilité de ces marchés, l'entreprise ajoute :
" Pour répondre dans les meilleures conditions on a mis en place une organisation de standardisation de la réponse qui repose sur une base de connaissances (les réponses antérieures, les références réalisées, les catalogues fournisseurs et la statistique des marchés signés) donc on voit comment évolue le marché, on part d'une base 100 et on la marque d'un coefficient qui varie selon notre charge de travail. Nous pensons que les autres font strictement pareil.
Sur le marché de Montpellier, il y a la fourniture des meubles qui désignent le fournisseur par la description et on demande donc les prix à ce fournisseur (SPIE). "
La société Spie Trindel
60. Elle explique la proportionnalité de ses propositions par rapport à celles de la société Graniou Azur par l'application d'un coefficient constant au bordereau des prix de cette dernière :
" Pour le marché de la vigie provisoire de Montpellier auquel il fallait répondre dans un délai très court (cf. appel d'offres), il s'agissait d'installer une vigie provisoirement pour rénover la tour en activité. Cette opération comprenait la fourniture de mobilier provisoire et d'installation (câblage et décâblage). Pour cela, il faut connaître les lieux de la vigie en place c'est pourquoi nous avions fait une demande de visite par fax que nous vous adresserons ; cette visite ne nous a pas été accordée (refus téléphonique). Nous avons donc commencé à travailler sur l'étude des prix du mobilier et nous avons recherché une entreprise qui voulait bien faire la partie d'étude d'installation pour nous.
Après recherche, nous avons contacté la société Graniou qui connaissait le site pour y avoir travaillé en tant qu'entreprise locale. Nous avons reçu leur proposition sous la forme d'un bordereau de prix correspondant aux différents postes demandés par le STNA que nous vous adresserons ; le premier constat a été que nous étions moins cher sur le mobilier technique ; sur la partie installation, comparée aux quelques prix que nous avions étudiés c'était l'inverse, même en tenant compte de nos coefficients de frais généraux. Donc de ce fait, j'ai pris la décision de prendre les prix proposés par Graniou en tenant compte de la marge bénéficiaire sur nos fabrications et j'ai ajouté le coefficient de résultat.
Comme nous étions pris par le temps cela a donné un coefficient constant par rapport à l'offre de notre sous-traitant.
Si nous avions eu l'affaire, nous aurions supervisé le chantier, fourni l'étude et le mobilier et utilisé notre sous-traitant Graniou pour une grande partie de l'installation. " (cotes 4595-4596).
3. SUR LE MARCHE DE TRAVAUX D'INSTALLATION AU CRNA/NORD D'ATHIS-MONS
a) La consultation
61. Deux types de travaux ont été mis en œuvre.
Les travaux divers d'installation
62. Un dossier de consultation a été envoyé aux treize entreprises titulaires d'un marché à bon de commandes le 28 septembre 1998 (BC 98/07), la date limite de dépôt des offres étant fixée au 22 octobre 1998 (cotes 5064-5065). L'offre la moins-disante a été celle du groupement entre Thomson CSF-Services Industrie et Graniou qui a obtenu le marché avec une proposition de 598 047 F HT
L'installation du système téléphonique de sécurité du CRNA Nord d'Athis-Mons
63. Le marché a été publié au BOAMP et au JOCE du 5 juin 1998 (AO 98/32). Sur les treize entreprises qui ont présenté leurs candidatures en juillet 1998, huit ont fait des propositions à savoir : le groupement Thomson-Graniou A2R, Spie Trindel, Fontanie, EPL, Coris, SAF, SEEE, EPI. Le dossier de consultation a été adressé aux entreprises le 2 avril 1998, la date limite de réception des offres étant fixée au 17 mai 1999 (cotes 5094-5100).
64. L'offre la moins-disante a été celle du groupement d'entreprises Thomson-Graniou A2R qui a obtenu le marché pour un montant total de 3 655 231 F HT
b) Les documents saisis et les explications fournies
65. Un bordereau de prix émanant de Thomson a été trouvé au sein de la société SAF dans le dossier du marché référencé BC 98/07 (cote 1618). Il comprend les indications manuscrites suivantes :
" Augmenter les prix
Changer les appellations si possible
+ 3 semaines de préparation
Prix total entre 658 et 664 400 F. "
66. A propos de ce document, MM. C... et D... de SAF ont déclaré, le 22 août 2001 (cotes 4557-4559) :
" En ce qui concerne la cote 105 du scellé 6, il s'agit d'une demande de prix de CS à Thomson pour répondre en commun à un appel d'offres sur bordereau ... "
67. " CS " est l'initiale du groupe Communication et systèmes auquel SAF appartient. 68. Par ailleurs, dans une lettre au rapporteur du 31 janvier 2006, Thomson a justifié son groupement avec Graniou A2R d'abord par les exigences du STNA qui souhaitait avoir des partenaires en binômes, d'autre part par les délais brefs d'exécution du marché, enfin, par la complémentarité des deux sociétés (cotes 4539-4541).
69. SAF a présenté elle-même une offre pour ce marché d'un montant de 660 596 F.
4. LE MARCHE DE TRAVAUX DIVERS D'INSTALLATION ET DE CABLAGE AU CRNA/NORD D'ATHIS-MONS
a) La consultation
70. Ce marché a fait l'objet d'un appel d'offres publié au BOAMP du 2 avril 1999 (référence AO 99/23 marché 3) et suscité 17 demandes de candidatures (cotes 5045-5050). Les sept groupements ou sociétés sélectionnés qui avaient jusqu'au 29 mai 2000 pour présenter leurs propositions, ont fait des offres, à l'exception de Coris.
71. Le marché a été attribué à l'offre la moins-disante, celle du groupement Thomson CSF Inexel-Graniou A2R (rapport de présentation du marché - cotes 5045 à 5050).
b) Les documents saisis
Au sein de la société Spie Trindel
72. Il a été trouvé dans les locaux de cette société une note interne de la direction régionale Nord-Picardie du 4 mai 2000 (cotes 4242-4244) qui indique :
" Nous n'avons pas les moyens de réaliser ces travaux et peu de chance d'obtenir cette affaire face à Thomson (Thomson a pris contact d'ailleurs avec [E...]. "
73. Monsieur E..., directeur commercial régional de la société Spie Trindel, est chargé de cet appel d'offres.
Au sein de la société Thomson
74. Quatre tableaux présentant les prix des cinq postes du marché de travaux divers d'installation au CRNA Nord ont été saisis dans les locaux de la société (cotes 3186 à 3190).
75. 1er tableau :
" M. [D...] Tél. 01 41 28 [XX XX]
CS Fax 01 41 28 [XX XX]
<emplacement tableau>
... ".
Monsieur D..., de la société SAF, est un responsable au sein du groupe Communication et Systèmes (CS).
76. 2e tableau : " Fax 01 60 12 [XX XX]
M. [illisible] [G...]
<emplacement tableau>
... ".
Le numéro de fax en tête de ce tableau est celui de l'agence de Paris de la société EPI sise 7, Clos fleuri à 91470 Boullay Les Troux.
77. 3e tableau :
" ... <emplacement tableau>
... "
78. 4e tableau :
" M. [E...] 03 21 50 [XX XX]
<emplacement tableau>
... "
79. Un cinquième tableau récapitule, pour les cinq postes du marché, les prix des bordereaux précédents relatifs aux sociétés SEEE, EPI, SPIE et SAF, qui sont comparés avec ceux du groupement Thomson-Graniou moins-disant. Sous les prix des autres entreprises, apparaît un coefficient multiplicateur calculé par rapport à l'offre du groupement. Face à la ligne récapitulant le total de chaque entreprise, on note l'expression " vérif " (cote 3190).
80. Des indications manuscrites sont en outre portées au bas du document :
- d'abord, des numéros de 1 à 5 représentant le classement des diverses offres ;
- ensuite, la mention :
" manque Omnielec ..
environ 1 950 000 et Coris environ 2 015 475 ".
c) Les explications des entreprises
Spie Trindel
81. M. H..., chef du département infrastructure de la direction régionale Nord-Picardie, explique ces échanges par des raisons techniques (cote 4596) :
" Concernant la cote 18 du scellé 3 saisie chez Spie Trindel à Beaurains, mes collaborateurs avaient pris contact avec Thomson pour avoir des renseignements techniques concernant les produits Thomson qui étaient installés au CRNA Nord et auxquels il fallait se raccorder, Thomson a répondu à M. [E...] qu'il ne pouvait pas nous fournir d'information car Thomson répondait directement. "
82. Spie Trindel a précisé dans une lettre du 6 septembre 2001 aux enquêteurs (cotes 4599- 4600) :
" concernant le fait que Spie Trindel ait demandé un prix à Thomson, je tiens à vous préciser que le matériel installé à Athis Mons était un matériel spécifique de Thomson et que Spie Trindel n'ayant pas la compétence technique pour procéder au raccordement du câblage sur un tel matériel, a demandé à son constructeur et installateur son prix d'assistance pour un tel raccordement. "
Thomson
83. Le responsable commercial de cette société, M. X..., lors de son audition par les enquêteurs le 11 septembre 2001, a indiqué que les échanges ayant permis d'élaborer les tableaux de prix saisis dans la société ont eu lieu après l'appel d'offres (cote 4568) : " Les cotes 33,34,35,36,37 du scellé 1 de la société Thomson CSF Inexel représentent un travail de collecte d'informations après un appel d'offres toujours dans le but de me positionner et de mieux connaître la concurrence. "
5. SUR LE MARCHE DE L'INSTALLATION DU NOUVEAU BLOC TECHNIQUE DU CRNA-SUD-OUEST
a) La consultation
84. Les travaux du nouveau bloc technique ont été décomposés en trois lots (cotes 4722-4747). Le marché a fait l'objet d'un appel d'offres ouvert publié le 28 septembre 2000 au BOAMP (référence AO 00/37). Une visite du site a été organisée le 11 octobre en présence des sociétés SEEE, Thomson, Fontanie, Alstom, Spie Trindel et Coris.
85. La date limite de réception des offres était fixée au 13 novembre 2000. Les titulaires ont été choisis le 20 novembre 2000 pour le lot 1 et le 4 janvier 2001 pour les lots 2 et 3.
86. Le premier lot a été attribué au groupement d'entreprises solidaires Fontanie-SEEE pour un montant de 1 899 522 euro. La société Coris a obtenu les lots 2 et 3 pour des montants respectifs de 858 940,29 euro TTC et 827 455,48 euro TTC.
b) Analyse des offres
87. Quatre offres ont été déposées pour le premier lot : celle de la société Alstom Entreprise Sud Ouest qui n'a pas été retenue pour des raisons formelles, celle de l'Entreprise Industrielle, celle du groupement Fontanie-SEEE et celle de la société Spie Trindel. Selon le rapport de présentation des offres (cote 4727) :
" les prix proposés par les trois sociétés sont homogènes, à l'exception de quelques disparités sur certains postes. Le groupement Fontanie/SEEE a une proposition technique de meilleure qualité que celle de l'Entreprise Industrielle. D'autre part, il présente une offre de prix moins élevée et des délais plus courts que Spie Trindel. Ces considérations amènent à conclure que l'offre de Fontanie/SEEE est la mieux disante. "
88. Le 2e lot a reçu cinq offres émanant de Coris, de l'Entreprise industrielle, des groupements SEEE-Fontanie et Thomson-EPI et de Spie Trindel. D'après le rapport de présentation du projet (cote 4736), elles :
" ... sont cohérentes avec la nature et l'importance des travaux. Seule la proposition de prix de l'Entreprise Industrielle comporte une anomalie. (...) Des solutions techniques adaptées, un coût inférieur, un délai d'exécution favorable amènent à conclure que l'offre de la société Coris est la mieux disante. "
89. Trois offres ont été déposées pour le 3e lot : celle de Coris, de Fontanie-SEEE et de Thomson-EPI. Le rapport de présentation indique (cotes 4738 à 4747) :
" Les offres SEEE/Fontanie sont conformes. Celle de Thomson/EPI n'a pu être analysée dans le détail, car il manquait les postes 1 à 12 dans l'offre détaillée de prix. (...) Tout en ayant une proposition technique de qualité équivalente à celle du groupement Fontanie/SEEE, la société Coris présente une offre de prix moins élevée et des délais d'exécution plus courts. Ces considérations amènent à conclure que l'offre de Coris est la mieux disante. "
c) Les documents saisis au sein de la société Thomson
90. Dans un bloc papier de notes manuscrites saisi dans le bureau de M. X..., ingénieur commercial, on peut relever les mentions suivantes (cote 3162) :
" STNA bloc technique Bordeaux 13 nov.
(...)
STNA Reims 16 novembre
STNA Athis...16 octobre
11 octobre 14 h
1 seule personne (...) CRNA Bordeaux Castelnau
Coris
SPIE
Cegelec
SEEE
Fontanie. " et plus loin: " frais sept.-octobre...Lettre non réponse Reims 16/11 " (cote 3167)
91. Sur la même page du cahier figure : " TH/EPI
SPIE SEEE Fontanie
E.I.
Coris
Graniou
ELG
SAF
CEGELEC. "
et en regard :
" Lot 2 4e EPI 6,5
Lot 3 5e
Lot 2 Coris 5 MF HT
E.I. Couvert Coris
S.E.E.E.
lot 3 Coris. " (Cote 3167).
92. Sont également portées dans la suite du document les mentions des dates suivantes : " 17- 01-01 " et " 11 h le 4 janvier ", (3170 et 3171).
d) Les explications de la société Thomson
93. M. X... a déclaré (cote 4568) que :
" la cote 7 du scellé 1 de la société Thomson CSF Inexel indique le nom des sociétés susceptibles de participer à la visite du nouveau CRNA de Bordeaux. "
94. Il ajoute que :
" la cote 9 du scellé 1 de la société Thomson CSF Inexel concerne l'installation du nouveau CRNA de Bordeaux faisant l'objet d'un appel d'offres pour lequel les sociétés EPI et Thomson ont répondu conjointement pour les lots 2 et 3. Nous n'avons pas eu ce marché.
(...)
La cote 12 du scellé 1 de la société Thomson CSF Inexel indique les sociétés qui sont susceptibles de répondre à l'appel d'offres pour le nouveau CRNA de Bordeaux. Ces noms ont été trouvés à la suite de mes recherches personnelles. Je ne sais pas qui a eu le marché. "
6. SUR LE MARCHE D'EQUIPEMENT DU CENTRE RECEPTION DE CHAMPCUEIL ET DE LA RENOVATION DU CENTRE EMISSION D'ÉTAMPES
a) La consultation
95. Un appel d'offres restreint, d'un montant total de 13 340 566,72 F TTC, a été publié au BOAMP du 4 avril 1998 (AO 98/22). Les candidatures de dix entreprises ont été retenues, la date limite de dépôt des offres étant fixée au 19 novembre 1999. Huit offres sont parvenues au STNA et le marché a été attribué à Thomson.
b) L'analyse des offres
96. Le rapport de présentation des offres indique (cotes 5068 à 5074) :
" Les propositions de prix des quatre offres les moins-disantes (Thomson, SEEE, EPI et Spie-Trindel) ont été vérifiées puis comparées poste par poste. (...) L'analyse des offres montre que les prix des fabricants et des installations proposés par Thomson sont compatibles avec l'importance des travaux à effectuer et correspondent aux besoins spécifiés dans le CCTP. Ces considérations nous amènent à conclure que l'offre proposée par cette société est la mieux disante. "
c) Les documents saisis au sein de la société Thomson
97. Une première note manuscrite porte les indications suivantes (cote 3184) :
" Total T. ferme 10 801 962 HT
Total S.E.E.E. 3 100 + 130 3 230 KF HT
Total T. ferme 10 801 962 HT
Total SEEE 3 100 + 130 3 230 KF HT
(M. S... 05 61 39 XX XX)
- SEEE x 3 230 000 PECT
- M. [I...] Inst + fab - 2 514 116) 310 000 + 300 + 100.
+ 324 059)
3 148
- G.E .. 300 x 1 803 335 PECT .. Heures
Pyl .. 100 x 770 060 PECT .. Approx.
Total CPP 8 317 511 - 23 %
8 641 570 - 20 %
- 3 148 000 prix pour X...
