Livv
Décisions

Conseil Conc., 18 décembre 2007, n° 07-D-48

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du déménagement national et international

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Vendrolini, par M. Lasserre, président, présidant la séance, Mmes Aubert, Perrot, vice-présidentes, Mmes Pinot, Xueref, MM. Dalin, Honorat, Piot, membres.

Conseil Conc. n° 07-D-48

18 décembre 2007

Le Conseil de la concurrence (section III B),

Vu la demande des sociétés Sirva Inc., Allied Arthur Pierre SA et Maison Huet SA, enregistrée sous le numéro 03/0074 AC, adressée au rapporteur général du Conseil de la concurrence le 21 octobre 2003, tendant à obtenir le bénéfice du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu les procès-verbaux des 21 octobre et 5 novembre 2003, les télécopies des 31 octobre et 12 novembre 2003, les procès-verbaux du 13 février et 19 avril 2004 des sociétés Sirva Inc., Allied Arthur Pierre SA et Maison Huet SA ; Vu l'avis conditionnel de clémence n° 04-AC-02 du 27 juillet 2004 ; Vu la décision n° 04-SO-06 en date du 27 juillet 2004, par laquelle le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office, sous le numéro 04/0093 F, des pratiques susceptibles d'être mises en œuvre dans le secteur du déménagement national et international ; Vu l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ; Vu les décisions de secret des affaires n° 07-DSA-01, 07-DSA-02, 07-DSA-03, 07-DSA-04, 07-DSA-05 du 4 janvier 2007, n° 07-DSA-157, 07-DSA-158 du 24 juillet 2007, n° 07-DSA-83 du 26 mars 2007, n° 07-DSA 169, 07-DSA-170 du 30 juillet 2007 et les décisions n° 07-DEC-04, 07-DEC-05, 07-DEC-06, 07-DECR-04, 07-DECR-06, 07-DECR-05 du 26 mars 2007 autorisant l'utilisation de pièces classées en annexe confidentielle ; Vu le procès-verbal du 21 mai 2007 par lequel la société Raoult Grospiron International a demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 24 mai 2007 par lequel la société Sterling International Movers SA a demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 7 juin 2007 par lequel la société Déménagements Jean Gervais a demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 13 juin 2007 par lequel la société Interdean SAS a demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu le procès-verbal du 3 juillet 2007 par lequel l'entreprise Rubrecht Christian (DSM) a demandé à bénéficier des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés AGS Paris, Crown Worldwide SAS, Interdean SAS, Mobilitas, Raoult Grospiron International, Sirva SAS, Sterling International Movers SA, Transeuro Desbordes Worldwide Relocation, 12... (DSM), A. Ledeme Déménagements, Percot SAS, Le Déménageur Européen et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; La rapporteure, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les sociétés Sirva SAS, Crown Worldwide SAS, Transeuro Desbordes Worldwide Relocation, AGS Paris, Mobilitas, Interdean SAS, Raoult Grospiron International, Sterling International Movers, Percot SAS, Desnos, entendues lors de la séance du 21 novembre 2007 et les sociétés A. Ledeme Déménagements, Le déménageur Européen, Rubrecht Christian (DSM), Déménagements J. Gervais ayant été régulièrement convoquées ;

I. Constatations

A. LA SAISINE

1. La société Sirva Inc., dont le siège social est situé aux États-Unis, et ses filiales françaises Allied Arthur Pierre SA et Maison Huet SA (devenue Sirva SAS, sise Zone industrielle du Petit Parc 78920 Ecquevilly) exercent leur activité dans le secteur du déménagement national et international, principalement de domiciles.

2. Par procès-verbal en date du 21 octobre 2003, elles ont sollicité auprès du rapporteur général du Conseil de la concurrence, par l'intermédiaire de leurs conseils, l'application d'une mesure de clémence sur le fondement du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

3. Au soutien de leur demande, les sociétés ont apporté au Conseil des informations et des pièces couvrant la période comprise entre 1989 et 2003, tendant à établir l'existence, en France, de pratiques d'entente dans le secteur du déménagement national et international de domiciles, impliquant outre Allied Arthur Pierre SA (ci-après " AAP ") et Maison Huet SA (ci-après " Maison Huet "), les sociétés Bailly, Bedel, Transeuro Desbordes Worldwide Relocation (ci-après " Transeuro "), Global, Raoult Grospiron International (ci-après " Grospiron "), Homepack, Interdean SAS (ci-après " Interdean "), Sterling International Movers SA (ci-après " Sterling "), AGS Paris et Crown Worldwide SAS (ci-après " Crown ").

1. LES PRATIQUES DENONCEES PAR LA SOCIETE SIRVA INC. ET SES FILIALES FRANÇAISES

a) Les pratiques d'entente dans le cadre des réunions du " Club "

Les déclarations des sociétés requérantes

4. D'après les déclarations des conseils des sociétés à l'origine de la demande de clémence (ci-après " Sirva " ou " les requérantes ") recueillies par procès-verbal du 5 novembre 2003, les principales entreprises du secteur du déménagement international se réunissent de manière informelle depuis le milieu des années 1970, le plus souvent dans le bistrot " Le Club " de l'hôtel " Le Méridien " de la Porte Maillot à Paris.

5. Ces réunions auraient regroupé, depuis l'année 2000, les sociétés AGS Paris, AAP, Crown, Interdean, Maison Huet, Grospiron, Sterling et Transeuro. Sur une période antérieure (1976-2000), auraient également été présentes à ces réunions les entreprises Bailly, Bedel, Global et Homepack.

6. Les réunions dénoncées, qui se déroulent jusqu'à trois fois par an, sans calendrier précis, sont désignées sous les termes " Club ", " Porte Maillot " ou " Méridien ", soit par la mention du nom d'une société, ou de celui de son directeur général, signifiant que l'invitation à participer à la réunion a été émise par cette société ou ce directeur général.

7. La dernière réunion à laquelle aurait participé la société AAP est celle du 23 avril 2003. S'agissant de la société Maison Huet, la cessation de la participation aux réunions du Club daterait du mois de juin 2002. D'après les dernières déclarations de Sirva, ces pratiques se seraient poursuivies jusqu'au mois de février 2005 : " Cette réunion [la dernière réunion du Club] devait se tenir le 9 février 2005 à 14 H 30 dans les locaux de la société AGS Paris. Cette réunion doit être accolée à une réunion de la FIDI ".

8. Les sociétés requérantes ont précisé que, lors des réunions du " Club ", divers sujets étaient discutés, tels que l'évolution du marché, la demande des clients et, à certaines occasions, des questions relatives aux prix, notamment lors des réunions du mois d'avril 2003.

9. En effet, il résulte des déclarations de Sirva que les réunions du Club des 15 et 23 avril 2003 ont eu pour objet l'échange d'informations sur les prix pratiqués ou les coûts et la détermination d'une fourchette de prix à l'intérieur de laquelle chaque participant à la concertation s'engageait à demeurer :

" La réunion du 15 avril 2003 :

A la suite d'un appel téléphonique d'un client à Allied Arthur Pierre, au cours duquel ce client avait indiqué qu'il avait reçu une proposition très basse d'un concurrent (Interdean) et avait demandé à Allied Arthur Pierre de faire une offre encore plus favorable, M. Z... (Allied Arthur Pierre) a contacté M. A... (Interdean) afin de lui demander si Interdean avait effectivement formulé une telle proposition. Lors de la discussion qui s'en est suivie, il est clairement apparu qu'Interdean n'avait pas émis une telle proposition. La décision a alors été prise de contacter les autres membres du Club afin de déterminer s'ils avaient connu des expériences similaires et ensuite de procéder à une réunion des membres. M. A... et M. Z... ont chacun contacté un certain nombre de concurrents par téléphone et une première réunion a eu lieu le 15 avril 2003 au Club de l'hôtel Méridien Porte Maillot. Les Directeurs généraux suivants étaient présents :

M. B... (AGS),

M. Z... (Allied Arthur Pierre),

M.C... (Crown),

M. Y... (Grospiron),

M. A... (Interdean),

M. X... (Sterling) et

M. D... (Team).

Dans l'agenda de Monsieur Z... du 15 avril 2003, la réunion est désignée sous le terme " Réunion Déménageurs Porte Maillot ". Lors de la réunion du 15 avril 2003, nous comprenons qu'une discussion ouverte est intervenue sur les coûts et/ou les prix pratiqués par les participants. Il a été convenu d'établir une comparaison précise des prix et/ou des coûts de toutes les sociétés présentes concernant une série de destinations précises. Le but de cet exercice était de vérifier des différences de prix importantes s'agissant de certaines destinations.

Les appels téléphoniques des 21 et 23 avril 2003 :

M. A... et M. Z... ont coordonné les appels téléphoniques qui eurent lieu les 21 et 22 avril 2003. A l'occasion de ces appels téléphoniques, les chiffres ont été demandés et obtenus auprès de tous les membres du club pour certaines destinations sélectionnées, telles que :

New York, Los Angeles, San Francisco, Houston, Tokyo, Hong Kong et Shanghai. Pour ces destinations, des chiffres ont été échangés en ce qui concerne les conteneurs de 20 pieds et de 40 pieds.

La réunion du 23 avril 2003 :

Le 23 avril 2003 a eu lieu dans un restaurant nord-africain situé juste à côté de l'hôtel Méridien, Porte Maillot, une réunion de plus grande importance en présence des directeurs généraux. Les représentants de Crown étaient absents lors de cette deuxième réunion. En plus des directeurs généraux, les responsables des ventes suivants étaient présents :

M. E... (AGS),

M. F... (Allied Arthur Pierre),

Mme G... (Grospiron),

Mme H... (Interdean),

Mme I... (Team).

Il est fait mention dans l'agenda de M. Z..., au 23 avril 2003, d'une assemblée Porte Maillot à 19 heures. Nous comprenons qu'au cours de cette réunion, les prix relatifs aux destinations citées précédemment ont été discutés, conjointement avec les frais généraux de chacun des concurrents et les taux des primes d'assurance répercutés sur les clients. Le but de ces réunions était de déterminer si les prix des différents concurrents rentraient dans la même fourchette et il a été jugé souhaitable que toutes les entreprises restent dans la même fourchette. A notre connaissance, suite à ces discussions, Crown au moins a aligné ses prix sur ceux pratiqués par les autres concurrents sur le marché " (procès- verbal d'audition du 5 novembre 2003).

Les éléments de preuve communiqués

10. A l'appui de leurs déclarations, les sociétés à l'origine de la demande de clémence ont communiqué au Conseil de la concurrence certains éléments de preuve, à savoir : • Des extraits de l'agenda du représentant de la société Sirva, M. Z... mettant en évidence la tenue de 18 réunions du Club entre 1989 et 2003 (voir tableau réalisé ci- dessous) ;

Tableau n° 1 : Les mentions figurant sur l'agenda de M. Z... de la société Allied Arthur Pierre

<emplacement tableau>

• une liste récapitulant les noms des concurrents qui étaient membres du Club à la date de la réunion du 23 avril 2004 ;

• la copie des tickets de stationnement ou de notes de restaurants de M. Z... correspondant aux réunions des 1er février 1993, 20 novembre 1996, 7 avril 1999 et 6 avril 1999.

b) Les pratiques de devis de complaisance

Le système des devis de complaisance

11. Les sociétés requérantes ont également dénoncé la participation des entreprises membres du Club et des sociétés Mory, Les déménageurs européens, SDV et Ricard à des pratiques d'obtention et de fourniture de devis de complaisance (également dénommés " DDCs ") relatifs aux déménagements internationaux et nationaux de membres de l'armée française.

12. Lors de l'audition du 5 novembre 2003, elles ont expliqué le système des devis de complaisance comme suit : " [Il] était en général mis en œuvre lorsqu'un fonctionnaire d'un organisme étatique devait déménager, le plus souvent pour un pays étranger. Un tel système a également pu fonctionner dans le cas du déménagement d'un salarié d'une entreprise privée :

- lorsqu'un organisme étatique souhaite qu'un fonctionnaire déménage, il consent généralement à ce que les coûts de déménagement de ce dernier lui soient payés, en intégralité ou pour partie. Néanmoins, il confie au fonctionnaire le soin d'obtenir des devis, en général de trois entreprises (...) différentes (...) ; Dans le cas des devis de complaisance, le fonctionnaire prenait contact avec l'entreprise de déménagement de sa préférence et lui demandait un devis. (...) Au cours des négociations, les parties convenaient de ce que l'entreprise de déménagement en question obtiendrait par elle-même deux devis de la part de ses concurrents (...). Ainsi, l'entreprise contactait en général deux de ses concurrents et leur demandait d'émettre un devis pour son client. L'entreprise indiquait généralement le prix et les autres éléments d'information que ces concurrents doivent indiquer dans leurs devis (....). Le fonctionnaire obtenait ainsi le devis de l'entreprise de sa préférence ainsi que les devis de complaisance et les remettait à l'organisme étatique. A notre connaissance, les devis de complaisance ont été utilisés principalement dans le cadre de déménagements de membres de l'armée française. En règle générale en effet, le ministère de la défense exigeait trois devis pour les déménagements militaires à caractère international et deux devis pour les déménagements militaires à caractère national ".

Les devis de complaisance établis par la société Maison Huet

13. Maison Huet aurait sollicité, chaque année depuis 1976, de la part d'entreprises concurrentes, la fourniture de devis de complaisance pour la réalisation de déménagements de militaires (environ 30 sur les 200 réalisés chaque année). Jusqu'à mi-2003, des devis de complaisance auraient, également, pu être demandés ou fournis à Maison Huet par sa société soeur, la société AAP.

14. En 1999, un logiciel spécifique a été élaboré par Maison Huet, afin de faciliter l'édition de ces devis de couverture. Les conseils des sociétés demandeuses de clémence ont précisé lors de leur audition : " Une première version du logiciel fut élaborée en 1999/2000 (...). Ce logiciel a été remplacé par une nouvelle version en 2001 (...). Lorsqu'un devis était établi par Maison Huet, un numéro était affecté à ce devis. Quand un devis de complaisance était demandé pour un déménagement, il suffisait d'introduire le numéro du vrai devis devant être présenté par Maison Huet et le logiciel copiait automatiquement les informations relatives au client à déménager sur le vrai devis et calculait un nouveau prix (légèrement plus élevé) pour chacun des postes dans les devis de complaisance. Deux devis de complaisance étaient ainsi immédiatement prêts à être édités. Le projet de devis de complaisance ainsi préparé sur la base de ce logiciel était alors envoyé aux concurrents par l'intermédiaire [d'un] télécopieur spécial. Les concurrents imprimaient alors apparemment le devis de complaisance sur une lettre à en-tête et l'envoyaient au client ". Ce logiciel aurait été désactivé au mois de décembre 2002.

15. Les sociétés requérantes ont remis au Conseil de la concurrence, une copie du logiciel (version 2001) sur CD rom et en version papier accompagnée d'une impression d'un exemple de fonctionnement du logiciel, les copies des devis édités à partir de ce logiciel pour les déménagements nationaux et internationaux de militaires entre les mois d'avril 2001 et décembre 2002, ainsi que des documents faisant apparaître des demandes d'élaboration de devis de complaisance, à la société Maison Huet par des clients.

16. S'agissant de ces éléments de preuve, les conseils des sociétés requérantes ont précisé : " Les concurrents auxquels les projets de devis de complaisance ont été envoyés par télécopies n'ont pas été identifiés, car il n'y a personne au sein de l'entreprise aujourd'hui qui ait envoyé ces télécopies ou qui sache à qui elles ont été envoyées. Nous avons tout lieu de croire que ces télécopies n'ont été envoyées à aucune des principales entreprises internationales de déménagement, mais plutôt à des concurrents plus modestes qui ne seraient normalement pas impliquées dans des déménagements de militaires à caractère international ".

Les devis de complaisance établis par la société AAP

17. AAP aurait, également, été impliquée dans des pratiques d'obtention et de fourniture de devis de complaisance : " Nous comprenons que les devis de complaisance étaient réalisés sur demande des clients, qui étaient au courant de cette pratique et abordaient ouvertement la question. Les contacts entre Allied Arthur Pierre SA et les autres sociétés impliquées dans la pratique des devis de complaisance étaient selon notre compréhension, généralement initiés par un appel téléphonique au cours duquel les sociétés discutaient les détails des devis de complaisance devant être réalisés. Le DDC était parfois faxé par la société l'ayant établi à la société requérante pour approbation, avant d'être envoyé au client. Allied Arthur Pierre n'a cependant pas conservé de copies de ces correspondances. A notre connaissance, cette pratique a cessé depuis mi-2003. Nous avons trouvé des documents mettant en évidence l'implication des entreprises de déménagement suivantes : Mory, Grospiron, Les Déménageurs européens et SDV (...) " (procès-verbal d'audition du 5 novembre 2003).

18. AAP n'aurait conservé aucune copie papier des devis de complaisance. Cependant, certains dossiers de déménagement ont été communiqués au Conseil de la concurrence avec les précisions suivantes : " deux dossiers portant sur les années 1998 et 1999 comportant des devis de complaisance édités par la société Allied Arthur Pierre ; Douze dossiers relatifs à la période comprise entre le mois de janvier 2001 et juillet 2003 contenant des références à des devis de complaisance émis par des sociétés concurrentes à la demande de la société Allied Arthur Pierre ; Quatre dossiers contenant des références à des devis de complaisance et suggérant la participation à ces pratiques des entreprises Mory, Grospiron, Les déménageurs européens et SDV ".

La pratique des commissions

19. Les conseils des sociétés requérantes ont, enfin, dénoncé une pratique de versement de commissions réciproques entre concurrents qui aurait pour objet dans le cadre d'une répartition des prestations, de compenser des déménagements non réalisés ou moins intéressants : " A certaines occasions, Allied Arthur Pierre a pu être impliqué dans des accords avec des concurrents en vertu desquels ces concurrents se versaient des commissions réciproques en rapport avec des déménagements impliquant la France. Nous examinons actuellement la portée exacte de ces accords et informerons immédiatement le Conseil de la concurrence si nous venions à constater que de telles commissions étaient payées en exécution ou dans le cadre de comportements anticoncurrentiels ".

2. L'AVIS CONDITIONNEL DE CLEMENCE

20. Par un avis n° 04-AC-02 du 27 juillet 2004, le Conseil de la concurrence a accordé à la société Sirva Inc. et à ses filiales AAP et Maison Huet, le bénéfice conditionnel de la clémence, avec une exonération totale de sanction subordonnée au respect des conditions suivantes :

" - les éléments apportés par les entreprises devront concerner la période non prescrite et contribuer à établir la réalité des pratiques dénoncées, présentées comme étant anticoncurrentielles et à en identifier les auteurs ;

- les entreprises devront apporter au Conseil de la concurrence et aux services d'enquête du ministre de l'économie une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction et leur fournir tout élément de preuve qui viendrait en leur possession ou dont elles disposeraient sur les infractions suspectées ; Les entreprises devront, notamment, comme s'y est engagé en séance le conseil de la société Sirva Inc. et de ses filiales Allied Arthur-Pierre SA et Maison Huet SA, renoncer à toute exigence de confidentialité pour les documents nécessaires au bon déroulement de l'enquête ;

- elles devront mettre fin à leur participation aux activités illégales présumées, sans délai et au plus tard à compter de la notification du présent avis ;

- elles ne devront pas avoir pris de mesures pour contraindre d'autres entreprises à participer aux infractions ;

- elles ne devront pas avoir informé de leur demande les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées ".

21. A la suite de cet avis et par décision n° 04-SO-06 du 27 juillet 2004, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office des pratiques dénoncées. Par lettre du rapporteur général du 30 juillet 2004, une enquête a été confiée à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après " DGCCRF ").

22. Les services de la DGCCRF ont saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Versailles qui, par ordonnance datée du 6 avril 2005, les a autorisés à procéder à des opérations de visite et saisie dans les locaux des entreprises AGS Paris et sa société mère Mobilitas, Crown, Interdean, Grospiron et sa société mère Financière Grospiron, Sirva SAS, Sterling et Transeuro.

B. LE SECTEUR CONCERNE

1. LES PRESTATIONS DE DEMENAGEMENT

23. Un déménagement est une opération composée de plusieurs prestations successives. Elle comprend toujours l'emballage et le chargement des biens depuis l'ancien domicile, leur transport par voie routière, ferrée, maritime ou aérienne, de façon exclusive ou combinée et leur déchargement au nouveau domicile du client. A ces prestations de base, peuvent s'ajouter, en fonction des besoins et demandes du client, divers services complémentaires tels le service de garde-meubles et l'assurance-dommage.

a) Le service de garde-meubles

24. Le service de garde-meubles, qui peut concerner tout ou partie des meubles et objets mobiliers, est le prolongement des prestations de déménagement. Les particuliers y ont recours en cas de mutation à l'étranger (jours de transition entre les phases du déménagement, travaux en retard ou encore manque de place dans le nouveau logement).

b) L'assurance-dommage

25. Lors d'un déménagement, le professionnel est responsable des dommages éventuels survenus au mobilier dans la limite de sa garantie de responsabilité contractuelle c'est-à- dire à concurrence d'une somme plafonnée forfaitairement et hors cas de force majeure et vices propres ou dérèglement de la chose. Il peut arriver que le client juge cette garantie insuffisante et décide de s'assurer contre toute perte ou avarie que pourrait subir son mobilier du fait du déménagement (lors du transport ou de l'entreposage en garde- meubles). Les sociétés de déménagement proposent donc à leurs clients la souscription d'une assurance dommage " ad valorem " qui :

- basée sur la valeur déclarée du mobilier, couvre en totalité la valeur de celui-ci ;

- intervient sans que la responsabilité de la société de déménagement ait à être démontrée ;

- peut intégrer la couverture de risques non couverts par la garantie contractuelle (humidité et moisissure, dérangements électriques et électroniques, remplacement des paires et ensembles ou " pairs and sets ").

2. LES SEGMENTS D'ACTIVITE

26. Le marché du déménagement est composé de trois grands segments d'activité : le déménagement des particuliers, le déménagement d'entreprises ou d'administrations et le déménagement international. Les services concernés par la présente affaire sont principalement ceux du déménagement international de particuliers.

a) Le déménagement de particuliers

27. Le déménagement de particuliers est l'activité la plus répandue au sein de la profession. Au sein de cette catégorie, certains déménagements sont spécifiques. Il en est ainsi du déménagement de salariés et du déménagement de militaires. En effet, le salarié voit les frais de son déménagement pris en charge par la société qui l'emploie, le fonctionnaire militaire est, quant à lui, indemnisé des frais induits par sa mutation. Dans ces cas, trois agents interviennent : l'offreur (entreprise de déménagement), le demandeur (militaire ou salarié muté) et le payeur qui prend en charge cette prestation (ministère de la défense ou société employeur).

Le déménagement de militaires

28. Conformément aux dispositions du décret n° 50-93 du 20 janvier 1950, les frais de déménagement des personnels militaires en service à l'étranger sont pris en charge par l'autorité militaire selon leur coût réel dans la limite d'un tonnage maximum fixé par l'article 6 du décret, qui varie en fonction du grade et de la situation de famille de l'intéressé. La prise en charge des frais de déménagement a pour contrepartie obligatoire l'appel à la concurrence. L'intéressé doit ainsi présenter trois devis de déménageurs différents, l'administration choisissant celui ayant le coût le moins élevé.

29. Pour les déménagements nationaux, le mécanisme de remboursement est régi par le décret du 1er mars 1954 relatif aux indemnités des frais de déplacement aux militaires des armées de terre, de mer et de l'air et l'instruction interarmées. La prise en charge des frais de déménagement se fait sur présentation obligatoire de deux devis de déménageurs différents, l'administration remboursant sur la base du devis le plus bas.

Le déménagement de salariés pour raisons professionnelles

30. Les grandes entreprises, notamment internationales (ci-après " les grands comptes ") prennent souvent en charge les frais de déménagement des biens de leurs salariés et le cas échéant de leur famille, en cas de changement de poste. Il existe plusieurs modalités d'organisation de ces déménagements. Certaines sociétés procèdent à des appels d'offres, à l'issue desquels un contrat assorti d'une grille de prix est conclu avec plusieurs sociétés de déménagement, le salarié étant ensuite chargé de faire établir un ou plusieurs devis par les sociétés signataires des contrats. D'autres sociétés, établissent une liste de prestataires de services à partir de laquelle le salarié doit solliciter plusieurs devis contradictoires. Enfin, certaines sociétés font appel au cas par cas à telle ou telle entreprise de déménagement.

b) Le déménagement international

31. Les déménagements internationaux correspondent aux déménagements en partance ou en provenance de l'étranger (ou des DOM TOM), tandis que les déménagements nationaux s'opèrent à l'intérieur du territoire national.

32. L'activité du déménagement international nécessite des compétences dans l'organisation du transport (aérien et maritime), l'emballage des meubles et effets personnels, une bonne connaissance des procédures de dédouanement. Elle impose, aussi, notamment en cas de transport aérien ou maritime, de disposer d'un réseau de correspondants internationaux (appelés " agents "), qui prendront en charge toutes les prestations que la société de déménagement doit rendre en dehors de son pays d'implantation.

33. Les compétences humaines et les moyens matériels spécifiques à chacun des segments d'activité plaident en faveur d'une spécialisation des offreurs.

3. LES OFFREURS

34. En France, le secteur du déménagement pris dans son ensemble est caractérisé par la présence d'un nombre important de petites entreprises. A l'époque des faits, il regroupait 1 300 sociétés (87 % ont moins de 20 salariés) pour un chiffre d'affaires d'environ 1,3 milliard d'euro, les déménagements de particuliers (ou de domiciles) représentant près de la moitié de ce chiffre d'affaires.

a) Les principales entreprises en cause

35. Les entreprises mises en cause dans le cadre de la présente affaire sont principalement celles présentes sur le segment du déménagement international de biens personnels de salariés de grands comptes ou de fonctionnaires. Ainsi, leur activité de déménagement national représente, souvent, une activité accessoire liée à un déménagement international.

36. Implantées en Ile-de-France, ces sociétés sont, pour la plupart, des filiales de groupes internationaux. L'examen de leurs comptes de résultat a révélé qu'elles réalisaient, en 2003, environ 66 % de l'activité sur le segment du déménagement international de particuliers en France.

AGS Paris

37. Le groupe français AGS est détenu à 100 % par la société mère du groupe, la société Mobilitas. AGS est, d'après l'étude Xerfi, l'un des principaux fournisseurs mondiaux de prestations de services liées à la mobilité internationale. Il dispose en Europe, en Afrique et dans les DOM TOM d'un réseau de 100 filiales bénéficiant d'un statut juridique propre. 20 % de son chiffre d'affaires est réalisé en France par l'intermédiaire de sa filiale AGS Paris, située à Gennevilliers (92). AGS Paris a pour spécificité de développer une activité importante dans les DOM-TOM pour une clientèle majoritairement composée de militaires.

