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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 6 février 2007, n° 06-03390

VERSAILLES

Ordonnance d'incident

PARTIES

Demandeur :

Idexx Laboratoires Inc (Sté), Idexx (SARL)

Défendeur :

Mano Médical (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Chappelle

Avoués :

SCP Jullien, Lecharny, Rol, Fertier, SCP Debray-Chemin

Avocats :

Mes Pech de la Clause, Desmazières de Sechelles

T. com. Versailles, du 31 mars 2006

31 mars 2006

Vu le jugement rendu le 31 mars 2006 par le Tribunal de commerce de Versailles dans une affaire opposant les sociétés Idexx Laboratoires Inc. et SARL Idexx à la société Mano Médical à laquelle il était reproché des actes de contrefaçon, publicité mensongère, tromperie et concurrence déloyale, par lequel le tribunal a, notamment,

- débouté la société Mano Médical de sa demande itérative de jonction avec une procédure distincte qu'elle a introduite sur le fondement des articles 81 et 82 CE contre les sociétés Idexx Laboratoire Inc., SARL Idexx, Idexx Europe et Ortho Clinical Diagnostics,

- condamné la société Mano Médical à payer à la société Idexx Laboratoires Inc. la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation d'actes de contrefaçon,

- fait interdiction à la société Mano Médical d'offrir ou de vendre le logiciel Vet Test, sous astreinte de 2 000 euro par infraction constatée à compter de la publication du jugement,

- fait interdiction à la société Mano Médical de supprimer de sa publicité toute référence à l'identité des produits fabriqués pour la médecine humaine et le marché vétérinaire et ce, sous astreinte de 500 euro passé un délai d'un mois par infraction constatée, à compter de la signification du jugement,

- débouté les sociétés Idexx Laboratoires Inc. et SARL Idexx de leur demande de voir interdire à la société Mano Médical la vente des réactifs QCR Dry Test,

- débouté les sociétés Idexx Laboratoires et Mano Médical de leurs demandes de dommages et intérêts,

- dit n'y avoir lieu à expertise judiciaire, ni à ordonner la publication du jugement,

- débouté la société Mano Médical de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée contre les sociétés Idexx pour position dominante, dénigrement et harcèlement juridique,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- et condamné la société Mano Médical à payer aux sociétés Idexx Laboratoires et SARL Idexx, chacune, une indemnité de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté le 9 mai 2006 par les sociétés Idexx Laboratoires et SARL Idexx.

Vu les conclusions d'incident aux tins d'exception d'incompétence signifiées les 23 novembre et 27 décembre 2006 par la société Mano Médical, laquelle, sur le fondement des articles L. 420-7 du Code de commerce, R. 212-1 troisième alinéa du Code de l'organisation judiciaire, 22 du décret n° 2005-1756 du 30 décembre 2005, 81, 82, 226 et 227 du traité instituant la Communauté européenne, 6 et 15 du règlement CE n° 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002, 96 deuxième alinéa, 97, 426, 427, 428, 699, 700 du nouveau Code de procédure civile, 6 alinéa I de la Convention européenne des Droits de l'Homme, demande à la cour :

- de se déclarer incompétente au profit de la Cour d'appel de Paris,

- d'ordonner à la diligence de Monsieur le greffier en chef le transfert du dossier à la Cour d'appel de Paris,

- en tout état de cause, et par application de l'article 15 du règlement CE n° 1-2003 du Conseil, ordonner à la diligence de Monsieur le greffier en chef la transmission directe du ou des arrêts à intervenir à la Commission européenne (Direction concurrence) 200 rue de la Loi, B - 1049 Bruxelles (Belgique)

- condamner les sociétés Idexx Laboratoires et SARL Idexx au paiement d'une indemnité de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Vu les conclusions en défense des sociétés Idexx Laboratoires et SARL Idexx lesquelles, sur le fondement des articles 74 alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile et L. 420-7 du Code de commerce, concluent,

- à titre principal à l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence soulevée par la société Mano Médical,

- a titre subsidiaire, qu'il soit constaté que la présente affaire ne requiert pas l'application du droit communautaire, et que le Tribunal de commerce de Versailles ne figure pas parmi les juridictions désignées par l'article L. 420-7 du Code de commerce, si bien que l'exception d'incompétence soulevée par la société Mano Médical n'est pas fondée.