- 3 549 000 prix CPP normal
CPP 31
Champceuil Fournitures = 613 073
" Install. = 412 836
Étampes Fournitures = 1 233 847
" Install. = 1 290 957. "
98. Le deuxième document saisi est un extrait de bordereau de prix envoyé par fax le 12 novembre 1999 qui comporte en marge droite une mention manuscrite (cote 3185) :
<emplacement tableau>
99. Les bordereaux de prix complets des sociétés Thomson et SEEE figurent par ailleurs au dossier (cotes 5117-5248).
100. La comparaison entre ce tableau et les prix proposés respectivement par Thomson et SEEE, telle qu'elle a été présentée dans le rapport administratif (p. 101-103), montre que Thomson a repris onze prix sur la trentaine communiquée à SEEE tandis que celle-ci en a augmenté 21 et diminué huit.
d) Les explications fournies
101. M. X... a déclaré aux enquêteurs (cote 4568) que :
" la cote 30 du scellé 1 de la société Thomson CSF Inexel concerne le marché d'Étampes pour lequel nous avons étudié la possibilité de sous traiter certaines parties du marché dont la partie groupe électrogène à SEEE qui en est un des spécialistes.
La sous-traitance n'est pas forcément déclarée.
La cote 32 du scellé 1 de la société Thomson CSF Inexel ne peut pas être expliquée ce jour, mais si possible une explication vous sera fournie ultérieurement. "
102. Dans un courrier du 31 janvier 2006 au rapporteur (cotes 4539-4541), cette société a déclaré que l'expression " Prix en P vente TSI " visait le prix auquel elle estimait pouvoir vendre les prestations et matériels au STNA.
103. Dans un courrier du 4 octobre 2001 aux enquêteurs, la société Thales Industrial Services (nouvelle dénomination de Thomson CSF Inexel) a indiqué (cote 4587) :
" S'agissant de la cote 32 du scellé 1, il est arrivé à plusieurs reprises que Thales Industrial Services confie des prestations diverses à SEEE en sous-traitance. Dès lors, Thales Industrial Services a pu contacter SEEE en lui soumettant son estimation de prix afin de savoir si SEEE pouvait lui faire une proposition plus intéressante. "
7. SUR LE MARCHE DES TRAVAUX D'INSTALLATION ET DE CABLAGE POUR LES PUPITRES DE CONTROLE DU CRNA-EST
104. Le marché a été publié au BOAMP le 28 mai 1999 (AO99/33A). La date limite de réception des offres était le 15 octobre 1999. Le titulaire du marché a été choisi le 8 novembre 1999 (cotes 4969-4994).
a) L'analyse des offres
105. Sur quinze candidatures parvenues au STNA, celui-ci a retenu les huit entreprises suivantes : Graniou A2R, ELG, EI, Spie Trindel, SEEE, Fontanie, Coris et SAF. Cette dernière a obtenu le marché avec une offre moins-disante de 2 025 126,24 F HT. L'offre de Coris, pour ce marché, s'est élevée à 2 067 937,19 F HT.
b) Les documents saisis
106. Dans le cahier des notes manuscrites de SAF (cote 1899), apparaît le document suivant : " Le 26/10/99
Reims Coris [M. L...] [M. M...].
SAF [M. D...] [(M. N...]
- Préparation chantier CRNA-Est
- Proposition 2 025 126 F HT
- Déjà effectué par Coris
161 973 Poste 5.5. poste 31 - Fourniture Coris 25 423 - MO = 136 550
20 431 Poste 4.12. poste 25 1 551 18 880
182 404
Reste 2 025 126 - 182 404 = 1 842 722 F HT
soit 900 KF .. Coris 942 722 .. SAF
soit 548 251 F de main-d'œuvre ...
et 351 749 F de fourniture ... "
c) Les explications fournies
107. Dans sa lettre du 31 janvier 2006 au rapporteur (cote 4482), SAF a justifié l'appel à la sous-traitance de Coris par l'importance de la charge de main d'œuvre pour ce type d'installation et par sa bonne connaissance des équipements du CRNA de Reims.
8. SUR LE MARCHE D'INSTALLATION DE LA STATION PRINCIPALE NORMALE DE TRIGNY
a) L'analyse des offres
108. Onze sociétés ont déposé leur candidature au marché publié au BOAMP le 8 octobre 1997 (AO 97-42), à savoir Garczynski et Traploir, ELG, SAF, Coris, Cegelec, EPI, Simplex, Spie Trindel, Fontanie, Graniou A2R et SEEE. La société Simplex a été écartée et la société Cegelec s'est excusée. La date limite de réception des offres était le 7 mai 1998. Le marché a été attribué à la société SAF par une décision du 4 juin 1998 (cotes 4846 à 4866).
b) Les documents saisis
109. Un cahier de notes manuscrites saisi au sein de la société SAF comporte les indications suivantes (cotes 1868 à 1869) :
" TRIGNY 30/06
CEGELEC
- Fourniture et instal Haute et moyenne tension
sous traitants .. cde après cde STNA
paiement après paiement STNA }
condition du marché
Graniou INSTAL 2 personnes Taux horaire tout compris = 258,30 F HT
Graniou . 2 monteurs
Install CEGELEC . lot 4, 5/4, 6/4, 7/4 ,8/4, 9 = 200 h
140 h SAF = 60 h
Reste 2 800 h soit 930 h SAF + 1 ouvrier
Délais 12 semaines . 930 h Il faut 1 CC + 1 ouvrier SAF
1 866 h 4 personnes Graniou
soit 482 KF = 481 987 F HT
Voir appro-pour Installation câble énergie .. voir Cegelec. "
et plus loin :
" le 6/07 SAF .. Trigny [M. O...]
[Mme P...]
[M. N...]
- Point des baies
- les barrières énergie sont tous identiques
- fourniture du lotissement Lots 2 et 3
- fourniture du planning FAB et INSTAL
- fourniture du détail des fournitures. "
110. Selon le STNA, aucune sous-traitance n'a été déclarée pour le marché de Trigny. Dans sa réponse du 31 janvier 2006 à une demande d'information complémentaire du rapporteur, la société SAF a produit les conventions de sous-traitance signées avec les sociétés Graniou A2R et Cegelec qui ont respectivement réalisé 1 085 570 F et 553 000 F de travaux en sous-traitance sur un montant total du marché de 3 853 149 F. Elle a, par ailleurs, justifié le recours à cette sous-traitance par une insuffisance de ses capacités en personnel. (cotes 4479-4481).
9. SUR LE MARCHE D'INSTALLATION D'EQUIPEMENTS ELECTRIQUES ET ELECTRONIQUES DU CRNA SUD EST D'AIX-EN-PROVENCE
a) Analyse des offres
111. Le marché a été publié au BOAMP le 16 mars 1999 (AO 99/20). Huit sociétés ont répondu à cet appel d'offres, la date limite de dépôt des candidatures étant le 9 avril 1999 et celle de dépôt des offres le 15 décembre 1999. Le marché a été attribué le 14 janvier 2000 à EPI qui a fait l'offre la moins-disante. Les sociétés qui ont répondu à cet appel d'offres sont les suivantes : SEEE dont l'offre était incomplète, Graniou Azur, Fontanie, EPI, SAF, Spie Trindel, Coris et EI Midi-Pyrénées. Aucune déclaration de sous-traitance n'a été effectuée dans les offres remises au STNA (cotes 4949 à 4968).
b) Les documents saisis
Au sein de la société EPI
112. Des notes manuscrites tirées du cahier d'un responsable de la société comportent les indications suivantes (cotes 331 à 332) :
" 21.04
CST EI
SPI
Coris. "
et
" 25.04
CST SPI
Coris. "
113. Figure par ailleurs dans les pièces du dossier, un contrat de sous-traitance du 24 avril 2000 entre Spie Trindel et EPI (cotes 405 à 412).
Au sein de la société Spie Trindel
114. Une note du service commercial de Spie-Trindel Nord-Picardie du 5 mai 2000 confirme cette sous-traitance (cote 4296) :
" Nous avons reçu la commande de sous-traitance d'EPI pour un montant global de 920 KF HT, comme prévu.
Cette commande est décomposée en 2 postes :
1. Modification des châssis DEC HUB 900 (280 KF HT).
2. Chariots imprimantes (640 KF HT)
L'interlocuteur Spie Trindel pour l'ensemble de l'affaire est [M. Q...] (une partie concerne P-E-N-A. et l'autre le Service Fabrications).
.. Détail des ouvertures de comptes entre [M. Q...] et [M. R...]. à faire au plus vite.
Par ailleurs, nous avons convenu avec EPI que notre seul interlocuteur pour cette opération est [M. Z...] (c'est notre client). Le STNA (ou le CRNA ou autres) doit passer par EPI. "
c) Les explications fournies
115. La société Spie Trindel a déclaré dans l'enquête (cote 4596) :
" Concernant la cote 4 du scellé 5 des saisies Spie Trindel à Beaurains, notre sous- traitance pour des chariots spécifiques aux meubles ODS était prévue avant la réponse à l'appel d'offres, notre participation était quasiment incontournable. Pour cette affaire nous avons eu un contrat de sous-traitance. "
10. SUR L'ENSEMBLE DES MARCHES PASSES PAR LE STNA
a) Les informations de la société Thomson
116. Un premier document recueilli au sein de cette société est une liste d'entreprises, ayant pour titre " marchés à commande - STNA ", et comportant les noms et téléphones des responsables des sociétés EPI, Norelec, Coris, SEEE, Fontanie, SAF, Thomson, Garczynski, Omnilec, EI et Graniou Azur (cote 3180).
117. Ce document envoyé par fax est daté du 13 décembre 1995. La société Thomson a déclaré à son sujet (cote 4568) :
" La cote 26 du scellé 1 de la société Thomson CSF Inexel est un document envoyé par le STNA peut-être pour une visite de site. "
118. Le deuxième document (cote 3182) est une note manuscrite non datée, comportant les prix de quelques marchés attribués à plusieurs sociétés :
" Electra au CRNA/Nord
TH CSF
1 044 381
Bloc technique Bordeaux
SEEE/EPI
10 474 839
VOR DME Montélimar
Cegelec Lyon
1 964 403
VOR DME du Luc
Graniou Vitrolles
844 230
VOR DME Coulommiers
E.P.I. Venelles
1 255 350
Radio com Montpellier
E.I. Toulouse
1 349 327. "
119. La société a expliqué :
" La cote 28 du scellé 1 de la société Thomson CSF Inexel correspond aux résultats d'avis d'attribution de marchés, toujours dans le souci d'avoir le maximum de renseignements sur la concurrence (cote 4568). "
b) Les informations de la société SAF
120. Dans les documents saisis au sein de cette société, on trouve onze tableaux présentant les commandes obtenues par des entreprises pour les divers marchés du STNA. Ces tableaux détaillent par site et de manière globale le montant de ces travaux (cotes 1989 à 1999).
121. Dans le tableau réalisé au 14 juin 1994, figurent les indications manuscrites suivantes : " celui qui plonge amputé à 50 % " ou " VOR Limoges, Poitiers, Martigues, Avignon, Dieppe ", ou enfin " prochaine réunion " (cote 1994).
122. Le tableau daté du 20 octobre 1994 présente des indications sur le montant chiffré des marchés obtenus globalement par les entreprises :
" ...
<emplacement tableau>
... "
123. Il est suivi des annotations manuscrites suivantes (cotes 1997 à 1999) :
" - Il faut aller chercher Norelec et Cegelec - celui qui plonge 50 % imputé, qu'il l'est ou ne l'est pas
- il faut se déclarer dans une semaine
- Outre-Mer hors cota attention le STNA ne veut pas de local
- Celui qui chiffre en second est celui qui a eu l'affaire précédente (semblable)
- Fourchette des couvertures VOR. AA. 20 % à 30 %
Douineau Graniou. "
124. Les initiales " JG " portées sur le tableau sont celles du dirigeant de la société Graniou Azur.
125. Les représentants de la société SAF ont déclaré à propos de ce tableau (cote 4559) :
" Il s'agit d'archives de SAF que nous ne pouvons commenter puisque absents du groupe CS à la date des faits. "
126. D'autres tableaux enfin détaillent la liste et le montant de chaque marché pour le compte des mêmes entreprises. Les informations recueillies portent au total sur une centaine de sites (cotes 1989 à 1993 ; 1995 à 1996 ; 1998 à 1999).
c) Le recours systématique à la sous-traitance non déclarée
127. Il a été constaté, en outre, que sur la plupart des marchés étudiés les sociétés en cause ont envisagé ou réalisé des travaux de sous-traitance pour le compte de l'entreprise titulaire, sans jamais les déclarer au maître d'ouvrage.
128. Dans deux cas, les travaux de sous-traitance sont confiés à des sociétés qui, quoique étant intéressées, ne déposent pas d'offres.
129. Dans le cas du premier appel d'offres pour la régie provisoire de Montpellier, Graniou Azur a indiqué que, candidate non retenue à l'issue du tirage au sort, elle a réalisé une étude de prix pour EPI et Spie Trindel qui envisageaient de lui sous-traiter le marché, sans l'avoir déclaré lors de la remise de leurs offres.
130. S'agissant du marché d'installation de la station radar de Strasbourg, Spie Trindel ne dépose pas d'offre, alors qu'elle juge qu'elle est la seule entreprise qui dispose d'une structure locale lui permettant d'assumer ce travail.
131. Elle sait cependant que Thomson n'envisage pas de répondre mais qu'elle participera aux travaux en fournissant et en montant le radar de la station.
132. Dans les autres cas, des entreprises sous-traitent tout ou partie du marché à d'autres qui ont aussi déposé des offres, sans en avertir le maître d'ouvrage.
133. Telle est la situation d'abord dans le deuxième appel d'offres pour la régie provisoire de Montpellier. Après avoir fait une étude de prix pour Spie Trindel et EPI, qui envisageaient déjà de lui sous-traiter le marché ouvert au premier appel d'offres, Graniou Azur effectue des travaux de sous-traitance non déclarés dans le cadre du deuxième appel d'offres pour le compte de la société EPI, titulaire du marché, alors qu'elle a présenté une offre indépendante.
134. Sur le marché des équipements des stations de Champcueil et Etampes, la société Thales justifie les échanges de prix entre Thomson et SEEE par un projet de sous-traitance alors que les entreprises répondent séparément à l'appel d'offres et n'ont rien déclaré au maître d'ouvrage.
135. La situation est identique sur le marché de la station principale de Trigny : SAF, titulaire du marché, n'a pas déclaré les travaux de sous-traitance réalisés par Graniou qui a elle- même déposé une offre.
136. A l'occasion du marché de l'équipement du centre de contrôle d'Aix-en-Provence, EPI, qui a obtenu le marché, a envisagé de confier aux sociétés Coris et Spie Trindel des travaux de sous-traitance non déclarés. Des contrats de sous-traitance passés entre les deux sociétés attestent que ces travaux ont été effectués.
137. Dans les marchés d'installation et d'équipement du CRNA-Est, SAF et Coris se partagent le marché avant même la décision de la commission d'appel d'offres. Au moment où SAF obtient le marché, elle a déjà convenu de travaux de sous-traitance avec la société Coris qui fait aussi des propositions sans que cette sous-traitance soit portée à la connaissance du STNA.
138. Il apparaît donc que la sous-traitance, qu'elle concerne la fourniture de matériel, de main d'œuvre ou les prestations d'étude technique des marchés, n'est pas déclarée alors que certains des travaux envisagés donnent lieu, avant la remise des offres, à des concertations approfondies entre les entreprises Thomson, SEEE, Coris, EPI, Spie Trindel, SAF, Cegelec et Graniou Azur. Dans un certain nombre de cas, le sous-traitant pressenti dépose lui- même une offre indépendante et ces entreprises reconnaissent que, en général, celle qui a réalisé les études techniques et de prix est prise comme sous-traitante par l'entreprise attributaire du marché.
C. LES GRIEFS NOTIFIES
139. Une première notification de griefs a été adressée aux entreprises le 6 mars 2006, suivie le 2l novembre 2006 par le rapport présentant les réponses du rapporteur aux observations des parties.
140. A la suite de la séance du 6 mars 2007, l'affaire a fait l'objet de la décision n° 07-S-0l du 23 mai 2007 dans laquelle le Conseil a constaté, s'agissant de pratiques relevées dans le périmètre d'un groupe d'entreprises, que plusieurs griefs avaient été imputés à l'entité du groupe assurant la continuité économique et fonctionnelle de l'entreprise auteur des pratiques, même lorsque cette entreprise n'avait pas juridiquement disparu. Il a donc renvoyé l'ensemble du dossier à l'instruction.