Crown Worldwide SAS

38. La SAS Crown Worldwide, dont le siège social est à Vitry-sur-Seine (94) appartient au groupe britannique de déménagement Crown Relocations présent sur les cinq continents par l'intermédiaire de ses 111 filiales. Ainsi que l'a indiqué son Président, M. C... lors d'une audition, la filiale française Crown : " a été créée par acquisition de la société Lavanchy en 1998. (...) [elle] dispose de son autonomie commerciale avec toutefois l'obligation de travailler en priorité avec les sociétés du groupe". Depuis 2004, Crown Worldwide SAS dispose d'un établissement secondaire à Lyon.

Interdean SAS

39. La société Interdean SAS est une filiale à 100 % de la société holding de droit anglais IDX Holding Ltd qui elle-même est une filiale à 100 % de Interdean Holdings Limited. Interdean Holdings Limited appartient à M. 18... depuis le mois de janvier 2005. Interdean SAS dont le siège social est implanté au Buc (78) dispose sur le territoire français de cinq établissements secondaires (Lyon, Marseille, Nice, Strasbourg et Toulouse) et développe son activité dans le cadre d'un groupe intégré. S'agissant de sa clientèle, celle-ci est composée quasi-exclusivement de salariés de sociétés ou d'organisations internationales.

Raoult Grospiron International

40. La société Raoult Grospiron est détenue par une holding, la société Financière Grospiron. Son siège social est situé au Blanc-Mesnil (93). Elle dispose de plusieurs sites en France (Lyon, Nice, Toulouse, Marseille). Pour développer son activité dans le secteur du déménagement international, Grospiron fait appel à un réseau d'agents dans le cadre de la FIDI et de l'OMNI (voir § 45 sur les organisations professionnelles).

Sirva SAS

41. La société Sirva SAS, dont le siège social se trouve à Ecquevilly (78), est issue de la fusion intervenue le 20 décembre 2004 entre les sociétés Allied Arthur Pierre SA et Maison Huet SA, avec effet rétroactif au 1er janvier 2004. Le président de la société Sirva SAS a indiqué dans un procès-verbal d'audition que malgré la fusion, les marques Allied Arthur Pierre et Maison Huet existaient toujours : " (...) Huet réalise toutes les sortes de déménagements, à l'exception des transferts d'entreprises : déménagement de ville à ville, nationaux, internationaux pour des particuliers, des salariés de sociétés ou des militaires. Allied Arthur Pierre est spécialisée dans le déménagement international pour le compte de salariés d'entreprise (...). Les deux sociétés ont également une activité de garde-meubles (...). Sirva France regroupent les deux marques (...)". Le 4 avril 2007, la totalité des actions composant le capital de la société Sirva SAS a été cédée par les sociétés Sirva Inc. (anciennement North American International Holding Corporation) et Pierre Finance Nederland Renting BV à la société néerlandaise Transeuro Amertrans International Holdings BV, qui est également actionnaire unique de la société Transeuro Desbordes Worldwide Relocations.

Sterling International Movers SA

42. La société britannique Sterling Relocation Limited International Movers est représentée en France par sa filiale Sterling International Movers SA (ci-après " Sterling "), installée au Blanc-Mesnil (93). Le directeur général de la société Sterling a expliqué lors d'une audition : " Sterling a été implantée en France en 1998. (...) Nous avons un établissement secondaire à Lyon. La maison mère est installée à Londres. Le groupe n'a que deux sociétés : une en Grande-Bretagne, l'autre en France. (...) A 90 %, nous avons pour clients des entreprises multinationales. Sur le marché français, la clientèle est constituée à 70 % de sociétés françaises (...) ".

Transeuro Desbordes Worldwide Relocation

43. La société Transeuro Desbordes Worldwide Relocation (ci-après " Transeuro ") située à Gennevilliers (92) est détenue à 100 % par la société néerlandaise Transeuro Amertrans International Holdings BV qui dispose de plus de 17 implantations en Europe. Sur le territoire national, Transeuro dispose de deux établissements secondaires, l'un à Toulouse et l'autre à Lyon. La société travaille pour des agents et en direct, quasi-exclusivement avec des grands comptes.

44. Les chiffres d'affaires communiqués par les entreprises concernées sont repris dans le tableau suivant :

Tableau n° 2 : Chiffres d'affaires et parts de marché des entreprises intervenant sur le segment du déménagement international (2003)

<emplacement tableau>

b) Les organisations professionnelles

45. Les déménageurs internationaux disposent de plusieurs organisations professionnelles dont la FIDI (fédération internationale des déménageurs internationaux). Basée à Bruxelles, elle se présente comme la plus importante alliance de sociétés internationales de déménagement. Regroupant 25 associations nationales (700 entreprises à travers le monde), la FIDI s'est donnée pour mission d'être un forum pour la coopération mutuelle des entreprises spécialisées dans le déménagement international de biens personnels.

46. L'association française des déménageurs internationaux (ci après " AFDI ") est l'une des 25 associations adhérentes de la FIDI. Elle comptait 54 membres, en 2003 mais depuis 2004, seules peuvent être affiliées à la FIDI, via leur association nationale, les sociétés qui ont obtenu le label " FAIM ". Après une intervention de la Commission européenne, la FIDI a dû, en effet, modifier ses critères d'adhésion en créant le label " FAIM ", garant de conditions d'entrée non discriminatoires. La modification de ces critères a entraîné la perte de nombreux adhérents ainsi que l'a indiqué, lors d'une audition, le secrétaire général de l'AFDI, M. Canioni : " En France, le nombre de membres de l'AFDI est passé de 70 à 17 (en juin 2004, date de mise en place du label). Beaucoup de petites sociétés (...) n'ont pu supporter les coûts (...). Par ailleurs, les filiales françaises de grands groupes internationaux comme Interdean et Crown ont quitté l'AFDI dans la mesure où étant déjà sous norme Iso, elles n'ont pas voulu juxtaposer à celles-ci les contraintes d'un autre référentiel ". Au 1er janvier 2005, le bureau de l'AFDI était composé de M. Y... (Grospiron International)- président ; M. J... (ABC Ricard)- vice-président ; M. B... (AGS-Mobilitas)- vice-président ; M. E... (AGS Paris)- trésorier ; M. K... (Seegmuller International)- conseiller ; M. L... (UTS Ledeme)- conseiller ; M. M... (CDT)- conseiller et M. X... (Sterling) conseiller.

C. LES ELEMENTS RECUEILLIS AU COURS DE L'INSTRUCTION

1. LES REUNIONS INFORMELLES DU CLUB DES DEMENAGEURS INTERNATIONAUX

47. Les pièces saisies et les déclarations recueillies au cours de l'enquête établissent que les représentants des principales sociétés du secteur du déménagement international en France ont, effectivement, participé à des réunions informelles désignées sous le nom de " Club ", pendant la période 2000-2003.

a) Les éléments de preuve attestant de la réalité des réunions du Club

48. Les éléments de preuve attestant de la réalité des réunions " Club " entre 2000 et 2003 sont, d'une part, les mentions figurant sur les agendas des représentants des sociétés concernées, d'autre part, une note rédigée par le directeur général de la société Sterling, M. X..., et enfin, les déclarations des intéressés.

Les mentions dans les agendas saisis

49. Lors des opérations de visite et saisie, plusieurs agendas ont été saisis. Les annotations contenues dans les agendas des représentants des sociétés Crown, Interdean et Grospiron confirment que des réunions identifiées sous le nom " Club " se sont déroulées notamment, les 5 janvier 2000, 28 février 2001, 15 et 23 avril 2003. Le menu du repas ayant eu lieu le 28 février 2001 à l'auberge DAB a, d'ailleurs, été saisi dans le bureau du président de la société Interdean, M. A....

50. Les mentions portées dans les agendas sont rappelées dans le tableau figurant ci-dessous. Celles-ci sont recoupées avec les indications figurant sur les pages d'agenda communiquées par les sociétés qui ont engagé la démarche de clémence.

Tableau n° 3 : Les mentions figurant sur les agendas saisis

<emplacement tableau>

51. Interrogés par les enquêteurs au sujet de ces annotations, les représentants des sociétés Interdean et Crown ont expliqué que les réunions du Club se tenaient depuis de nombreuses années et correspondaient à des rencontres informelles des membres parisiens de l'AFDI (§ 45). Le président d'Interdean, M. A... a ainsi expliqué lors de son audition du 12 juillet 2005 : " (...) Les locaux de la chambre syndicale du déménagement se trouvent à Montreuil, ce qui n'est pas facile d'accès pour des sociétés installées à l'ouest de Paris (..). C'est pourquoi des réunions (...) ont été organisées sur Paris et notamment à l'hôtel Méridien (...) ".

52. Le président de la société Grospiron, M. Y..., qui, dans un premier temps, a nié l'existence des réunions des 28 février 2001 et 15 avril 2003 est revenu sur ses déclarations lors d'une audition du 8 novembre 2006 : " [la mention Club figurant sur mes agendas] fait référence à un bar de l'hôtel Méridien situé Porte Maillot à Paris. Les confrères de la profession se rencontrent à cet endroit pour boire un verre. J'ai été convié à ces réunions à partir de 1998/2000. Les modalités d'organisation (...) étaient informelles. Ces réunions ont cessé le jour où la DGCCRF a commencé son enquête ". Concernant la mention " Club avec G... Tarif chez Charly restaurant marocain (table ronde) " figurant à la date du 23 avril 2003, M. Y... a précisé : " Nous avons bu un verre au Méridien puis dîné dans un restaurant marocain avec différents confrères pour aborder 3 points d'actualité. (...) Mme G... [directrice international groupe] m'accompagnait (...). Les participants à cette réunion étaient les sociétés Interdean, AGS, Crown, Sterling, Team Relocation et Allied ". La note de M. X...

53. Une note saisie dans la messagerie Outlook du directeur général de la société Sterling, M. X..., confirme l'existence du " Club " et notamment de la réunion du 15 avril 2003. Ce document comporte, en effet, les indications suivantes (traduit de l'anglais) : " Le Club s'est mis d'accord sur les taux à partir du 15 avril 2003 (...) ".

54. M. X... a reconnu avoir rédigé cette note à l'issue : " d'une réunion informelle avec des concurrents au Club du Méridien. Cette réunion a eu lieu début 2003. Il est possible qu'elle ait eu lieu le 15 avril ". Il a, toutefois, ajouté : " C'est la seule réunion de cet ordre à laquelle j'ai participé ".

Les déclarations

55. Les représentants des entreprises Transeuro et AGS Paris ont également admis leur participation à des réunions informelles regroupant les principaux acteurs du secteur du déménagement international, notamment celles du mois d'avril 2003.

56. Ainsi, le président directeur général de la société Transeuro a déclaré lors d'une audition du 25 août 2005 : " (...) Ce qui est appelé Club est un des moyens de rencontrer les membres de la profession. (...) Je suis allé 2 ou 3 fois en 2003, 2004 Porte Maillot pour rencontrer des confrères sur proposition du Président de l'AFDI, M. Y... ou de M. A... d'Interdean ". Entendu par la rapporteure, le 17 novembre 2006, il a ajouté : " (...) Je me suis rendu à (...) l'hôtel Concorde Lafayette, à l'hôtel Le Méridien, dans un restaurant au coin de l'avenue Malakoff. Une réunion à laquelle on était plus nombreux s'est tenue un soir entre 2002 et 2003 dans un restaurant marocain ".

57. De même, il ressort de l'audition du président d'AGS Paris, M. E..., que : " (...) La réunion du 23 avril 2003 était une réunion informelle qui s'est tenue dans un restaurant de la Porte Maillot. Etaient présents les représentants des sociétés membres de l'AFDI : Grospiron (M. Y...), Interdean (M. A...), Sirva (Z..., F...), Crown (M. C...), Sterling (M. X...). A part la réunion du 23 avril 2003, je n'ai jamais entendu parler d'autres réunions et je ne me rappelle pas être allé à une autre réunion ".

b) Les participants aux réunions des 15 et 23 avril 2003

58. Les précédentes constatations confirment la tenue des réunions du Club, particulièrement celles des 15 et 23 avril 2003.

59. Ont ainsi participé à la réunion du 15 avril 2003 au bar " Le Club " de l'hôtel Méridien, les directeurs généraux ou représentants suivants : M. B... (AGS Paris-Mobilitas), M. Z... (Allied Arthur Pierre), M. C... (Crown), M. A... (Interdean), M. Y... (Grospiron), M. X... (Sterling) et M. D... (Transeuro).

60. A l'exception de M. C... (Crown) et M. B... (AGS Paris-Mobilitas), les mêmes personnes ont assisté à une seconde réunion de plus grande importance tenue le 23 avril 2003 dans un restaurant marocain de la Porte Maillot. Les déclarations des sociétés à l'origine de la demande de clémence s'agissant de la présence à cette réunion des responsables des ventes des sociétés AGS Paris (M. E...), Allied Arthur Pierre (M. F...), Grospiron (Mme G...) et Interdean (Mme H...), ont été confirmées lors de l'enquête (§ 75). En revanche, l'absence de la directrice commerciale de la société Transeuro, Mme I..., est attestée par les déclarations concordantes des représentants des sociétés Interdean et Transeuro.

61. Le tableau réalisé ci-dessous reprend la liste des participants aux réunions du Club des 15 et 23 avril 2003 et les éléments du dossier attestant de leur présence :

Tableau n° 4 : Les participants aux réunions des 15 et 23 avril 2003

<emplacement tableau>

c) L'objet des réunions du Club des 15 et 23 avril 2003

62. Les éléments recueillis au cours de l'enquête ont révélé que les réunions des 15 et 23 avril 2003 avaient eu pour objet des échanges d'informations sur les prix et les coûts et la détermination en commun de tarifs minimum s'agissant des taux d'assurance et du loyer garde-meubles.

La note saisie dans la messagerie de M. X...

63. Sur la note saisie dans la messagerie " Outlook " du Président de la société Sterling, M. X... (§ 53), il est indiqué (traduit de l'anglais) :

" Le Club s'est mis d'accord sur les taux à partir du 15 avril 2003

Assurance :

Amérique du Nord 2.7%

Autre 2.9%

Europe de l'Ouest 1.7%

Ex Europe de l'est 1.9%

National et local 1.2%

Garde-meubles 0.40%

Tarif garde-meubles : 5.5euro par m3 HT ".

64. Cette note mentionne un accord entre les membres du Club portant sur les tarifs de garde- meubles et les taux d'assurance.

65. Lors de son audition du 30 août 2005, M. X... a reconnu avoir rédigé cette note consécutivement à une réunion du début de l'année 2003, au cours de laquelle les concurrents auraient échangé des informations sur les taux d'assurance : " Le document (...) est une note interne que je conservais dans mon ordinateur. Cette note n'est adressée à personne : c'est une note personnelle rédigée sous la rubrique " note " d'outlook. Je l'ai rédigée à l'issue d'une réunion informelle, avec des concurrents au Club du Méridien. Cette réunion a eu lieu début 2003. Il est possible qu'elle ait eu lieu le 15 avril (...). Dans la discussion, j'ai noté des chiffres sur les taux d'assurance appliqués par les concurrents. Etant nouveau sur le marché, j'étais particulièrement curieux de ces informations (...) ".

66. S'agissant des taux d'assurance et du tarif garde-meubles figurant sur cette note, il a précisé : " Depuis 1999, Sterling n'avait augmenté ni les taux d'assurance, ni le loyer garde-meubles. J'ai trouvé opportun d'actualiser nos taux et nous avons créé un nouveau barème qui devait être appliqué comme indiqué dans ma note à partir du 15 avril 2003. Mais l'augmentation n'a été effective qu'environ 6 mois après. Les tarifs indiqués dans ma note correspondent aux prix que j'ai décidé d'appliquer pour Sterling. En moyenne, l'augmentation par rapport à nos précédents tarifs est de 3,5%. C'était pour moi un prix acceptable par le marché au vu des informations que j'avais recueillies. Ce n'est en aucun cas un tarif décidé par la profession ".

Les mentions figurant dans l'agenda de M. Y...

67. A la date du 23 avril 2003 de l'agenda du président de la société Grospiron, M. Y..., figurent les mentions suivantes :

" 19 : 00-20 : 00 : Club avec G... Tarif

Note Chez Charly

Restaurant marocain (table ronde) ".

68. Ces mentions confirment la tenue de la réunion du 23 avril 2003, au cours de laquelle la question des tarifs allait être abordée.

69. Auditionné par les enquêteurs, M. Y... a, toutefois, affirmé que lors de cette réunion, les discussions n'avaient pas porté sur les prix : " Nous avons bu un verre au Méridien puis dîné dans un restaurant marocain avec différents confrères pour aborder 3 points d'actualité à l'époque : - l'ordonnance Parly qui dégrevait la TVA à l'importation, le problème de la représentativité de l'AFDI (...), l'assouplissement des 35 heures suite aux lois Aubry 2. G... [G...] m'accompagnait car les sujets étaient importants et (...) elle a beaucoup d'influence au niveau de la FIDI. (...) Il est indiqué table ronde parce qu'une table ronde avait été réservée. Je ne vois pas à quoi correspond l'indication " tarif " : soit un tarif par personne a été fixé pour le menu, soit il s'agit du nom d'un serveur marocain du restaurant sachant qu'à cette époque, une intérimaire remplaçait mon assistance et que c'est elle qui a saisi ces notes ". De même, lors d'une seconde audition du 8 novembre 2006, il a déclaré : " Nous n'avons pas échangé d'informations sur le loyer garde-meubles, (...) les taux d'assurance du garde-meubles (...), des biens transportés (...). [Dans le secteur du déménagement] il est impossible d'uniformiser les prix ". Ces déclarations ont été confirmées par celles de la directrice internationale Mme G... : " (...) J'ai donc participé à une réunion du 23 avril 2003 qui réunissait les différents acteurs du déménagement à l'international (...). Nous avons parlé de la TVA à l'importation (...), la norme FAIM-FIDI, la réglementation des 35 heures (...) ".

Les déclarations recueillies

70. Il résulte des procès-verbaux d'audition des dirigeants des sociétés Interdean, Crown et Transeuro que des échanges d'informations sur les prix et les coûts sont intervenus lors des réunions des 15 et 23 avril 2003.

71. Les déclarations du président de la société Interdean, M. A... recueillies par procès-verbal du 12 juillet 2005 indiquent : " Le 15 avril 2003 (...) certains membres ont constaté que d'autres pratiquaient des prix relevant du dumping (...). Selon la taille des entreprises présentes, il a été constaté que l'établissement des prix et des marges était confié à un ou plusieurs collaborateurs. Aussi, il fut décidé d'élargir lors de la réunion suivante, le nombre de participants en associant les collaborateurs chargés de l'application des politiques commerciales. (...) L'objectif des discussions était de les sensibiliser aux dangers de la pratique du dumping et au fait de ne pas casser la branche sur laquelle on est assis ". M. A... a réitéré ses propos lors d'une audition du 15 novembre 2006 : " (...) Des écarts de tarifs importants entre les différents intervenants du secteur du déménagement international avaient été constatés. (...) Normalement, les écarts de prix entre les différents concurrents ne devraient pas dépasser 10 ou 20 % au maximum. Toutefois, certains clients ont déclaré avoir obtenu auprès de nos concurrents des tarifs inférieurs de 45 %. Nous ne comprenons pas qu'il puisse exister de tels écarts de prix sur les trajets et des destinations classiques. (...) Lors des réunions d'avril 2003, on a échangé des propos houleux sur les écarts de prix et non sur les prix. (...) On s'était dit qu'il fallait faire venir nos commerciaux pour citer des dossiers pour lesquels des prix anormalement bas avaient été appliqués ".

72. De même, le président de la société Crown, M. C... qui, dans un premier temps, avait indiqué aux enquêteurs : " Nous n'avons pas parlé de prix " a reconnu l'existence d'échanges d'informations sur les taux d'assurance lors d'une audition du 2 novembre 2006 menée par la rapporteure : " (...) On a pu échanger des informations sur le niveau des taux d'assurance des biens transportés appliqués par chacun mais ce n'était pas dans le but d'établir un taux de base (...) ". Le président de la société Grospiron a également expliqué que les : " pressions tarifaires exercées " par les clients avaient été évoquées à la réunion du 23 avril 2003.

73. Enfin, le représentant de la société Transeuro a affirmé à deux reprises que, lors des réunions du mois d'avril 2003, il avait été procédé à des comparaisons de coûts. Ainsi, le 25 août 2005, il a déclaré dans un procès-verbal d'audition : " Il n'y a jamais eu de comparaison de prix de vente. Il y a eu comparaison informelle des coûts (hommes, emballage, fret) et la conclusion de cette comparaison a été le constat d'une grande homogénéité de nos charges variables. (...) Ces échanges d'informations qui n'ont fait que conforter ce que l'on pressentait, n'ont donc pas modifié les conditions de la concurrence du marché (...) ". Entendu par la rapporteure le 17 novembre 2006, il a précisé : " S'agissant de nos coûts, c'est un sujet que nous abordons à de nombreuses reprises et qui concernent à la fois : les taux de fret (....), les taux d'achat d'assurance (...), le coût de la main d'œuvre, (...) l'emballage. Lors de ces discussions, nous avons constaté que ces charges étaient plus ou moins homogènes ".

74. Le représentant de l'entreprise AGS Paris a, quant à lui, déclaré, que le secteur du déménagement était très concurrentiel et que les discussions abordées lors des réunions informelles n'avaient jamais porté sur les tarifs pratiqués : " Il est sûr que je n'ai pas parlé de prix avec mes confrères au cours de cette réunion [23 avril 2003] : je suis là pour leur prendre des parts de marché et il n'est pas question de parler de prix ".

La présence des responsables des ventes à la réunion du 23 avril 2003

75. La présence de certains responsables des ventes à la réunion du 23 avril 2003 a été confirmée par les éléments recueillis au cours de l'enquête (voir § 58). En effet, comme il a été indiqué précédemment, les présidents des sociétés Interdean et Grospiron ont expliqué lors de leur audition que des collaborateurs chargés de l'application des politiques commerciales avaient été associés à la réunion du 23 avril. Cet élément a été réaffirmé par l'ancien président directeur général de la société Transeuro, lors d'une audition du 17 novembre 2006 : " De temps en temps, les directeurs commerciaux étaient invités à nos réunions. Je pense que la réunion à laquelle nous étions le plus nombreux était la réunion qui s'était tenue dans le restaurant marocain ".

d) Les évolutions tarifaires constatées

Les services de garde-meubles

76. Le prix facturé pour les services de garde-meubles comprend les frais de garde, exprimés en euro le m3 HT qui dépendent du volume stocké et de la durée de stockage et dans certains cas la garantie qui est fonction de la valeur de l'objet mis en garde-meubles. Les éléments du dossier indiquent que les entreprises de déménagement disposent de tarifs de base qui peuvent être négociés.

• Les loyers garde-meubles

77. Le tableau réalisé, ci-dessous, compare le loyer garde-meubles figurant sur la note saisie dans les locaux de la société Sterling et les prix pratiqués par les entreprises entre 2002 et 2005. L'examen des factures communiquées par les entreprises a révélé que les loyers garde-meubles avaient évolué comme suit :

Tableau n° 5 : Synthèse de l'évolution des loyers garde-meubles (2002-2005)

<emplacement tableau>

78. Il résulte de l'examen du tableau figurant ci-dessus, que la société Sterling a procédé, à partir de 2003, à une augmentation de 3,2 % du tarif de base de son loyer garde-meubles, s'alignant ainsi sur les tarifs plus élevés pratiqués, depuis 2002, par les sociétés Interdean, Crown et AAP.

79. Sterling a informé sa clientèle de cette révision tarifaire par lettre circulaire du 29 août 2003 : " (...) devant la hausse très nette d'un certain nombre de facteurs touchant directement les garde-meubles, nous nous voyons contraints de réviser nos tarifs, et ce avec application dès la prochaine échéance de facturation. (...) Nous sommes dans l'obligation de facturer le loyer mensuel au m3 à 5,5 euro (ce prix n'avait pas été révisé depuis 4 années) (...) ".

80. Ainsi que l'a indiqué le directeur général de la société Sterling, M. X..., lors d'une audition : " Nous avons un prix public (...) qui est de 5,50 euro le m3, par mois, HT (...). De 1999 jusqu'au courant 2003, [il] était de 5,33 euro. Ce prix (...) est négociable et oscille entre 3,50 et 5,50 euro par mois. Toutefois, dans 9 cas sur 10 s'applique le tarif public. (...) L'augmentation concernait les clients qui ne bénéficiaient pas d'un tarif préférentiel sur le garde-meubles ou d'un contrat négocié (...). La moyenne du loyer garde-meubles est à mon avis de 5 euro HT/m3 par mois. Notre objectif est de rester le plus proche du prix public (...) ".

81. Il est constaté que la nouvelle tarification annoncée par la société Sterling en août 2003 correspond à celle figurant sur la note saisie dans la messagerie de M. X... (§ 63).

82. L'étude des factures transmises par l'entreprise révèle, par ailleurs, que le tarif de 5,50 euro a, été effectivement appliqué entre 2003 et 2005, ce qui a eu pour conséquence d'entraîner à cette période une augmentation significative de sa marge brute concernant l'activité garde- meubles de la société Sterling.

Tableau n° 6 : Evolution de la marge brute de l'activité garde-meubles de Sterling

<emplacement tableau>

• Les taux d'assurance garde-meubles

83. Le tableau réalisé ci-dessous compare le taux d'assurance garde-meubles figurant sur la note saisie dans les locaux de la société Sterling et les prix pratiqués par les entreprises entre 2002 et 2005. Les éléments de l'enquête ont démontré que les tarifs avaient évolué comme suit :

Tableau n° 7 : Synthèse de l'évolution taux d'assurance garde-meubles (2002-2005) (en % de la valeur déclarée)

<emplacement tableau>

84. Les chiffres transmis par Sterling lors de l'enquête mettent en évidence le fait qu'elle a procédé, à partir du mois de septembre 2003, à une augmentation de 11,1 % de son taux d'assurance garde-meubles, s'alignant ainsi sur les prix plus élevés pratiqués, à la même époque, par la plupart des autres sociétés, à savoir Grospiron, Interdean, Transeuro et AGS Paris.

85. La révision des prix a été annoncée aux clients de la société Sterling dans la lettre circulaire du 29 août 2003 relative à la révision des prix du service garde-meubles (§ 79) : " (...) vous n'êtes pas sans savoir que les sociétés d'assurance ont répercuté l'effet 11 septembre sur tous leurs contrats. Nous sommes donc contraints de passer les primes d'assurance à 0,40 % (...) ".