- de débouter la société Mano Médical de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à payer aux sociétés Idexx Laboratoires et SARL Idexx, chacune, une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi :

Considérant qu'en application de l'article L. 420-7 du Code de commerce, " Sans préjudice des articles L. 420-6, L. 462-8, L.463-1 à L. 463-4, L. 463-6, L. 463-7, et L. 464-1 à L. 464-8, les litiges relatifs à l'application des règles contenues dans les articles L. 420-1 à L. 420-5 ainsi que les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne et ceux dans lesquels ces dispositions sont invoquées, sont attribués, selon le cas et sous réserve des règles de partage de compétence entre les ordres de juridiction, aux tribunaux de grande instance ou aux tribunaux de commerce dont le siège et le ressort sont fixés par décret on Conseil d'Etat. Ce décret détermine également le siège et le ressort de la ou des cours d'appel appelées à connaître des décisions rendues par ces juridictions."

Considérant que le décret n° 2005-1756 du 30 décembre 2005, entré en vigueur le 1er janvier 2006, a dressé la liste des tribunaux compétents au titre de l'article L. 420-7 précité, l'article 2 de ce décret précisant " Pour l'application de la deuxième phrase de l'article L. 420-7 du Code de commerce, la Cour d'appel de Paris est compétente."

Considérant qu'en application de l'alinéa I de l'article 74 du nouveau Code de procédure civile "Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public."

Considérant par ailleurs une devant le tribunal de commerce, la procédure est orale.

Considérant qu'en première instance, la société Mano Médical a comparu plusieurs fois devant le tribunal de commerce, et en dernier lieu le 17 février 2006, lors de l'audience de plaidoiries.

Considérant que la veille de cette audience, soit le 16 février 2006, la société Mano Médical a déposé des conclusions " complémentaires et itératives de demande de jonction " de la présente instance avec l'instance distincte qu'elle a introduite contre les sociétés Idexx Laboratoires, SARL Idexx, Idexx Europe et Ortho Clinical Diagnostics, demandant en outre au tribunal de "4° - dire n'y avoir lieu au maintien de ce qui a été ordonné en référé par l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 16 juin 2004 pour ce qui concerne l'injonction faite à Mano Médical de supprimer de sa publicité toute référence à l'identité des produits fabriqués pour la médecine humaine et le marché vétérinaire; 5° - donner de façon générale à la société Mano Médical le bénéfice de toutes ses écritures", écritures par lesquelles celle-ci a notamment demandé la condamnation des sociétés Idexx Laboratoires et SARL Idexx à lui verser la somme de 300 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation d'actes de dénigrement, ainsi que la publication du jugement à intervenir.

Considérant que le 16 février 2006 la société Mano Médical a donc conclu au fond devant le tribunal sans soulever, par voie d'exception, l'incompétence de celui-ci, alors que le décret n° 2005-1756 du 30 décembre 2005 était entré en vigueur depuis le 1er janvier 2006.

Considérant qu'aucune exception d'incompétence n'a été soulevée par la société Mano Médical lors de l'audience de plaidoiries du 17 février 2006.

Considérant qu'il est indifférent que l'article 22 de ce décret indique que "la juridiction compétente primitivement saisie demeure compétente pour statuer sur les procédures introduites antérieurement à la date d'entrée en vigueur du présent décret."

Considérant en effet que la recevabilité de l'exception d'incompétence soulevée devant la cour suppose que préalablement, devant le tribunal de commerce, la société Mano Médical ait régulièrement soulevé cette exception d'incompétence, quelle que soit par ailleurs la réponse susceptible d'être apportée à une telle exception.

Considérant que tel n'a pas été le cas en l'espèce.

Qu'il y a donc lieu de déclarer irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la société Mano Médical pour la première fois en cause d'appel, les premiers juges n'ayant été saisis que d'une défense au fond.

Considérant que cette présente ordonnance ne concerne pas l'application des articles 81 et 82 du traité CE et qu'elle ne prononce aucune condamnation à ce titre.

Considérant dès lors, que la demande formée par la société Mano Médical au titre de l'article 15.2 du règlement CE n° 1-2003 et tendant à la transmission "du ou des arrêts à intervenir" est dépourvue de toute pertinence.

Qu'elle sera donc rejetée.

Considérant qu'à ce stade de la procédure, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Qu'il convient en outre de réserver les dépens, étant rappelé que l'ordonnance de clôture doit être prononcée le 27 février 2007.

Par ces motifs, LE CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT : Statuant publiquement et contradictoirement, - Déboute la société Mano Médical de son exception d'incompétence et de ses autres demandes. - Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. - Réserve les dépens. Ordonnance prononcée publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.