141. Au vu des éléments analysés ci-dessus, dix griefs ont été notifiés, dans une deuxième notification de griefs, sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce aux sociétés suivantes, pour leur propre compte ou pour le compte des sociétés aux droits desquelles elles venaient :
" GRIEF N° 1
II est reproché aux sociétés Thales Services Industrie, Thales Security Systems, Spie SA, Ineo Centre, Eurelec Midi Pyrénées, SAF, Ineo SA, SAS Graniou Azur, SAS Etablissements Jean Graniou, Coris SA et Cegelec SAS d'avoir mis en œuvre une concertation pour se répartir les marchés d'équipement du STNA entre 1994 et 2000. Cette concertation a eu pour objet et pour effet d'organiser et de suivre la répartition des marchés entre les entreprises, notamment par le recours aux travaux de sous-traitance non déclarés au maître d'ouvrage qui a été ainsi trompé sur la réalité de la concurrence.
GRIEF N° 2
Sur le marché de la construction de quatre stations satellites HUM et d'un relais hertzien, il est reproché aux sociétés Thales Services Industrie et Ineo Centre d'avoir, préalablement au dépôt de leurs offres, échangé des informations sur les prix, en travaillant ensemble et en s'envoyant le bordereau des prix de ce marché. Cette concertation a eu pour effet un alignement du prix de leurs offres et a trompé le maître d'ouvrage sur la réalité de la concurrence.
GRIEF N° 3
Sur le marché de l'installation de la régie provisoire de l'aéroport de Montpellier, il est reproché aux sociétés SAF, SAS Graniou Azur, Spie SA et Eurelec Midi Pyrénées de s'être échangé des informations en s'envoyant le bordereau unitaire des prix de ce marché et en travaillant ensemble sur de nombreuses rubriques de ce bordereau avant de déposer leurs offres. Ces échanges d'information ont eu pour objet et pour effet de conduire à un alignement proportionnel de leurs propositions, de prévoir à l'avance le bénéficiaire des travaux de sous-traitance et ainsi de tromper le maître d'ouvrage sur la réalité de la concurrence.
GRIEF N° 4
Sur le marché des travaux d'installation du CRNA/Nord d'Athis-Mons, il est reproché aux sociétés Thales Service Industrie et SAF d'avoir échangé des informations en s'adressant et en travaillant ensemble sur le bordereau des prix pour préparer leurs soumissions. Cette concertation a eu pour objet et pour effet de coordonner leurs offres pour désigner à l'avance le bénéficiaire du marché et tromper le maître d'ouvrage sur la réalité de la concurrence.
GRIEF N° 5
Sur le marché d'installation et de câblage du centre en route d'Athis-Mons, il est reproché aux sociétés Thales Security Systems, Spie SA, SAF, Eurelec Midi Pyrénées et Ineo Centre de s'être échangé des informations sur les prix du marché préalablement au dépôt de leurs propositions. Cette coordination, organisée par la société Thales Security Systems, a eu pour objet et pour effet de désigner à l'avance le bénéficiaire du marché et de priver le maître d'ouvrage de la possibilité de faire jouer la concurrence.
GRIEF N° 6
Sur le marché d'installation du bloc technique de CRNA/Sud Ouest, il est reproché aux sociétés Thales Security Systems, Ineo Centre, Ineo SA et Coris SA de s'être concertées pour se répartir les trois lots de ce marché. Cette concertation a eu pour objet et pour effet de coordonner leurs offres en désignant à l'avance l'entreprise la moins-disante et en lui garantissant l'attribution du lot n° 2 au moyen du dépôt d'une offre de couverture. Cette pratique a conduit les entreprises à tromper le STNA sur la nature de la compétition qui existait entre elles au moment du dépôt de leurs propositions.
GRIEF N° 7
Sur le marché du centre de réception de Champcueil et du centre émission d'Etampes, il est reproché aux sociétés Thales Services Industrie et Ineo Centre d'avoir fait une étude en commun de 32 rubriques du bordereau des prix avant de déposer séparément une offre. Cette concertation a éliminé toute concurrence entre elles et les a conduit à provoquer un alignement de leurs offres qui a trompé le maître d'ouvrage sur la réalité de la concurrence.
GRIEF N° 8
Sur le marché de l'installation et du câblage des pupitres de contrôle du CRNA/Est, il est reproché aux sociétés SAF et Coris SA d'avoir éliminé toute concurrence entre elles en s'échangeant des informations sur le contenu de leurs propositions et en se répartissant à l'avance les travaux de sous-traitance sans informer le maître d'ouvrage.
GRIEF N° 9
Sur le marché d'installation de la station principale normale de Trigny, il est reproché aux sociétés SAF, SAS Etablissements Jean Graniou et Cegelec SAS de s'être concertées pour se répartir les travaux de sous-traitance de ce marché. Cette pratique qui a nécessairement été mise en œuvre avant le dépôt de leurs offres a pu tromper le maître d'ouvrage sur la réalité de la concurrence sur ce marché.
GRIEF N° 10
Sur le marché d'installation et d'équipement électronique du CRNA Sud-Est d'Aix-en- Provence, il est reproché aux sociétés Eurelec Midi Pyrénées, Spie SA, Coris SA et Ineo SA de s'être réparties à l'avance les travaux de sous-traitance de ce marché sans en informer le maître d'ouvrage qui a pu être trompé sur la réalité de la concurrence. "
II. Discussion
A. SUR L'IMPUTABILITE DES PRATIQUES
142. La pratique décisionnelle du Conseil, rappelée dans la décision n° 07-S-01, est que tant que la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles subsiste juridiquement, c'est elle qui assume la responsabilité de ces pratiques, même si les éléments matériels et humains ayant concouru à ces pratiques ont été cédés à une tierce personne. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise a juridiquement disparu, les pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l'entreprise a juridiquement été transmise c'est-à-dire à la personne morale qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur des pratiques. Enfin, si aucune autre personne n'a reçu transmission de ces droits et obligations, les pratiques sont imputées à l'entreprise qui assure, en fait, sa continuité économique et fonctionnelle. En l'espèce, les comportements en cause relèvent du dispositif de sanction prévu à l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques, et il n'y a pas lieu de revenir, pour l'application de ces dispositions, sur l'approche rappelée ci-dessus.
Les sociétés du groupe Thales
143. Les pratiques objet des griefs n° 1, 2, 4, et 7 ont été mises en œuvre jusqu'en 1999 par la société Thomson-CSF Services Industrie devenue aujourd'hui la société Thales Services Industrie et les pratiques objet des griefs n° 1, 5 et 6 ont été mises en œuvre à partir de 2000 par la société Thomson-CSF Inexel qui a été absorbée par la société Thales Security Systems.
144. En conséquence, les griefs n° 1, 2, 4, et 7 sont imputables à la société Thales Services Industrie et les griefs n° 1, 5 et 6 sont imputables à la société Thales Security Systems.
Les sociétés du groupe Ineo
145. Les pratiques objet des griefs n° 1, 6 et 10 ont été mises en œuvre par la société L'Entreprise Industrielle qui a été absorbée par la société Ineo SA. Les pratiques, objet des griefs n° 1, 6, 8 et 10 ont été mises en œuvre par la société Coris qui a été absorbée par la société Ineo SA. Les pratiques objet des griefs n° 1, 2, 5, 6 et 7, ont été mises en œuvre par la société SEEE, qui, après avoir été dénommée Ineo Centre, a été absorbée par Ineo SA.
146. En conséquence, les griefs n° 1, 2, 5, 6, 7, 8 et 10 sont imputables à la société Ineo SA. Eurelec Midi Pyrénées SA
147. Les pratiques, objet des griefs n° 1, 3, 5 et 10, ont été mises en œuvre par la société EPI désormais dénommée Eurelec Midi Pyrénées SA. En conséquence, ces griefs sont imputables à cette dernière.
Les SAS Établissements Jean Graniou et Graniou Azur
148. Les pratiques objet des griefs n° 1 et 3 ont été mises en œuvre par la société Graniou Azur toujours existante. Les pratiques, objet des griefs n° 1 et 9 ont été mises en œuvre par l'entreprise Graniou A2R, dénomination d'un établissement secondaire de la SA Établissements Jean Graniou devenue en 2003 la SAS Établissements Jean Graniou.
149. En conséquence, les griefs n° 1 et 3 sont imputables à la SAS Graniou Azur et les griefs n° 1 et 9 sont imputables à la SAS Établissements Jean Graniou.
Spie SA
150. Les pratiques objet des griefs n° 1, 3, 5 et 10 ont été mises en œuvre par la société Spie Trindel qui a été absorbée par Spie SA. En conséquence, ces griefs sont imputables à cette dernière.
Cegelec SAS
151. Les pratiques, objet des griefs n° 1 et 9 ont été mises en œuvre par la société Cegelec SA et la société Cegelec Paris (RCS 419390521) dont la continuité juridique est assurée par la société Cegelec SAS. En conséquence, ces griefs sont imputables à cette dernière.
Systèmes et Audio Fréquences (SAF)
152. Les pratiques objet des griefs n° 1, 3, 4, 5, 8 et 9 ont été mises en œuvre par la société SAF qui existe toujours. En conséquence, ces griefs lui sont imputables.
B. SUR LA PROCEDURE
1. S'AGISSANT DE LA PRESCRIPTION
153. Le Conseil ne retenant pas le grief d'entente générale (grief n° 1), comme il sera vu ci- après, il n'est pas nécessaire d'examiner les arguments des entreprises sur la prescription des faits ni ceux du commissaire du Gouvernement sur la mise en œuvre d'une pratique continue s'opposant à l'acquisition de cette prescription.
2. S'AGISSANT DE LA DUREE DE LA PROCEDURE
a) Observations des sociétés SAF, Eurelec Midi Pyrénées, SAS Graniou Azur et Etablissements Jean Graniou
154. La société Eurelec Midi-Pyrénées, anciennement EPI, constate qu'elle a reçu les griefs plus de six ans après la dernière pratique qui lui est imputée par le rapporteur. Or depuis 2001, la société a subi de profondes transformations aussi bien dans son contrôle capitalistique que dans sa direction et sa politique commerciale. En 2001, la totalité du capital a été cédé et tous les cadres présents avant la cession, sauf un, ont été licenciés ou ont démissionné. Les nouveaux dirigeants ont fait évoluer l'activité de l'entreprise vers les travaux publics et les réseaux électriques si bien que les livraisons au STNA qui représentaient la quasi-totalité du chiffre d'affaire en 2001 n'en représentent plus que 60 %, alors même que le chiffre d'affaires de l'entreprise a presque quintuplé durant la période. Elle fait valoir que la disparition de ses archives, conjuguée au départ de son personnel, à l'absence de coopération des anciens dirigeants et au fait qu'aucun de ses dirigeants n'a été entendu au cours de l'enquête, ne lui a pas permis de réunir les moyens utiles à sa défense. Elle considère en conséquence que la jurisprudence dégagée par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 7 mars 2006 (n° 2005-12604), dit " Lépine TP ", lui est applicable dès lors que ces circonstances l'ont irrémédiablement privée des moyens de se défendre.
155. La société SAF observe pour sa part que les griefs ont été notifiés plus de quatre ans après la saisine du Conseil alors que tant l'ampleur que la complexité des faits ne justifient un délai de traitement aussi long.
156. Les sociétés Graniou Azur et Établissements Jean Graniou estiment de leur côté que le renvoi à l'instruction de la totalité du dossier plus de treize ans après les premiers faits examinés rallonge inutilement la procédure dont la durée serait manifestement excessive au regard de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.
b) Appréciation du Conseil
157. Depuis le moment où les pratiques incriminées ont été mises en œuvre, la société EPI a profondément évolué dans sa structure d'exploitation comme dans sa propriété capitalistique. Mais il n'en reste pas moins que la personnalité juridique de cette entreprise, qui a pris le nom d'Eurelec Midi-Pyrénées, n'a pas disparu. La société Eurelec Midi-Pyrénées vient donc aux droits de la société EPI à laquelle ont été notifiés les griefs.
158. Par ailleurs, Eurelec Midi-Pyrénées ne peut pas se prévaloir utilement de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 7 mars 2006 pour soutenir que la longueur de la procédure l'a privée des moyens de se défendre et demander en conséquence sa mise hors de cause. Certes, les griefs lui ont été notifiés six ans après la dernière pratique imputée. Mais dans cet intervalle, elle a été informée des mesures d'enquête et a pu présenter des observations aux enquêteurs, notamment lors de son audition le 12 septembre 2001. Sachant par ailleurs que les marchés du STNA faisaient l'objet d'une enquête administrative et ayant elle-même été l'objet d'une procédure de visite et saisie, il lui était loisible de garder les documents utiles à sa défense et de les transmettre, eu égard à leur importance, à son nouvel actionnaire. Une telle précaution semblait d'autant plus s'imposer que la société, contrairement à la société concernée par l'arrêt de la cour d'appel, a obtenu plusieurs des marchés en cause et. Elle ne saurait donc reprocher au Conseil une situation qui résulte de sa propre insuffisance dans la conservation de ses dossiers.
159. La société SAF n'est pas non plus fondée à se prévaloir d'une durée de la procédure qui aurait compromis de manière irrémédiable l'exercice de ses droits. Ses responsables ont été entendus pendant l'enquête administrative, elle a reçu après la saisine du Conseil (janvier 2003) une demande de renseignement du rapporteur (novembre 2005) et les griefs lui ont été notifiés quelques mois plus tard (avril 2006).
160. De la même manière, les sociétés Graniou Azur et Etablissements Jean Graniou ne démontrent pas en quoi le rallongement de la procédure au demeurant très limité qui résulte du renvoi du dossier à l'instruction a gêné leur défense.
3. S'AGISSANT DE LA RECEVABILITE D'UN NOUVEAU GRIEF
a) Observations de la société Ineo Centre
161. Ineo Centre estime que le grief n° 5 qui lui a été adressé dans la nouvelle notification de grief du 7 juin 2007 est irrecevable dans la mesure où cet acte a retenu un grief supplémentaire à son encontre alors que la décision de renvoi à l'instruction n° 07-S-01 se bornerait, selon elle, à demander d'imputer les griefs déjà formulés à d'autres sociétés. L'invitation, exprimée dans la nouvelle notification de grief, à se référer à ses précédentes écritures ne lui aurait de plus pas permis de se défendre.
b) Appréciation du Conseil
162. Le renvoi du dossier à l'instruction, au motif que des pratiques relevées dans le périmètre de groupes d'entreprises ont été imputées à l'entité assurant la continuité économique et fonctionnelle de l'entreprise auteur des pratiques même lorsque cette dernière continuait d'exister, ne saurait interdire au rapporteur de formuler de nouveaux griefs. La décision n° 07-S-01 ne contenait aucune limitation à cet égard. La société Ineo Centre a pu dans les délais légaux faire valoir ses arguments en réponse à l'ensemble des griefs. Elle ne montre pas concrètement en quoi la simple faculté qui a été proposée par le rapporteur à l'ensemble des parties de renvoyer à leurs précédentes écritures l'a empêchée de répondre au nouveau grief qui lui a été notifié.
C. SUR LES PRATIQUES
163. Ainsi que le Conseil l'a maintes fois relevé, " en matière de marchés publics ou privés sur appel d'offres, une entente anticoncurrentielle peut prendre la forme, notamment d'une coordination des offres ou d'échanges d'informations entre entreprises antérieures à la date où le résultat de l'appel d'offres est connu ou peut l'être, qu'il s'agisse de l'existence de compétiteurs, de leur nom, de leur importance, de leur absence d'intérêt pour le marché considéré, ou des prix qu'ils envisagent de proposer ; (...) la preuve de l'existence de telles pratiques qui sont de nature à limiter l'indépendance des offres, condition normale du jeu de la concurrence peut résulter en particulier d'un faisceau d'indices constitué par le rapprochement de diverses pièces recueillies au cours de l'instruction, même si chacune de ces pièces prise isolément n'a pas un caractère suffisamment probant. "
164. Il découle de cette jurisprudence, rappelée notamment dans les décisions n° 89-D-42 et n° 01-D-17, que tout échange d'information préalablement au dépôt des offres est anticoncurrentiel s'il est de nature à diminuer l'incertitude où toutes les entreprises doivent se trouver placées, relativement au comportement de leurs concurrentes. Cette incertitude est en effet la seule contrainte de nature à pousser des opérateurs concurrents à faire le maximum d'efforts en terme de qualité et de prix pour obtenir le marché. A l'inverse, toute limitation de cette incertitude affaiblit la concurrence entre les offreurs et pénalise l'acheteur public, obligé à payer un prix plus élevé que celui qui aurait résulté d'une concurrence non faussée.