86. Le directeur général de la société, M. X... a expliqué lors de son audition du 30 août 2005 : " (...) Parallèlement [au loyer garde-meubles], l'assurance garde-meubles est passée de 0,36 % de la valeur déclarée par mois, en HT, à 0,40 %. (...) Cette assurance n'est pas automatique : environ 90 % des clients garde-meubles la souscrivent (...). L'assurance garde-meubles est généralement constante (peu de négociation) (...) ".

87. Il est à noter que la nouvelle tarification adoptée par la société Sterling est encore ici identique à celle figurant sur la note saisie dans la messagerie de M. X... (§ 63).

88. L'augmentation du taux d'assurance décidée par Sterling en août 2003 a eu pour conséquence de porter le taux de marge brute de la société de 44,4 à 50 %, la police d'assurance souscrite par le groupe Sterling auprès du courtier Willis le 6 décembre 2002 prévoyant, en effet, pour le garde-meubles une prime de 0,2 % du montant de la valeur déclarée.

Les taux d'assurance des biens transportés

89. Les éléments recueillis au cours de l'enquête ont révélé que quelque temps après les réunions du mois d'avril 2003, les sociétés Sterling, Allied Arthur Pierre, Crown et Grospiron ont révisé à la hausse leurs taux d'assurance des biens transportés, s'alignant ainsi sur les tarifs indiqués sur la note saisie dans la messagerie de M. X... et nouvellement adoptés par la société Interdean. L'enquête a également établi que les nouvelles tarifications ainsi mises en place ne se justifiaient par aucun événement propre aux sociétés concernées tenant par exemple une augmentation de leurs primes d'assurance.

90. Le tableau ci-dessous compare les taux d'assurance des biens transportés figurant sur la note saisie dans les locaux de la société Sterling et les prix pratiqués par les entreprises postérieurement aux réunions litigieuses. Les éléments de l'enquête ont démontré que les taux avaient évolué comme suit :

Tableau n° 8 : Synthèse de l'évolution des taux d'assurance appliqués par les entreprises après les réunions d'avril 2003 (en % de la valeur déclarée des biens transportés)

<emplacement tableau>

• L'augmentation pratiquée par Sterling

<emplacement tableau>

Évolution des taux d'assurance appliqués par Sterling

91. Ce tableau montre qu'à partir du mois de juin 2003, la société Sterling a procédé à une augmentation des taux d'assurance des biens transportés, ces nouvelles tarifications correspondant une fois encore ici à celles figurant sur la note saisie dans les locaux de la société Sterling (§ 63).

92. Lors de son audition, le directeur général de la société Sterling, M. X..., a exposé les circonstances de cette révision tarifaire : " Ma décision d'augmenter en 2003, les tarifs de vente des assurances a été motivée à la fois par l'augmentation des polices d'assurances (effet 11 septembre 2001) et par le fait que nos tarifs n'avaient pas été révisés depuis 1999 ".

93. Il convient de relever, toutefois, que la justification avancée par M. X... est en partie, contredite par l'analyse de l'évolution des polices d'assurances souscrites par le groupe Sterling entre 2001 et 2003. En effet, le groupe a changé de courtier en décembre 2002, ce qui a eu pour conséquence de diminuer le montant des primes facturées ainsi que l'a indiqué, lors de l'enquête, l'assistante de M. X..., Mme N... : " Vous noterez que le courtier Willis nous a fait une réduction significative des primes en 2003 et 2004 par rapport à Pound Gates mais en contrepartie d'une franchise beaucoup plus élevé ".

Tableau n° 9 : Évolution des primes d'assurance du groupe Sterling

<emplacement tableau>

• L'augmentation pratiquée par Allied Arthur Pierre

Tableau n° 10 : Évolution des taux d'assurance appliqués par Allied Arthur Pierre

<emplacement tableau>

94. Il résulte des déclarations du président de la société Sirva, M. O..., que " (...) Les assurances ont (...) été augmentées pour certaines destinations au début de la saison été 2003. (...) cette augmentation a été annoncée aux commerciaux par un mèl de M. F... qui a justifié ces hausses par des risques de guerre et des augmentations des primes d'assurances. Je ferai rechercher ce mèl. Ces taux sont toujours appliqués. Toutefois, ils sont négociés avec certains groupes (...) voir même avec certains particuliers. L'assurance transport doit être obligatoirement souscrite pour les déménagements internationaux, sauf si elle est prise en charge par la société de l'expatrié (...) ".

95. Le message électronique n'ayant pas été retrouvé, M. O... a communiqué aux services d'enquête, un certain nombre de devis établis par la société Allied Arthur Pierre au mois d'avril 2003. Selon les indications données par l'intéressé, la modification des tarifs serait intervenue entre les semaines 15 et 16. L'analyse des documents transmis démontre, en effet, que les anciens taux ont été appliqués jusqu'au 11 avril 2003 (semaine 15) les nouveaux taux étant entrés en application le 17 avril 2003 (semaine 16), soit deux jours après la première réunion du Club du mois d'avril.

• L'augmentation pratiquée par Crown

Tableau n° 11 : Évolution des taux d'assurance appliqués par Crown

<emplacement tableau>

96. Dans un mail du 30 mai 2002 intitulé " Taux d'assurance ", le président de la société Crown, M. C..., annonçait à ses collaborateurs une révision des taux d'assurance : " (...) Les compagnies d'assurance ont toutes relevé leurs taux. Les raisons invoquées sont la multiplication des catastrophes naturelles, actes terroristes etc (...). Par conséquent, nous devons également relever les taux applicables pour les déménagements ".

97. Sur les factures délivrées par Crown au mois de mai 2003, il est cependant constaté l'application de taux d'assurance supérieurs à ceux figurant sur le message du 30 mai 2002, s'agissant des déménagements à destination ou en provenance de l'Amérique du Nord et de l'Asie.

98. Dans une télécopie du 21 octobre 2005, le président de la société Crown a indiqué aux enquêteurs que ces augmentations tarifaires de respectivement 10 et 16 % n'avaient pas fait l'objet d'une communication interne, car elles avaient été suscitées lors d'une réunion tenue aux Etats Unis entre les directeurs des filiales, le 28 avril 2003. Ainsi d'après les déclarations de M. C..., la hausse tarifaire aurait été décidée au niveau du groupe, ce qui vient contredire ses premières déclarations selon lesquelles la filiale française Crown SAS détermine sa stratégie commerciale de façon autonome par rapport à sa société mère.

99. M. C... a confirmé cette indépendance commerciale, précisant : " Le coût de l'assurance est déterminé par le groupe mais je décide librement de la marge à appliquer (...) ". Il a, par ailleurs, ajouté qu'il n'était pas en mesure de fournir des explications sur les deux hausses tarifaires consécutives concernées : " Je ne peux pas vous dire les raisons pour lesquelles les taux ont augmenté sur les factures présentées. Ces dossiers datent du mois de juillet 2003, à cette période là, on essaye d'augmenter les prix. Je pense que ces quelques exemples principalement sur l'Asie ne sont pas significatifs. L'augmentation de ces taux résulte certainement de l'initiative d'un bon commercial. Les taux indiqués dans le mail du 30 mai 2002 sont des taux minimum, ensuite les commerciaux peuvent essayer d'obtenir une marge plus importante ".

100. Il est à noter, en outre, que la filiale française Crown a procédé à une seconde augmentation de ses taux d'assurance bien que le groupe lui ait consenti, en juillet en 2003, une diminution des primes d'assurance. Ainsi, les déclarations du président de la société, M. C... indiquent : " (...) Pour les déménagements internationaux, nous passons par une police groupe : un taux est fixé par destination. Nous avons une police pour les risques classiques avec une majoration de 0,30 % de la valeur déclarée pour le risque " pairs and sets [paires et ensemble]". A mon arrivée, j'ai discuté avec le groupe pour qu'ils diminuent les coûts de l'assurance, ils les ont baissés en 2003 pour me permettre d'avoir plus de marges (...) ".

• L'augmentation pratiquée par Grospiron

Tableau n° 12 : Évolution des taux d'assurance appliqués par Grospiron

<emplacement tableau>

101. Les investigations ont révélé que la société Grospiron avait procédé, en 2003, à deux augmentations successives de ses taux d'assurance des biens transportés. Par une note de service " groupe " datée du 22 janvier 2003, le président de la société, M. Y..., annonçait aux responsables des différents sites une première modification des taux de vente due au changement de courtier d'assurance : " (...) Nous avons résilié nos polices avec Gatt et Schunk et la garantie dommage de nos déménagements overseas et européens est maintenant couverte par la Lloyd's par l'intermédiaire de Willis à Londres ".

102. Le 2 mai 2003, M. Y... diffusait une nouvelle note de service " groupe " informant d'une deuxième hausse des taux d'assurance : " L'instabilité économique des derniers mois et la persistance des risques dans les échanges internationaux ont amené les assureurs à réajuster les taux de prime sur le marché du transport. Nous sommes contraints de répercuter cette hausse sur nos clients et vous trouverez par conséquent les nouveaux taux à la vente à compter de ce jour, les prestations restant les mêmes ".

103. D'après les explications fournies par la société Grospiron lors de l'instruction, ces augmentations successives ont traduit : " [l'] adaptation progressive de sa politique tarifaire à la suite des nouvelles conditions proposées par son assureur pour les déménagements internationaux et européens ". La société explique, en effet, dans un courrier du 6 décembre 2006, que : " (...) ces deux augmentations (...) trouvent leur cause dans un seul et même événement, le changement de courtier de RGI [Grospiron], intervenu le 1er janvier 2003, changement auquel RGI s'est adapté en deux étapes. Depuis le 1er janvier 2003, en effet, RGI recourt à un nouveau courtier, la société Willis, pour assurer l'ensemble de ses déménagements internationaux et européens. Auparavant, elle recourait (...) à deux courtiers distincts : la société Gatt, pour les déménagements internationaux opérés par fret maritime et aérien et la société Schunck pour les déménagements en Europe et Europe de l'Est. En raison de ce changement, RGI assume un certain nombre de frais supplémentaires (...). En sus du prix d'achat des assurances (...) elle verse également à la société Willis une rémunération forfaitaire annuelle (...) 14 905 euro en 2003 et 15 000 euro en 2004 ; elle assume elle-même la gestion des dossiers (collecte des informations, gestion de la relation client) dès lors que la réclamation porte sur un montant inférieur à 3 000 euro. Du fait du changement de courtier, les clients de RGI bénéficient quant à eux de la possibilité de souscrire les prestations supplémentaires (...). Quand elle est souscrite, cette couverture supplémentaire est facturée par Willis à RGI 0,10 % en plus du taux d'achat de base. (...) Profitant de ce changement de courtier, et compte-tenu de l'extension de la couverture, RGI a décidé de modifier ses taux d'assurance : pour ce faire, elle a procédé en deux temps : pendant une première période (de janvier à mai 2003), elle a laissé à ses clients la possibilité de souscrire ou non aux garanties supplémentaires (...) présentées comme optionnelles, et a donc prévu deux tarifs distincts : le tarif " hors option " (...), le tarif " option comprise " (...). RGI a constaté, après quelques mois de test que le nouveau tarif option comprise était bien accepté par sa clientèle (...). Aussi dans un second temps et à compter de mai 2003, elle a décidé de ne proposer à sa clientèle qu'un seul tarif de base option comprise. Elle a profité de cette occasion pour l'augmenter légèrement à la hausse pour certains types de déménagements (...) ".

104. Il convient de noter, toutefois, que les modifications tarifaires induites par le changement de police d'assurance ont été prises en compte par Grospiron dans la détermination de ses taux de vente d'assurance dès le mois de janvier 2003. Les primes facturées par la société Willis sont ensuite restées stables sur toute l'année. Ainsi, la nouvelle hausse des taux décidée le 02 mai 2003 ne peut s'expliquer, contrairement à ce qui est indiqué sur la note de service, par une répercussion de la hausse des primes et ce d'autant qu'en changeant de courtier d'assurance, Grospiron a bénéficié de primes plus avantageuses, ceci en dépit de la couverture de risques supplémentaires.

Tableau n° 13 : Les primes d'assurance facturées par la société Willis

<emplacement tableau>

• L'alignement sur les tarifs nouvellement adoptés par la société Interdean

Tableau n° 14 : Evolution des taux appliqués par Interdean

<emplacement tableau>

105. Lors d'une audition du 21 décembre 2005, le président de la société Interdean, M. A... a expliqué : " (...) En mars 2002, le groupe nous a demandé d'augmenter nos taux de vente d'assurance en prévision des hausses annoncées par les compagnies d'assurance, suite aux évènements de septembre 2001. (...) Les nouveaux taux de base que je souhaitais appliquer dès le 2ème semestre 2002 étaient de :

Transports routiers marchés communs : 1,7%

Transports routiers Europe de l'Est : 1,9 %

Transports maritimes Amérique du Nord : 2,7%

Transports maritimes Asie : 2,9 %

Transport maritime Afrique Amérique du Sud : 3 %

Transports routiers nationaux : 1,2 %.

Mais ces nouveaux taux difficilement acceptés par nos clients ont été très difficiles à mettre en place en 2002, où les anciens taux ont, dans la majorité des cas continué à être appliqués. En 2003 et 2004, certains taux ont été acceptés par le marché (national, Marché commun, Amérique du Nord, Asie, Europe de l'Est) (...) ".

106. Il est à noter que les taux indiqués par M. A... dans son procès-verbal d'audition sont identiques à ceux figurant sur la note saisie dans les locaux de la société Sterling.

107. Les investigations menées ont permis de confirmer la mise en œuvre de certains de ces tarifs avant la réunion d'avril 2003. Ainsi, dans une note du 4 février 2003 présentée par la société Interdean dans le cadre d'un appel d'offres BNP Paris, il est indiqué :

" 3.4.3. Assurance

Taux pratiqués selon le mode de transport et non pas par destination :

1,7 % de la valeur déclarée pour les transports routiers

2,2 % de la valeur déclarée pour les transports aériens

2,7 % de la valeur déclarée pour les transports maritimes ".

108. De même, parmi les factures éditées par Interdean, au mois d'avril 2003, il est constaté l'application du taux de 1,2 % pour les transports nationaux, 1,7 % pour des transports Marché commun et 2,9 % pour les déménagements à destination du Japon.

109. Ces nouveaux taux conduisent à des augmentations qui s'échelonnent selon les destinations entre 8 % (USA) et 26,7 % (Europe de l'Est). D'une manière quasi-générale, ces révisions sont supérieures à celle de 9,2 % préconisée par le groupe Interdean dans un mèl envoyé aux présidents de filiales le 6 mars 2002.

110. Enfin, il apparaît que dès l'année 2003, Interdean n'a eu aucune difficulté à appliquer à sa clientèle " grands comptes " les taux annoncés en 2002. Les tarifs vers l'Asie sont ainsi passés de 2,2 à 2,9 % entre les mois d'avril et juin 2003.

• Les taux pratiqués par AGS Paris

111. Lors d'une audition du 15 septembre 2005, le directeur d'AGS Paris avait déclaré : " (...) Jusqu'en 2002, nous proposions deux taux d'assurance pour le déménagement international : un taux routier à 1,5 % et un taux aérien et maritime à 2,7 %. En 2002, sur préconisation de la direction des assurances, notre courtier nous a appliqué des majorations pour les zones à risques. Nous avons répercuté ces majorations ainsi que l'augmentation de tarif, début 2003 (cf ma note du 14 janvier 2003). Pour le déménagement national, le taux d'assurance est resté stable en 2003 à 0,7 %. Il a été augmenté fin 2004 et est passé à 0,8 % (...) ". Ainsi, dans une note adressée aux commerciaux le 14 janvier 2003, il était annoncé l'application de nouveaux taux d'assurance : " transport maritime et aérien : 2,8 %, transport terrestre 1,7 %, transport en VR : 0,7 % (...) ".

112. Les devis et les factures délivrés par AGS Paris indiquent que les taux d'assurance ont, en effet, augmenté sensiblement entre 2002 et 2003.

Tableau n° 15 : Evolution des taux d'assurance appliqués par AGS Paris

<emplacement tableau>

• Les prix pratiqués par la société Transeuro

113. Depuis le mois de décembre 2003, la société Transeuro ne dispose plus de barème de vente pour ses assurances. Ainsi, d'après les déclarations du président de la société Transeuro recueillies par procès-verbal du 25 août 2005, les prix sont déterminés " en fonction de chaque marché ". L'examen des factures éditées par la société Transeuro entre les mois d'août 2002 et juillet 2004 révèle, en effet, l'application de taux hétérogènes, inférieurs à ceux figurant sur la note saisie dans les locaux de la société Sterling.

Tableau n° 16 : Evolution des taux appliqués par Transeuro

<emplacement tableau>

2. LES PRATIQUES DE DEVIS DE COMPLAISANCE

114. Les pratiques de devis de complaisance constatées se divisent en trois catégories.

a) Les devis édités par Maison Huet à partir du logiciel spécifique

115. L'enquête administrative a porté sur des dossiers relatifs à des déménagements nationaux et internationaux de militaires effectués en 2001, 2002 et 2003. Comme il a été vu précédemment (§ 28), les dispositions réglementaires relatives à leur remboursement imposent à ces personnels de présenter à l'administration deux ou trois devis concurrents en fonction du caractère national ou international du déménagement. Concrètement, le militaire prend contact avec les déménageurs, paye le prix convenu mais ne supporte pas, en définitive, le coût de son déménagement.

Lors des déménagements internationaux de militaires

116. Les sociétés requérantes ont communiqué au Conseil de la concurrence, la copie de 104 devis de complaisance édités par la société Maison Huet à l'aide de son logiciel entre le 9 avril 2001 et le 13 décembre 2002, pour des déménagements internationaux de militaires.

117. La sous-direction du soutien du personnel du service des moyens généraux du ministère de la défense, qui assure la gestion annuelle d'environ 500 dossiers de remboursement des déménagements internationaux de militaires, a transmis aux services d'enquête, 37 des 52 dossiers de remboursement concernés par les devis de complaisance.

118. L'étude de ces dossiers confirme qu'en 2002 58 devis de complaisance sur les 104 communiqués ont bien été présentés à l'administration par des sociétés concurrentes, parfois même sous leur forme originelle. En l'espèce, il convient de distinguer les dossiers pour lesquels la société Maison Huet a édité deux devis de complaisance, de ceux pour lesquels un seul devis de complaisance a été produit.

• Les dossiers pour lesquels la société Maison Huet a édité deux devis de complaisance

119. Dans 17 dossiers correspondant à 22 déménagements, Maison Huet a produit la copie de deux devis de complaisance.

120. Pour douze déménagements internationaux et quatre déménagements nationaux réalisés en 2002, les 31 devis de complaisance édités par Maison Huet à partir du logiciel spécifique ont bien été transmis au service du ministère de la défense par les sociétés concurrentes Patrick Blin (11 devis), J. Gervais (3 devis), SAS Percot (8 devis), Rubrecht Christian DSM (1 devis), SA Desnos (5 devis) et SA A. Ledeme (3 devis). Ainsi, pour chacun de ces dossiers, Maison Huet a établi les trois devis : le sien, moins-disant, et ceux des deux autres entreprises. Les factures figurant au dossier établissent qu'elle a remporté l'ensemble de ces marchés pour un montant total de 177 259,23 euro.

121. Pour cinq déménagements internationaux et un déménagement national, quatorze devis de complaisance ont été édités par la société Maison Huet mais seuls six d'entre eux ont été retrouvés dans les dossiers de remboursement.

122. Dans un cas (dossier Roos), on constate la présence, dans le dossier, d'un devis inférieur à celui présenté par la société Maison Huet, laquelle en dépit de la production d'un devis de complaisance par la société Desnos, ne remporte pas l'affaire au bénéfice de la société Alsa'Dem moins-disante.

123. La société Maison Huet a remporté les cinq autres marchés pour la somme de 60 262,18 euro, ceci face aux sociétés :

- Desnos (quatre devis) et Patrick Blin (un devis) qui ont présenté des devis correspondant à ceux édités et communiqués par les sociétés demandeuses de clémence ;

- Percot (un devis), J. Gervais (trois devis) et Patrick Blin (un devis) qui ont présenté des devis ne correspondant pas à ceux édités et communiqués par les sociétés demandeuses de clémence.

• Les dossiers pour lesquels la société Maison Huet a édité un devis de complaisance

124. Dans 20 dossiers correspondant à 20 déménagements internationaux et un déménagement national, la société Maison Huet a produit la copie d'un seul devis de complaisance. L'examen des dossiers de remboursement a révélé que les 21 devis édités avaient été effectivement présentés par les sociétés concurrentes Patrick Blin (douze devis), Desnos (cinq devis), Percot (un devis) et DSM (trois devis). La société Maison Huet a été la moins-disante et a remporté l'ensemble de ces marchés pour un montant de 280 064,51 euro.

Tableau n° 17 : Les devis de complaisance édités par la société Sirva et présentés par les sociétés concurrentes

<emplacement tableau>

Lors des déménagements nationaux de militaires

125. Les investigations ont été menées auprès du service administratif du Commissariat de l'air (SACA) qui traite annuellement 7 971 dossiers relatifs aux changements de résidence du personnel de l'armée de l'air. Pour la région parisienne qui se compose de cinq bases, 1 133 dossiers sont ainsi concernés.

126. En 2004, les services d'enquête avaient, déjà, recueilli certains éléments :

- la liste des changements de résidence réalisés en 2003 au départ et à l'arrivée de toutes les bases de la région parisienne, avec indication de la société ayant effectué le déménagement ;

- la copie des dossiers liquidés en 2003 au départ de la base aérienne 117 (Paris), ce qui correspond aux dossiers de 203 administrés et à un tiers des dossiers de changements de résidence en région parisienne. Chaque dossier comprend la copie de la fiche administrative et des deux devis présentés, étant précisé que pour procéder au remboursement, le SACA exige la présentation de deux devis de déménageurs différents.

• Les déménagements au départ de la base 117

127. Les enquêteurs ont étudié les 203 dossiers de déménagement conservés par le SACA relatifs en 2003, à des déménagements nationaux de militaires au départ de la base aérienne 117.

128. Il résulte de cette étude qu'en 2003, la société Maison Huet a présenté un devis dans douze dossiers. Elle a en remporté six dont trois contre Desnos et un contre Allied Arthur Pierre.

129. S'agissant des devis produits par la société Desnos, il s'avère que ceux-ci correspondent exactement au modèle de devis de complaisance édité par la société Maison Huet à l'aide du logiciel spécifique. De plus, il a été précédemment établi qu'en 2002, la société Desnos s'était déjà livrée à des pratiques de fourniture de devis de couverture au profit de la société Maison Huet dans le cadre de déménagements internationaux de militaires. Ces éléments conduisent donc à considérer que les devis datés des 18 juin 2003 (De Romémont), 30 mai 2003 (Arnaud) et 7 juillet 2003 (Gaviard) ont été édités par le logiciel spécifique de la société Maison Huet.

130. En ce qui concerne le devis remis le 30 avril 2003 par la société Allied Arthur Pierre pour le déménagement de M. P..., l'examen de ce document fait apparaître que :

- le montant total correspond exactement au montant total du devis présenté par la société Maison Huet majoré exactement de 10 % (5 821,42 contre 5 292,20 euro) ;

- sont repris sous des dénominations légèrement différentes les montants de 8 des 10 postes du devis de la société Maison Huet, également majorés de 10 % ;

- sont globalisés sous la dénomination " location matériel/confection caisse " les deux postes du devis de la société Maison Huet " fourniture caisse " et " fourniture perdues " également majorés de 10 %.

131. L'étude de ces dossiers de remboursement a, par ailleurs, permis de constater :

- que le logiciel élaboré par Maison Huet SA n'a pas été désactivé en 2002, contredisant ainsi les déclarations des sociétés à l'origine de la demande de clémence ;

- que des écarts de prix très importants (entre 41,6 et 125,7 %) pouvaient exister entre la société Maison Huet et ses concurrents lorsque ceux-ci n'ont pas présenté un devis de couverture.

• Les affaires remportées par Maison Huet sur les autres bases de la région parisienne

132. Afin de compléter les informations précédentes, les copies des dossiers remportés par la société Maison Huet sur les autres bases de la région parisienne, identifiées à partir des listes communiquées à la BIEC en 2004, ont été demandées au service administratif du Commissariat de l'air. Sur les huit dossiers de déménagement remportés par Maison Huet en 2002 et 2003, il apparaît que deux d'entre eux l'ont été grâce à la présentation par des sociétés concurrentes de devis de complaisance.

133. En effet, dans deux dossiers (Cocoual et Thomas), il apparaît que les devis produits par les sociétés Blin et Desnos, respectivement les 17 février et 9 mai 2003, correspondent précisément au modèle de DDC établi par la société Maison Huet grâce au logiciel. Il convient de relever, en outre, que les sociétés Blin, Desnos figurent parmi les sociétés fournissant habituellement des devis de complaisance à la société Maison Huet.

134. Enfin, s'agissant des caractéristiques des entreprises concurrentes s'étant livrées à des pratiques de devis de complaisance, l'enquête a révélé que seule la société Ledeme était présente dans le secteur du déménagement international. Par ailleurs, les sociétés Patrick Blin et DSM figuraient pendant la période concernée parmi les sous-traitants de la société Maison Huet. C'est le cas, en particulier, de la société Patrick Blin qui a fourni le nombre le plus important de devis de complaisance.

Tableau n° 18 : Chiffre d'affaires réalisé avec la société Maison Huet SA

<emplacement tableau>

b) Les devis de la société Le Déménageur Européen saisis dans les locaux d'AGS Paris

135. 48 photocopies de devis à l'en-tête de la société Le Déménageur Européen relatifs à des déménagements nationaux et internationaux de militaires ont été saisies, le 14 avril 2005, dans le bureau du président de la société AGS Paris, M. E.... Les dates de ces devis s'échelonnent entre le 14 octobre 2004 et le 22 mars 2005.

136. S'agissant de ces documents, M. E... a déclaré, lors d'une audition du 7 novembre 2006 : " Je n'ai pas d'explications, [ils] étaient sous enveloppe dans mon bureau. C'est une enveloppe qui a été oubliée par Monsieur Q... de la société Le Déménageur Européen ". Ce dernier a également déclaré au cours de l'enquête qu'il s'agissait d'un oubli de sa part : " (...) Lors d'un rendez-vous de travail avec M. E... de chez AGS Paris, notre donneur d'ordre, j'ai oublié cette enveloppe contenant des photocopies de devis ".