1. L'ENTENTE GENERALE DE REPARTITION (GRIEF N° 1)
165. Les mentions manuscrites portées sur les tableaux saisis au sein de la société SAF (cotes 1989 à 1999) datés du 14 juin et du 20 octobre 1994, le nombre très important de marchés analysés dans ces tableaux, les informations recueillies au sein de Thomson relatives aux noms et numéros de téléphone de responsables d'entreprises (cote 3180) ainsi qu'à des marchés du STNA obtenus dans diverses régions (cote 3182), enfin la constatation d'une généralisation des travaux de sous-traitance non déclarés constituent les indices venant à l'appui du grief n° 1.
166. Les mentions manuscrites portées sur les tableaux saisis chez SAF constituent le plus lourd de ces indices : " celui qui chiffre en second est celui qui a eu l'affaire précédente (semblable) ". Cette prescription définit le tour de rôle. La phrase " fourchette des couvertures (...) 20 % à 30 % " est explicite. La mention " Outre mer hors cota " fait clairement référence à la limite géographique d'une répartition convenue. La phrase sibylline : " celui qui plonge 50 % imputé qu'il l'est ou ne l'est pas " signifie probablement que celui qui n'obtient pas le marché qui lui était dévolu dans cette répartition est considéré comme l'ayant obtenu à moitié. L'évocation " d'une prochaine réunion " montre que les pratiques ainsi décrites s'étendent dans le temps.
167. Mais prouver l'entente implique de rapporter la preuve du concours des volontés. Or la simple liste des entreprises principales répondant le plus souvent aux appels d'offres organisés par le STNA ne peut à elle seule constituer la preuve que chacune des entreprises de la liste a donné son accord à SAF, ou à chacune des autres, pour mettre en œuvre les pratiques évoquées par les phrases manuscrites portées sur ce même document. Ainsi, la preuve formelle de l'entente manque en fait.
168. Dans ces conditions, il n'est pas établi que les sociétés Thales Services Industrie, Thales Security Systems, Spie SA, Ineo Centre, Eurelec Midi Pyrénées, SAF, Ineo SA, SAS Graniou Azur, SAS Etablissements Jean Graniou et Cegelec SAS ont mis en œuvre une concertation destinée à se répartir les marchés d'équipement du STNA passés entre 1994 et 2000.
2. L'ENTENTE SUR LE MARCHE DE LA CONSTRUCTION DE QUATRE STATIONS SATELLITES ET D'UN RELAIS HERTZIEN (GRIEF N° 2)
169. Ainsi qu'exposé aux paragraphes 28 à 34, le 29 octobre 1999, soit 18 jours avant la date limite de dépôt des offres, la société SEEE a envoyé le cahier des charges techniques particulières de ce marché à Thomson en lui demandant de faire une étude de prix, au motif que cette dernière avait déjà réalisé ce type d'installations pour TDF (cotes 5503 à 5504). Thomson a réalisé cette étude de prix et l'a renvoyée à SEEE par fax, le 10 novembre, soit sept jours avant la date limite de dépôt des offres (cote 3341). Après cet échange d'informations, les deux entreprises ont séparément présenté au maître d'ouvrage des offres strictement identiques.
a) Arguments des entreprises
Observations de Thales Services Industrie
170. La société reconnaît que Thomson a été sollicitée par SEEE pour faire une étude de prix. Mais, souhaitant elle-même présenter une offre, elle a décidé de répondre négativement à cette sollicitation par un courrier en date du 9 novembre 1999. Au lieu de ce courrier, c'est le bordereau des prix qu'elle envisageait d'adresser au STNA qui a été envoyé par erreur à SEEE, laquelle aurait repris ce bordereau intégralement dans son offre sans y ajouter de coefficient multiplicateur. Cette confusion explique, selon elle, le caractère grossier du dépôt d'offres totalement identiques. La fiche de filtrage des offres de SEEE montrerait que cette société pensait que Thomson ne serait pas candidate à ce marché et donc qu'elle n'était pas pour elle un concurrent. Elle montre aussi que SEEE n'était pas sûre que ce marché entrait dans son champ de compétence et que c'est pour des raisons parfaitement légitimes qu'elle a envisagé de le sous-traiter à Thomson. Thales Services Industrie soutient, enfin, d'une part que Thomson et SEEE n'avaient aucun intérêt à déposer des offres strictement identiques, ce qui ne pouvait qu'attirer l'attention du maître d'ouvrage, d'autre part que cette erreur matérielle, fruit d'un concours de circonstances, n'a pas eu d'effet sur la concurrence puisque huit autres sociétés ont soumissionné à l'appel d'offres.
Observations d'Ineo Centre
171. La société Ineo Centre, anciennement SEEE, explique tout d'abord que la nature de ce marché, marché négocié sur lequel deux offres concurrentes se sont avérées inférieures à celles de SEEE et Thomson, excluait par principe toute forme de concertation bilatérale. La mention manuscrite " sociétés habilitées TDF : Thomson ; Sofrer " portée par SEEE sur le BOAMP montrerait que dans l'esprit des responsables de la société, il apparaissait nécessaire pour répondre aux exigences du maître d'ouvrage de se rapprocher d'un fournisseur spécialisé possédant l'habilitation TDF afin d'être concurrentiel sur ce marché. En l'espèce, cette habilitation était recommandée dans le BOAMP lui-même. Dans ces conditions, la société SEEE aurait envoyé le CCTP pour étude sans aucune intention d'obtenir le détail de l'offre de Thomson mais pour négocier, dans le cas où SEEE serait retenue, un rabais dans le cadre d'une éventuelle collaboration. La fiche de filtrage des offres retenue à sa charge montrerait seulement que la société souhaitait répondre à condition qu'un tiers fasse pour elle l'étude du marché. Aucun élément ne permet donc de conclure, selon elle, à un échange anticoncurrentiel entre ces deux entreprises qui, si elles avaient eu l'intention de tromper le maître d'ouvrage, se seraient de toute façon gardées de présenter des propositions identiques.
b) Appréciation du Conseil
172. Il n'est pas anormal qu'une entreprise consulte d'autres entreprises propres à lui apporter une expertise, des matériels ou des prestations techniques nécessaires à l'élaboration de ses propositions. Toutefois, lorsque cet échange d'information intervient entre des entreprises candidates au même marché et qu'il porte au surplus sur de nombreux éléments de prix (aboutissant en l'espèce à deux offres identiques), il présente un caractère anticoncurrentiel dans la mesure où les offres des entreprises n'ont pas été élaborées de manière indépendante.
173. En l'espèce, les entreprises en cause peuvent difficilement justifier l'échange du bordereau des prix par la nécessité de l'habilitation TDF ou d'une expertise technique que pouvait apporter une entreprise ayant déjà réalisé ce type d'installation. L'analyse faite en interne par la société SEEE dans la fiche de filtrage de l'offre fait apparaître qu'une telle exigence n'existait pas et que le seul problème de la société était de trouver le temps de faire l'étude du marché : le bulletin d'annonce officielle du marché ne comporte ainsi aucune exigence technique particulière (cote 5340). L'examen tant du règlement particulier que du cahier des clauses techniques de ce marché montre que le maître d'ouvrage a, certes, mentionné que trois des sites à équiper étaient utilisés par TDF, mais sans en tirer de conclusion sur la nature des offres à présenter (cotes 5438 à 5475).
174. A supposer même que SEEE ait eu besoin d'une étude technique d'une société habilitée TDF, cette compétence ne pouvait justifier une étude technique et de prix sur l'ensemble des rubriques du cahier des charges techniques particulières.
175. Mais l'argument principal évoqué par les entreprises en cause repose sur l'erreur de transmission, commise par une secrétaire renvoyant à SEEE, au lieu d'une lettre de refus, le bordereau de prix que Thomson allait, neuf jours plus tard, envoyer en réponse à l'appel d'offres. Or, la thèse de l'erreur de transmission n'est pas convaincante.
176. Il est en effet étrange que le bordereau de prix de Thomson saisi au sein de la société SEEE soit accompagné d'une page de garde portant la mention " veuillez trouver ci-joint notre réponse à votre courrier réf. 111E-28-30 du 29/10/99 " signée de M. X...responsable commercial chez Thomson et non par une secrétaire, ces deux documents ayant été télécopiés le 10 novembre 1999. Cette page de garde portant sa signature contredit l'explication de M. X... selon laquelle une secrétaire aurait fait une erreur de transmission. Quant à la lettre, ultérieurement produite, comportant le refus de réaliser l'étude que Thomson prétend avoir voulu envoyer, elle est datée de la veille (9 novembre) et elle est également signée par M. X... . Cette lettre de refus apparaît, dans ces conditions, suspecte d'avoir été élaborée a posteriori. Elle n'a d'ailleurs pas été retrouvée dans le dossier de l'appel d'offres saisi au sein de SEEE.
177. Un dernier élément éclaire l'habillage de l'affaire réalisé par les deux entreprises en cause. Des brouillons de lettres de réponse de SEEE au STNA trouvés au sein de Thomson montrent que ces entreprises se sont concertées pour coordonner leurs explications en réponse aux questions posées par le maître d'ouvrage sur les conditions de préparation de leurs offres (cotes 3345 et 3347). Les corrections manuscrites apportées par Thomson, notamment la suppression de la mention de la communication de la marge brute, montrent qu'elles ont voulu éliminer tout élément susceptible de mettre en lumière le caractère anticoncurrentiel de leur comportement.
178. Quant à l'identité des offres faites, elle constitue sûrement une erreur, venant d'entreprises ayant une longue expérience des marchés publics. Mais l'erreur a consisté en l'oubli de dissimuler l'origine commune des offres et non en l'étourderie d'une secrétaire : il est invraisemblable, en effet, que le même M. X... ait pu signer, le 9, une lettre refusant la communication de ses prix à SEEE, manifestant ainsi son respect scrupuleux de l'indépendance qui doit caractériser les réponses à un appel d'offres, et le 10, une lettre transmettant, à SEEE, ces mêmes prix.
179. L'ensemble de ces faits constitue un faisceau d'indices graves, précis et concordant établissant la preuve de la collusion de ces deux entreprises dans la gestion de leurs réponses à l'appel d'offres. L'utilisation conjointe, avant la date limite de dépôt des offres, d'un même bordereau des prix portant sur l'ensemble des rubriques du CCTP doit, en définitive, être analysée comme une pratique d'échange d'informations ayant eu pour effet de coordonner le comportement des deux entreprises et de réduire l'indépendance de leurs soumissions.
180. Il en résulte que Thomson-CSF Services Industrie et SEEE ont mis en œuvre une concertation anticoncurrentielle sur le marché de la construction de quatre stations satellites HMU et d'un relais hertzien, pratique contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Comme indiqué aux paragraphes 144 et 146, ces pratiques sont aujourd'hui imputables à Thales Services industrie et Ineo SA.
3. L'ENTENTE SUR LES MARCHES DE L'INSTALLATION DES EQUIPEMENTS DE LA REGIE PROVISOIRE DE L'AEROPORT DE MONTPELLIER (GRIEF N° 3)
181. Il résulte des éléments mentionnés aux paragraphes 49 à 54, que, lors d'un premier appel d'offres déclaré infructueux, les offres des entreprises SAF, EPI, et Spie Trindel sont strictement proportionnelles pour un nombre significatif de rubriques. Il ressort aussi d'un document saisi chez SAF et cité au paragraphe 54 que cette société a mentionné : " A préparer-prix = vendredi 3 " au regard de la liste de toutes les entreprises sollicitées par le STNA. Il résulte de la déclaration de M. Z..., de la société EPI, déjà citée au paragraphe 56 " La société Graniou a dû me fournir un bordereau de prix complet ", que Graniou Azur et EPI ont présenté, au second appel d'offres, des offres élaborées à partir du même bordereau de prix élaboré par Graniou Azur et retrouvé par ailleurs chez EPI.
a) Arguments des parties
Observations de la SAS Graniou Azur
182. La société explique que l'envoi du bordereau des prix le 29 février 2000 à Spie Trindel, soit avant la date limite de dépôt des offres du premier marché, répondait à une demande de cette société qui ne connaissait pas les lieux. Elle portait sur la partie de l'étude relative à l'installation, Spie Trindel étant spécialisée dans le mobilier. Cette demande aurait été d'autant plus légitime que ce type d'activité était nouveau pour elle. Les informations données par Graniou Azur dans ce cadre n'auraient pas empêché Spie Trindel de fixer ses estimations de prix en fonction de ses propres coûts. De fait, le bordereau des prix communiqué aurait été complètement modifié et Graniou Azur, qui ne faisait pas partie des sociétés retenues pour déposer des propositions dans le premier appel d'offres, n'aurait pas eu connaissance du montant de la soumission de la société Spie Trindel.
183. Par ailleurs, la présence d'un bordereau des prix de Graniou Azur dans les dossiers de la société EPI ne serait pas anormale. La société EPI a reconnu que compte tenu d'un chantier important à Clermont-Ferrand, elle n'avait pas le temps de faire l'étude du marché. Elle en a donc chargé Graniou qui a élaboré le bordereau et a joint des devis de plusieurs entreprises pour que EPI puisse apprécier le prix des éléments acquis auprès de ces tiers. Cette étude, qui concernait le premier marché aurait certes été trouvée dans le dossier du deuxième marché mais n'aurait pu servir de base à l'élaboration de l'offre présentée sur ce marché dès lors que le bordereau dans plusieurs de ses rubriques et les prix du second appel d'offres étaient complètement différents de ceux du premier. Elle ne démontrerait donc pas que les deux entreprises ont préparé ensemble leurs propositions pour le deuxième appel d'offres.
184. Elle estime que la jurisprudence du Conseil, exposée notamment dans la décision 05-D-07, selon laquelle un projet de sous-traitance non abouti sur un marché fausse la concurrence sur ce marché si les partenaires déposent par la suite des offres, ne saurait s'appliquer en l'espèce étant donné que le deuxième appel d'offre a été très différent du premier.
185. Dans ces conditions, le seul fait que la société EPI n'ait pas déclaré la sous-traitance qu'elle envisageait de confier à Graniou ne saurait être retenu par le Conseil, alors qu'il s'agissait de travaux prévus pour le premier marché auquel Graniou Azur n'a pas soumissionné. Aucun élément du dossier ne montrerait en conséquence que cette étude de prix a empêché les entreprises de présenter des offres indépendantes.
Observations de la société Spie SA
186. S'agissant du premier appel d'offres, la société conteste avoir travaillé avec d'autres candidats sur les rubriques du bordereau des prix avant de déposer son offre. Elle justifie l'envoi le 29 février 2000 du bordereau des prix demandés à la société Graniou Azur par son désir de mieux connaître un site sur lequel cette entreprise avait travaillé récemment et dont le STNA lui refusait l'accès. Du reste l'étude des prix demandée à cette société en février 2000 intervenait à un moment où les entreprises n'étaient plus concurrentes puisque Graniou Azur n'avait pas été présélectionnée. Aucune pièce du dossier ne démontrerait par ailleurs l'échange d'information avec les sociétés EPI et SAF. La proportionnalité de certains prix, s'expliquerait clairement par la communication du bordereau des prix réalisé par Graniou Azur auxquels les entreprises ont appliqué chacune leur propre coefficient de marge. Avec l'entreprise EPI, il n'y aurait eu ni concertation ni offre de couverture, Spie Trindel ignorant qu'EPI avait aussi reçu le bordereau des prix de Graniou Azur. Avec SAF, la proportionnalité des prix aurait été limitée à 19 prix unitaires sur un total de 136. Enfin, pour Spie SA, il ne serait pas possible de considérer que le recours à la sous-traitance de Graniou Azur, qui au cas d'espèce disposait d'une compétence spécifique pour exécuter certaines parties du marché et n'était pas son concurrent, a pu avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel.