137. Les investigations ont révélé que Le Déménageur Européen réalisait, en 2003, 50 % de son chiffre d'affaires avec AGS Paris dont elle était le sous-traitant. Par ailleurs, il a été constaté que Le Déménageur Européen n'a effectué aucun des déménagements concernés par les photocopies des devis saisies. En effet, d'après les déclarations de M. Q..., la société n'opère pas de déménagements internationaux en dehors de l'Europe : " (...) Nous avons essayé de développer du déménagement international ailleurs qu'en Europe mais pour l'instant, nous n'avons pas la structure suffisante. Je n'ai pas encore obtenu de déménagement outre-mer même si je réponds à des demandes de devis ".

138. L'enquête a permis d'établir qu'AGS Paris disposait d'une fiche client pour 15 des 31 militaires concernés par les 48 devis saisis. Par courrier du 19 octobre 2005, AGS Paris a communiqué aux services de la DNECCRF les devis et factures établis pour le compte des personnels militaires concernés en précisant : " (...) Pour M. R..., nous avons fait un devis mais n'avons pas gagné l'affaire. En ce qui concerne Mme Auvineau Elisabeth dont le nom figure sur la liste, nous ne l'avons jamais devisé, par conséquent il n'existe pas chez nous. Quant à M. S... et M. T..., les devis ont bien été effectués mais dossiers non encore facturés (...) ".

139. Le tableau réalisé ci-dessous montre qu'AGS Paris a produit un devis dans quinze dossiers correspondant à six déménagements nationaux et neuf déménagements internationaux. En outre, l'examen des données figurant dans ces devis a révélé que la société AGS Paris a présenté, dans tous les cas, des devis inférieurs à ceux établis par Le Déménageur Européen. La société AGS Paris a remporté l'ensemble de ces marchés, à l'exception d'un dossier, celui de M. R... lequel a été perdu alors que l'offre proposée avait été inférieure à celle du Déménageur Européen (6 250 contre 8 192,60 euro), une troisième société de déménagement ayant sans doute été consultée par le client.

Tableau n° 19 : Les devis de la société Le Déménageur Européen saisis dans les locaux de la société AGS Paris

<emplacement tableau>

c) La demande de devis faite par la société Interdean à la société Raoult Grospiron International

140. Les sociétés à l'origine de la demande de clémence avaient dénoncé la mise en œuvre de pratiques de devis de complaisance par les sociétés membres du Club. Dans le rapport d'enquête, il est, toutefois, indiqué : " (...) Les opérations de visite et de saisie n'ont confirmé ces déclarations que pour une pratique ponctuelle de devis de complaisance mise en œuvre par la société Raoult Grospiron International. (...) Les investigations n'ont pas révélé de pratiques de devis de complaisance mises en œuvre par les autres membres du Club ".

141. En effet, dans un message électronique daté du 30 mai 2002, le responsable " Grands Comptes " de la société Interdean, M. 10..., indiquait à la directrice internationale de la société Grospiron, Mme Fourcade : " Comme suite à notre conversation téléphonique de ce jour, voici les données nécessaires à l'élaboration d'un devis (...). Merci d'adresser directement le devis à la cliente à l'adresse suivante (...) ". En l'espèce, il s'agissait du déménagement national (Bonnelles-Nantes) d'une salariée d'entreprise.

142. Le 12 juin 2002, Mme Fourcade adressait un courrier à la cliente concernée, dans lequel il était mentionné : " A la suite de votre demande et des indications fournies par téléphone, nous avons le plaisir de vous confirmer les conditions auxquelles nous pourrons réaliser votre déménagement ".

143. L'examen de ces conditions commerciales révèle que la société Grospiron a repris poste par poste les indications fournies par M. 10... dans son message éléctronique du 30 mai 2002. Le devis de la société Grospiron s'est révélé inférieur de 15 % au devis établi par la société Interdean le 29 avril 2002, ce qui a permis à cette dernière d'être la moins-disante et de remporter le marché pour un montant de 8 253,84 euro.

144. Interrogé par la rapporteure sur cette pratique, le président de la société Grospiron a déclaré ne pas être en mesure de fournir une explication : " Je n'ai pas connaissance de ce type de pratiques et je n'ai pas d'explications à donner (...) notre entreprise est multi-sites et il est impossible de tout contrôler. (...) il n'est pas exclu qu'un commercial de l'entreprise Grospiron soit sollicité par l'un de ses confrères pour la fourniture d'un devis de couverture. Le cas Vernet peut être interprété comme tel. En revanche, la société Grospiron ne sollicite pas des devis de couverture. Nous n'avons pas chez nous du papier à entête vierge de nos concurrents. Par ailleurs, l'entreprise Grospiron n'opère pas de déménagements de fonctionnaires, pour lesquels l'établissement de trois devis est obligatoire". Quant au Président d'Interdean, celui-ci a indiqué : " Ce mail [le mail du 30 mai 2002] nous évoque un devis couverture. (...) Nous pensons que Monsieur 10... a pris l'initiative de faire une demande devis de couverture à l'entreprise Grospiron (...) ".

D. LES GRIEFS NOTIFIES

145. Au vu de l'ensemble des éléments analysés ci-dessus, quatre griefs d'entente ont été notifiés:

Grief n° 1 :

146. Il est fait grief aux sociétés Mobilitas, AGS Paris, Crown Worldwide SAS, Interdean SAS, Raoult Grospiron International, Sterling International Movers SAS, Sirva SAS et Transeuro Desbordes Worldwide Relocation, d'avoir en 2003, dans le cadre des réunions du Club, échangé des informations sur les prix et les coûts et déterminé en commun les taux d'assurance et le loyer garde-meubles. Ces pratiques ayant eu pour objet et/ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché des services de déménagement national et international sont prohibées par les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du traité CE.

Grief n° 2 :

147. Il est fait grief aux sociétés Sirva SAS, Patrick Blin, SARL Déménagement J Gervais, SA Desnos, SAS Percot, Rubrecht Christian (DSM), SA Ledeme, d'avoir en 2001, 2002 et 2003, mis en œuvre, des pratiques de devis de complaisance en vue de la fourniture aux personnels militaires de prestations de déménagement national et international. Ces pratiques ayant eu pour objet et/ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché des services de déménagement national et international de militaires sont prohibées par les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du traité CE.

Grief n° 3 :

148. Il est fait grief aux sociétés AGS Paris et Le Déménageur Européen d'avoir, en 2004 et 2005, mis en œuvre des pratiques de devis de complaisance en vue de la fourniture aux personnels militaires de prestations de déménagement national et international. Ces pratiques ayant eu pour objet et/ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché des services de déménagement national et international de militaires sont prohibées par les dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du traité CE.

Grief n° 4 :

149. Il est fait grief aux sociétés Raoult Grospiron International et Interdean SAS d'avoir, en 2002 mis en œuvre une pratique de devis de complaisance en vue de la fourniture à un salarié de prestations de déménagement national. Cette pratique ayant eu pour objet et/ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché des services de déménagement national est prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

150. Aucun grief n'a été notifié à la société Patrick Blin, cette société ayant été radiée du registre du commerce et des sociétés le 31 mars 2006.

E. LA MISE EN OEUVRE DU III DE L'ARTICLE L. 464-2 DU CODE DE COMMERCE

151. Les sociétés Grospiron, Sterling, Interdean, Déménagements J. Gervais et l'entreprise Rubrecht Christian (DSM) ont décidé de ne pas contester les griefs qui leur ont été notifiés. Ces entreprises ont donc sollicité le bénéfice des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce qui prévoient que : " lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer au Conseil de la concurrence qui entend les parties et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié ".

152. La mise en œuvre de ces dispositions a donné lieu à l'établissement de cinq procès-verbaux signés, respectivement, le 21 mai 2007 par le conseil de la société Grospiron, le 24 mai 2007 par le conseil de la société Sterling, le 7 juin 2007 par les représentants de la société Déménagements J. Gervais, le 13 juin 2007 par le conseil de la société Interdean et le 3 juillet 2007 par le chef de l'entreprise Rubrecht Christian (DSM).

153. Les sociétés qui ont choisi de ne pas contester les griefs ont souscrit, par ces procès- verbaux à des engagements et ont présenté des observations portant sur la gravité des pratiques, le dommage à l'économie et l'individualisation des sanctions.

154. Pour tenir compte de la non-contestation des griefs et des engagements souscrits par les sociétés, le rapporteur général a proposé que la sanction éventuellement encourue soit réduite de 5 % du montant qui aurait été normalement infligé.

1. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR LA SOCIETE RAOULT GROSPIRON INTERNATIONAL

155. Pour la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la société Grospiron a souscrit, par procès-verbal du 21 mai 2007, aux engagements suivants:

- " Raoult Grospiron International organisera à partir du mois de septembre prochain une ou plusieurs sessions de formation interne, assurées par un avocat spécialisé en droit de la concurrence pour sensibiliser ses salariés et cadres dirigeants à la législation applicable en matière d'entente. Cette formation sera obligatoire et devront y participer les personnes suivantes :

Président

Directeur International

Directeur Commercial

Chefs d'agence

Raoult Grospiron International modifiera pour l'avenir les contrats de travail de ses salariés pour leur rappeler qu'ils doivent, dans l'exercice de leurs fonctions, s'abstenir de toutes pratiques qui pourraient engager la responsabilité de la société sur le fondement du droit des ententes et que la violation de cette obligation constitue une faute lourde, justifiant une mesure de licenciement. Un mémo sera établi, qui sera remis à tous les salariés devant assister à la formation obligatoire et à tous les nouveaux salariés concernés, pour leur rappeler l'existence et le contenu des règles applicables ".

156. La société Grospiron a remis au Conseil de la concurrence un dossier concernant la mise en œuvre des engagements énoncés. Il comprend les documents suivants :

- une circulaire du 7 juin 2007 visant à rappeler à l'ensemble du personnel de la société les règles du droit de la concurrence qui doivent être respectées dans le cadre de l'exercice de leur activité ;

- des documents attestant de l'organisation d'une séance de formation du personnel commercial du bureau de Paris au droit des ententes. Ainsi, ont été transmis au Conseil, le courriel de convocation, la feuille d'émargement, ainsi que le document qui a été remis aux salariés en support de la formation.

2. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR LA SOCIETE STERLING INTERNATIONAL MOVERS SA

157. Pour la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la société Sterling a souscrit, par procès-verbal du 24 mai 2007, aux engagements suivants:

- " • La décision de s'abstenir de toute pratique d'échange d'informations avec les entreprises actives dans le secteur du déménagement national et international sur des éléments stratégiques de la politique commerciale de Sterling International Movers SA ;

• La mise en place au niveau national d'un programme de formation des personnes concernées de l'entreprise Sterling International Movers au respect des règles de concurrence françaises et communautaires, et de mesures visant à assurer en pratique le respect de ces règles.

En pratique, le respect de ces engagements sera assuré de la manière suivante :

• Monsieur 11..., Président Directeur Général, de la société Sterling International Movers SA a instruit des avocats spécialistes du droit de la concurrence (Lovells LLP) pour qu'ils dispensent une session de formation aux cadres dirigeants et aux cadres commerciaux de la société ;

• Cette session de formation se déroulera sur une demi-journée et sera renouvelée pour autant que de besoin au profit de nouveaux personnels concernés. Elle aura particulièrement pour objet de présenter et d'expliquer les règles du droit de la concurrence et les types de comportements interdits par le droit de la concurrence en insistant plus particulièrement sur les échanges d'information entre concurrents ;

• Cette session de formation sera obligatoire et chaque participant devra émarger une feuille de présence ;

• Sterling International Movers SA s'engage à mettre à disposition de l'ensemble des personnes concernées, directeur général et directeurs commerciaux, une Charte sur le respect du droit de la concurrence explicitant les règles du droit de la concurrence français et communautaire ;

• Pour l'avenir, les contrats de travail conclus par Sterling International Movers SA avec des cadres dirigeants ou des cadres commerciaux incluront une disposition indiquant en substance que toute participation personnelle à une entente anticoncurrentielle pourrait être qualifiée de faute grave ou lourde et entraîner, le cas échéant, son licenciement ;

Le Groupe Sterling International demandera au plus tard le 31 décembre de chaque année à son directeur général en France de signer une lettre de conformité dans laquelle il reconnaît avoir vérifié pour l'année écoulée que les actions commerciales de la société ont été menées en conformité avec la charte sur le respect du droit de la concurrence ;

• Lors de réunions au sein d'associations regroupant des représentants d'entreprises concurrentes, les représentants de Sterling International Movers SA s'abstiendront de toute discussion sur les prix et les coûts et plus généralement sur toute information revêtant une importance stratégique dans la définition de la politique commerciale de Sterling International Movers SA ".

3. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR LA SOCIETE DEMENAGEMENTS J. GERVAIS

158. Pour la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la société J. Gervais a souscrit, par procès-verbal du 7 juin 2007, aux engagements suivants:

- " (...) la société Déménagement J. Gervais souscrit, pour l'avenir, les engagements ci- après :

- décrire un plan de formation assez précis en direction des cadres et des agents à risque en matière d'ententes ;

- prévoir des circulaires internes, sur le strict respect de la réglementation et notamment la possibilité de qualifier de faute lourde une participation personnelle à une entente avec risque de licenciement ".

4. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR LA SOCIETE INTERDEAN SAS

159. Pour la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la société Interdean a souscrit, par procès-verbal du 13 juin 2007, les engagements suivants :

- " La société Interdean SAS s'engage à donner à l'ensemble de ses salariés des instructions formelles et réitérées par écrit visant au strict respect des règles de concurrence françaises et communautaires et notamment des dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du traité CE. La société Interdean SAS s'engage à mettre en œuvre à l'avenir et chaque année des actions systématiques de formation et de sensibilisation de ses employés au respect des règles de concurrence.

A cette fin, Interdean SAS organisera notamment pour toutes ses équipes commerciales une session de formation au cours de laquelle (i) les règles de concurrence françaises et communautaires seront expliquées en détail et (ii) une note de synthèse reprenant les principales règles de concurrence françaises et communautaires sera remise à tous les participants.

Ce programme de formation en droit de la concurrence complétera les sessions déjà organisées en 2006/2007 au niveau du groupe Interdean, à la demande expresse du nouvel actionnaire d'Interdean (depuis décembre 2005), à savoir :

- session de formation à Londres en décembre 2006 à l'attention de la direction générale du groupe et de toutes les filiales du groupe (notamment Interdean SAS) ;

- session de formation à Varsovie en janvier 2007 à l'attention de plus de 100 responsables commerciaux du groupe et des filiales du groupe (notamment Interdean SAS).

La société Interdean SAS s'engage enfin à rappeler aux responsables en contact avec les clients et les concurrents que la participation à une entente anticoncurrentielle constitue une faute grave, susceptible d'entraîner le licenciement de son auteur. La société Interdean SAS s'engage également à insérer une disposition en ce sens dans les contrats de travail existants et les contrats de travail conclus à l'avenir avec de nouveaux employés ".

5. LES ENGAGEMENTS SOUSCRITS PAR L'ENTREPRISE RUBRECHT CHRISTIAN (DSM)

160. Pour la mise en œuvre du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, l'entreprise Rubrecht Christian (DSM) a souscrit, par procès-verbal du 3 juillet 2007, aux engagements suivants :

- " L'entreprise DSM représentée par 12... souscrit, pour l'avenir, les engagements ci- après :

- L'entreprise DSM s'engage à donner à l'ensemble de ses salariés des instructions formelles et réitérées par écrit visant au strict respect des règles de concurrence françaises et communautaires et notamment des dispositions des articles L. 420-1 de Code de Commerce et 81 du traité CE ;

- L'entreprise DSM s'engage à mettre en œuvre à l'avenir et chaque année des actions systématiques de formation et de sensibilisation de ses employés au respect des règles de concurrence ;

- L'entreprise DSM s'engage enfin à rappeler aux responsables en contact avec les clients et les concurrents que la participation à une entente anticoncurrentielle constitue une faute grave, susceptible d'entraîner le licenciement de son auteur. L'entreprise DSM s'engage également à insérer une disposition en ce sens dans les contrats de travail existants et les contrats de travail conclus à l'avenir avec de nombreux employés ".

II. Discussion

A. SUR L'APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE

161. Trois griefs sur quatre ont été notifiés sur le fondement des articles L. 420-1 et 81 § 1 du traité CE. En effet, dans ses lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité CE, la Commission européenne a posé le principe selon lequel : " si un accord ou une pratique sont, par leur nature même, susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, par exemple parce qu'ils concernent des importations ou des exportations ou bien plusieurs États membres, il existe une présomption positive réfutable que cette affectation du commerce est sensible, dès lors que le chiffre d'affaires réalisé par les parties avec les produits (ou services) concernés par l'accord excède 40 millions d'euro. Dans le cas de ces accords qui, de par leur nature même, sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, on peut également souvent présumer que l'affectation du commerce sera sensible dès lors que la part de marché [totale des parties sur le marché en cause affecté par l'accord excède 5 %] ".

162. Il ressort, également, des points 78 et suivants de ces lignes directrices que les " ententes horizontales couvrant l'ensemble d'un État membre sont normalement susceptibles d'affecter le commerce entre États membres (...) ".

163. Le Conseil de la concurrence, dans une décision n° 05-D-38 du 5 juillet 2005 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché du transport public urbain de voyageurs, a donc considéré que : " les cartels nationaux sont par définition susceptibles d'affecter le commerce intra-communautaire dès lors que le cartel couvre l'ensemble du territoire national et est mise en œuvre par des sociétés d'envergure internationale ".

164. En l'espèce, s'agissant des trois premiers griefs, compte-tenu du fait que les pratiques mises en œuvre concernent les services de déménagement international, par nature transfrontaliers, que les entreprises parties réalisent des prestations de déménagement depuis et à destination de la plupart des États membres, et répondent à une demande s'exprimant sur l'ensemble du territoire français, que le chiffre d'affaires de celles-ci a excédé 40 millions d'euro en 2003 et que la somme de leurs parts de marché excède 5 % du marché des services de déménagements en France, les comportements constatés sont de nature à affecter de manière sensible le commerce entre États membres et peuvent donc être qualifiés au regard de l'article 81 § 1 du traité CE, ce que les parties ne contestent pas.

B. SUR L'IMPUTABILITE DES PRATIQUES

165. Dans le cas de transformations intervenues dans la structure d'exploitation des entreprises ayant pris part à des pratiques anticoncurrentielles, le Conseil de la concurrence, suivant en cela les solutions de la jurisprudence communautaire qui ont été reprises elles-mêmes par les juridictions nationales de contrôle, a dégagé les principes applicables en matière d'imputabilité de pratiques anticoncurrentielles :

- tant que la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise qui a mis en œuvre les pratiques subsiste juridiquement, c'est elle qui doit assumer la responsabilité de ces pratiques, même si les éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de la pratique sont cédés à une tierce personne ;

- lorsque la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise a juridiquement disparu, les pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l'entreprise a juridiquement été transmise c'est-à-dire à la personne morale qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur des pratiques. A défaut, c'est à l'entreprise assumant la continuité économique et fonctionnelle d'y répondre.

166. En l'espèce, la société Sirva SAS est issue de la fusion intervenue le 20 décembre 2004 entre les sociétés Allied Arthur Pierre et Maison Huet, avec effet rétroactif au 1er janvier 2004. Le 4 avril 2007, la totalité des actions composant le capital de la société Sirva SAS a été cédée par les sociétés Sirva Inc. (anciennement North American International Holding Corporation) et Pierre Finance Nederland Renting BV à la société néerlandaise Transeuro Amertrans International Holdings BV, qui est également actionnaire unique de la société Transeuro Desbordes Worldwide Relocations. Ainsi que l'a indiqué le conseil de la société Sirva SAS dans un courrier adressé à la rapporteur le 12 juillet 2007, la société Sirva SAS " existe toujours en tant que personne morale ".

167. Il résulte de ce qui précède que, dans le cadre de la présente procédure, la société Sirva SAS vient aux droits des sociétés Allied Arthur Pierre et Maison Huet. Les pratiques mises en œuvre par ces deux entreprises lui sont par conséquent imputables.

C. SUR LE BIEN FONDE DES GRIEFS NOTIFIES

1. SUR LE PREMIER GRIEF RELATIF A L'ENTENTE SUR LES PRIX

a) En ce qui concerne le marché affecté

168. L'application par le Conseil de la concurrence des dispositions qui prohibent les ententes suppose la délimitation préalable des marchés concernés. Le marché est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique.

169. L'instruction a démontré que les entreprises de déménagement ayant participé aux réunions informelles, sous la dénomination " Club ", développaient leur activité dans le secteur du déménagement international et national, au départ ou à destination de la France, pour le compte d'une clientèle composée, en grande partie, de salariés de sociétés multinationales implantées en France. Ces éléments conduisent à considérer que le marché affecté sur lequel il convient d'analyser les pratiques mises en œuvre dans le cadre des réunions du Club est celui des services de déménagement national et international de domiciles au départ et à destination de la France.

b) En ce qui concerne la participation des entreprises mises en cause à l'entente

170. Les investigations ont permis de réunir un faisceau d'indices graves, précis et concordant de ce qu'en 2003, lors des réunions informelles des 15 et 23 avril, les représentants des sociétés AAP, AGS Paris, Crown, Grospiron, Interdean, Sterling et Transeuro ont échangé des informations sur les prix et les coûts et élaboré en commun des tarifs minimum s'agissant des taux d'assurance et du loyer garde-meubles.

171. Ce faisceau d'indices est constitué des déclarations des entreprises concernées mais également des documents saisis, notamment la note rédigée par le président de la société Sterling, M. X..., laquelle se réfère de manière précise et explicite à un accord sur les prix (§ 63). En effet, les termes utilisés dans ce document permettent de caractériser une concertation entre les participants à la réunion du 15 avril 2003 sur les taux d'assurance et le loyer garde-meubles à appliquer à partir de cette même date.

172. Avant de statuer sur la responsabilité encourue par les entreprises auxquelles il est reproché d'avoir participé à l'entente faisant l'objet du premier grief notifié, il convient de rappeler les principes qui guident la qualification de telles ententes en droit communautaire et en droit national. Leur application est, en effet, discutée par les parties.

Sur le standard de preuve en droit communautaire

173. Le juge communautaire a défini la pratique concertée comme celle qui vise " une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission, précité, point 64). Les critères de coordination et de coopération retenus par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact, directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché " (CJCE, 16 décembre 1975, Suiker Unie UA aff. jointes 114-73, TPICE, LVM c/ Commission 29 avril 1999). En conséquence, la qualification de pratique concertée n'est pas limitée aux seuls comportements sur le marché mais peut aussi s'appliquer à une forme de coordination et à des prises de contacts entre les entreprises, supposant en cela un accord de volonté pour mener ensemble une telle concertation.

174. Dans l'arrêt Anic du 8 juillet 1999, la Cour de justice des Communautés européennes en déduit que : " comme cela résulte des termes mêmes de l'article 85 [devenu l'article 81], paragraphe 1, du traité la notion de pratique concertée implique, outre la concertation entre les entreprises, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments.

(...) Or, d'une part, il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu'il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d'autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d'une longue période (...)

D'autre part, une pratique concertée telle que définie ci-dessus relève de l'article 85, paragraphe 1, du traité, même en l'absence d'effets anticoncurrentiels sur le marché. D'abord, il découle du texte même de ladite disposition que, comme dans le cas des accords entre entreprises et des décisions d'associations d'entreprises, les pratiques concertées sont interdites, indépendamment de tout effet, lorsqu'elles ont un objet anticoncurrentiel.

Ensuite, si la notion même de pratique concertée présuppose un comportement des entreprises participantes sur le marché, elle n'implique pas nécessairement que ce comportement produise l'effet concret de restreindre, d'empêcher ou de fausser la concurrence ".

175. La Cour de justice a poursuivi cette analyse dans l'arrêt Sarrio du 16 novembre 2000 (aff. C-291-98) cité par l'une des parties, en précisant les éléments de nature à renverser la présomption de l'accord de volonté : " le fait qu'une entreprise ne donne pas suite aux résultats des réunions n'est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à l'entente à moins qu'elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu". La Cour a plus récemment confirmé sa position dans un arrêt du 28 juin 2005, (Dansk Industrie c/ Commission (C-189-02 P et autres)) : " Aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), il suffit qu'un accord ait pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets. En conséquence, dans le cas d'accords se manifestant lors de réunions d'entreprises concurrentes, une infraction à cette disposition est constituée lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. Dans un tel cas, la responsabilité d'une entreprise déterminée du chef de l'infraction est valablement retenue lorsqu'elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n'a pas, ensuite, mis en œuvre l'une ou l'autre des mesures convenues lors de celles-ci. La circonstance d'une participation à l'entente d'entreprises dominantes ou particulièrement puissantes, susceptibles de prendre des mesures de rétorsion envers d'autres participants, nettement moins puissants, au cas où ceux-ci se distancieraient publiquement du contenu des réunions dont l'objet est anticoncurrentiel, l'assiduité plus ou moins grande de l'entreprise aux dites réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l'existence de sa responsabilité, mais sur l'étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (voir, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I-8375, points 508 à 510). Il en découle que la circonstance (...) que [l'entreprise mise en cause] n'a pas mis en œuvre et ne pouvait d'ailleurs pas mettre en œuvre la mesure de boycottage convenue lors de la réunion du 24 mars 1995 n'est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à cette mesure, à moins qu'elle ne se soit distanciée publiquement de son contenu, ce que ladite [entreprise] n'a pas allégué".

176. C'est ce même raisonnement qu'a rappelé la Cour de justice dans une affaire plus récente : " Dès lors qu'il a été établi qu'une entreprise a participé à des réunions entre entreprises à caractère manifestement anticoncurrentiel il incombe à cette entreprise d'avancer des indices de nature à établir que sa participation aux-dites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel en démontrant qu'elle a indiqué à ses concurrents qu'elle y participait dans une optique différente de la leur. En l'absence d'une telle preuve de distanciation le fait que cette entreprise ne se conforme pas aux résultats de ces réunions n'est pas de nature à la priver de sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l'entente " (voir en ce sens, CJCE affaires jointes C-403-04 P C-405-04 P du 25 janvier 2007 Sumitomo Metal Industries Ltd et Nippon Steel Corp.).

177. En droit communautaire, l'accord de volonté d'une entreprise est par suite démontré par sa participation à une ou plusieurs réunions ayant un objet anticoncurrentiel, à moins qu'elle ne s'en soit distanciée publiquement, sans qu'il soit besoin de constater la mise en œuvre effective des décisions prises. L'absence de mise en œuvre est un élément à prendre en compte, non pas pour qualifier l'infraction mais pour établir le montant de la sanction.

Sur le standard de preuve en droit national

178. Comme l'a rappelé le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 06-D-03 du 9 mars 2003 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage, sanitaires, plomberie, climatisation (paragraphes 683 et suivants) la pratique décisionnelle de l'autorité nationale de concurrence distingue deux situations :

- celle dans laquelle la concertation anticoncurrentielle se déroule au cours de réunions tenues dans le cadre statutaire d'une organisation professionnelle ;

- celle dans laquelle l'entente est mise au point au cours de réunions informelles, de nature le plus souvent occulte ou secrète, auxquelles participent de leur propre initiative les entreprises concurrentes.

179. Dans le premier cas, le standard de preuve est plus exigeant. Le seul fait d'avoir participé à une réunion tenue dans le cadre statutaire d'une organisation professionnelle - assemblée générale ordinaire d'une fédération départementale professionnelle dans le cas de la boulangerie (voir la décision n° 04-D-07 du 11 mars 2004 relative à des pratiques relevées dans le secteur de la boulangerie dans le département de la Marne), assises nationales, conseil d'administration, commission économique ou bureau d'une fédération nationale dans le cas du négoce d'appareils sanitaires ou de chauffage (voir la décision n° 06-D-03 déjà citée) - dont l'ordre du jour aurait dans les faits évolué vers un objet anticoncurrentiel - ne suffit pas à caractériser l'adhésion des entreprises à l'entente. En effet, dans un tel cas, l'entreprise régulièrement convoquée n'est pas en mesure de connaître l'objet anticoncurrentiel de cette réunion. Dans ce contexte, le Conseil a considéré, dans ces deux affaires, que le concours de volonté était démontré lorsque l'entreprise, ayant participé ou non à cette réunion, a adhéré à l'entente par la preuve de son accord à l'entente de prix, la diffusion des consignes arrêtées lors de cette réunion ou par l'application des mesures concrètes décidées par cette réunion ou encore lorsque l'entreprise a participé à une réunion ultérieure ayant le même objet anticoncurrentiel.

180. Dans le deuxième cas, le standard de preuve est le même que celui rappelé aux paragraphes 173 à 176. Comme le rappelle le juge communautaire dans l'arrêt Suiker Unie UA déjà cité, une entreprise doit s'abstenir rigoureusement de participer à des prises de contact, directes ou indirectes, avec ses concurrents en vue d'échanger sur les politiques commerciales et notamment les prix des biens ou des services qu'elle offre sur le marché. Ce type de réunion informelle, généralement secrète et d'ailleurs abritée derrière des noms de Code (" le Club ", la " réunion des confrères ") qui tente de dissimuler le véritable objet pour lequel sont conviés dirigeants ou responsables commerciaux d'entreprises concurrentes à l'initiative de l'une d'entre elles, n'appelle qu'une réponse de la part des entreprises : refuser d'y participer ou, si la bonne foi du participant est surprise, se distancier sans délai et publiquement du mécanisme anticoncurrentiel dont la réunion est le support. La participation à une seule de ces réunions - même si elle est passive - suffit en effet à conforter le mécanisme de l'entente : d'une part, elle renseigne sur le comportement commercial que les autres acteurs ont décidé d'adopter sur le marché, alors que l'autonomie qu'exige la concurrence entre entreprises suppose que ces dernières restent dans l'incertitude sur la stratégie de leurs compétiteurs, d'autre part elle permet aux participants plus actifs d'escompter que l'absence d'opposition de l'entreprise ne viendra pas perturber le jeu collusif.

181. L'affaire soumise au Conseil dans la présente espèce s'inscrit dans ce dernier cadre. Loin d'être convoquées à une réunion statutaire de leur organisation professionnelle, les entreprises invitées par les appels téléphoniques de deux d'entre elles, dans les conditions décrites au paragraphe 9, à se joindre au " Club " réuni une première fois au niveau de leurs dirigeants au bar de l'hôtel Méridien puis une deuxième fois - toujours en avril 2003 mais au niveau des responsables commerciaux - dans un restaurant du voisinage ne pouvaient ignorer l'objet anticoncurrentiel de la concertation à laquelle ils étaient conviés.

182. Plusieurs des entreprises mises en cause contestent de manière générale l'objet anticoncurrentiel des deux réunions d'avril 2003. Elles soutiennent également que même si tel était le cas, elles n'ont pas adhéré à l'entente, faute d'avoir uni leur volonté à celles des autres participants pour se joindre au plan anticoncurrentiel adopté lors de ces réunions. Il convient de répondre à ces deux types d'arguments.

En ce qui concerne l'objet anticoncurrentiel des réunions des 15 et 23 avril 2003

183. La plupart des mises en cause font valoir que la notification des griefs s'abstient d'établir, par un ensemble d'indices graves, précis et concordants, que la réunion du 15 avril 2003 avait un objet anticoncurrentiel et qu'une décision a été prise en commun en ce qui concerne la détermination des prix. La notification des griefs ne se fonderait en effet, que sur la note de M. X... à propos de laquelle ce dernier a déclaré qu'il s'agissait d'une note interne, qui n'était adressée à personne, et que les tarifs qui y étaient indiqués correspondaient aux seuls prix qu'il avait décidé d'appliquer pour la société Sterling. Par ailleurs, comme l'aurait indiqué le président de la société Crown, M.C..., lors de ses auditions, ces réunions avaient pour objet d'échanger des informations d'ordre général intéressant la profession.

184. La société Transeuro fait valoir, quant à elle, qu'à l'époque des faits, son dirigeant, M. D... était nouveau dans la profession et n'assistait à ces réunions " auxquelles il n'était convié que de manière inconstante ", qu'à titre d'observateur. Il aurait assisté à ces réunions en toute bonne foi s'agissant de réunions professionnelles auxquelles il estimait devoir participer. Il en résulterait que, dans l'esprit de la société Transeuro, la participation aux réunions des principaux professionnels du secteur du déménagement international, ne pouvait en aucune manière avoir pour objet la limitation du jeu de la concurrence.

185. La société AGS Paris souligne qu'il résulterait des précédentes décisions du Conseil (n° 00-D-28 du 19 septembre 2000 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du crédit immobilier et n° 05-D-65 du 30 novembre 2005 relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie mobile), que constitue un tel faisceau d'indices un nombre conséquent de pièces écrites faisant état de faits précis. Aucun de ces éléments ne se retrouverait, en l'espèce, s'agissant d'AGS Paris. Elle expose notamment à cet égard que les indications des sociétés qui ont fait la démarche de clémence selon lesquelles (i) les entreprises mises en cause auraient remis des chiffres concernant certaines destinations à la suite de la réunion du 15 avril ; (ii) la réunion du 15 avril 2003 aurait constitué une réunion préparatoire suivie d'une réunion de plus grande envergure le 23 avril 2003 au cours de laquelle : " les prix relatifs aux destinations citées précédemment ont été discutés conjointement avec les frais généraux de chacun des concurrents et les taux des primes d'assurance répercutées sur les clients " ; (iii) M. B... aurait été présent à la réunion du 23 avril 2003, n'ont pas été corroborées par les éléments recueillis au cours de l'enquête. Elle attire, également, l'attention sur le fait qu'à aucun moment les demandeurs de clémence n'ont évoqué de discussions sur le loyer garde-meubles et que leurs énonciations sont en contradiction avec la note de M. X..., selon laquelle un accord sur les taux serait intervenu dès le 15 avril 2003.

186. Mais il est de jurisprudence constante que la preuve des pratiques anticoncurrentielles peut résulter, soit de preuves se suffisant à elle-même, soit d'un faisceau d'indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours de l'instruction (décision n° 01-D-13 du 19 avril 2001). Pour apprécier la valeur probante d'une déclaration ou d'un document, il faut, en s'inspirant de ce que jugent les juridictions communautaires : " en premier lieu vérifier la vraisemblance de l'information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l'origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d'après son contenu, il semble sensé et fiable " (TPICE, 25 octobre 2005, Groupe Danone, T-38-02). Par ailleurs, comme l'a relevé la Cour de cassation dans son arrêt du 8 décembre 1992 (chambre commerciale, arrêt n° 1894), c'est moins la valeur intrinsèque de chaque indice pris isolément qui est déterminante que la force de conviction que fait naître, à l'issue du débat contradictoire, la réunion de tous les indices.

187. En l'espèce, dans la notification de griefs, l'existence de l'entente sur les prix a été établie grâce au recoupement de plusieurs indices graves, précis et concordants, parmi lesquels figure, en premier lieu, le contenu de la note manuscrite rédigée par M. X... et saisie dans les locaux de la société Sterling, dont les termes rappelés au § 63 ci-dessus, sont sans ambigüité, " Le Club s'est mis d'accord sur les taux à partir du 15 avril 2003 " exprimant une volonté commune des entreprises du Club de se comporter sur le marché d'une manière déterminée en matière de prix. La note de M. X... constitue ainsi un indice particulièrement grave, précis et explicite de la pratique reprochée aux entreprises.

188. Le caractère unilatéral de cette note n'enlève rien à la valeur d'indice de ce document comme le Conseil l'a déjà considéré dans la décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005, relative à des pratiques constatées dans le secteur de la téléphonie mobile : " La double circonstance qu'il s'agisse de documents unilatéraux évoquant l'accord et non de documents établis en commun ou échangés entre les opérateurs et qu'aucun document n'émane de la société Bouygues n'enlève rien, comme l'a estimé le Conseil dans la décision n° 00-D-28 confirmée par la cour d'appel dans son arrêt du 27 novembre 2001, à la valeur d'indice de ces pièces ".

189. De même, le fait que la note de M. X... ait été saisie dans les locaux de la société Sterling n'affecte en rien son caractère opposable aux autres parties présentes à la réunion du 15 avril 2003. En effet, selon une jurisprudence régulièrement confirmée, un document régulièrement saisi, quel que soit le lieu où il l'a été, est opposable aux entreprises qui y sont mentionnées, et peut être utilisé comme preuve par le rapprochement avec d'autres indices concordants (cf. par exemple l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 26 novembre 2003, Société Préfall).

190. En outre, M. X... a reconnu avoir rédigé cette note " à l'issue d'une réunion informelle avec des concurrents au Club du Méridien. Cette réunion a eu lieu début 2003. Il est possible qu'elle ait eu lieu le 15 avril (...) " (§ 54). Ce document a donc bien été établi en liaison directe avec la réunion du 15 avril 2003.

191. En deuxième lieu, ce document a été rapproché d'autres éléments recueillis au cours de l'enquête indiquant l'existence d'une concertation sur les prix entre les principales entreprises du secteur du déménagement international : les déclarations des sociétés qui ont fait la démarche de clémence (§ 8 et 9) corroborées par celles des représentants des sociétés Sterling (§ 65 et 66), Interdean (§ 70 et 71), Transeuro (§ 73) et Crown (§ 72) ; les mentions figurant sur l'agenda de M. Y... (§ 67) ; la présence des responsables commerciaux à la réunion du 23 avril 2003 (§ 75) ; les similitudes entre les tarifs indiqués sur la note de M. X... et ceux appliqués par les entreprises, postérieurement aux réunions d'avril 2003 (§ 76 et suivants).

192. S'agissant des déclarations des sociétés à l'origine de la demande de clémence, il est à noter que celles-ci ne constituent qu'un indice utilisé pour compléter et éclaircir les pratiques constatées. Or, au regard des autres éléments de preuve disponibles, ces déclarations apparaissent à la fois crédibles et concordantes sur l'essentiel de la description des faits. Il en résulte que les contradictions ou omissions relevées par la société AGS ne sont pas de nature à affecter la force probante des déclarations litigieuses en ce qui concerne l'existence même de l'entente sur les prix (voir le raisonnement suivi par la Commission européenne dans sa décision du 27 novembre 2002, Plaques en plâtre).

193. Il résulte du rapprochement de ces indices que les réunions des 15 et 23 avril 2003 avaient pour objet des échanges d'informations sur les prix et les coûts et l'élaboration en commun de tarifs minimum s'agissant du loyer garde-meubles et des taux d'assurance. Un tel objet contrevient à la fois aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce et à celles de l'article 81 § 1 du traité.

194. Enfin, il est à noter que pour caractériser une infraction aux dispositions de l'article L. 420-1 et 81 § 1 du traité CE, la preuve de l'intention subjective de porter atteinte à la concurrence n'est pas requise (décision du Conseil de la concurrence n° 94-D-21 du 22 mars 1994 relative à des pratiques d'annonces, régisseur exclusif de la publicité dans les annuaires de France Télécom, décision de la Commission du 24 juillet 2002, C 002-2782).

En ce qui concerne la participation des sociétés Grospiron, Interdean et Sterling

195. Les trois entreprises ne contestent pas les griefs qui leur ont été notifiés. Leur participation à l'entente, dont ni la matérialité, ni la qualification juridique ou l'imputabilité ne sont remises en cause, constitue une infraction aux dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du traité CE.

En ce qui concerne la participation de la société Crown

196. La société mise en cause soutient que M.C... n'était pas présent aux réunions des 5 janvier 2000, 28 février 2001 et 23 avril 2003, de même qu'il n'a pas assisté aux réunions ayant eu lieu sous l'égide du bureau de l'AFDI. Elle soutient que, dès lors : " le grief de participation à ces réunions ne peut en toute hypothèse pas être retenu à l'égard de la société Crown ".

197. Elle fait encore valoir que la preuve d'une application par Crown des tarifs figurant sur la note de M. X... n'a pas été apportée. La société mise en cause allègue, en effet, que pendant la période litigieuse, elle a déterminé sa tarification de manière autonome. Ainsi, s'agissant du loyer garde-meubles, Crown entend souligner qu'elle a mis en place sa nouvelle tarification de 5,50 euro en juillet 2002, c'est-à-dire plusieurs mois avant la prétendue concertation qui serait intervenue en avril 2003 et qu'elle pratique, depuis le mois d'octobre 2002, un taux d'assurance de 0,35 % alors que la notification des griefs fait état d'un prétendu accord entre les entreprises pour un taux de 0,40 %. Crown fait observer, par ailleurs, que ses taux d'assurance des biens transportés n'ont pas évolué au mois de mai 2003 sur les destinations suivantes : France ; Union européenne ; autres pays européens ; Afrique/Moyen Orient ; Océanie. Elle indique que ce serait à la fois la hausse des taux par les compagnies d'assurance (évènements du 11 septembre, attentat de Bali en 2002, épidémie du SRAS début 2003) et la nécessité de redresser la situation de l'entreprise, dont les pertes s'élevaient à environ 1 million d'euro pour l'exercice 2001, qui expliqueraient que la société Crown a procédé à deux augmentations successives pour les déménagements concernant l'Asie et l'Amérique du Nord. Précisément en mai 2003, le groupe Crown aurait décidé, compte-tenu du contexte, de ne plus s'assurer auprès de son assureur historique Willis pour tous les dommages inférieurs à 10 000 dollars. Pour l'ensemble de ces dommages, les clients continuaient à être indemnisés par la société Crown pour autant qu'ils avaient souscrit l'assurance proposée par elle mais c'est le groupe Crown qui prenait en charge lui-même ces sinistres par un mécanisme d'auto- assurance (appelé " Transit Protection program "). La société Crown aurait donc été légitimement amenée à réviser sa tarification sur les destinations les plus sensibles à cette époque à savoir l'Asie et l'Amérique du Nord. Enfin, il est avancé que la circonstance que le groupe Crown ait notifié à sa filiale française en juillet 2003 une réduction des tarifs d'assurance négociés ne modifierait pas cette analyse. D'une part, cette annonce est postérieure à la décision de la société française d'augmenter ses tarifs et d'un point de vue commercial, il n'était pas opportun de revenir sur une décision d'augmentation qui avait été initiée quelques mois auparavant. D'autre part, il est apparu que cette réduction des taux négociés au niveau du groupe contribuait à la restauration des marges de la société Crown qui en 2002 subissait encore des pertes à hauteur 720 000 euro.

198. La société Crown soutient, enfin, que l'existence d'une concertation sur le loyer garde- meubles entre les entreprises visées par la notification des griefs serait contredite par la constatation que certaines d'entre elles pratiquaient, en 2003, des prix inférieurs à celui appliqué par la société Crown.

199. Toutefois, il y a lieu de constater que le président de la société Crown, M.C... n'a pas contesté avoir participé à la réunion du 15 avril 2003 (§ 51) et n'a avancé aucun élément démontrant qu'il se serait publiquement distancié de la finalité anticoncurrentielle poursuivie par les autres participants. Il en résulte que la simple participation de Crown à cette réunion suffit à établir sa participation à l'entente.

200. En toute hypothèse, l'instruction confirme l'application par Crown de l'accord sur les prix. Cette entreprise a, en effet, augmenté les taux d'assurance des biens transportés à destination ou en provenance des Etats-Unis et de l'Asie de 2,5 % à 2,75 % pour les premiers et de 2,5 % à 2,9 % pour les seconds, taux qui peuvent être rapprochés de ceux portés sur la note par M. X... (2,7 % pour l'Amérique du nord et 2,9 % pour Asie).

201. Il résulte de ce qui précède que la participation de la société Crown à l'entente visée par le grief n° 1 est établie.

En ce qui concerne la participation de la société Transeuro

202. La société Transeuro relève, à titre liminaire, que les informations communiquées au Conseil de la concurrence par les sociétés à l'origine de la demande de clémence sont en partie erronées. Ces sociétés ont, en effet, indiqué lors de leurs auditions, que la responsable commerciale de la société Transeuro, Mme I... avait assisté à la réunion du 23 avril 2003 : or cette information a été démentie lors de l'enquête.

203. La société Transeuro soutient, par ailleurs, qu'aucune infraction aux règles de concurrence n'est constituée à son égard, dès lors qu'il n'a été constaté aucune modification dans sa politique commerciale, à l'issue des réunions des 15 et 23 avril 2003. En effet, l'augmentation de certains de ses tarifs serait intervenue à partir du 1er janvier 2003, soit antérieurement à la réunion de ce qui est appelé " le Club ". De même, le caractère impératif et généralisé des taux figurant sur la note saisie dans les locaux de la société Sterling n'est pas démontré dans la mesure où il apparaît que seule la société Sterling a véritablement appliqué les principes tarifaires en résultant. Transeuro fait observer, à cet égard qu'en novembre 2003, elle a accordé à sa cliente, la société L'Oréal, des tarifs nettement inférieurs à ceux figurant sur la note de M. X....

204. La mise en cause prétend encore que non seulement les prix et conditions du marché sont largement connus des clients qui sont majoritairement des grands comptes mais que sa participation aux réunions des 15 et 23 avril 2003 était justifiée par le souci de préserver la libre concurrence. Les entreprises du déménagement se seraient effectivement réunies pour discuter des tarifs à l'occasion d'une tentative effectuée par l'un de leurs clients de fausser le jeu de la concurrence en prétendant avoir obtenu un devis très en dessous du prix du marché.

205. S'agissant de l'observation préliminaire relative à l'absence de Mme I... à la réunion du 23 avril 2003, il convient de relever que cet élément de fait, qui a en effet été établi lors de l'enquête administrative, ne saurait remettre en cause la participation de la société Transeuro à l'entente dénoncée puisqu'il n'est pas contesté que cette dernière était représentée à la réunion par son directeur, M. D.... La participation de la société aux réunions de concertation des 15 et 23 avril 2003, dont il a été démontré qu'elles avaient le même objet anticoncurrentiel, aucun élément ne suggérant une réserve ou un dissentiment de sa part par rapport aux pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre, doit être considérée comme démontrant à suffisance de preuve sa participation à l'entente.

206. Il résulte, en effet, de la jurisprudence rappelée ci-dessus (§ 178) que la circonstance que la société Transeuro n'ait pas modifié ses tarifs à la suite des réunions des 15 et 23 avril 2003 n'est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à l'entente.

207. Par ailleurs, s'agissant du moyen invoqué par Transeuro relatif à la nécessité pour les entreprises de se défendre contre des pratiques illicites, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante du Conseil de la concurrence. Ainsi, l'existence d'un pouvoir de marché susceptible d'être exercé par les clients victimes des pratiques ne saurait justifier la pratique d'entente. Le Conseil s'est déjà prononcé sur ce point dans la décision n° 02-D-57 du 19 septembre 2002 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des roulements à billes et assimilés : " (...) quand bien même elle serait avérée, la puissance d'achat des distributeurs ne peut justifier que les fabricants se concertent pour aligner les hausses de leurs tarifs ". De même, il a rappelé qu'il n'appartient pas aux entreprises ou aux organisations professionnelles de se substituer aux autorités administratives et compétentes pour éviter la mise en œuvre de pratiques prohibées par la loi : " Considérant que le syndicat expose que les réunions visées dans la notification de griefs ne tendaient pas à fixer des prix plancher pour les prestations de désamiantage mais à définir des fourchettes de prix en vue (...) d'éviter la pratique de prix prédateurs par des entreprises peu scrupuleuses (...). (...) que toutefois, il n'appartenait pas au GETAP de fixer un prix minimum exprimé en valeur absolue, applicable à toutes les entreprises, en dessous duquel toute offre était réputée constituer un prix prédateur ; (...) qu'en tout état de cause, il n'appartient pas à une organisation professionnelle de se substituer aux autorités administratives et judiciaires compétentes pour qualifier de son propre chef de telles pratiques (...) " (voir la décision n° 2000-D-29 du 5 juillet 2000 relative à des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur du traitement de l'amiante). En conséquence, le moyen soulevé par la société Transeuro relatif à son souci " de préserver la libre concurrence " doit être écarté.

208. En dernier lieu, le fait que les prix et conditions du marché puissent être connus des clients n'enlève rien au caractère anticoncurrentiel des échanges d'informations surtout, lorsque comme en l'espèce, ils constituent le support d'un autre mécanisme anticoncurrentiel, à savoir un accord sur les prix (voir en ce sens l'arrêt de la CJCE du 7 janvier 2004 dans les affaires jointes Aalborg Portland A/S ea : " Même si les informations faisant l'objet desdits échanges relevant du domaine public ou portent sur des prix historiques et purement statistiques, leur échange enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité lorsqu'il constitue le support d'un autre mécanisme anticoncurrentiel ").

En ce qui concerne la participation de la société AGS Paris

209. La société AGS Paris allègue que le rapport d'enquête n'a établi à son encontre aucune similitude de politique commerciale et que les pièces du dossier ne permettent pas de considérer qu'elle était informée de la nature précise des réunions des 15 et 23 avril 2003. Au soutien de son argumentation, AGS Paris invoque l'application, au cas présent, de la jurisprudence du TPICE Sarrio c/ Commission du 16 novembre 2000, selon laquelle, une seule note confidentielle ne rapporterait pas la preuve permettant de considérer que les participants aux réunions du Comité étaient informés de la nature précise des réunions et celle de la véritable nature des discussions tenues lors des réunions et où, dans la mesure où le contenu de la réunion avait pu avoir, pour l'entreprise, un caractère exceptionnel, il ne pouvait lui être reproché de ne pas s'être publiquement distanciée du contenu des discussions de cette réunion.

210. La société AGS Paris fait remarquer en outre qu'en raison des relations difficiles entretenues à une certaine époque avec les confrères de la profession, elle n'a pas eu connaissance d'un accord qui, le cas échéant, serait intervenu entre d'autres, en amont ou en aval des réunions d'avril 2003. Elle invoque à cet égard la jurisprudence " Sarrio " du TPICE (précitée au § 184).

211. Elle soutient encore que les taux pratiqués par la concurrence ne présentent aucun caractère confidentiel et sont connus de chaque entreprise du fait de l'obligation d'affichage dans les entreprises résultant de l'arrêté n° 86-48/A entérinant l'accord de régulation n° 86-23 relatif aux opérations de déménagement et de garde-meubles en date du 3 novembre 1986.

212. Il y a lieu à cet égard de préciser, pour répondre aux objections de la société AGS Paris, que la situation de la présente espèce se distingue de celle qui avait été examinée par le TPICE dans l'affaire Sarrio de 1998. En effet, si dans cette affaire, le TPICE a considéré qu'une seule note confidentielle n'établissait pas l'objet anticoncurrentiel des discussions tenues lors des réunions du comité économique (COE), c'est en raison du fait qu'il n'existait aucun élément de preuve permettant de considérer que les participants aux réunions du comité économique étaient informés de la nature illicite des réunions du Joint Marketing Commitee (JMC), organe auquel le comité économique faisait son rapport. De même, si la participation de Prat Carton à la réunion du comité économique du 3 octobre 1989, ne constituait pas une preuve suffisante de sa participation à une violation de l'article 85 paragraphe 1, du traité c'était au motif que les discussions sur les prix qui avaient été menées lors de ladite réunion concernaient les réactions des clients à l'augmentation des prix du carton GC, appliquée par la plupart des producteurs de ce carton à partir du 1er octobre 1989, après avoir été annoncée quelques mois auparavant. Or en l'espèce, rien ne permettait de considérer que Prat Carton avait participé à une collusion portant sur l'augmentation de prix d'octobre 1989. C'est bien à la lumière de ces éléments, que le tribunal a pu considérer que dans la mesure où le contenu de la réunion litigieuse a pu avoir pour Prat Carton un caractère exceptionnel, il ne saurait être reproché à cette entreprise de ne pas s'être publiquement distanciée du contenu des discussions de cette réunion.

213. Toutefois, il ressort des éléments du dossier que la société AGS Paris a participé aux réunions des 15 et 23 avril 2003 dont il a été démontré qu'elles avaient le même objet anticoncurrentiel, à savoir des échanges d'informations sur les prix et les coûts et l'élaboration en commun de tarifs minimum s'agissant du loyer garde-meubles et des taux d'assurance. En effet, M. B..., administrateur de la société, était présent à la réunion du 15, et M. E..., président de la société, était présent à la réunion du 23. En application du standard de preuve exposé ci-dessus, l'adhésion de cette entreprise à l'entente est caractérisée dès lors qu'elle ne fournit aucun indice concret et objectif établissant qu'elle s'est distanciée publiquement de l'objet anticoncurrentiel de la concertation mise en œuvre lors des réunions litigieuses.