187. Pour le second appel d'offres publié au BOAMP du 13 juillet 2000, Spie SA ne reconnaît ni avoir envisagé à nouveau de sous-traiter le marché, ni avoir élaboré son offre à partir du premier bordereau des prix. Elle expose que c'est une autre de ses agences, très éloignée de la première, qui a élaboré des propositions très différentes de celles remises lors du premier appel d'offre et au demeurant particulièrement compétitives.
Observations de la société SAF
188. SAF observe que le dossier ne contient aucune trace de sa participation à un échange d'information avec les entreprises Spie Trindel, EPI et Graniou Azur. Aucun des éléments analysés dans le dossier, qu'il s'agisse du courrier de Graniou Azur à Spie Trindel du 29 février 2000, des devis ou offres de prix retrouvés dans les locaux d'EPI ou des déclarations de ces entreprises, ne ferait état d'un quelconque échange mettant en cause SAF. Par ailleurs, la mention figurant sur la lettre reçue du STNA du 26 janvier 2000, qui n'est que la liste complète des sociétés retenues au terme de l'appel à candidature, ne constitue pas un indice de participation à un échange d'informations sur les prix.
189. Le grief qui lui a été notifié se fonderait uniquement sur la comparaison de son offre avec les offres des autres sociétés. Or celle-ci ne serait pas probante. La proportionnalité des prix serait loin de concerner les 136 prix du bordereau et celle constatée sur certains d'entre eux pourrait largement s'expliquer par les conditions du marché caractérisé à la fois par un nombre restreint d'acteurs et la standardisation des prestations à fournir.
Observations de la société Eurelec Midi Pyrénées
190. Elle confirme tout d'abord qu'elle a demandé à Graniou Azur de faire une étude de prix en raison d'une surcharge momentanée de travail. Elle note aussi que le règlement de l'appel d'offre ne prévoyait pas de visite du site. Le bordereau de prix qui en est résulté constituerait le seul élément retenu à sa charge s'agissant du second appel d'offres, alors qu'il concernerait en réalité le premier appel d'offres. Elle estime en effet que l'indice tenant à la sous-traitance non connue du donneur d'ordre ne peut être maintenu dès lors que celui-ci ne pouvait ignorer cette sous-traitance.
b) Appréciation du Conseil
Sur le premier appel d'offres
191. L'analyse des propositions des entreprises faites en réponse au premier appel d'offre fait apparaître des prix qui, dans un nombre significatif de cas, se déduisent les uns des autres par application d'un coefficient multiplicateur à partir d'une liste de prix de référence. Cette proportionnalité soit est totale soit accuse des différences de l'ordre de l'arrondi au dixième de pourcent. Elle concerne 94 prix sur 136 pour les offres de Spie Trindel et EPI alors qu'elle est constatée dans 44 cas entre les offres de Spie Trindel et SAF et dans 55 cas entre les offres de SAF et d'EPI.
192. Les éléments du dossier montrent que les entreprises Spie-Trindel et EPI ont élaboré leurs propositions à partir d'un document unique constitué par le bordereau des prix réalisé par Graniou Azur. EPI a reconnu avoir demandé un tel document et appliqué le taux de marge de la société à ce bordereau pour élaborer sa proposition. Spie Trindel a également indiqué qu'elle avait utilisé un bordereau de prix réalisé par Graniou Azur pour élaborer son offre par simple application d'un coefficient multiplicateur (cotes 4594 à 4596).
193. Ces circonstances peuvent expliquer la proportionnalité des offres de Spie-Trindel et d'EPI par rapport au bordereau de prix de Graniou Azur. Le Conseil relève que ces trois sociétés ont agi avec légèreté : Spie-Trindel et EPI en utilisant le bordereau fourni par Graniou Azur, sans se préoccuper de savoir si chacune d'elle était la seule à avoir bénéficié de cet apport ; Graniou Azur en ayant communiqué son bordereau à ces deux concurrents sans les mettre en garde contre les conséquences des similitudes que cette origine commune pouvait provoquer. Ces faits ne suffisent pas, cependant, à établir l'accord de volonté entre Spie-Trindel et EPI pour tromper le maître d'ouvrage à l'occasion de ce premier appel d'offres.
194. S'agissant de SAF, cette société n'a pas fourni d'explication quant à l'origine des prix pour lesquels des proportionnalités apparaissent avec les offres de Spie-Trindel et d'EPI. SAF se défend même d'avoir sollicité Graniou Azur. Mais l'argument de la " standardisation " des prix en raison de la spécificité technique des fournitures n'est étayé d'aucune démonstration. La mention manuscrite d'un prix " A préparer " pour cet appel d'offre en regard de la liste de toutes les entreprises concernées témoigne de l'intention de SAF d'opérer des concertations. Les proportionnalités observées avec les prix de Spie-Trindel et de EPI témoignent du résultat de ces concertations mises en œuvre dans la phase de préparation des offres. La participation de SAF à des concertations est donc établie. Cependant, le Conseil ne peut déterminer avec laquelle de ces deux entreprises (ou éventuellement lesquelles) cette concertation a eu lieu.
195. Il résulte de ce qui précède que, pour le premier appel d'offres, seule la participation de SAF à une concertation destinée à tromper le maître d'ouvrage sur l'intensité de la concurrence est établie.
Sur le second appel d'offres
196. Le responsable de la société EPI a déclaré qu'il avait préparé le second appel d'offres dans les mêmes conditions que le premier et que pour ce second appel d'offres la société Graniou Azur avait donc dû lui faire un bordereau complet des prix. A cet égard, le bordereau de prix de Graniou Azur mentionné au paragraphe 52 de la présente décision, retrouvé dans les locaux d'EPI, même s'il se rapportait au premier appel d'offres, a eu pour conséquence de fausser la concurrence dès que Graniou Azur s'est présenté pour le second appel d'offres car ce dernier visait à effectuer des travaux de même objet sur le même équipement que celui concerné par le premier appel d'offres, mais dans une version plus " économe " (voir à cet égard le tableau d'estimation comparée des postes par le STNA figurant aux cotes 5637 et 5638). Dès lors ce bordereau a permis à EPI et à Graniou Azur de savoir réciproquement sur quelles bases l'autre pourrait établir son offre.
197. Le Conseil, dans sa décision n° 05-D-17 relative à des marchés de travaux et voirie en Côte-d'Or, a indiqué qu'un projet de sous-traitance non abouti, qui a donné lieu à des échanges d'informations entre des entreprises, fausse irrémédiablement la concurrence, ce qui interdit aux entreprises en cause de soumissionner séparément par la suite.
198. Pour le second appel d'offres, il est donc établi que les sociétés Graniou Azur et EPI ont utilisé des informations de prix communes, en l'espèce sur un nombre significatif de postes du marché restés présents entre le premier et le second appel d'offres. A cet égard, il ne peut être soutenu que les deux appels d'offres organisés par le maître d'ouvrage ont constitué deux marchés totalement différents. Cette concertation a trompé le maître d'ouvrage sur la réalité de la concurrence.
199. En conclusion, il est établi que les sociétés EPI, désormais dénommée Eurelec Midi Pyrénées, SAS Graniou Azur et SAF ont mis en œuvre, lors de l'un ou l'autre des appels d'offres relatifs à l'équipement de l'aéroport de Montpellier, des pratiques anti- concurrentielles contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
4. L'ENTENTE SUR LE MARCHE DES TRAVAUX D'INSTALLATION AU CRNA NORD D'ATHIS-MONS (GRIEF N° 4)
200. Il a été exposé aux paragraphes 63 à 69 que Thomson-CSF Services Industrie a soumissionné pour ce marché en groupement avec Graniou A2R et a envoyé son bordereau des prix à SAF, autre candidat à ce marché. Les indications manuscrites portées sur le bordereau communiqué à SAF, à savoir " augmenter les prix ", " changer les appellations si possible " et " prix total entre 658 et 664 400 ", reflètent une concertation sur les prix de deux concurrents intervenue préalablement au dépôt de leurs offres ainsi que la volonté de dissimuler cette concertation au maître d'ouvrage (cote 1618).
a) Arguments des parties
Observations de la société SAF
201. SAF souligne que le grief qui lui a été notifié se fonde sur un seul document peu lisible : la télécopie d'un bordereau de prix envoyé par Thomson en réponse à sa demande de présenter une offre commune sur ce marché. Elle explique qu'il ne peut lui être reproché d'avoir finalement choisi une autre entreprise en qualité de sous-traitant. Elle estime qu'en l'absence de tout autre élément, le faisceau d'indices clairs, précis et concordants exigé en matière de preuve n'est pas rapporté.
Observations de la société Thales Services Industrie
202. Elle confirme que Thomson a dans un premier temps répondu favorablement à une demande de partenariat de SAF pour voir si celui-ci pouvait être plus intéressant que celui noué depuis quelques années avec la société Graniou. Thomson lui a donc envoyé un prix indicatif qu'elle avait l'habitude de proposer pour ce type de prestations, lequel diffère du montant de l'offre finalement déposée avec Graniou A2R. Elle considère que les indications manuscrites du bordereau, dont rien n'indique qu'elles ont été portées par elle plutôt que par SAF, ne sont pas révélatrices d'une demande d'offre de couverture pour la simple raison que huit autres sociétés avec qui Thomson n'a pas échangé des informations ont aussi soumissionné à l'appel d'offres et qu'il n'était pas au surplus interdit à SAF de déposer une offre carte de visite.
b) Appréciation du Conseil
203. Contrairement à ce que soutiennent les entreprises mises en cause, l'échange d'un bordereau des prix entre deux sociétés candidates au même appel d'offres avant le dépôt séparé de leurs propositions constitue la preuve d'une concertation anticoncurrentielle.
204. Par ailleurs, le contenu même des annotations portées sur la télécopie en cause ne laisse planer aucun doute sur les intentions des entreprises. Il s'agit d'obtenir que l'une augmente le prix de sa proposition à un niveau fixé en commun entre 658 et 664 000 F, mais aussi qu'elle change les appellations de ses propositions. De fait, sur le document deux rubriques au moins ont été modifiées à la main et l'offre de SAF, d'un montant de 660 596 F, a été conforme à la fourchette de prix indiqué sur le bordereau. Quelle que soit l'entreprise qui a porté cette mention manuscrite, il n'est pas douteux, d'une part que la concertation entre SAF et Thomson a porté à la fois sur les prix et sur les conditions techniques de présentation des offres, d'autre part que la société SAF a présenté une offre destinée à couvrir celle de Thomson.
205. De plus, l'explication de cet échange par le " partenariat " que Thomson et SAF auraient envisagé n'est pas recevable : à supposer ce projet avéré, la mise en œuvre, avortée, de ce partenariat eut exigé que les deux entreprises s'abstiennent, ensuite, de présenter des offres séparées. Le Conseil, dans sa décision n° 05-D-17 relative à des marchés de travaux et voiries en Côte-d'Or, a indiqué que le caractère anticoncurrentiel d'une concertation organisée dans ce cadre était démontré par le seul fait qu'un projet de sous-traitance non abouti, qui a donné lieu à des échanges d'informations entre des entreprises, fausse irrémédiablement la concurrence et empêche les entreprises en cause de soumissionner séparément par la suite.
206. Enfin, contrairement aux allégations de Thomson, la présence d'offres faites par huit entreprises avec lesquelles la preuve d'une concertation n'est pas rapportée ne change pas la réalité de l'offre de couverture faite par SAF.
207. Dans ces conditions, il est établi que Thomson-CSF Services Industrie, désormais dénommée Thales Services Industrie, et SAF ont mis en œuvre avant le dépôt de leurs offres une concertation qui a eu pour objet et pour effet de coordonner leurs offres et de tromper le maître d'ouvrage sur l'intensité de la concurrence qui a existé entre elles. Cette pratique est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
5. L'ENTENTE SUR LE MARCHE DES TRAVAUX D'INSTALLATION ET DE CABLAGE DU CENTRE EN ROUTE D'ATHIS-MONS (GRIEF N° 5)
208. Ainsi qu'exposé aux paragraphes 72 à 80, des tableaux de prix des sociétés SEEE, Spie Trindel, EPI et SAF indiquant le détail des propositions finalement déposées par ces sociétés ont été trouvés au sein de Thomson avec pour les sociétés Spie-Trindel, EPI et SAF des indications sur le nom et le numéro de télécopie de leurs responsables (cotes 3186-3190). Ces indications ne sont pas mentionnées sur le tableau concernant SEEE. Il est apparu également que Thomson a comparé les différentes offres et les a affectés d'un coefficient multiplicateur. Une note interne de Spie Trindel du 4 mai 2000 montre par ailleurs que Thomson a pris contact avec le directeur commercial de Spie Trindel dans la région Picardie (cotes 4242-4244) pour lui fournir son prix d'assistance pour procéder au raccordement du câblage sur du matériel spécifique Thomson installé sur le site (cote 4596).
a) Arguments des parties
Observations de la société Thalès Security Systems
209. La société considère que les tableaux saisis chez Thomson qui répertorient les offres des sociétés SAF, EPI, SEEE et SPIE pour les comparer l'offre remise en groupement avec Graniou A2R, résultent d'un travail de collecte d'informations réalisé postérieurement à l'attribution du marché dont le seul objet était de procéder à une analyse concurrentielle du marché. Ces tableaux ne sont pas datés et aucune preuve n'est rapportée de ce que leur contenu résulterait d'un échange d'information intervenu antérieurement au dépôt des offres. Il en est de même de la prise de contact entre les sociétés Spie Trindel et Thomson CSF Inexel qui était motivée par un besoin d'assistance technique de Spie Trindel pour du matériel Thomson installé sur le site à équiper mais n'a aucun lien avec les tableaux élaborés par Thomson.
210. Thales Security Systems avance aussi que les erreurs et imprécisions relevées sur ces tableaux ne démontrent pas, bien au contraire, qu'ils ont été établis avant le dépôt des offres car dans ce cas il aurait été indispensable d'avoir dans le détail et sans erreur les offres des autres soumissionnaires de manière à se coordonner avec précision. Si tel n'a pas été le cas, c'est qu'en réalité Thomson étudiait le positionnement de ses concurrents pour mieux cibler sa stratégie commerciale et tarifaire dans un contexte difficile marqué par des pertes, la mise en œuvre d'un plan social et en définitive par un abandon de cette activité par l'entreprise.
211. Elle observe enfin que les tableaux saisis en son sein ne forment qu'une seule et même pièce tirée du CCTP et qu'il ne pourrait constituer quoiqu'il en soit qu'un indice isolé d'entente insuffisant à lui seul à apporter la preuve de la pratique retenue par le Conseil.
Observations de la société Spie SA
212. Selon cette entreprise, la note saisie dans les locaux de Spie Trindel, indiquant que Thomson a pris contact avec un de ses responsables, est justifiée objectivement par le souci d'obtenir des renseignements techniques sur les produits Thomson installés sur le site. Alors que cette information lui était indispensable pour procéder au raccordement du câblage sur le matériel Thomson, cette dernière aurait refusé de répondre au motif qu'elle soumissionnait directement à l'appel d'offres. Leurs propositions ont donc été élaborées de manière indépendante. D'autre part, Spie SA fait valoir que les tableaux saisis chez Thomson récapitulant, pour cinq postes du marché, les différents prix proposés par les entreprises n'ont aucune valeur probante car ils ne sont pas datés. De plus aucune mention ne permettrait d'établir qu'ils ont été envoyés par fax et que leur présence est liée à l'initiative prise par Spie Trindel, qui voulait entrer sur ce marché, pour obtenir une assistance technique pour le câblage du matériel Thomson présent sur le site à équiper.
Observations de la société SAF
213. Cette société considère qu'aucun élément du dossier n'établit sa participation à l'échange d'information. La note interne saisie chez Spie Trindel ne pourrait lui être opposée dans la mesure où son nom n'y figure pas. Les tableaux, non datés, qui indiquent les montants et délais des travaux pour les cinq postes du marché, ne comporteraient aucune mention de communication d'informations préalable au dépôt des offres des entreprises, la mention du montant précis de l'offre qu'elle a déposée signifiant qu'ils ont été élaborés après l'attribution du marché.