214. Le fait que la société AGS Paris soit perçue, sur le marché concerné, comme une " concurrente ", voire qu'elle ait entretenu, dans le passé, des mauvaises relations avec les autres entreprises du secteur n'exclut pas l'existence de l'entente. Dans la décision n° 03-D-12 du 3 mars 2003 concernant le secteur des escaliers préfabriqués en béton, le Conseil a considéré : " (...) le fait que M. 13... et M. 14... aient été en conflit en 1991 et 1992 ne s'oppose pas à ce qu'ils se soient concertés ultérieurement pour (...) mettre fin à la guerre des prix (...) ". De même, ainsi que l'a affirmé la Commission européenne dans une décision du 17 décembre 2002, les rivalités entre entreprises n'empêchent pas la caractérisation d'une pratique prohibée par l'article 81 § 1 du traité : " Même si l'entente est une entreprise menée en commun, chaque participant peut y jouer un rôle qui lui est propre. Un ou plusieurs d'entre eux peuvent exercer le rôle dominant de "meneur" ou de "chef de file". Il peut y avoir des conflits et des rivalités internes. Certains membres peuvent même aller jusqu'à tricher. Cependant, aucun de ces éléments n'empêche cet arrangement de constituer un accord/une pratique concertée aux fins de l'article 81, paragraphe 1, du traité, lorsque les parties s'entendent en vue d'un objectif unique, commun et permanent ".

215. L'objection relative au caractère public des tarifs a déjà été discutée ci-dessus (§ 208).

216. S'agissant des conclusions du rapport d'enquête, le Conseil de la concurrence a affirmé, à plusieurs reprises, qu'il constituait un document de synthèse auquel aucune disposition législative ou réglementaire n'attachait de force probante particulière ou d'effet juridique qui lui soit attaché Ainsi, les conclusions du rapport d'enquête selon lesquelles la société AGS aurait toujours adopté une politique tarifaire autonome sur le marché ne préjugent, ni de l'analyse du rapporteur, soumise au débat contradictoire, ni a fortiori de la décision du Conseil.

217. En toute hypothèse et, conformément au standard de preuve exposé ci-dessus, le fait que la société AGS Paris n'ait pas modifié ses tarifs à la suite des réunions mises en cause n'est pas de nature à écarter sa responsabilité du fait de sa participation à l'entente.

En ce qui concerne la participation de la société Mobilitas

218. La société Mobilitas soutient, en premier lieu, qu'il n'existe aucun faisceau d'indices, graves précis ou concordants de sa participation à une action concertée ayant un objet anticoncurrentiel. A cet égard, elle expose qu'elle n'a jamais participé, ni été représentée aux réunions de l'AFDI et a fortiori aux réunions du Club. La société Mobilitas, société mère des sociétés filiales du groupe AGS qui a pour objet social " la prise de participations dans toutes sociétés ou entreprises " n'exercerait, en effet, pas l'activité de déménagement national et international. Elle ne serait, d'ailleurs, pas membre de l'AFDI et aucune déclaration figurant au dossier ne la citerait comme ayant assisté aux réunions du Club et particulièrement aux réunions des 15 et 23 avril 2003. Son dirigeant n'aurait jamais été entendu dans le cadre de l'enquête, le rapport d'enquête, pas plus que la notification des griefs ne comporteraient le moindre élément concernant sa présence ou sa participation. La société Mobilitas allègue, en second lieu, que sa filiale AGS Paris est une entité distincte et autonome qui définit, elle-même, sa stratégie commerciale, financière et technique. Elle soutient en troisième lieu qu'il est paradoxal et contraire au principe d'égalité défini par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme, qu'aucun grief n'ait été notifié à la société Financière Grospiron, alors même qu'elle est la holding de la société Grospiron International, et que ces deux sociétés ont des locaux en commun et le même dirigeant. La société Mobilitas soutient en dernier lieu qu'il est paradoxal et incompatible avec la thèse défendue par la rapporteure alors qu'elle a relevé que les éléments recueillis au cours de l'enquête ont mis en évidence l'existence de deux types de pratiques anticoncurrentielles, qu'elle n'ait notifié à la société Mobilitas qu'un seul des griefs notifiés à sa filiale, la société AGS Paris.

219. En l'espèce, il ressort des éléments du dossier qu'à l'époque des faits, M. B... était à la fois directeur général de la société Mobilitas et administrateur de la société AGS Paris. Aucun élément au dossier ne permet d'identifier laquelle de ces deux sociétés il représentait à la réunion du 15 avril. En revanche, la présence à la réunion du 23 avril du président AGS Paris, M. E..., suggère que c'est AGS Paris qui était concernée par l'objet de la réunion.

220. Prenant en compte ces éléments, il y a lieu de considérer que la société Mobilitas doit être mise hors de cause puisque n'ayant pas participé aux réunions des 15 et 23 avril 2003.

2. SUR LES GRIEFS N° 2, 3, 4 RELATIFS A LA MISE EN OEUVRE DES PRATIQUES DE DEVIS DE COMPLAISANCE

221. Les ententes entre entreprises visant à fournir ou à obtenir des devis de complaisance faussent le jeu de la concurrence en trompant sur la réalité de cette dernière les organismes payeurs qui exigent de leurs employés qu'ils fassent établir plusieurs devis. De telles pratiques ont déjà été sanctionnées par le Conseil de la concurrence à de multiples reprises. Ainsi dans une décision n° 94-D-51 du 4 octobre 1994, il a considéré que : " (...) Le fait, pour des entreprises indépendantes, de se concerter ou d'échanger du papier à en-tête vierge, signé à l'avance ou non, ou des informations en vue de produire des devis de couverture a pour objet et peut avoir pour effet de limiter l'exercice de la libre concurrence et de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché " (voir également les décisions n° 02-D-62 du 27 septembre 2002 relative à des pratiques relevées dans le secteur du déménagement des personnels de la marine nationale en Bretagne, n° 01-D-63 du 9 octobre 2001 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du déménagement des personnels militaires de l'armée de terre affectés dans le département de la Guyane).

a) En ce qui concerne le marché pertinent (griefs n° 2 et 3)

222. Il résulte de la jurisprudence que le marché des services de déménagement peut être segmenté afin de prendre en considération l'existence de réglementations spécifiques applicables au déménagement de militaires. Dans un arrêt du 29 avril 1993, la Cour d'appel de Paris avait ainsi confirmé la singularité des prestations de déménagement intéressant le personnel militaire : " (...) Si les prestations fournies sont identiques quel que soit le client, celles qui intéressent les fonctionnaires et les militaires présentent des singularités dues à la réglementation de prise en charge par l'Etat de leurs frais de changement de résidence. (...) que sur ces marchés, la demande émane du fonctionnaire ou du militaire (...) qu'en ce qui concerne l'offre, si toutes les entreprises de déménagement pouvaient assurer de telles prestations, certaines se sont spécialisées ".

223. En l'espèce, il y a donc lieu de considérer que les pratiques concernées par le grief n° 2 et 3 ont été mises en œuvre sur le marché du déménagement national et international de militaires, sur lequel interviennent trois agents économiques : l'offreur qu'est l'entreprise de déménagement, le demandeur de la prestation qu'est le militaire et le payeur qui prend en charge cette prestation, à savoir l'Etat représenté par le ministère de la défense.

b) En ce qui concerne l'entente entre la société Maison Huet SA et respectivement les sociétés Patrick Blin, Déménagements J. Gervais, SA Desnos, SAS Percot, Rubrecht Christian (DSM) et SA Ledeme

224. L'enquête administrative a établi qu'en 1999, la société Maison Huet a conçu un logiciel spécifique lui permettant d'éditer des devis de complaisance aux montants légèrement plus élevés que ceux qu'elle produisait elle-même. Ainsi, il est apparu qu'entre 2002 et 2003, cette entreprise s'était livrée à des pratiques ayant consisté à établir les deux ou les trois devis présentés à l'administration en vue du remboursement des déménagements des militaires : le sien propre, moins-disant, et l'autre ou les deux autres de couverture ou de complaisance au nom d'entreprises présentées comme concurrentes.

225. Les investigations menées auprès de la sous-direction du soutien du personnel du ministère de la défense et du service administratif du commissariat de l'air ont révélé que 64 devis avaient ainsi été présentés par des sociétés concurrentes dans le cadre de la réalisation de 37 déménagements internationaux et 12 déménagements nationaux.

226. Les sociétés ayant fourni ces devis sont les sociétés Patrick Blin (25 devis), SA Desnos (19 devis) Percot (9 devis), Rubrecht Christian DSM (4 devis), Déménagements J. Gervais (3 devis), SA Ledeme (3 devis) et Allied Arthur Pierre (1 devis). La société Maison Huet a réalisé la quasi-totalité des déménagements, à l'exception de l'un d'entre eux, pour lesquels elle a sollicité auprès des concurrents des devis de couverture. Les affaires remportées s'élèvent ainsi à 536 734 euro.

En ce qui concerne la participation de la société Percot

227. La société Percot attire l'attention du Conseil sur le fait que certains devis de complaisance ne sont pas en conformité avec son standard habituel (pas de numéro de devis, pas de signature...) et qu'il convient, dès lors, de s'interroger sur l'origine de ces devis. La société mise en cause soutient, en outre, qu'elle n'a jamais eu l'intention de commettre une quelconque infraction au droit de la concurrence dont elle ignore la portée, ni de causer un dommage à l'économie.

228. Mais, ainsi qu'il l'a été exposé aux paragraphes 115 à 124, l'enquête a établi qu'en 2002 dans le cadre du déménagement des personnels de l'armée, la société Percot a présenté à l'administration neuf devis de complaisance édités et communiqués au Conseil de la concurrence par la Maison Huet. L'existence d'une entente anticoncurrentielle entre les deux sociétés est donc prouvée à suffisance de droit, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la question de la conformité entre les devis de complaisance édités par Maison Huet et ceux habituellement produits par la société Percot.

229. Par ailleurs, le TPICE a rappelé à des entreprises qui faisaient valoir leur petite taille pour plaider la méconnaissance du droit et donc l'absence d'intention de porter atteinte à la concurrence que : " pour qu'une infraction aux règles de concurrence du traité CE puisse être considérée comme ayant été commise de propos délibéré, il suffit que l'entreprise n'ait pu ignorer que la conduite incriminée avait pour objet de restreindre la concurrence " (voir l'arrêt du TPICE, 27 juillet 2005, aff. T-49-02).

230. Il en résulte que les moyens soulevés par la société Percot doivent être écartés.

En ce qui concerne la participation de la société A. Ledeme

231. Le groupe Chatelard, actionnaire à 100 % de la société A. Ledeme depuis le 18 novembre 2005, relève que, s'agissant des dossiers de Messieurs 15... et 16..., sa filiale n'a pas fourni des devis de complaisance mais a répondu à des demandes de devis des clients. En effet, le domicile de ceux-ci aurait été visité par l'entreprise A. Ledeme et une fiche d'informations aurait été établie les concernant. En revanche, le mise en cause soutient que Monsieur 17... serait inconnu du système informatique.

232. Mais, ainsi qu'il l'a été exposé aux paragraphes 115 à 124, l'enquête a établi qu'en 2002 dans le cadre du déménagement des personnels de l'armée, la société A. Ledeme a présenté à l'administration trois devis de complaisance édités et communiqués au Conseil de la concurrence par la société Maison Huet. La production par le groupe Chatelard de fiches d'information sur les clients concernés ne permet pas de démontrer que ces devis de complaisance n'ont pas été fournis. L'existence d'une entente anticoncurrentielle entre les deux sociétés est donc prouvée à suffisance de droit.

233. En revanche, il n'est pas reproché à la société A. Ledeme d'avoir produit un devis de complaisance concernant M. 17.... Par conséquent, il n'est pas nécessaire d'examiner le moyen relatif à ce dossier soulevé par le groupe Chatelard.

234. Il résulte de ce qui précède qu'en 2002 et 2003, la société Maison Huet et respectivement les sociétés Patrick Blin, J. Gervais, SA Desnos, Percot, Rubrecht Christian (DSM), SA Ledeme se sont concertées afin de faire échec au libre jeu de la concurrence sur le marché du déménagement national et international des militaires. Les pratiques de devis de complaisance ainsi mises en œuvre sont contraires aux dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du traité CE. Elles ont eu pour objet et pour effet d'entraîner une répartition artificielle du marché entre les entreprises et de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché. Il convient à cet égard de noter que dans le cadre des déménagements nationaux de militaires, des écarts de prix compris entre 30 et 125 % ont été constatés entre la société Maison Huet et ses concurrents lorsque ceux-ci ont établi leur devis de manière autonome.

c) En ce qui concerne l'entente entre les sociétés AGS Paris et Le Déménageur Européen

235. Entre 2004 et 2005, les entreprises AGS Paris et Le Déménageur Européen se sont livrées à des pratiques de concertation en se communiquant des informations aux fins d'établir des devis de complaisance au profit de la société AGS Paris qui se présentait comme la moins-disante dans le cadre des demandes de devis relatives aux déménagements de personnel militaire.

236. Dans leurs observations, les sociétés AGS Paris et Le Déménageur Européen soutiennent que la conclusion générale du rapport administratif d'enquête ne retient à leur encontre aucune action concertée sur la mise en œuvre d'une pratique de devis de complaisance. Elles en concluent ainsi, qu'il n'a pas été établi l'existence d'indices graves, précis et concordants permettant, au cas d'espèce, de caractériser leur participation à la mise en œuvre d'une pratique de devis de complaisance en vue de la fourniture au personnel militaire de prestations de déménagement national et international.

237. Toutefois, il a déjà été répondu à cette objection relative aux conclusions du rapport d'enquête (§ 216).

238. Quant aux éléments de preuve recueillis à l'encontre de ces deux sociétés, ils sont constitués, en premier lieu, des devis à l'entête de la société Le Déménageur Européen saisis dans les locaux de la société AGS Paris. Il convient à cet égard de souligner la jurisprudence du Conseil de la concurrence selon laquelle : "(...) un document régulièrement saisi, quel que soit le lieu où il l'a été, est opposable à l'entreprise qui l'a rédigé et à celles qui y sont mentionnées et peut être utilisé comme preuve ou, par le rapprochement avec d'autres indices graves, précis et concordants, comme élément de preuve d'une concertation (...)" (voir la décision n° 01-D-13 du 19 avril 2001 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du transport public de voyageurs dans le département du Pas de Calais). En deuxième lieu, les déclarations du responsable de la société Le Déménageur Européen indiquent que les opérations de déménagement international concernées par les devis ne rentraient pas dans son champ d'activité. Enfin l'examen des dossiers de déménagement montre que la société Le Déménageur Européen a toujours produit des devis à des montants inférieurs à ceux fournis par la société AGS Paris, permettant ainsi à cette dernière de l'emporter dans la mise en concurrence.

239. Ainsi, la réunion de ces éléments permet d'établir que neuf déménagements internationaux et six déménagements nationaux de militaires ont fait l'objet de pratiques de devis de complaisance, lesquelles contreviennent aux dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 § 1 du traité CE.

d) En ce qui concerne l'entente entre les sociétés Grospiron et Interdean

240. Il résulte des constatations effectuées au cours de l'enquête qu'en 2002, la société Interdean a effectué un déménagement national de salarié pour lequel une pratique de devis de couverture a été mise en œuvre à son profit par la société Grospiron. Les éléments de l'enquête démontrent, en effet, que les deux sociétés ont échangé des informations afin que la société Grospiron puisse établir un devis de couverture au profit de la société Interdean.

241. Ces faits dont ni la matérialité, ni la qualification ou l'imputabilité ne sont contestées par les entreprises en cause constituent une entente prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce.

3. SUR LA GRAVITE DES PRATIQUES ET LE DOMMAGE A L'ECONOMIE

a) En ce qui concerne le premier grief relatif à l'entente sur les prix

En ce qui concerne la nature de l'infraction

242. La société Grospiron allègue que la pratique mise en œuvre ne peut être assimilée aux cas d'ententes les plus graves. En effet, les réunions d'avril 2003 ne résulteraient pas d'un véritable projet anticoncurrentiel mais constitueraient des réunions circonstancielles purement défensives, nées de l'inquiétude de certaines entreprises face à la dégradation continue de leur rentabilité. La société Interdean invoque, également, que la pratique d'échanges d'informations reprochée s'est inscrite dans le cadre de discussions nées à propos du comportement illicite et déloyal adopté par certains clients lors des négociations commerciales avec les entreprises incriminées. C'est également dans ce contexte que les entreprises auraient examiné, au cours des réunions des 15 et 23 avril 2003, la problématique des sociétés pratiquant réellement des prix anormalement bas pouvant s'apparenter à une pratique déloyale et illicite sanctionnée par l'article L. 420-5 du Code de commerce.

243. Mais, il convient de rappeler, tout d'abord, que les ententes et actions concertées ayant pour objet et pour effet d'empêcher le jeu de la concurrence en faisant obstacle à la fixation des prix par le jeu du marché font partie des pratiques que l'OCDE qualifie d'injustifiables dans sa recommandation du 25 mars 1998 et que le Conseil de la concurrence estime gravement préjudiciables au bon fonctionnement du marché et donc aux avantages que peuvent en attendre les consommateurs.

244. Par ailleurs, comme le Conseil l'a rappelé dans la décision n° 07-D-21 du 26 juin 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la location entretien du linge, l'existence d'un pouvoir de marché susceptible d'être exercé par les clients victimes des pratiques ne saurait atténuer la gravité d'une entente. De même, le Conseil retient, de manière constante, que des comportements anticoncurrentiels ne sauraient être légitimés par l'existence d'éventuelles pratiques illicites mises en œuvre par les autres acteurs du marché. En effet, il n'appartient pas aux entreprises de se substituer aux autorités administratives et compétentes pour éviter la mise en œuvre de pratiques prohibées par la loi (voir, notamment la décision n° 2000-D-29 du 5 juillet 2000 relative à des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur du traitement de l'amiante). Il est en tout état de cause surprenant de voir certaines entreprises mises en cause assimiler la volonté de leurs clients d'obtenir des prix plus bas par le jeu normal de la compétition à un comportement " faussant les règles de la concurrence ".

245. Il résulte ainsi des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, l'entente à laquelle il est établi qu'elles ont participé et qui comportait la détermination de prix en commun ne saurait échapper à la qualification d'infraction très grave.

En ce qui concerne la durée de la pratique

246. Les sociétés Grospiron, Interdean et Sterling soutiennent que la pratique d'entente sur les prix est ponctuelle et isolée dans la mesure où elle s'est limitée à une seule année, voire à un seul mois, le mois d'avril 2003. Il en résulterait qu'elle n'a pu produire d'effets structurels.

247. Toutefois, dans son rapport annuel pour 2005, le Conseil de la concurrence a indiqué s'agissant des éléments d'appréciation de l'importance du dommage à l'économie que doivent être pris en compte la durée de mise en œuvre des pratiques ainsi que la durée de leurs effets. En l'espèce, l'entente sur les prix a effectivement été mise en œuvre lors des réunions d'avril 2003, mais d'après les termes employés par M. X... dans sa note, la pratique litigieuse avait vocation à s'appliquer pour une durée indéterminée : " Le Club s'est mis d'accord sur les taux à partir du 15 avril 2003 (...) ". Or, il convient de rappeler la jurisprudence communautaire, selon laquelle la période d'application est incluse dans la durée de l'infraction : " (...) c'est à bon droit que la Commission ayant établi à suffisance de droit que les effets des initiatives de prix ont continué jusqu'en novembre 1983 a considéré que l'infraction s'est poursuivie jusqu'en novembre 1983 au moins. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'article 85 est également applicable aux accords qui ont cessé d'être en vigueur mais qui poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle " (voir, arrêt du TPICE du 17 décembre 1991, DSM/Commission, Rec. 1991, p II-18833, point 228). Le même raisonnement a été suivi par le Conseil dans sa décision n° 07-D-26 du 26 juillet 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre de marchés de fourniture de câbles à haute tension (paragraphe 110) : " S'agissant de la durée (...) si l'accord de volonté anticoncurrentiel, matérialisé par les réunions et les échanges d'informations entre compétiteurs, a pris corps de manière relativement rapide pour pouvoir être scellé avant le dépôt des offres, ce n'est pas ce critère de durée qu'il convient de prendre en compte pour apprécier la gravité des pratiques, mais celui du temps pendant lequel les prix et les parts de marché ont échappé, du fait de cet accord de volonté, au jeu normal qui aurait résulté d'une compétition non faussée au départ (...)".

248. L'examen des factures communiquées lors de l'enquête administrative a révélé qu'entre 2003 et 2005, les entreprises mises en cause ont continué à appliquer les tarifs déterminés en commun, les effets ont donc perduré jusqu'en 2005.

En ce qui concerne la taille du marché affecté et les parts de marché des entreprises mises en cause

249. Les sociétés Sterling, Grospiron et Transeuro contestent l'affirmation contenue dans le rapport selon laquelle : " Ces pratiques sont d'autant plus graves et dommageables qu'elles ont été mises en œuvre par des entreprises représentant plus de 50 % du marché du déménagement international en France ". Elles soutiennent que la gravité de la pratique doit, en l'espèce, s'apprécier par rapport à la valeur du marché pertinent lequel a été défini dans la notification des griefs comme celui des services de déménagement national et international. En rapportant les chiffres d'affaires individuels des entreprises mises en cause à la valeur globale du marché concerné laquelle a été estimée en 2003 à 1,3 milliards d'euro, il apparaîtrait que la pratique illicite a été mise en œuvre par des sociétés détenant, ensemble, moins de 8,5 % de parts de marché.

250. Cependant, la circonstance que le marché affecté ait été défini comme celui des services de déménagement national et international n'exclut pas la possibilité de constater que l'entente regroupait des entreprises représentant 60 % de l'offre des services de déménagement international de particuliers et que de ce fait, elle revêtait une gravité particulière pour ce qui concerne le segment " déménagement international ". En effet, les sept entreprises mises en cause réalisaient, à l'époque des faits, plus de la moitié du chiffre d'affaires total généré par cette activité (voir, le tableau réalisé § 43).

251. Par ailleurs, l'affirmation de Transeuro selon laquelle son chiffre d'affaires serait composé à moins de 1 % par le déménagement de particuliers est erronée. En effet, comme il a été exposé aux paragraphes 26 et suivants du présent document le déménagement de particuliers comprend les déménagements de salariés de grands comptes, lesquels représentent d'après les informations communiquées par l'entreprise, 78 % de son activité.

252. En outre, il convient de souligner que les entreprises en cause figurent selon l'étude Xerfi parmi les plus notables du secteur. Compte-tenu de leurs moyens juridiques et économiques, elles ne pouvaient ignorer la gravité des pratiques qu'elles mettaient en œuvre.

En ce qui concerne le caractère secondaire des services concernés par la pratique

253. Les sociétés Interdean, Sterling et Transeuro considèrent que la gravité de la pratique d'entente horizontale reprochée est fortement atténuée compte tenu du caractère secondaire des services sur lesquels elle porte. Les assurances et le loyer garde-meubles ne représenteraient en réalité qu'une faible part de l'activité des entreprises présentes sur le marché du déménagement national et international en France (7,73 %). La société Sterling en conclut que la pratique concernée ne fait pas partie des ententes les plus graves lesquelles " couvrent la totalité ou la quasi-totalité du marché " selon la recommandation de l'OCDE du 25 mars 1998. La société Grospiron fait valoir, par ailleurs, que seul devrait être pris en compte pour la détermination du montant des sanctions le marché des prestations d'assurance et de garde-meubles liées à un déménagement.

254. Dans l'évaluation du dommage causé à l'économie, il convient effectivement de prendre en considération le fait que l'entente sur les prix n'a porté sur que sur des prestations accessoires aux prestations de déménagement, à savoir les prestations de garde-meubles et d'assurance, lesquelles n'ont représenté en 2003, que 12 % du chiffre d'affaires global des entreprises concernées. Rapportées au total des prestations de déménagement des particuliers, soit 600 millions d'euro, ces prestations s'élèvent à environ 72 millions d'euro.

En ce qui concerne les effets de l'entente

255. Certaines entreprises mises en cause allèguent que la pratique reprochée n'a été que très partiellement mise en œuvre et qu'elle n'a pu par conséquent avoir qu'un effet très relatif sur le marché.

256. La société Crown souligne que les pratiques visées dans la notification de griefs ne se sont traduites par aucun effet d'alignement des tarifs pratiqués par les entreprises. Ainsi, elle explique, d'une part, qu'il résulte de la notification de griefs, elle-même, que les entreprises concernées ont pratiqué, en 2003, des tarifs différents sur les loyers garde- meubles et l'assurance garde-meubles, certaines d'entre elles, en particulier la société Crown, n'ayant d'ailleurs pas augmenté leurs prix. Les clients auraient donc pu faire jouer pleinement la concurrence entre lesdites entreprises. En ce qui concerne les taux d'assurance des biens transportés, l'effet anticoncurrentiel de la hausse tarifaire constatée n'aurait pas été évalué dans le rapport, qui se borne à affirmer sans élément de preuve que la part des ventes d'assurances dans le chiffre d'affaires total de certaines sociétés a progressé entre 0,5 et 1 %. Cette affirmation serait erronée pour ce qui concerne la société Crown, puisque entre 2003 et 2004, la part du chiffre d'affaires des ventes d'assurance des biens transportés dans son chiffre d'affaires total a baissé de 1 %.

257. Interdean fait valoir qu'elle a baissé ses tarifs d'entreposage en 2004 et 2005. Elle souligne que la notification de griefs admettrait qu'à l'exception de Sterling, les autres entreprises incriminées n'ont pas modifié leurs tarifs à la suite de ces réunions ou ne l'ont fait que partiellement sans qu'un lien avec la note de M. X... puisse être établi. Interdean souligne, en outre, que les entreprises incriminées réalisent une grande majorité de leurs activités avec des clients à qu'il ne serait pas possible d'imposer un tarif donné, à savoir : des entreprises avec lesquelles les tarifs sont systématiquement négociés (66 % de son chiffre d'affaires) ; des agents qui négocient avec les clients toutes les conditions financières ; des filiales étrangères du groupe (25 %).

258. Sterling souligne également que seulement certaines des entreprises ont augmenté leurs prix à la suite des réunions litigieuses. Ainsi, s'agissant des prestations de garde-meubles, il apparaîtrait qu'une seule société a véritablement augmenté ses tarifs pour les porter au niveau du montant convenu. Pour ce qui concerne les taux d'assurance des biens transportés, ceux-ci n'auraient été effectivement appliqués que par quatre entreprises représentant ensemble moins de 3 % du marché du déménagement national et international en France.

259. La société Grospiron allègue que compte-tenu des caractéristiques du marché en cause, l'existence de deux réunions où une minorité de concurrents ont pu discuter de tarifs accessoires ne pouvait pas, par nature, avoir de réel effet anticoncurrentiel. En effet, elle soutient que les concurrents sur le marché du déménagement national et international sont extrêmement nombreux (environ 1 300 établissements) et que, s'agissant des prestations accessoires, les clients ne constituent, en aucune manière, une clientèle captive, les prestations concernées pouvant être souscrites indépendamment du déménagement. En outre, le secteur du déménagement se caractériserait par un système de fixation des prix au cas par cas, les grilles tarifaires n'étant, en pratique, que rarement appliquées dans leur intégralité. Elle avance, par ailleurs, que les éléments du dossier ne démontreraient pas l'existence d'un alignement des tarifs des concurrents à la suite des réunions incriminées de sorte qu'il n'est pas établi que ces réunions auraient eu un réel effet sur le marché. La pratique n'aurait pas eu non plus d'effet sur la structure du marché pas plus que de répercussions sur d'autres marchés.