Observations d'Eurelec Midi Pyrénées
214. Cette société conteste que la note du 4 mai renvoie à des réunions tenues avant la date limite de dépôt des offres et que l'inscription de son numéro de fax sur un tableau non daté soit un indice de son adhésion à l'entente. Elle considère que dans ces conditions la totale similitude des chiffres indiqués sur les tableaux avec le montant de son offre confirme qu'ils ont été élaborés postérieurement à la communication de son résultat.
b) Appréciation du Conseil
215. La note saisie chez Spie Trindel n'est pas postérieure à la date limite de dépôt des offres. Elle est datée du 4 mai 2000 alors que la date limite de dépôt des offres était le 29 mai 2000 (voir le rapport de présentation de ce marché (cote 5049). Elle prouve qu'avant le dépôt des offres, contact a été pris entre Thomson et Spie Trindel ; elle fait état du jugement de Spie Trindel qu'elle n'avait pas les moyens d'obtenir ce marché. Elle montre que l'échange d'informations a permis aux deux entreprises d'évaluer à l'avance leur chance de réussite. Elle constitue un indice de concertation avant le dépôt des offres, spécifique à ces deux entreprises.
216. Les cinq tableaux saisis au sein de Thomson ne sont effectivement pas datés. Mais les chiffres qui sont portés dans les quatre premiers diffèrent, pour ce qui concerne SEEE, du résultat de l'appel d'offres. Cette différence contredit l'explication des entreprises selon laquelle ces tableaux ont été élaborés après le résultat du marché et ont servi à regrouper le contenu des offres dans un but de " veille concurrentielle ". On constate par ailleurs que les postes 4 et 5 des prix d'EPI, dont l'offre s'est classée juste derrière celle de Thomson qui a remporté le marché, ont fait l'objet de corrections compensées de sorte que le total reste le même, ce qui ne s'explique pas s'il s'agit de la recopie de l'offre faite par EPI et laisse penser que ces prix ont été " travaillés " avant la date de dépôt des offres.
217. Le cinquième tableau (cote 3190) récapitule les prix des entreprises. Il présente des annotations. La société Thomson a classé les différentes offres et noté qu'elle n'avait pas encore les chiffres de Coris et Omnielec : " manque Omnielec environ 1 950 000 et Coris environ 2 015 475 ". Or le chiffre pour Omnielec est approximatif et, en définitive, Coris n'a pas déposé d'offre. Ces derniers éléments sont pleinement contradictoires avec la thèse d'une élaboration du tableau après le dépôt des offres.
218. En outre, si l'intérêt de Thomson pour une analyse a priori des prix de ses concurrents est plausible, on ne voit pas la raison qu'elle pouvait avoir d'étudier a posteriori leurs prix pour des travaux qui n'étaient pas susceptibles d'être renouvelés, alors qu'en groupement avec Graniou A2R elle avait emporté le marché.
219. L'indication en tête des tableaux de SAF, EPI et Spie Trindel du numéro de téléphone ou de télécopie et du nom des responsables commerciaux de ces entreprises sur des tableaux préparatoires au dépôt des offres est un indice supplémentaire qui montre que ces entreprises se sont prêtées à la circulation de l'information dont les tableaux résultent. Si le numéro de téléphone de SEEE n'est pas mentionné sur le tableau qui révèle sa proposition de prix, le nom de la société figure cependant dans le tableau récapitulatif. Cet élément est donc à retenir à sa charge.
220. Ce faisceau d'indices graves, précis et concordants démontre que ces tableaux ont été mis au point avant le résultat de l'appel d'offres et que la participation de chacune des entreprises était indispensable à leur élaboration.
221. Au total, il est établi que les sociétés Thomson-CSF Inexel, Spie Trindel, SEEE, SAF et EPI, désormais dénommée Eurelec Midi Pyrénées, ont échangé des informations à l'occasion de l'appel d'offres pour les travaux d'installation du centre en route d'Athis- Mons alors qu'elles ont été candidates à ce marché et qu'elles y ont présenté des offres. Cette pratique est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Comme indiqué aux paragraphes 144, 146, 147, 150 et 152, elle est aujourd'hui imputable à Thales Security Systems, Spie SA, Ineo SA, SAF et Eurelec Midi Pyrénées.
6. L'ENTENTE SUR LE MARCHE D'INSTALLATION DU BLOC TECHNIQUE DU CRNA SUD-OUEST (GRIEF N° 6)
222. Sur les documents manuscrits présentés aux paragraphes 90 et 91, le nom de Coris apparaît souligné à un endroit et figure en face de la mention des lots 2 et 3. Chacun de ces lots est affecté d'un classement : le lot 2 est suivi de l'expression " 4e EPI 6,5 " et le lot 3 de l'expression " 5e ". En outre, est mentionné : " EI couvert Coris" avec la mention " SEEE " en dessous de EI. Thomson a déposé une offre en groupement avec EPI sur le lot 2 et une offre incomplète sur le lot 3, tandis que l'Entreprise industrielle a déposé sur le premier lot une offre supérieure à celle du groupement constitué entre SEEE et Fontanie et a fait sur le deuxième lot une proposition qualifiée d'anormale par le STNA (cotes 4722-4747).
a) Arguments des parties
Observations de la société Thales Security Systems
223. L'entreprise relève d'une part que les rapports de présentation des trois lots de ce marché montrent que les candidats ont proposé des offres motivées et compétitives, d'autre part que Thomson, n'ayant été attributaire d'aucun lot, n'a pu, par définition, être l'organisateur de cette entente. Par ailleurs, le rapporteur n'évoquerait à l'appui du grief qu'un seul document, insuffisant à démontrer la pratique. Du reste, ce document ne pourrait en aucun cas être daté, le seul élément qui y figure étant la date du 16 novembre postérieure quoi qu'il en soit à celle du dépôt des offres qui était fixé au 13 novembre. Par ailleurs, les mentions qui s'y trouvent seraient en réalité le fruit de recherches personnelles d'un ingénieur commercial de la société, postérieures au dépôt des offres et n'ayant pas de caractère anticoncurrentiel :
- le nombre et le nom des sociétés indiqués face aux divers lots ne correspondent pas à celles qui ont effectivement soumissionné ;
- l'offre de couverture alléguée à l'encontre de Thomson et d'EPI ne pourrait être retenue dès lors que ces entreprises ont procédé à des études préalables pour préparer une offre groupée et que Coris n'a rien demandé au groupement ;
- aucun indice de concertation n'est rapporté pour le lot n° 1 ;
- l'offre de couverture alléguée entre Coris et EI sur le lot n° 2 ne peut être déduit de la seule mention " EI couvert Coris " alors que les propositions des deux entreprises ont été quasiment identiques, celle de EI n'étant supérieure que de 1 % à celle de Coris.
Observations des sociétés Ineo SA et Ineo Centre
224. Pour ces entreprises, les mentions, au demeurant imprécises, relevées dans le document non daté de l'ingénieur commercial de Thomson indiquent une exploitation a posteriori d'informations collectées pour apprécier le positionnement de Thomson. Aucun élément n'établirait que les entreprises mentionnées se sont concertées. Les chiffres portés sur le document ne correspondraient pas à leurs soumissions définitives. Elles estiment aussi que l'indication " EI couvert Coris " avec la mention " SEEE " en dessous de EI, signifie que le rapprochement des entreprises au sein du même groupe était intervenu et exprime le sentiment de Thomson d'un positionnement moins concurrentiel de ces filiales du groupe Ineo par rapport à Coris. Enfin, elles considèrent que les anomalies et le caractère incomplet de certains aspects de leurs offres ne peuvent leur être reprochés s'agissant d'une procédure de marché négocié qui permettait au maître d'ouvrage de demander aux entreprises des précisions sur leurs dossiers de soumission.
b) Appréciation du Conseil
225. La première partie du document présentée au point 90, relative à la visite de chantier organisée le 11 octobre par le STNA et des notes relatives au travail commun réalisé par Thomson et EPI sur le dossier technique du chantier ne peuvent être retenus comme des éléments à charge. Mais plusieurs autres mentions du document manuscrit constituent en revanche des éléments non équivoques d'une pratique anticoncurrentielle mise en œuvre par les entreprises dont le nom est mentionné.
226. Contrairement tout d'abord à ce que soutiennent les entreprises, les notes manuscrites saisies dans le bureau de M. X..., ingénieur commercial chez Thomson chargé des marchés du STNA, d'abord chez Thomson-CSF Services Industrie puis chez Thomson- CSF Inexel, se rapportent à une période définie. Elles sont contenues dans un cahier s'apparentant à un " journal de marche " où M. X... note successivement des informations concernant des sujets très divers, notamment les échéances d'appels d'offres, comme celle du 13 novembre 2000 pour le bloc technique de Bordeaux, du 16 novembre pour le STNA de Reims et du 16 octobre pour le STNA d'Athis (cote 3162). Les mentions " frais sept..octobre " et " Lettre non réponse Reims 16/11 " dans la suite du cahier et sur la même page que l'indication sur la répartition des lots entre SEEE, Coris et EPI (cote 3167) montrent que ces notes ont été prises à une date très proche de celle de l'échéance du dépôt des offres, soit le 13 novembre 2000. Des dates relatives à décembre et janvier n'apparaissent que trois pages plus loin dans le cahier (cotes 3170 et 3171). En conséquence, ces notes sont en tout état de cause antérieures au 4 janvier 2001, date à laquelle l'entreprise remportant l'appel d'offres pour les lots 2 et 3 a été choisie. Pour déterminer si ces notes sont le reflet d'une concertation antérieure au dépôt des offres, il convient de faire appel à la méthode du faisceau d'indices.
227. En premier lieu, la liste des entreprises portée sur ces notes en regard des informations sur les lots 2 et 3 ne reflète pas exactement la réalité en ce qui concerne les soumissionnaires qui se sont effectivement présentés, seuls ou en groupement. Ces notes ne résultent donc pas d'une connaissance des offres après leur dépôt ; elles retracent au contraire la situation avant que les offres définitives aient été déposées.
228. En deuxième lieu, pour le lot n° 2, les mentions " lot 2 Coris 5 MF HT " " EI couvert Coris" avec " SEEE " en dessous de EI, mentions figurant juste après celle de " lot 2 -4ième - EPI 6,5 " montre que, avant que Coris ait déposé une offre, Thomson en connaît le montant qui, comparé à celui de 6,5 MF qu'il envisage de proposer en groupement avec EPI, donne toute sa chance à Coris. Cette analyse est confortée par les indications relatives au classement des offres des candidats sur les lots 2 et 3 que Thomson pouvait établir à l'aide des informations communiquées par les autres entreprises. Ce document montre également que EI, autre concurrent potentiel, va aussi couvrir l'offre de Coris. Le fait que le maître d'ouvrage ait noté que la proposition de EI comportait une anomalie confirme dans ce contexte le caractère artificiel de son offre (voir ci-après).
229. L'explication donnée par les parties sur le nouveau positionnement des entreprises à l'intérieur du groupe Ineo pour justifier l'expression " EI couvert Coris" avec la mention " SEEE " en dessous de EI, peut d'autant moins être retenue que le groupe Ineo Suez a été créé en mai 2001, soit sept mois après la date du dépôt des offres. En outre, les sociétés Coris et SEEE ne se sont effectivement rapprochées à l'intérieur du groupe que début 2005 ainsi que l'atteste une plaquette de présentation de septembre 2005 fournie par Ineo. Au surplus, des entreprises membres d'un groupe sont libres de faire des offres concurrentielles dès lors que ces offres sont élaborées en toute indépendance.
230. En troisième lieu, le document révèle aussi que Thomson savait que Coris allait emporter le lot 3.
231. Pour pouvoir évaluer avec une telle précision le résultat de l'appel d'offres et manifester à l'avance sa certitude en soulignant le nom du bénéficiaire, elle devait nécessairement disposer d'informations de la part des autres entreprises et en particulier de Coris et de EI.
232. En quatrième lieu, le maître d'ouvrage a porté par écrit son jugement sur certaines caractéristiques des offres remises. Dans ses rapports de présentation des offres, s'agissant du lot 2, il a noté que la proposition de EI comportait une anomalie de chiffrage. Sur le lot 3, il fait la même constatation, cette fois à l'égard du groupement Thomson-EPI. Il indique n'avoir pas pu analyser cette offre car douze postes n'étaient pas chiffrés. Il paraît étonnant que des grandes entreprises comme Thomson ou EI aient pu faire de telles erreurs en oubliant de chiffrer certaines rubriques de leurs offres. Elles ne pouvaient ignorer que ce défaut de chiffrage entraînerait leur élimination de la compétition. On constate donc que Thomson et EI ont, de fait, laissé la voie libre à l'entreprise désignée à l'avance comme attributaire du marché dans les notes saisie chez Thomson, en l'occurrence Coris pour les lots 2 et 3. Ce fait est cohérent avec les quatre indices précédemment évoqués.
233. Au total, il existe un faisceau d'indices graves précis et concordants qui démontre que les sociétés Thomson-CSF Inexel, EI et Coris se sont concertées pour désigner l'entreprise qui devait emporter le marché d'installation du bloc technique du CRNA Sud-Ouest.
234. En revanche, il n'existe pas d'élément suffisant à l'encontre de SEEE. Le document manuscrit de Thomson n'atteste pas avec certitude qu'elle a participé à l'offre de couverture. Le maître d'ouvrage n'a pas critiqué les offres présentées en groupement avec la société Fontanie sur les trois lots du marché. Elle a obtenu le lot n° 1 et a fait des propositions jugées compétitives sur les lots n° 2 et 3. Elle doit donc être mise hors de cause.
235. En conséquence, il est établi que les entreprises Thomson-CSF Inexel, EI et Coris se sont coordonnées pour déterminer qui proposerait la meilleure offre sur le marché de l'installation du bloc technique du CRNA Sud-Ouest, en échangeant des informations préalablement au dépôt de leurs offres, pratique contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Comme indiqué aux paragraphes 144 et 146, ces pratiques sont aujourd'hui imputables à Thales Security Systems et Ineo SA.
7. L'ENTENTE SUR LE MARCHE D'EQUIPEMENT DU CENTRE DE RECEPTION DE CHAMPCUEIL ET DE RENOVATION DU CENTRE D'EMISSION D'ÉTAMPES (GRIEF N° 7)
236. Le 12 novembre 1999, Thomson a envoyé à SEEE une estimation de ses prix de vente qui a porté sur 32 postes du bordereau des prix analysé aux paragraphes 97 et 98 (cote 3185), alors que les deux sociétés étaient candidates à ce marché et ont déposé séparément une offre quelques jours plus tard (cotes 5117-5182 et 5183-5248).
a) Arguments des parties
Observations de Thales Services Industrie
237. Thales Services Industrie, anciennement Thomson-CSF Services Industrie, explique qu'elle a contacté SEEE car elle ne fabriquait pas de groupes électrogènes et lui a communiqué son estimation de prix pour des postes qu'elle envisageait de sous-traiter afin de savoir si SEEE pouvait lui faire une meilleure proposition. Les 32 postes de cette étude, qui visaient des éléments marginaux du marché, auraient été loin de représenter la totalité du bordereau des prix qu'elle a déposé au STNA puisqu'il en comportait 236. De plus, l'offre de Thomson n'aurait repris que onze des 32 prix de l'étude représentant un pourcentage de 1,4 % du montant de celle-ci, ce qui suffirait à écarter toute incidence de cet échange tant sur la nature des offres que sur la réduction de l'autonomie des entreprises sur le marché.
Observations de la société Ineo Centre
238. La société, anciennement SEEE, reconnaît que Thomson lui a demandé de lui fournir des prix sur des éléments de ce marché dont elle était le spécialiste, notamment pour ce qui concerne les groupes électrogènes. Elle précise toutefois que les informations données n'ont pas porté sur les prix que chacun envisageait de proposer au maître d'ouvrage. Elles ont concerné 29 postes représentant 30 % du marché global et les prix échangés n'étaient pas de nature à fournir une quelconque indication sur le montant de l'offre finale de SEEE faite par ailleurs. Ils ont d'ailleurs tous été modifiés par rapport à ceux dont Thomson avait pu avoir connaissance dans le cadre des négociations préalables en vue d'une sous-traitance. De son côté, Thomson avait besoin des informations de SEEE pour présenter une offre compétitive sur un marché où, au demeurant, six autres propositions ont été examinées et discutées dans le cadre de la procédure négociée.
b) Appréciation du Conseil
239. Les explications des entreprises, selon lesquelles l'échange d'informations entre Thomson et SEEE a eu lieu dans le cadre de discussions préparatoires à une sous-traitance limitée portant sur la fourniture de groupes électrogènes, sont inopérantes.
240. Ainsi qu'indiqué précédemment, lorsque des entreprises échangent des informations sur leurs prix pour une éventuelle sous-traitance en vue de l'exécution d'un marché sur appel d'offres, elles ne peuvent ensuite présenter simultanément des offres séparées pour ce marché. Dans ce cas, leurs offres ne sont pas indépendantes, même partiellement, et la concurrence est faussée. Or en l'espèce Thomson et SEEE, après avoir échangé des informations de prix, ont déposé des offres séparées. Elles n'ont au surplus pas déclaré cette sous-traitance au maître d'ouvrage.
241. En outre, l'échange n'a pas porté sur un élément marginal du marché : les documents mentionnés aux points 97 et 98 de la présente décision montrent qu'il a porté sur 34 postes du marché et que Thomson avait des éléments de prix sur l'intervention de SEEE à hauteur de 3 230 000 FHT sur un total du marché évalué à 10 801 962 F HT. L'échange d'informations entre les entreprises a, en réalité, porté à la fois sur une part importante du marché mais aussi sur des éléments techniques, ce que ne peut justifier la simple complémentarité avancée par les entreprises.
242. Thomson a effectivement repris onze des prix communiqués à SEEE et a emporté le marché avec une proposition légèrement inférieure à SEEE (cotes 99 à 100).
243. Il est donc établi, qu'à l'occasion du marché d'installation et de rénovation des centres de la navigation aérienne de Champcueil et d'Étampes, les sociétés Thomson-CSF Services Industrie et SEEE se sont concertées sur des prix et des éléments techniques du dossier avant de déposer leurs offres distinctes, en faussant ainsi la concurrence et en trompant le maître d'ouvrage sur la réalité de celle ci.
244. Cette pratique est contraire aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce. Comme indiqué aux paragraphes 144 et 146, elle est aujourd'hui imputable à Thales Services Industrie et à Ineo SA.
8. L'ENTENTE SUR LE MARCHE D'INSTALLATION ET DE CABLAGE DES PUPITRES DE CONTROLE DU CRNA EST (GRIEF N° 8)
245. Le document saisi au sein de la société SAF reproduit au paragraphe 106, daté du 26 octobre 1999, donc postérieur de quelques jours à la date limite de dépôt des offres, montre qu'à un moment où le titulaire du marché n'est pas encore choisi les deux entreprises discutent du montant des travaux qu'elles vont réaliser et prennent en compte les travaux déjà effectués par la société Coris (cotes 1899 et 4969 à 4994).
a) Arguments des parties
Observations de la société SAF
246. SAF souligne que le seul document du dossier (les notes manuscrites de M. D..., ingénieur commercial de la société), n'évoque pas un partage du marché mais des discussions en vue d'une sous-traitance. Ces discussions auraient pris place lorsque le marché lui a été attribué, soit après la remise des offres.
247. Cette sous-traitance se justifiait compte tenu de l'importante charge de travail que représentait ce marché par rapport aux capacités dont disposait l'entreprise à ce moment. C'est pourquoi, SAF aurait fait appel à Coris qui connaissait bien les installations de Reims. Les deux sociétés auraient travaillé ensemble sur le projet, Coris s'occupant principalement de la gestion, du suivi et de la coordination du site, ainsi que de la réalisation de la documentation technique. SAF explique la mention manuscrite sur les travaux déjà effectués par Coris par le fait que cette entreprise était déjà sur le site avant l'attribution du marché et que SAF a donc anticipé sur les besoins du client pour un montant de 182 404 F. Ce montant aurait été déduit des travaux exécutés par la suite sur ce marché.
Observations de la société Ineo SA
248. La société, pour le compte de Coris, indique que les seuls échanges intervenus ont concerné les prix des travaux de sous-traitance demandés par SAF. La mention " déjà effectué par Coris " correspondrait à des études et prestations déjà réalisées et donc à régulariser dans le marché. Elle considère enfin que le fait de ne pas déclarer une éventuelle sous-traitance était d'autant moins de nature à tromper le STNA que celui-ci savait parfaitement que Coris était référencée en tant que gestionnaire de l'application Navidoc implantée sur le site à équiper et décrite dans le CCTG.
b) Appréciation du Conseil
249. Le document en cause porte la date du 26 octobre 1999, postérieure à la date limite de dépôt des offres et aucun élément au dossier ne permet de remettre en cause cette datation. Il n'est donc pas possible de soutenir que les discussions qui y sont rapportées, relatives à un projet de sous-traitance, sont intervenues avant l'envoi des propositions des entreprises et les ont en conséquence influencées.
250. Certes, le fait que ces discussions aient eu lieu à un moment où le choix du titulaire du marché n'avait pas été encore opéré pourrait laisser penser que SAF savait à l'avance qu'elle allait emporter le marché. Il pourrait révéler une pratique de répartition des marchés. Toutefois, considéré isolément, cet élément est insuffisant pour le démontrer.
251. En conséquence, il n'est pas établi que les sociétés SAF et Coris ont procédé à un échange d'informations anticoncurrentiel sur le marché d'installation et de câblage des pupitres de contrôle du CRNA-Est.
9. L'ENTENTE SUR LE MARCHE D'INSTALLATION DE LA STATION PRINCIPALE DE TRIGNY (GRIEF N° 9)
252. Un document manuscrit présenté au paragraphe 109 a été saisi chez SAF (cote 1868). Il est daté du 30 juin alors que la décision d'attribution du marché a été prise le 4 juin 1998. Il comporte des indications relatives tant à la fourniture de certains matériels de haute et moyenne tension qu'à la disposition de personnel pour la réalisation du chantier (cotes 4846-4866). Il mentionne le nom de SAF, Cegelec et Graniou A2R qui ont présenté leur candidature et dont l'une a obtenu le marché (cotes 1868-1869).
a) Arguments des parties
Observations de la société SAF
253. SAF observe que le grief se fonde sur un document manuscrit d'un ingénieur commercial de la société, postérieur à la décision du STNA attribuant le marché. Elle expose les motifs pour lesquels elle a décidé de recourir à la sous-traitance de Cegelec et Graniou et produit les conventions de sous-traitance signées avec ces entreprises indiquant la nature et le montant des prestations fournies dans ce cadre.
Observations de la SAS Etablissements Jean Graniou
254. Cette société, pour le compte de Graniou A2R, souligne en outre que le contrat de sous- traitance est lui-même postérieur de plus de trois mois à la décision du maître d'ouvrage. La sous-traitance s'expliquerait par la décision du STNA d'imposer le respect du délai initial et la charge de travail des entreprises. La note du 30 juin saisie chez SAF contiendrait quelques chiffres du coût lié à la main d'œuvre extérieure jugée nécessaire pour accomplir les travaux. Ces éléments, dont aucun document ne montrerait qu'ils ont été échangés avant le dépôt des offres, n'auraient d'ailleurs pas été repris dans le contrat final de sous-traitance. Si ce contrat n'a pas été déclaré au maître d'ouvrage, le Conseil de la concurrence ne saurait en toute hypothèse reprocher cette négligence de SAF à Graniou A2R.
Observations de la société Cegelec SAS
255. Cette entreprise souligne tout d'abord qu'après avoir déposé une candidature Cegelec a finalement décidé de ne pas présenter d'offre car elle ne disposait pas des compétences suffisantes en électronique pour assurer l'ensemble des prestations. Elle soutient d'autre part qu'aucun élément ne démontre l'échange d'informations. Elle produit en revanche les premières études de prix sur des travaux que SAF envisageait de lui sous-traiter et qui datent du 10 juillet 1998, ainsi qu'un premier devis daté du 3 août portant sur l'installation de matériel électrique. Elle rappelle enfin que Cegelec et SAF ont matérialisé ces discussions par une convention de sous-traitance signée le 25 septembre 1998 et que les travaux qui ont été exécutés ont donné lieu à des visites de chantier, notamment les 28 octobre et 17 novembre 1998 et le 17 juillet 1999, en présence de représentants du STNA, de SAF et de Cegelec.
b) Appréciation du Conseil
256. Le grief formulé sur ce marché repose sur un document comportant une date postérieure au dépôt des offres.
257. Les entreprises expliquent que le contenu des notes manuscrites saisies chez SAF avait trait, d'une part à la fourniture de main d'œuvre par SAF et ses sous-traitants, et d'autre part à la fourniture de prestation d'installation de matériels électriques par Cegelec. Elles soulignent également que les premières discussions ont eu lieu après l'attribution du marché et ont été approfondies en juillet et août pour aboutir à la signature de conventions de sous-traitance en septembre 1998. De fait, les informations apportées notamment par SAF et Cegelec précisent clairement la nature et le montant des travaux sous-traités. Au regard de ces explications, aucun élément ne montre que les évaluations en cause ont été faites dans le cadre d'échanges d'informations antérieures au dépôt des offres.
258. En conséquence, il n'est pas établi que SAF, la SA Cegelec et Graniou A2R ont mis en œuvre une pratique anticoncurrentielle sur le marché de l'installation de la station principale de Trigny.
10. L'ENTENTE SUR LE MARCHE D'INSTALLATION D'EQUIPEMENTS ELECTRIQUES ET ELECTRONIQUES AU CRNA SUD-EST D'AIX-EN-PROVENCE (GRIEF N° 10)
259. Les notes manuscrites présentées aux paragraphes 112 et 114 qui ont été saisies au sein de l'entreprise EPI (cotes 331 et 332) font apparaître que celle-ci a discuté avec EI et Spie Trindel de contrats de sous-traitance non déclarés (cotes 4949-4968), EPI obtenant seule le marché (cote 4296).
a) Arguments des parties
Observations de la société Spie SA
260. Cette société observe que le contrat de sous-traitance passé par Spie Trindel avec EPI ne concernait pas la partie installation, objet du marché, mais seulement la fabrication d'un matériel spécifique, à savoir des châssis construits par Spie Trindel et des chariots à imprimante intégrée aux meubles ODS que Spie Trindel était la seule entreprise à savoir fabriquer, ce que du reste n'ignorait pas le STNA. Elle produit à l'appui de ses écritures une plaquette du STNA relatif au système ODS montrant que Spie Trindel était considérée comme le fournisseur naturel de ce mobilier à installer dans les CRNA.
Observations des sociétés Eurelec Midi Pyrénées et de la société IneoSA
261. Eurelec Midi Pyrénées, anciennement EPI, observe que ne fabriquant pas de meubles intégrés dans les équipements de ce marché, elle a naturellement passé commande à l'usine d'Arras de Spie Trindel. Ineo SA, pour les sociétés Coris et EI, avance de son côté que le grief notifié ne la concerne pas du fait que le rapport administratif ne présente aucun élément montrant qu'une sous-traitance pour Spie Trindel ou EPI a été envisagée.
b) Appréciation du Conseil
262. Les documents sur lesquels est fondé le grief notifié sont d'une part des notes manuscrites portant les dates des 21 et 25 avril 2000 saisies au sein d'EPI mentionnant EI, Coris et Spie Trindel, d'autre part une déclaration de cette dernière société reconnaissant que son intervention en tant que sous-traitant sur ce marché a été envisagée avant la réponse à l'appel d'offres.
263. Ces notes manuscrites d'avril 2000 sont effectivement postérieures à la date limite de dépôt des offres le 15 décembre 1999 ainsi qu'à la date d'attribution du marché le 14 janvier 2000. Elles peuvent dans ces conditions indiquer seulement que ces entreprises se sont rencontrées après cette date pour parler de la sous-traitance de ce marché. De fait, figure dans le dossier un contrat de sous-traitance signé entre Spie Trindel et EI Midi-Pyrénées le 24 avril 2000 qui ne précise pas la nature des travaux sous-traités mais confirme cependant les déclarations des entreprises (cotes 405-412). Par ailleurs, les pièces produites par Spie Trindel, qui montrent que l'entreprise était incontournable pour la fourniture des pupitres ODS et que le STNA le reconnaissait, ne peuvent être contredites par d'autres éléments du dossier.
264. En conséquence, il n'est pas établi que Spie Trindel, Coris, EI et EPI, désormais dénommée Eurelec Midi Pyrénées, ont adopté sur ce marché un comportement anticoncurrentiel.
D. SUR LES SANCTIONS
265. Les pratiques retenues ont été commises antérieurement au 18 mai 2001 date de l'entrée en vigueur de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques. En vertu de la non rétroactivité des lois à caractère punitif, les dispositions introduites par cette loi à l'article L. 464-2 du Code de commerce, en ce qu'elles sont plus sévères que celles qui étaient en vigueur antérieurement, ne leur sont pas applicables.
266. Aux termes de l'article L. 464-2 du Code commerce dans sa rédaction applicable avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2001 : " Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement soit en cas de non exécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ou de l'organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 % du chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au cours du dernier exercice clos. "
1. SUR LA GRAVITE DES PRATIQUES
267. Les pratiques en cause ont consisté en des échanges d'informations sur les données techniques, les coûts, la stratégie commerciale et les prix proposés par les entreprises. Elles ont eu pour objet et pour effet de désigner à l'avance les attributaires des marchés concernés.
268. Ces pratiques sont aussi le fait d'entreprises de grande renommée, de taille nationale ou internationale qui avaient l'habitude de soumissionner à des marchés publics et ne pouvaient, en conséquence, ignorer la portée de leurs actes.
269. Par ailleurs, les marchés en cause portaient sur des installations de grande technicité, et pour lesquelles l'exigence de fiabilité était très élevée s'agissant de la sécurité aérienne. Il en résulte que seul un petit nombre d'opérateurs était susceptible de répondre à ces appels d'offres, certains de ces opérateurs étant incontournables parce qu'ils disposaient d'un monopole de fait sur certains équipements ou installations. Le recours à des appels d'offre restreints, au moins jusqu'au début de l'année 2000, limitait de fait l'accès au marché d'autres entreprises. Les pratiques constatées sont donc d'une gravité particulière dans la mesure où elles ont empêché le maître d'ouvrage de faire pleinement jouer la concurrence dans un secteur où les entreprises capables de mettre en œuvre des matériels et des prestations de haute technologie étaient peu nombreuses.
270. Cette situation eut exigé que les entreprises en cause manifestent un extrême scrupule dans la préparation de leurs offres afin d'en maintenir l'indépendance et de laisser jouer la concurrence. Au contraire, les entreprises en cause ont mis à profit ces circonstances pour exploiter la situation au détriment du maître d'ouvrage, en justifiant leurs concertations par des prétextes techniques, en dissimulant au maître d'ouvrage les sous-traitances qu'elles envisageaient, et en poursuivant de telles pratiques alors même que le maître d'ouvrage s'était ému des conditions dans lesquelles elles avaient élaboré leurs propositions, par exemple dans les marchés concernés par les griefs n° 2 et 3. En conséquence, le Conseil estime que les pratiques en cause sont d'une grande gravité.
271. L'Entreprise Industrielle et Spie Trindel ont en outre accentué la gravité de leur comportement dans la mesure où, en adoptant celui-ci, elles se sont mises en situation de réitération.
272. La réitération des pratiques est depuis longtemps considérée par le Conseil de la concurrence comme une circonstance aggravante justifiant une élévation de la sanction notamment au regard de l'objectif de dissuasion que poursuit sa politique de sanctions. La Cour d'appel de Paris, dans l'arrêt du 6 mai 1997 (société Bouygues), a jugé à cet égard : " [l]es sanctions administratives prononcées par le Conseil de la concurrence ne revêtent pas un caractère pénal et (...) aucune disposition légale ne prévoit qu'il soit fait application des règles pénales de la récidive (...) [mais] (...) pour apprécier la gravité du comportement des entreprises et sans qu'il puisse pour autant être soutenu qu'il ferait ainsi application des règles de la récidive, le Conseil peut prendre en considération la réitération, par elles, de pratiques anticoncurrentielles (...) en relevant, comme en l'espèce, qu'elles avaient déjà été sanctionnées pour avoir recouru à de telles pratiques à l'occasion de précédents marchés publics et qu'ainsi elles n'en ignoraient ni le caractère prohibé, ni le risque de sanction qu'elles encouraient si elles les mettaient en œuvre ".