260. Transeuro indique enfin que dans le cadre de ses relations contractuelles avec les grands comptes, des négociations de prix ont eu lieu aux échéances des contrats qui sont pluriannuels. L'application de la prétendue entente aurait de toute manière été impossible et n'aurait eu aucune incidence sur l'exercice de la société Transeuro.

261. Toutefois, il convient de noter que les éléments recueillis au cours de l'enquête ont permis de démontrer que, contrairement aux affirmations des parties, les pratiques en cause ont produit des effets restrictifs de concurrence.

262. Premièrement, les entreprises ont effectivement annoncé à leurs clients ou à leurs équipes commerciales l'adoption des prix déterminés en commun. Il en a été ainsi de la société Sterling qui, par lettre circulaire du 29 août 2003 (§ 79 et 85), a annoncé à sa clientèle que le loyer de garde-meubles et le taux d'assurance garde-meubles étaient portés respectivement à 5,5 euro HT/mois (+3,2 %) et 0,40 % (+ 11,1 %). De même, peu après les réunions d'avril 2003, les sociétés Allied Arthur Pierre et Grospiron ont invité leurs commerciaux à réviser les taux d'assurance des biens transportés pour qu'ils correspondent aux tarifs fixés par les membres de l'entente, ceux-ci devant servir de base en cas de négociation individuelle avec les clients. A cet égard, le Conseil rappelle que, même dans les cas où " les prix sont des devis évalués au cas par cas " et ou " les fournisseurs s'appuient, pour calculer leurs devis sur des grilles de prix ou des tarifs, toute concertation sur la grille de prix ou le tarif qui sert de base à l'évaluation des devis aura une incidence directe sur le niveau des prix effectivement pratiqués " (voir les décisions n° 06-D-09 du 11 avril 2006 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fabrication des portes et n° 03-D-12 du 3 mars 2003 concernant le secteur des escaliers préfabriqués ne béton, confirmée par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 25 novembre 2003). L'accord en cause a donc bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence.

263. Deuxièmement, l'examen des données communiquées par les entreprises mises en cause a montré que l'entente avait eu des effets réels sur les prix facturés aux clients, les objectifs de prix définis s'étant largement traduits sur le marché à partir du mois d'avril 2003. Comme le montrent les tableaux réalisés aux paragraphes 77, 83, 90, 93, 95, 100, 104, 112, 113, les prix ont eu tendance à s'harmoniser et à augmenter conformément à l'objectif poursuivi par les membres de l'entente. En effet, le loyer garde-meubles et les taux d'assurance garde-meubles pratiqués par la société Sterling ont subi une révision à la hausse de respectivement 3,2 % et 11,1 %. De même, il a été constaté une augmentation des taux d'assurance pratiqués par les sociétés Allied Arthur Pierre (entre 7,4 et 26,7 %), Crown (entre 10 et 16 %), Grospiron (entre 3,8 et 13,3 %) et Sterling (entre 3,8 et 18,75 %). Il résulte de l'examen du tableau réalisé ci-dessus que la part des assurances des biens transportés dans le chiffre d'affaires total des entreprises a augmenté entre 2002 et 2004 de 0,6 à 2,5 %.

Evolution de la part des assurances des biens transportés dans le chiffre d'affaires total des entreprises AAP, Crown, Grospiron et Sterling

264. Par ailleurs, la circonstance que certaines sociétés n'aient pas modifié leur comportement commercial après les réunions litigieuses n'enlève pas tout effet à leur participation dans l'entente. En effet, il convient de souligner que le simple fait de communiquer ses prix à un concurrent en sachant que celui-ci a l'intention de s'aligner à la hausse est anticoncurrentiel. De surcroît, d'après la jurisprudence communautaire du TPICE du 9 juillet 2003 Archer Daniels Midland (T-224-00) : " (...) la fixation d'un prix, même simplement indicatif affecte le jeu de la concurrence par le fait qu'il permet à tous les participants à l'entente de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix poursuivie par leurs concurrents ". Ainsi, par leur participation aux réunions d'avril 2003, les sociétés Crown, Interdean, Sterling, Grospiron et Transeuro, loin de déterminer leur politique de prix de manière autonome, dans l'incertitude du comportement de leurs concurrents, ont nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues de ceux-ci au cours des réunions litigieuses (voir, le raisonnement suivi par le TPICE dans l'arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij du 20 avril 1999), ce qui a réduit l'intensité concurrentielle.

265. Enfin, il doit être rappelé que selon une jurisprudence constante des juridictions communautaires : " le comportement effectif que prétend avoir adopté une entreprise est sans pertinence aux fins de l'évaluation de l'impact d'une entente sur le marché, seuls doivent être pris en compte les effets résultant de l'infraction dans son ensemble (voir arrêt CJCE Commission/Anic Partecipazioni du 8 juillet 1999).

266. Il résulte de ce qui précède que les différents moyens soulevés par les entreprises, tendant à démontrer que les pratiques reprochées n'ont pas eu d'impact réel sur le marché, doivent être écartés.

En ce qui concerne la hausse limitée des prix par la société Sterling

267. La société Sterling demande au Conseil de la concurrence de tenir compte du fait que les pourcentages de hausses de prix auxquelles elle a procédé sont faibles. En ce qui concerne la hausse du loyer du garde-meubles relevée pour Sterling, celle-ci s'est élevée à 3,2 %. S'agissant du taux d'assurance du garde-meubles pratiquée par Sterling, la hausse est de 11,1 %. Enfin, en ce qui concerne la hausse des taux d'assurance des biens transportés résultant directement de l'entente, l'effet des hausses moyennes par région doit être relativisé au regard des montants concernés. Ainsi par exemple, l'augmentation moyenne de 12,7 % qui peut être relevée pour l'assurance des biens transportés en Europe de l'Est ne concerne qu'une activité qui reste très limitée en valeur (les déménagements en Europe de l'Est ne représentent qu'une part marginale de l'activité des entreprises concernées). Les activités de Sterling concernant l'assurance des biens transportés vers ou depuis l'Europe de l'Est ont représenté un chiffre d'affaires de seulement 13 092 euro en 2003. L'augmentation du taux d'assurance en 2003 aurait donc eu un impact limité sur le chiffre d'affaires global de Sterling (+ 2 500 euro). De même, les revenus totaux provenant des déménagements liés à l'Europe de l'Est représentaient moins de 1 % du chiffre d'affaires de Sterling International en 2003 (soit 52 000 euro). Les hausses en pourcentage mises en évidence par l'instruction ne concernent donc, en réalité, que de très faibles revenus en valeur. Par conséquent, le dommage à l'économie causé par la pratique d'entente serait, selon l'entreprise mise en cause, très limité.

268. Sterling soutient également que dans son appréciation du dommage à l'économie causé par la pratique illicite, le Conseil de la concurrence pourrait tenir compte du fait que même en l'absence des réunions entre concurrents au cours desquelles des informations sur les prix ont été échangées, elle aurait procédé à une augmentation de ses prix en France. En effet, Sterling n'avait pas augmenté ses tarifs en France et au Royaume Uni depuis 1999.

269. La hausse des prix constatée doit toutefois être interprétée à la lumière de l'entente ayant permis à ses membres de coordonner l'évolution des prix. Dans une décision du 17 décembre 2002, la Commission européenne a précisé à ce sujet : " Etant donné que les parties avaient remplacé l'incertitude d'une situation de libre concurrence par un comportement collusoire continu, les prix ont été nécessairement fixés à un niveau différent de celui qui aurait prévalu sur un marché concurrentiel " (voir la décision n° 2004-206-CE). L'affirmation selon laquelle le niveau des prix en l'absence de l'entente aurait évolué de manière identique à celui des prix pratiqués à la suite de l'entente est donc insuffisante pour étayer la démonstration que le dommage à l'économie a été d'une importance limitée.

270. Bien que, comme cela a été rappelé ci-dessus le dommage à l'économie ne résulte pas de la participation individuelle de l'une des entreprises à l'entente mais de l'infraction à laquelle elle a participé dans son ensemble et qui n'aurait pas été possible sans sa coopération. Il conviendra cependant de tenir compte effectivement du caractère limité des hausses de tarifs qui ont été opérées par les entreprises en application de l'entente.

En ce qui concerne les difficultés du secteur du déménagement international

271. La société Interdean demande au Conseil de la concurrence de prendre en considération les conditions économiques difficiles qui prévalaient à l'époque des pratiques reprochées et qui subsisteraient aujourd'hui toujours. Elle allègue ainsi que de nombreux évènements et phénomènes ont entraîné une réduction massive du nombre des opérations de déménagement international : attentats du 11 septembre, éclatement de la bulle Internet, diminution du nombre d'expatriés, politique de réduction des coûts.

272. Mais, dans son rapport pour 1984, la Commission de la concurrence avait déjà indiqué que les ententes étaient une mauvaise réponse à une situation de crise car " loin d'apporter des remèdes aux problèmes de récession, elles [étaient] de nature à les aggraver ne serait-ce qu'en dispensant les entreprises de réactions plus dynamiques ". En outre, la Commission européenne dans une décision du 9 décembre 2004 (décision n° 2005-566-CE) a considéré que : " (...) dans une économie de marché, les risques que prennent les entreprises englobent le risque de pertes éventuelles, voire de faillite. Le fait qu'une entreprise puisse ne pas réaliser de profits avec une activité commerciale donnée ne l'autorise pas à conclure une entente secrète avec les concurrents en vue de tromper les clients et les autres concurrents. D'une manière générale, les ententes risquent de se produire non pas lorsque les entreprises font de gros profits, mais précisément lorsqu'un secteur connaît des problèmes. C'est pourquoi, si la Commission suivait le raisonnement de BASF, les amendes infligées dans les affaires d'ententes devraient être réduites dans la quasi-totalité des cas. Dans son arrêt dans l'affaire Électrodes de graphite, le Tribunal de première instance a confirmé que la Commission n'était pas tenue de considérer comme circonstance atténuante la mauvaise santé financière du secteur en cause (...) ".

273. De plus et en tout état de cause il est à noter, d'une part, que la société Interdean n'apporte aucun élément chiffré de nature à établir l'existence d'une crise rencontrée par le secteur du déménagement international, et que d'autre part, d'après l'étude Xerfi, le secteur du déménagement considéré dans son ensemble n'est pas dans une situation critique comme en témoigne la progression de 4 % de son chiffre d'affaires en 2006.

b) En ce qui concerne la pratique de devis de complaisance mise en œuvre par Interdean et Grospiron

274. Interdean soutient, dans un premier temps, que la gravité de la pratique qui lui est reprochée est sensiblement atténuée par le fait qu'elle n'a pas participé au mécanisme sophistiqué et de grande envergure mis en place par la société Maison Huet. Elle allègue que la pratique est isolée puisqu'elle ne concerne qu'une seule offre et un seul concurrent de faible taille et qu'elle a été mise en œuvre par un employé à l'insu de la direction. Elle invoque, dans un deuxième temps, qu'un grand nombre de clients étaient non seulement informés de la pratique des devis de complaisance mais en étaient bien souvent les instigateurs. En effet, le client souhaite généralement travailler avec l'entreprise de déménagement de son choix et n'entend pas perdre le temps de demander un ou deux devis concurrent(s) supplémentaire(s). Ainsi, selon Interdean, les procédures de paiement ou de remboursement des frais de déménagement mises en place incitent les employés ou les fonctionnaires à recourir à des pratiques telles que celles des devis de complaisance.

275. La société Grospiron invoque, également, que le grief qui lui a été notifié concerne une pratique ponctuelle et tout à fait isolée (un seul devis de complaisance). Elle souligne, par ailleurs, que la valeur du marché affecté s'élève à la somme dérisoire de 8 253,84 euro et que la pratique serait dépourvue d'effet dommageable, dans la mesure où il n'est pas démontré que Grospiron aurait été en mesure de proposer un prix inférieur à celui qu'elle a proposé dans le devis incriminé, ni d'ailleurs qu'Interdean aurait pu aligner son prix à la baisse, si tel avait été le cas. Enfin, même à supposer que Grospiron ait été en mesure de présenter un devis 20 % moins cher que celui d'Interdean, ce qui est peu probable, l'effet du devis incriminé sur le déménagement considéré aurait été en tout et pour tout de 1 650 euro.

276. Toutefois, le Conseil de la concurrence considère de manière constante que l'utilisation de devis de complaisance constitue une pratique grave qui a pour objet et peut avoir pour effet de faire échec au processus de mise en concurrence des entreprises pour la réalisation d'une prestation. Cette pratique est, en l'espèce, d'autant plus grave qu'elle a détourné l'application d'une réglementation ou d'une procédure précisément destinée à promouvoir le jeu concurrentiel.

277. Il convient, en outre, de faire observer que des faits similaires ont déjà été sanctionnés à maintes reprises dans ce secteur, si bien que les entreprises mises en cause ne pouvaient pas ignorer le caractère prohibé et la gravité des pratiques mises en œuvre (voir notamment les décisions du Conseil de la concurrence n° 01-D-63 du 9 octobre 2001 ; n° 02-D-62 du 27 septembre 2002 ; n° 99-D-50 du 13 juillet 1999).

278. S'agissant du dommage à l'économie, celui-ci résulte, en premier lieu, de ce que ce type pratique a pour effet, non seulement de répartir le marché, mais encore de provoquer la hausse artificielle des prix qui n'ont pas été établis par référence à la réalité des coûts. A cet égard, il est à noter qu'il a été admis par la Cour de cassation que, dans certains cas, l'existence d'un dommage à l'économie pouvait être inférée de l'atteinte à la concurrence portée par la pratique. Dans un arrêt du 24 janvier 1995, elle a ainsi considéré que la cour d'appel n'avait pas à rechercher quelle avait été l'influence des pratiques de devis de complaisance sur le prix des déménagements. De même, il convient de se référer à la jurisprudence du Conseil de la concurrence et de la cour d'appel relative aux concertations ou ententes à l'occasion d'appels d'offres publics, selon laquelle " le dommage à l'économie, qui est indépendant du dommage souffert par le maître d'ouvrage, est établi ne serait-ce qu'en raison de l'entrave portée au jeu normal de la concurrence entre les compétiteurs sélectionnés, de la tromperie qui en est résultée sur la réalité de cette concurrence, de la durée des pratiques qui se sont poursuivies depuis plus d'un an, une telle action concertée étant répréhensible du seul fait de son existence " (arrêt Cour d'appel de Paris société Inéo, 7 mars 2006). Ainsi le dommage à l'économie est distinct du préjudice éventuellement subi par la victime directe de l'entente et s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée au fonctionnement normal des marché par les pratiques en cause (voir en ce sens la décision n° 07-D-26 du 26 juillet 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre de marché de fourniture de câbles à haute tension).

279. En deuxième lieu, selon la pratique décisionnelle du Conseil, le dommage à l'économie dépend également du nombre de déménagements dans lesquels une pratique de devis de couverture a été constatée, ainsi que du montant des opérations concernées. En l'espèce, dans la mesure où seul un déménagement a fait l'objet d'un tel devis de complaisance et que la somme du déménagement s'est élevée à 8 253,84 euro, la restriction de concurrence entraînée par la concertation à laquelle se sont livrées les entreprises Interdean et Grospiron n'a pu causer qu'un dommage limité à l'économie.

280. En ce qui concerne enfin le dernier moyen soulevé par la société Interdean relatif au fait que les concertations en vue de l'établissement de devis de complaisance ont eu lieu à la demande des clients, il convient de rappeler la position du Conseil selon laquelle cette circonstance ne saurait être reçue au nombre de celles pouvant être prises en compte pour le calcul de la sanction. En effet, dans sa décision n° 94-D-19 du 15 mars 1994 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du déménagement à Bordeaux, le Conseil a écarté ce type d'argument : " Considérant que si les entreprises susmentionnées invoquent leur bonne foi et font valoir, sans en apporter la preuve, que les concertations en vue de l'établissement de devis de couverture n'ont pas eu lieu à l'insu des clients, mais à la demande de ceux-ci, une telle circonstance, à la supposer établie, ne saurait justifier les pratiques constatées ; qu'en effet la pratique consistant à établir des devis de couverture à la demande de clients qui sont les bénéficiaires de la prestation, mais qui n'en règlent pas eux-mêmes le prix, trompe le tiers payeur sur l'étendue de la concurrence, en lui permettant de croire qu'il y a eu une concurrence réelle entre plusieurs entreprises ; qu'une telle pratique a nécessairement pour objet et peut avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché considéré ".

c) En ce qui concerne la pratique de devis de complaisance mise en œuvre par AGS Paris et Le Déménageur Européen

281. AGS Paris soutient que la pratique en cause n'a pu causer qu'un dommage limité à l'économie dans la mesure où Le Déménageur Européen se trouvait dans l'impossibilité de rivaliser en termes de prix et que le coût moyen des devis de la société AGS Paris la situe à un niveau extrêmement compétitif par rapport à ses concurrents.

282. Cependant, ainsi qu'il l'a été rappelé au paragraphe 278, en matière de pratiques de devis de complaisance, le dommage à l'économie est distinct du préjudice éventuellement subi par la victime directe de l'entente et s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée au fonctionnement normal des marchés par les pratiques en cause (voir, en ce sens la décision n° 07-D-26 du 26 juillet 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre de marché de fourniture de câbles à haute tension).

283. Il résulte de cette constatation que le moyen soulevé par AGS Paris ne peut être retenu.

4. EN CE QUI CONCERNE LA PORTEE DES ENGAGEMENTS

284. Lorsqu'est mise en œuvre la procédure prévue au III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la décision du Conseil, qui examine la proposition du rapporteur général de réduire la sanction pécuniaire éventuellement encourue, tient compte à la fois de la non contestation des griefs et des engagements pris pour l'avenir.

285. Les engagements proposés par les entreprises Grospiron, Sterling, Interdean, Déménagements J. Gervais et Rubrecht Christian (DSM) se limitent à la formation du personnel, à la sensibilisation des cadres et salariés au respect des règles de concurrence, à l'insertion dans les contrats de travail de clauses prévoyant que la participation à une entente anticoncurrentielle constitue une faute lourde. S'il est vrai que ce type d'engagements est celui qui est généralement proposé en matière d'ententes horizontales, pratiques pour lesquelles il est difficile d'imaginer des engagements pouvant, de manière significative, restaurer ex post le fonctionnement de la concurrence sur le marché, il n'en reste pas moins que de tels engagements, même s'ils ne sont pas dépourvus d'intérêt, ne sont pas de nature à apporter des améliorations substantielles et vérifiables au fonctionnement concurrentiel des marchés affectés par les pratiques.

286. C'est donc la contrepartie procédurale de la non contestation qui doit être essentiellement prise en compte (voir, en ce sens la décision n° 07-D-26 du 26 juillet 2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le cadre de marchés de fourniture de câbles à haute tension). La renonciation à contester les griefs, qui a pour effet d'alléger et d'accélérer le travail de l'instruction en dispensant de la rédaction du rapport, doit conduire en l'espèce à accorder aux entreprises en cause une réduction forfaitaire et limitée à 10 % de la sanction encourue. Cette réduction de 10 % qui tient également compte des engagements pris, sera appliquée à des montants qui seront eux-mêmes différenciés pour tenir compte de la situation individuelle des entreprises.

5. EN CE QUI CONCERNE LE PLAFOND DES SANCTIONS

287. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, dispose : " Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euro. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante ". Le III de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que : " Lorsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés et s'engage à modifier ses comportements pour l'avenir, le rapporteur général peut proposer au conseil qui entend les parties et le commissaire du gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer une sanction pécuniaire prévue au I en tenant compte de l'absence de contestation. Dans ce cas, le montant maximum de la sanction encourue est réduit de moitié".

288. Le chiffre d'affaires le plus élevé de la société AGS Paris a atteint 44 345 196 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006, ses comptes étant consolidés au sein de ceux du groupe AGS. Les comptes consolidés d'AGS font apparaître pour 2006 un chiffre d'affaires de 109 567 300 euro. Compte-tenu de ces éléments, le plafond de sanction applicable, égal à 10 % du chiffre d'affaires consolidé le plus élevé de la période examinée est de 10 956 730 euro.

289. Le chiffre d'affaires le plus élevé de la société Crown a atteint 10 629 686 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006, ses comptes étant consolidés au sein de ceux du groupe Crown. Les comptes consolidés de Crown font apparaître pour 2006 un chiffre d'affaires de 207 849 395 euro. Compte-tenu de ces éléments, le plafond de sanction applicable, égal à 10 % du chiffre d'affaires consolidé le plus élevé de la période examinée est de 20 784 939 euro.

290. Le chiffre d'affaires le plus élevé de la société Interdean a atteint 16 012 350 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006, ses comptes étant consolidés au sein de ceux du groupe Interdean Group Limited. Les comptes consolidés d'Interdean Group Limited font apparaître pour 2001 un chiffre d'affaires de 220 072 357 euro. Compte tenu de ces éléments, le plafond de sanction normalement applicable, égal à 10 % du chiffre d'affaires consolidé le plus élevé de la période examinée est de 22 007 235 euro. Par application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le plafond légal de la sanction applicable est réduit de moitié, soit 11 0036 617 euro.

291. Le chiffre d'affaires le plus élevé de la société Raoult Grospiron International a atteint 12 085 052 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006, ses comptes étant consolidés au sein de ceux du groupe Financière Grospiron. Les comptes consolidés de Financière Grospiron font apparaître pour 2006 un chiffre d'affaires de 14 210 053 euro. Compte-tenu de ces éléments, le plafond de sanction normalement applicable, égal à 10 % du chiffre d'affaires consolidé le plus élevé de la période examinée est de 1 421 000 euro. Par application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le plafond légal de la sanction applicable est réduit de moitié, soit 710 502 euro.

292. Le chiffre d'affaires le plus élevé de la société Sterling a atteint 5 901 552 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2002, ses comptes étant consolidés au sein de ceux du groupe Sterling. Les comptes consolidés de Sterling font apparaître pour 2002 un chiffre d'affaires de 25 218 172 £ soit 36 481 503 euro. Compte-tenu de ces éléments, le plafond de sanction normalement applicable, égal à 10 % du chiffre d'affaires consolidé le plus élevé de la période examinée est de 3 648 150 euro. Par application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le plafond légal de la sanction applicable est réduit de moitié, soit 1 824 075 euro.

293. Le chiffre d'affaires le plus élevé de la société Transeuro a atteint 14 282 083 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2002, ses comptes étant consolidés au sein de ceux du groupe Transeuro. Les comptes consolidés de Transeuro font apparaître pour 2002 un chiffre d'affaires de 100 794 376 euro. Compte-tenu de ces éléments, le plafond légal de la sanction applicable, égal à 10 % du chiffre d'affaires consolidé le plus élevé de la période examinée est de 10 079 437 euro.

294. Le chiffre d'affaires le plus élevé de la société Sirva a atteint 16 173 176 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006, ses comptes étant consolidés au sein de ceux du groupe Transeuro. Les comptes consolidés de Transeuro font apparaître pour 2002 un chiffre d'affaires de 100 794 376 euro. Compte-tenu de ces éléments, le plafond de sanction applicable, égal à 10 % du chiffre d'affaires consolidé le plus élevé de la période examinée est de 10 079 437 euro.

295. Le chiffre d'affaires le plus élevé de la société Le Déménageur Européen a atteint 884 492 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006. Compte-tenu de cet élément, le plafond de sanction applicable, égal à 10 % de ce chiffre d'affaires est de 88 449 euro.

296. Le chiffre d'affaires le plus élevé de la société A. Ledeme a atteint 4 765 993 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2002, ses comptes étant consolidés au sein de ceux du groupe Chatelard. Les comptes consolidés de Chatelard font apparaître pour 2006 un chiffre d'affaires de 18 540 183 euro. Compte-tenu de ces éléments, le plafond légal de la sanction applicable, égal à 10 % du chiffre d'affaires consolidé le plus élevé de la période examinée est de 1 854 018 euro.

297. Le chiffre d'affaires le plus élevé de la société Desnos a atteint 738 583 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2003. Compte-tenu de cet élément, le plafond de sanction applicable, égal à 10 % de ce chiffre d'affaires est de 73 858 euro.

298. Le chiffre d'affaires le plus élevé de la société Déménagements J. Gervais a atteint 1 189 427 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2005. Compte-tenu de cet élément, le plafond de sanction normalement applicable, égal à 10 % de ce chiffre d'affaires est de 118 942 euro. Par application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le plafond légal de la sanction applicable est réduit de moitié, soit 59 471 euro.

299. Le chiffre d'affaires le plus élevé de l'entreprise Rubrecht Christian (DSM) a atteint 691 377 euro au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2005. Compte-tenu de cet élément, le plafond de sanction normalement applicable, égal à 10 % de ce chiffre d'affaires est de 69 137 euro. Par application des dispositions du III de l'article L. 464-2 du Code de commerce, le plafond légal de la sanction applicable est réduit de moitié, soit 34 568 euro.

6. EN CE QUI CONCERNE LES CIRCONSTANCES PROPRES A CHAQUE ENTREPRISE

a) En ce qui concerne les observations communes

Sur la situation déficitaire de l'entreprise

300. La société Interdean attire l'attention du Conseil de la concurrence sur le fait que, depuis le mois de décembre 2005, elle appartient à une seule personne physique, M. 18..., qui a hypothéqué sa maison familiale pour sauver l'entreprise de la faillite. Dans ses observations, elle indique que les vendeurs ont non seulement dissimulé à M. Evans l'enquête de concurrence en cours mais aussi refusé d'accorder des garanties sur les agissements passés de la société. La société Interdean fait valoir également qu'elle subit des pertes depuis de nombreuses années. Ainsi, entre 2002 et 2003, elle n'aurait connu qu'une seule année bénéficiaire (2003), ce qui serait uniquement la conséquence d'une réalisation d'actifs opérée par la direction (vente du garde-meuble d'Albis pour une valeur de 1 523 800 euro). Les pertes accumulées sur cette période se seraient élevées à 482 0731 euro et ce malgré une légère progression du chiffre d'affaires (5,9 % par an en moyenne). S'agissant du groupe Interdean, les comptes laissent apparaître que ses dettes sont supérieures à ses actifs de 11,8 millions d'euro. Il a enregistré des pertes de 10 millions d'euro en 2005 et de 3,2 millions d'euro en 2006. Toute amende imposée à Interdean ne viendrait donc, selon l'entreprise mise en cause qu'aggraver la situation financière de la société et pourrait conduire à sa faillite. Interdean relève qu'elle emploie 60 personnes en France et que sa mise en liquidation judiciaire aurait également des répercussions sur ses nombreux fournisseurs et sous-traitants.

301. La société Sterling allègue, également, que ses liasses fiscales pour l'exercice clos au 31 décembre 2005 indiquent qu'elle a réalisé, entre 2003 et 2005, des pertes s'élevant respectivement à 194 000, 213 711 et 505 463 euro. Crown entend-elle aussi souligner la situation déficitaire dans laquelle elle se trouvait en 2001 et 2003, cette situation ayant perduré jusqu'en 2005. DSM attire également l'attention du Conseil sur sa situation déficitaire.

302. La pratique décisionnelle du Conseil de la concurrence, comme le rappelle son rapport pour 2005, admet que : " le montant de la sanction peut être réduit pour tenir compte des résultats déficitaires de l'entreprise ". Dans ce cas, le Conseil se réfère à l'évolution des comptes sur plusieurs exercices, qui est de nature à donner une image fidèle de la situation de l'entreprise. Le Conseil a déjà pris en compte la situation déficitaire de l'entreprise pour fixer le montant de l'amende dans une décision n° 01-D-13 du 19 avril 2001 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du transport public de voyageurs. La Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 26 janvier 1999 a, par ailleurs, réformé une décision n° 98-D-41 du 16 juin 1998 sur le montant des sanctions au motif que la situation économique et financière des entreprises mises en cause s'était dégradée.

303. Il en résulte que le Conseil peut réduire le montant de la sanction pour tenir compte des résultats déficitaires de l'entreprise. Toutefois, en l'espèce, si l'on peut considérer que les résultats déficitaires d'Interdean et de son groupe constituent un élément à prendre en considération pour déterminer le montant de la sanction, force est de constater que tel n'est pas le cas pour les sociétés Sterling et Crown qui sont toutes les deux filiales de groupes plus larges dont il n'a pas été allégué que les comptes étaient déficitaires. En outre, il convient de noter que le Conseil ne saurait être tenu responsable du non respect par les vendeurs de la société Interdean de leur obligation d'information. Il en résulte que ce manquement contractuel, à le supposé avéré, peut justifier de la part de M. 18... une action en responsabilité devant le juge compétent mais ne constitue pas un élément de nature à justifier une diminution de la sanction prononcée par le Conseil dans sa mission de protection de l'ordre public concurrentiel.

Sur la taille réduite de l'entreprise

304. La société Grospiron demande au Conseil de tenir compte du fait qu'elle a une taille et un profil singuliers au sein des entreprises parties à la procédure. En 2003, elle aurait réalisé un chiffre d'affaires de 10,2 millions d'euro, ce qui la placerait en 9ème position sur le marché du déménagement national et international à destination/origine de la France, très loin derrière la société AGS n° 1 du marché, qui a réalisé la même année un chiffre d'affaires de 37,2 millions d'euro. Par ailleurs, si l'on rapporte son chiffre d'affaires à la valeur réelle du marché affecté, la part de marché de Grospiron s'établit en réalité à 0,8 %. Enfin, elle entend souligner, également, qu'elle est la seule dans ce dossier à ne pas appartenir à un grand groupe intégré. S'agissant de la société Sterling, celle-ci indique qu'elle n'est pas un acteur majeur du marché du déménagement national et international, ni même du segment du déménagement international ainsi que le montre l'étude Xerfi.

305. Les autorités de concurrence communautaires opèrent généralement une distinction entre les entreprises ayant participé à l'infraction afin de tenir compte de la possibilité effective des entreprises impliquées de créer un dommage important aux autres opérateurs et notamment aux consommateurs (voir en ce sens l'arrêt du TPICE du 6 décembre 2005, Brouverij Haach NV). Il résulte toutefois de l'étude Xerfi qu'à l'exception de la société Sterling, les entreprises impliquées dans les réunions du Club sont toutes citées comme des leaders du secteur. Sont considérées comme leaders, les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 3 millions d'euro (voir pages 43, 56, 57 de l'étude). En ce qui concerne plus particulièrement la société Grospiron, celle-ci figure parmi les " forces en présence " avec un chiffre d'affaires annuel compris entre 10 et 15 millions d'euro.

Sur l'absence d'infraction antérieure

306. La société Grospiron demande au Conseil de la concurrence de prendre en considération en tant que circonstance atténuante le fait qu'elle n'est pas mise en cause dans le cadre d'autres procédures. La société Sterling indique, pour sa part, qu'elle n'a jamais été impliquée dans des pratiques de devis de complaisance.

307. Mais si le Conseil doit prendre en compte la réitération de pratiques anticoncurrentielles au titre des critères - en l'espèce aggravants - de la sanction (voir la décision n° 07-D-33 du 15 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l'accès à Internet à haut débit), l'absence d'infraction antérieure constitue une circonstance normale dont l'autorité de concurrence n'a pas à tenir compte comme circonstance atténuante (voir en ce sens les arrêts de la CJCE du 17 décembre 1991, Enichem Anic/Commission et du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof Kartongesellschaft). Les arguments soulevés par les entreprises Grospiron et Sterling ne sont donc pas de nature à justifier une réduction du montant de la sanction.

Sur le rôle passif joué dans l'entente

308. Les sociétés Grospiron et AGS Paris indiquent qu'elles n'ont joué qu'un rôle passif lors des réunions litigieuses et que ces comportements sont constitutifs d'une circonstance atténuante.

309. Toutefois, il y a lieu de relever que les sociétés requérantes n'avancent ni circonstance spécifique, ni élément de preuve susceptible de démontrer que leur attitude lors des réunions en question a été purement passive ou suiviste. En effet, les éléments du dossier ne démontrent pas que la participation de ces sociétés aux réunions d'avril 2003 a été d'une nature différence de celle des autres membres du Club. Au contraire, les pièces de la procédure révèlent que la société Grospiron a plutôt joué un rôle actif pour l'organisation de la réunion du 15 avril 2003, ainsi qu'en attestent d'une part (i) les déclarations de M. B..., administrateur de la société AGS Paris recueillies par procès-verbal du 7 juillet 2007 : " (...) c'est M. Y... de la société Grospiron qui m'a contacté pour me convier à la réunion du 15 avril 2003 (...) " et d'autre part (ii) les déclarations du président de la société Sterling, expliquant les circonstances dans lesquelles la réunion du 15 avril 2003 avait été préparée : " (...) Ces problèmes m'ont conduit à me rapprocher de M. Y... en tant que président de l'AFDI (...) Une réunion a été organisée au Club du Méridien ". Il convient, par ailleurs, de relever que les sociétés Grospiron et AGS Paris étaient présentes aux deux réunions d'avril 2003 et que, s'agissant de la première société, elle a mis en œuvre la plupart des prix déterminés en commun. Dès lors, il ne saurait être considéré que les sociétés Grospiron et AGS Paris ont été des observateurs passifs lors des réunions litigieuses.

Sur l'absence de bénéfice économique ou financier tiré de la pratique

310. Les sociétés Sterling et Interdean invoquent qu'elles n'ont tiré aucun bénéfice économique ou financier de la pratique reprochée dans la notification des griefs.

311. Ainsi, Sterling indique que le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé sur les trois activités concernées a été en baisse l'année suivant la mise en œuvre de l'entente. La société Interdean explique, quant à elle, que s'agissant du service de garde-meubles, bien loin de maintenir le tarif énoncé dans la note de M. X..., à savoir 5,5 euro/m3, elle a baissé son loyer garde-meubles à 3,5 euro/m3 en 2004 et à 4,5 euro/m3 en 2005. La pratique reprochée ne lui aurait donc pas permis de maintenir un prix plus élevé sur le marché. Par ailleurs, elle allègue que les pertes financières qu'elle a accumulées au cours de chaque exercice social notamment 8 042 euro en 2003 et 180 953 euro en 2004 confortent l'absence de bénéfice économique ou financier tiré de la pratique reprochée. La société Grospiron soutient quant à elle qu'elle n'a pas tiré de bénéfice de l'entente dans la mesure où elle n'a pas augmenté ses tarifs autant qu'elle aurait pu le faire si elle avait appliqué strictement les taux convenus.

312. Mais, sur ce point, il y a lieu de rappeler la jurisprudence de la Commission européenne selon laquelle : " (...) Le fait qu'une entreprise subisse des pertes ne signifie pas qu'elle n'a pas trouvé un avantage à participer à une infraction aux règles de la concurrence, étant donné que ledit avantage peut consister en une diminution de ses pertes (...). (...) la Commission prend en compte, à titre de circonstance aggravante, les gains réalisés grâce à l'infraction, lorsque cela est nécessaire pour que le montant de l'amende dépasse celui des gains illicites. On ne saurait toutefois en déduire qu'il convient a contrario de considérer l'absence de tels gains comme une circonstance atténuante " (voir, la décision de la Commission du 5 décembre 2001, affaire IV/37.614/F3, PO/Interbrew et Alken-Maes).

313. S'agissant la société Grospiron, le tableau figurant au paragraphe 101 montre qu'elle a pratiqué en mai 2003 des hausses dont le pourcentage est loin d'être négligeable alors qu'elle venait de bénéficier d'une baisse de ses coûts due à la diminution de ses primes payées au nouveau courtier d'assurance qu'elle avait choisi. Une compétition normale avec les autres entreprises du secteur aurait du la conduire à restituer une partie des gains au consommateur, ce qu'elle s'est abstenue de faire, au contraire.

314. Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens soulevés par les entreprises mises en cause.

b) En ce qui concerne le montant des sanctions

En ce qui concerne la société AGS Paris

315. La société AGS Paris a participé à l'entente sur les prix (grief n° 1) et effectué plusieurs déménagements pour lesquels une pratique de devis de complaisance a été mise en œuvre à son profit (grief n° 3). En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société AGS Paris, une sanction pécuniaire de 975 000 euro.

En ce qui concerne la société Crown Worldwide

316. La société Crown a participé à l'entente sur les prix (grief n° 1). Elle fait valoir que, depuis quelques années, ses résultats sont déficitaires. Toutefois, il convient de noter que si la filiale française Crown a connu des résultats déficitaires lors des derniers exercices, elle appartient à un groupe plus large dont il n'est pas allégué qu'il connaîtrait des difficultés et qui a réalisé en 2006 un chiffre d'affaires de 207 Meuro.

317. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu d'infliger à la société Crown une sanction pécuniaire de 180 000 euro.

En ce qui concerne la société Interdean SAS

318. La société Interdean SAS a participé à l'entente sur les prix (grief n° 1) et effectué un déménagement pour lequel une pratique de devis de complaisance a été mise en œuvre à son profit (grief n° 4). Depuis 2002 et à l'exception de l'année 2005, Interdean SAS ainsi que le groupe Interdean présentent des résultats nets déficitaires. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils ont été appréciés ci-dessus, la sanction pécuniaire qui aurait été infligée à la société Interdean aurait été de 320 000 euro. Pour tenir compte de l'absence de contestation de griefs et des engagements pris, ce montant est ramené à 288 000 euro.

En ce qui concerne la société Raoult Grospiron International

319. La société Raoult Grospiron International a participé à l'entente sur les prix (grief n° 1) et a produit un devis de complaisance au bénéfice de la société AGS Paris (grief n° 4). En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils ont été appréciés ci-dessus, la sanction pécuniaire qui aurait été infligée à la société Raoult Grospiron International aurait été de 260 000 euro. Pour tenir compte de l'absence de contestation de griefs et des engagements pris, ce montant est ramené à 234 000 euro.

En ce qui concerne la société Sterling International Movers

320. La société Sterling a participé à l'entente sur les prix (grief n° 1). Elle fait valoir que, depuis quelques années, ses résultats sont déficitaires.

321. Toutefois, il convient de noter que si la filiale française Sterling a connu des résultats déficitaires lors des derniers exercices, elle appartient à un groupe plus large dont il n'est pas allégué qu'il connaîtrait des difficultés qui et qui a réalisé en 2006 un chiffre d'affaires de 31,7 Meuro, et ne se trouve pas en situation de cessation des paiements, redressement ou liquidation judiciaires.

322. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils ont été appréciés ci-dessus, la sanction pécuniaire qui aurait été infligée à la société Sterling aurait été de 100 000 euro. Pour tenir compte de l'absence de contestation de griefs et des engagements pris, ce montant est ramené à 90 000 euro.

En ce qui concerne la société Transeuro Desbordes Worldwide Relocation

323. La société Transeuro Desbordes Worldwide Relocation a participé à l'entente sur les prix (grief n° 1). En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci- dessus, il y a lieu d'infliger à la société Transeuro une sanction pécuniaire de 210 000 euro.

En ce qui concerne la société Sirva SAS

324. La société Sirva SAS venant aux droits des sociétés Allied Arthur Pierre et Maison Huet a participé à l'entente sur les prix (grief n° 1) et effectué quarante neuf déménagements pour lesquels des pratiques de devis de complaisance ont été mises en œuvre à son profit (grief n° 2).

325. Les pratiques reprochées à la société Sirva SAS sont d'une particulière gravité, puisque cette dernière a été à l'origine de l'organisation de la réunion de concertation du 15 avril 2003, et a conçu un logiciel destiné à éditer des devis de complaisance, pratiques dont elle a été la seule bénéficiaire d'après les éléments de l'enquête. L'élaboration d'un tel logiciel dont la conception est particulièrement sophistiquée est, en outre, d'autant plus grave qu'elle confère aux pratiques en cause un caractère systématique.

326. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, le montant de la sanction pécuniaire qui devrait être infligé à la société Sirva SAS s'élève à 410 000 euro.

327. Le IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose : " Une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d'autres, mis en œuvre une pratique prohibée par les dispositions de l'article L. 420-1 s'il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d'informations dont le Conseil ou l'administration ne disposaient pas antérieurement. A la suite de la démarche de l'entreprise ou de l'organisme, le Conseil de la concurrence, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l'économie, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l'exonération envisagée, après que le commissaire du Gouvernement et l'entreprise ou l'organisme concerné ont présenté leurs observations ; cet avis est transmis à l'entreprise ou à l'organisme et au ministre, et n'est pas publié. Lors de la décision prise en application du I du présent article, le Conseil peut, si les conditions précisées dans l'avis de clémence ont été respectées, accorder une exonération des sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l'établissement de l'infraction ".

328. Par un avis du 27 juillet 2004, le Conseil de la concurrence a accordé aux sociétés AAP et Maison Huet le bénéfice conditionnel de la clémence, avec une exonération totale de sanction subordonnée au respect des quatre conditions mentionnées au paragraphe (§ 20). Afin de déterminer si la société Sirva SAS, venant aux droits des sociétés AAP et Maison Huet, peut bénéficier d'une exonération totale de sanctions pécuniaires, il convient d'examiner si les conditions posées dans l'avis conditionnel de clémence du 27 juillet 2004 ont été respectées.

Première condition

329. En l'espèce, la société Sirva SAS a communiqué au Conseil de la concurrence des éléments de preuve permettant d'établir l'existence de réunions informelles entre les sociétés du déménagement international entre 1989 et 2005. Par ailleurs, elle a versé des éléments probants permettant d'établir qu'elle s'était livrée à des pratiques de devis de complaisance avec d'autres sociétés du secteur. La première condition est donc remplie.

Deuxième condition

330. La société Sirva SAS a apporté au Conseil et aux services d'enquête une coopération totale, permanente et rapide tout au long de la procédure d'enquête et d'instruction, et leur a fourni tous les documents en sa possession permettant de caractériser les infractions dénoncées. La deuxième condition est donc remplie.

Troisième condition

331. La société Sirva SAS a dénoncé les pratiques anticoncurrentielles auxquelles elle participait par procès-verbal en date du 21 octobre 2003. Elle a bénéficié d'un avis conditionnel en date du 27 juillet 2004. Postérieurement à la notification de cet avis, aucun document n'a été découvert par les enquêteurs au cours de leurs investigations, et aucun élément n'a été versé à la procédure par les parties, établissant que la société Sirva SAS aurait manqué à son obligation de cessation des pratiques au plus tard à la date de l'avis conditionnel de clémence. Même si la société a joué un rôle particulièrement actif dans l'organisation de la réunion du 15 avril 2003 et l'élaboration des devis de complaisance, elle ne peut être regardée comme ayant contraint les autres membres du cartel à y participer. La troisième condition est donc remplie.

Quatrième condition

332. Aucun élément ne démontre que la société Sirva SAS aurait informé de sa démarche les entreprises susceptibles d'être mises en cause dans le cadre des pratiques dénoncées. La dernière condition est donc satisfaite.

333. Il résulte de ce qui précède que la société Sirva SAS s'est ainsi conformée aux conditions qui lui avaient été imposées par l'avis conditionnel de clémence du 27 juillet 2004. Elle doit dès lors être exonérée de toute sanction pécuniaire.

En ce qui concerne la société Le déménageur Européen

334. La société Le Déménageur Européen a produit des devis de complaisance au bénéfice de la société AGS Paris (grief n° 3). En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 4 500 euro.

En ce qui concerne la société A. Ledeme

335. La société A. Ledeme a produit des devis de complaisance au bénéfice de la société Maison Huet SA (grief n° 2). Son résultat d'exploitation a été déficitaire en 2006 mais la société mise en cause appartient au groupe Chatelard, qui réalise un chiffre d'affaires de plus de 18 millions d'euro. En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de limiter la sanction à 15 000 euro.

En ce qui concerne la société Desnos

336. La société Desnos a produit des devis de complaisance au bénéfice de la société Maison Huet SA (grief n° 2). En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 3 500 euro.

En ce qui concerne la société Déménagements J. Gervais

337. La société Déménagements J. Gervais a produit desdevis de complaisance au bénéfice de la société Maison Huet SA (grief n° 2). En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils ont été appréciés ci-dessus, la sanction pécuniaire qui aurait été infligée à l'entreprise Déménagements J Gervais aurait été de 6 000 euro. Pour tenir compte de l'absence de contestation de griefs et des engagements pris, ce montant est ramené à 5 400 euro.

En ce qui concerne la société Rubrecht Christian (DSM)

338. La société Rubrecht Christian a produit des devis de complaisance au bénéfice de la société Maison Huet SA (grief n° 2). En fonction des éléments généraux et individuels tels qu'ils ont été appréciés ci-dessus, la sanction pécuniaire qui aurait été infligée à l'entreprise DSM aurait été de 3 500 euro. Pour tenir compte de l'absence de contestation de griefs et des engagements pris, ce montant est ramené à 3 150 euro.

En ce qui concerne la société Percot

339. La société Percot souhaite attirer l'attention du Conseil sur le fait qu'elle exerce d'une part une activité de déménagements et de garde-meubles et d'autre part une activité de négoce de produits pétroliers.

340. La société Percot a produit des devis de complaisance au bénéfice de la société Maison Huet SA (grief n° 2). Le chiffre d'affaires de la société réalisé au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2006 s'élève à 4 435 227 euro. Il s'agit du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. L'activité liée aux opérations de déménagement ne représente que 31,8 % de ce chiffre d'affaires. En fonction des éléments généraux et individuels tel qu'ils sont appréciés ci-dessus, il y a lieu de lui infliger une sanction de 12 000 euro.

En ce qui concerne l'obligation de publication

341. Afin d'attirer la vigilance des clients des sociétés de déménagement, il y a lieu compte- tenu des faits constatés par la présente décision et des infractions relevées, d'ordonner la publication, à frais partagés des entreprises sanctionnées et au prorata de leurs sanctions pécuniaires, dans un quotidien national, du résumé de la présente décision figurant au paragraphe 342 ci-après :

342. Résumé de la décision :

" Le Conseil de la concurrence a rendu le 18 décembre 2007 une décision par laquelle il sanctionne 12 entreprises de déménagement, pour s'être entendues sur les prix de certains services et pour avoir réalisé des devis de complaisance en vue de fausser la concurrence sur le marché.

Le deuxième cas d'application du programme de clémence français

Appliquant pour la deuxième fois son programme de clémence, le Conseil a entièrement exonéré de sanction pécuniaire les sociétés Allied Arthur Pierre et Maison Huet SA (devenues Sirva SAS), qui avaient dénoncé l'existence de l'entente. Ces entreprises ont en effet communiqué au Conseil des éléments de preuve suffisants, qui lui ont permis de se saisir d'office des pratiques dénoncées et de lancer une enquête avec visites et saisies dans le secteur incriminé.

Les entreprises se réunissaient afin de s'entendre sur le niveau des taux d'assurance et sur le prix des loyers garde-meubles

Les représentants des principales sociétés du secteur du déménagement international en France (AGS Paris, Allied Arthur Pierre SA (devenue Sirva SAS), Crown Worldwide, Interdean SAS, Raoult Grospiron International, Sterling International Movers SA et Transeuro Desbordes Worldwide Relocation) ont participé en 2003 à des réunions informelles - " le Club " - dans le but d'échanger des informations sur leurs prix et leurs coûts et de déterminer en commun des tarifs minimum s'agissant des taux d'assurance et du loyer garde-meubles. Plusieurs sociétés membres du Club ont procédé à des augmentations de leur loyer garde-meubles et de leurs taux d'assurance, s'alignant ainsi sur les tarifs plus élevés pratiqués par les autres membres du Club au détriment du consommateur.

Le Conseil a rappelé que ces pratiques de détermination des prix en commun sont des infractions très graves, d'autant plus qu'elles ont été mises en œuvre par des entreprises représentant plus de 50 % du marché du déménagement international en France.

Certaines de ces entreprises, avec d'autres plus petites, établissaient également des devis de complaisance pour le déménagement des personnels militaires

Le déménagement des personnels militaires est régi par des dispositions réglementaires particulières qui imposent à ces derniers de présenter à leur administration deux ou trois devis concurrents. Concrètement, le militaire prend contact avec les déménageurs, paye le prix convenu, mais ne supporte pas, en définitive, le coût de son déménagement.

L'enquête a établi que les entreprises en cause se répartissaient le marché. Dans cette perspective, la société Maison Huet avait même conçu un logiciel spécifique lui permettant d'éditer des devis de complaisance dans le but de tromper l'organisme payeur.

Le Conseil a estimé que ces pratiques étaient particulièrement graves, car elles ont eu pour objet et pour effet d'entraîner une répartition artificielle du marché entre les entreprises et de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu de la concurrence. Ainsi, dans le cadre des déménagements de militaires, des écarts de prix compris entre 30 et 125 % ont été constatés entre la société Maison Huet et ses concurrents lorsque ceux-ci ont établi leurs devis de manière autonome.

12 entreprises ont été sanctionnées pour un montant total d'un peu plus de deux millions d'euro

Le Conseil a prononcé des sanctions proportionnées en tenant compte de la diversité des griefs retenus, de la gravité des comportements en cause, de l'importance du dommage causé à l'économie, de la situation individuelle des entreprises et de la circonstance que cinq sociétés n'ont pas contesté les faits. Il a infligé :

- à la société AGS Paris, une sanction de 975 000 euro ;

- à la société Crown Worldwide, une sanction de 180 000 euro ;

- à la société Interdean SAS, une sanction de 288 000 euro ;

- à la société Raoult Grospiron International, une sanction de 234 000 euro ;

- à la société Sterling International Movers SA, une sanction de 90 000 euro ;

- à la société Transeuro Desbordes Worldwide Relocation, une sanction de 210 000 euro ;

- à la société Le Déménageur Européen, une sanction de 4 500 euro.

- à la société A. Ledeme Déménagements, une sanction de 15 000 euro ;

- à la société Desnos, une sanction de 3 500 euro ;

- à la société Déménagements J Gervais, une sanction de 5 400 euro ;

- à la société Rubrecht Christian (DSM), une sanction de 3 150 euro ;

- à la société Percot, une sanction de 12 000 euro.

Le texte intégral de la décision du Conseil de la concurrence est accessible sur le site www.conseil-concurrence.fr ".

DÉCISION

Article 1er : Il est établi que les sociétés AGS Paris, Crown Worldwide Relocation, Raoult Grospiron International, Interdean SAS, Allied Arthur Pierre SA, Maison Huet SA, Transeuro Desbordes Worldwide Relocation, A. Ledeme Déménagements, Déménagements J Gervais, Percot, Rubrecht Christian (DSM), Sterling International Movers SA et Le Déménageur Européen ont enfreint les dispositions des articles L. 420 1 du Code de commerce et 81 § 1 du traité CE.

Article 2 : Il est pris acte des engagements souscrits par les sociétés Raoult Grospiron International, Sterling International Movers, Interdean SAS, Déménagements J Gervais, Rubrecht Christian (DSM), tels qu'ils sont mentionnés aux paragraphes 154 à 160. Il est enjoint à ces entreprises de s'y conformer en tous points.

Article 3 : Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

- à la société AGS Paris, une sanction de 975 000 euro ;

- à la société Crown Worldwide, une sanction de 180 000 euro ;

- à la société Interdean SAS, une sanction de 288 000 euro ;

- à la société Raoult Grospiron International, une sanction de 234 000 euro ;

- à la société Sterling International Movers SA, une sanction de 90 000 euro ;

- à la société Transeuro Desbordes Worldwide Relocation, une sanction de 210 000 euro ;

- à la société Le Déménageur Européen, une sanction de 4 500 euro.

- à la société A. Ledeme Déménagements, une sanction de 15 000 euro ;

- à la société Desnos, une sanction de 3 500 euro ;

- à la société Déménagements J. Gervais, une sanction de 5 400 euro ;

- à la société Rubrecht Christian (DSM), une sanction de 3 150 euro ;

- à la société Percot, une sanction de 12 000 euro ;

Article 4 : La société Sirva SAS, venant aux droits des sociétés Allied Arthur Pierre et Maison Huet, est exonérée de sanction pécuniaire, par application du IV de l'article L. 464-2 du Code de commerce.

Article 5 : Il n'est pas établi que la société Mobilitas ait enfreint les dispositions des articles 81 du traité CE et L. 420-1 du Code de commerce.

Article 6 : Les sociétés mentionnées à l'article premier feront publier le texte figurant au paragraphe 342 de la présente décision en respectant la mise en forme, à frais communs et au prorata des sanctions pécuniaires infligées à l'article 3, dans "Le Figaro". Cette publication interviendra dans un encadré d'une hauteur de 25 cm au moins sur 10 cm de largeur au moins, en caractères noirs sur fond blanc, sous le titre en caractères gras : "Décision n° 07-D-48 du 18 décembre 2007 du Conseil de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du déménagement national et international ". Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la Cour d'appel de Paris si de tels recours sont exercés. Les sociétés adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence, copie de cette publication, dès sa parution et au plus tard le 22 février 2008.