273. A l'occasion de l'adoption de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, le législateur a modifié l'article L. 464-2 du Code de commerce pour améliorer la visibilité de ce critère de sanction des pratiques anticoncurrentielles. La réitération est désormais expressément visée comme l'un des éléments que le Conseil doit prendre en compte pour infliger une sanction pécuniaire. Toutefois, rien n'empêche celui-ci, sur le fondement de la jurisprudence antérieure, de tenir compte de cet élément dans des situations telles que celles de l'espèce où, compte tenu de la période des faits en cause, c'est l'article L. 462-4 dans sa version précédant la loi du 15 mai 2001 qui s'applique.
274. Dans l'arrêt du 6 mai 1997, précité, la Cour d'appel de Paris a néanmoins rappelé que : " (...) le principe de la contradiction devant être pleinement observé au cours de la procédure instruite devant le Conseil, il appartient à celui-ci de porter à la connaissance des parties, au plus tard lors de la notification du rapport afin de leur permettre de répondre utilement, l'ensemble des éléments pouvant être retenus pour déterminer le montant de la sanction susceptible de leur être infligée ". En l'occurrence, dans le rapport, le rapporteur a bien abordé ce point et indiqué les éléments qui pouvaient être pris en compte à cet égard (points 260 et 261 du second rapport, ainsi que page 40 du premier rapport).
275. Sur le fond, les conditions dans lesquelles une situation de réitération est retenue ont été rappelées de manière détaillée dans la décision n° 07-D-33 du 15 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l'accès à Internet à haut débit (paragraphes 116 à 126).
276. En substance, il est possible de retenir une situation de réitération lorsqu'une entreprise adopte à nouveau des pratiques identiques ou similaires, soit par leur objet, soit éventuellement par leur effet, à de précédentes pratiques ayant déjà donné lieu à son égard à un constat d'infraction au droit de la concurrence (constat n'impliquant pas nécessairement une sanction pécuniaire) et lorsqu'au moment où ce nouveau comportement est sanctionné, la décision par laquelle le comportement antérieur a été constaté a acquis un caractère définitif.
277. Des décisions constatant des infractions dans le chef des sociétés L'Entreprise Industrielle et Spie Trindel, pour des comportements identiques ou similaires à ceux relevés dans la présente affaire, ont été adoptées avant que ces derniers n'interviennent et ces décisions ont désormais un caractère définitif.
278. L'Entreprise Industrielle a été déjà condamnée à plusieurs reprises par le Conseil de la concurrence pour des pratiques d'entente, en particulier par la décision n° 00-D-34 du 18 juillet 2000 relative à des pratiques d'entente relevées lors de la passation de plusieurs marchés d'électrification rurale dans le département d'Eure-et-Loir, rendue quelques mois avant que L'Entreprise Industrielle n'adopte, entre septembre et novembre 2000, les comportements constatés au titre du grief n° 6 concernant l'installation du nouveau bloc technique du CRNA Sud-ouest. Cette décision est à ce jour définitive à la suite du rejet le 5 décembre 2000 du recours formé à son encontre devant la Cour d'appel de Paris.
279. La société Spie Trindel a été l'objet d'une décision du Conseil n° 98-D-26 du 7 avril 1998 relative à des pratiques d'entente relevées sur le marché de la rénovation des installations de chauffage du parc scientifique technologique de Luminy. Les pratiques constatées dans le présent dossier ont été mises en œuvre à l'occasion du marché d'installation et de câblage du centre en route d'Athis-Mons, objet du grief n° 5, entre avril 1999 et mars 2000. Elles sont donc postérieures à la décision précitée du 7 avril 1998, qui est à ce jour définitive à la suite du rejet le 19 janvier 1999 du recours formé à son encontre devant la Cour d'appel de Paris qui a fait l'objet d'un pourvoi rejeté le 2 avril 2001 par la Cour de cassation.
280. Il y a donc lieu de tenir compte d'une situation de réitération pour déterminer la sanction applicable aux comportements de l'Entreprise Industrielle et de Spie Trindel.
2. SUR LE DOMMAGE A L'ECONOMIE
281. Comme l'a précisé le Conseil de la concurrence dans son rapport annuel pour 1999, le dommage à l'économie " ne peut être évalué qu'en comparant la situation résultant de la pratique à la situation qui aurait prévalu en l'absence de cette pratique ".
282. Une telle évaluation est en l'espèce rendue difficile du fait que ces marchés, propres au STNA, ne sont comparables ni dans leur montant financier, ni dans leur contenu. Ces marchés sont aussi très évolutifs sur le plan technique et donc difficiles à comparer dans le temps. On peut toutefois estimer qu'en trompant le maître d'ouvrage sur la réalité de leur compétition, les entreprises ont faussé son jugement sur la valeur objective des offres et l'ont conduit en conséquence à accepter pour ces marchés des prix excessifs. Le STNA a selon toute vraisemblance payé les prestations demandées plus cher que si la concurrence n'avait pas été faussée. En l'occurrence, c'est aussi le contribuable qui a pâti des comportements anticoncurrentiels.
283. L'argument avancé selon lequel les pratiques visées n'auraient pas eu d'effet sur les prix au détriment de l'acheteur public, compte tenu du fait que celui-ci utilisait des procédures négociées d'appel d'offre restreint, n'écarte pas l'existence d'un dommage pour la collectivité et pour les autres concurrents dont les offres n'ont pu être appréciées dans un contexte de compétition non faussée.
284. Il résulte par ailleurs d'une jurisprudence constante concernant les ententes anticoncurrentielles en matière de marchés faisant appel à la concurrence que le dommage causé à l'économie par ces pratiques est indépendant du dommage souffert par le demandeur et s'apprécie en fonction de l'entrave directe portée au libre jeu de la concurrence, notamment au titre de la malheureuse valeur d'exemple qu'elles peuvent avoir (voir par exemple la décision du Conseil n° 07-D-02 du 23 janvier 2007 relative à des pratiques ayant affecté l'attribution de marchés publics et privés dans le secteur de l'élimination des déchets en Seine-Maritime). L'exemple donné par les entreprises en cause est d'autant plus négatif qu'elles appartiennent à de grands groupes connus dont la réputation est un facteur d'entraînement pour des entreprises plus modestes.
285. Il y a enfin lieu de tenir compte non seulement de la valeur des marchés gagnés par les entreprises en cause dans le cadre de leurs ententes, mais aussi de celle des marchés perturbés par celles-ci, même si les entreprises en cause ne les ont finalement pas obtenus.
286. Les marchés particuliers passés par le STNA, qui ont fait l'objet d'une analyse précise et donné lieu aux griefs notifiés sur des marchés précisément identifiés, ont représenté environ 6 millions d'euro. Comme indiqué au paragraphe 19, les sociétés en cause ont réalisé entre 1998 et 2000 des travaux représentant 43 % du total des marchés d'installation électriques et électroniques passé par le STNA. Ce chiffre atteint 54 % si on tient compte des travaux obtenus en groupement. Celui-ci a évalué à environ 45 MF en moyenne annuelle entre 1995 et 1998 le montant des marchés de ce type.
287. Toutefois, les chiffres communiqués pour la période postérieure à 2000 font apparaître que les entreprises mises en cause dans le dossier n'ont pas exécuté la part la plus importante de ces marchés passés dans le cadre d'une procédure formalisée et réellement notifiés aux entreprises (cote 4555). Le montant total des marchés passés par ces procédures formalisées et obtenus par elles entre 2000 et 2005 ne représente en effet que 27 % du montant total payé par le STNA sur la période, ainsi que le montre le tableau du paragraphe 19.
288. Enfin, s'il a été démontré que les entreprises ont mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles sur six marchés particuliers lancés par le SNTA, qui ont fait l'objet des griefs n° 2, 3, 4, 5, 6, et 7 et qui ont été attribués pour un montant total d'environ 6,45 millions d'euro, il convient de tenir compte du fait que s'agissant du grief n° 2, le marché a été attribué à une entreprise extérieure à l'entente et, que sur les marchés faisant l'objet des griefs n° 4, 5 et 7, l'entente entre les entreprises n'a pas éliminé les offres concurrentes.
289. En conclusion, le Conseil estime que le dommage à l'économie occasionné par les pratiques de l'espèce peut être qualifié de sévère, tant en raison de la taille des marchés atteints que du fait de la triste valeur de l'exemple donné à tous les acteurs de la vie économique par des entreprises relevant des plus grands et célèbres groupes français.
3. SUR LE MONTANT DES SANCTIONS
290. Pour calculer le montant de la sanction infligée à chaque entreprise, le Conseil tient compte de la gravité de la pratique et de l'importance du dommage causé à l'économie. En ce qui concerne la situation particulière de l'entreprise en cause, le Conseil estime que ce montant doit être proportionnel au nombre d'ententes auxquelles cette entreprise a participé et à l'éventuelle réitération des pratiques prohibées.
a) A la société Thales Services Industrie
291. La société Thales Services Industrie est mise en cause pour elle-même du fait de ses agissements lorsqu'elle se dénommait Thomson-CSF Services Industrie. Elle a participé à trois ententes : sur le marché de la construction de quatre satellites et d'un relais hertzien, sur le marché d'installation du CRNA/Nord d'Athis-Mons et sur le marché du centre réception de Champcueil et du centre d'émission d'Etampes. Le montant des marchés affectés par ces ententes, évalué sur la base des offres les moins disantes, est de l'ordre de 2 400 000 euro.
292. Thales Services Industrie a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxe nul au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006, dernier exercice clos disponible. En fonction de cet élément, aucune sanction ne peut lui être infligée.
b) A la SAS Thales Security System
293. La société Thales Security System est mise en cause pour le compte de la société Thomson CSF Inexel qui a participé à deux ententes : sur le marché des travaux d'installation et de câblage du centre en route d'Athis-Mons et sur le marché d'installation du bloc technique du CRNA Sud-Ouest. Le montant des marchés affectés par ces ententes, évalué sur la base des offres les moins disantes, est de l'ordre de 3 870 000 euro.
294. Thales Security System a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxes de 60 978 378 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006 et un résultat courant déficitaire de 13,6 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels constatés précédemment, il y a lieu de lui infliger une amende de 610 000 euro.
c) A la société Ineo SA
295. La société Ineo SA est mise en cause pour le compte des sociétés l'Entreprise Industrielle et Coris qui ont participé chacune à la même entente sur le marché de l'installation du bloc technique du CRNA Sud-Ouest. Ineo SA est mise en cause également pour le compte de la société SEEE, dénommée ultérieurement Ineo Centre, qui a participé à trois ententes : sur le marché de la construction de quatre satellites et d'un relais hertzien, sur le marché des travaux d'installation et de câblage du centre en route d'Athis-Mons et sur le marché du centre de réception de Champcueil et du centre d'émission d'Etampes. Le montant des marchés affectés par ces ententes, évalué sur la base des offres les moins disantes, est de l'ordre de 5 630 000 euro.
296. Ineo SA a absorbé Ineo Centre le 30 novembre 2007, onze jours avant la séance examinant les faits. La nouvelle société ne dispose donc pas de comptes arrêtés. En l'absence de chiffre d'affaires consolidé postérieur à cette fusion-absorption à la date de la présente décision, il y a lieu de prendre en compte les derniers chiffres d'affaires disponibles des deux entités objet de ladite opération. A cet égard, Ineo Centre a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxes de 55 102 953 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006. Pour sa part, Ineo SA affiche en France un chiffre d'affaires hors taxes négatif de 709 547 euro pour l'exercice clos le 31 décembre 2006. La présence d'un chiffre d'affaires négatif ne permet pas d'établir le montant du plafond de la sanction imputable sur le fondement de l'article L. 464-2 du Code de commerce. A cet égard, le représentant d'Ineo SA a exposé que ce chiffre d'affaires négatif correspond à des ristournes obtenues par la société Ineo SA en 2005 et rétrocédées à ses filiales en 2006. Le Conseil observe également que le rapport sur les comptes annuels de la société au 31 décembre 2006 indique que les refacturations de loyers et autres charges de frais généraux qui étaient inclus dans le chiffre d'affaires 2005 sont comptabilisées en 2006 dans la rubrique autres produits. Ce chiffre d'affaires négatif a donc, au sens propre, un caractère exceptionnel puisqu'il résulte de la remontée d'opérations exceptionnelles, normalement prises en compte dans le bas du compte d'exploitation, dans la première ligne de ce compte : le chiffre d'affaires, et de la déduction de ce chiffre d'affaires d'opérations désormais descendues en opérations exceptionnelles. Dans ces conditions, il y a lieu de prendre en compte le dernier chiffre d'affaires disponible d'Ineo SA ayant une signification économique au regard des exigences relatives au calcul du plafond de la sanction figurant à l'article L. 464-2 du Code de commerce, à savoir celui de l'exercice clos le 31 décembre 2005, qui s'élève à 11 838 916 euro. Il résulte de ce qui précède que pour le calcul de la sanction pécuniaire imputée à Ineo SA pour les agissements des entreprises L'Entreprise Industrielle, Coris et SEEE qu'il a successivement absorbées, doit être pris en compte un chiffre d'affaires de 55 102 953 + 11 838 916 soit : 66 941 869 euro.
297. En fonction des éléments généraux et individuels constatés précédemment, notamment au paragraphe 278, il y a lieu d'infliger à Ineo SA une amende de 2 000 000 euro.
d) A la société Spie SA
298. La société Spie SA est mise en cause pour le compte de la société Spie Trindel qui a participé à une entente sur le marché de l'installation et du câblage du centre en route d'Athis-Mons. Le montant du marché affecté par cette entente, évalué sur la base de l'offre la moins disante, est de l'ordre de 285 000 euro.
299. Spie SA a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxes de 63 368 576 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006. En fonction des éléments généraux et individuels constatés précédemment, notamment au paragraphe 279, il y a lieu de lui infliger une amende de 470 000 euro.
e) A la société Eurelec Midi-Pyrénées
300. La société Eurelec Midi-Pyrénées est mise en cause pour elle-même, du fait de ses agissements lorsqu'elle se dénommait EPI. Elle a participé à deux ententes : sur le marché de l'installation de la régie provisoire de l'aéroport de Montpellier et sur le marché de l'installation et du câblage du centre en route d'Athis-Mons. Le montant des marchés affectés par ces ententes, évalué sur la base des offres les moins disantes, est de l'ordre de 470 000 euro.
301. Eurelec Midi-Pyrénées a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxes de 9 002 952 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006, dernier exercice clos disponible. En fonction des éléments généraux et individuels constatés précédemment, il y a lieu de lui infliger une amende de 90 000 euro.
f) A la SAS Graniou Azur
302. La société Graniou Azur a participé à une entente sur le marché de l'installation de la régie provisoire de l'aéroport de Montpellier. Le montant du marché affecté par cette entente, évalué sur la base de l'offre la moins disante, est de l'ordre de 184 000 euro.
303. Elle a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxes de 32 339 153 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006, dernier exercice clos disponible. En fonction des éléments généraux et individuels constatés précédemment, il y a lieu de lui infliger une amende de 160 000 euro.
g) A la société SAF
304. La société SAF a participé à une trois ententes : sur le marché des travaux d'installation de la régie provisoire de l'aéroport de Montpellier, sur le marché d'installation du CRNA d'Athis-Mons et sur le marché d'installation et de câblage du centre en route d'Athis-Mons. Le montant des marchés affectés par ces ententes, évalué sur la base des offres les moins disantes, est de l'ordre de 1 116 000 euro.
305. SAF a réalisé en France un chiffre d'affaires hors taxes nul au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006, dernier exercice clos disponible. En fonction de cet élément, aucune amende ne peut lui être infligée.
DÉCISION
Article 1 : Les pratiques anticoncurrentielles ayant fait l'objet des griefs notifiés aux sociétés Cegelec SA, Cegelec Paris (RCS 419 390 521) et Établissements Jean Graniou ne sont pas établies.
Article 2 : Il est établi que les sociétés Thomson-CSF Services Industrie, Thomson-CSF Inexel, L'Entreprise Industrielle, Coris, SEEE, Electricité Provence Côte d'Azur (EPI), Spie Trindel, Graniou Azur et SAF ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Article 3 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :
à la société Thales Security System une sanction de 610 000 euro ;
à la société Ineo SA une sanction de 2 000 000 euro ;
à la société Spie SA une sanction de 470 000 euro ;
à la société Eurelec Midi-Pyrénées une sanction de 90 000 euro ;
à la société Graniou Azur une sanction de 160 000 euro.