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Décisions

CJCE, gr. ch., 18 décembre 2007, n° C-101/05

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Skatteverket

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Skouris

Présidents de chambre :

MM. Jann, Timmermans, Rosas, Lenaerts, Tizzano

Avocat général :

M. Bot

Juges :

MM. Schintgen, Cunha Rodrigues, Malenovský, von Danwitz, Arabadjiev, Mmes Toader, Silva de Lapuerta

Avocats :

Mes Andersson, Nortoft, Gentili, Ward

CJCE n° C-101/05

18 décembre 2007

LA COUR (grande chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des articles 56 CE à 58 CE.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant le Skatteverket (administration fiscale suédoise) et A, une personne physique résidant en Suède, en raison du refus d'octroyer à cette dernière une exonération d'impôt sur les dividendes distribués sous la forme d'actions d'une filiale par une société établie dans un pays tiers.

La législation nationale

3 En vertu de la loi suédoise de 1999 relative à l'impôt sur le revenu (inkomstskattelagen, SFS 1999, n° 1229, ci-après la "loi"), les dividendes versés à une personne physique résidant en Suède par une société anonyme sont normalement soumis à l'impôt sur le revenu dans cet État membre.

4 Aux termes de l'article 16 du chapitre 42 de la loi:

"Les dividendes distribués par une société anonyme suédoise (société-mère) sous la forme d'actions d'une filiale ne sont pas inclus dans le revenu imposable, à condition que:

1) la distribution soit effectuée proportionnellement au nombre d'actions détenues dans la société-mère,

2) les actions de la société-mère soient cotées en Bourse,

3) toutes les parts de la société-mère dans la société filiale soient distribuées,

4) après la distribution, les parts sociales dans la filiale ne soient pas détenues par une société appartenant au même groupe que la société-mère,

5) la filiale soit une société anonyme suédoise ou une société étrangère, et que

6) l'activité principale de la filiale soit à caractère industriel ou commercial ou consiste, directement ou indirectement, à détenir des parts dans des sociétés dont l'activité principale est à caractère industriel ou commercial et dans lesquelles la filiale détient, directement ou indirectement, des parts sociales représentant un nombre de droits de vote supérieur à la moitié des droits de vote de toutes les parts sociales de la société."

5 Lorsque cette exonération a été introduite dans le droit suédois, en 1992, les dispositions relatives à celle-ci s'appliquaient uniquement aux bénéfices distribués par des sociétés anonymes suédoises. Après avoir été abrogées à partir de 1994, ces dispositions ont été réintroduites dans ledit droit à partir de 1995.

6 En vertu de l'article 16 a du chapitre 42 de la loi, introduit en 2001 dans le droit suédois, l'exonération prévue à l'article 16 du même chapitre s'applique également lorsque la distribution d'actions est effectuée par une société étrangère qui a un statut analogue à celui d'une société anonyme suédoise et qui est établie dans un État de l'Espace économique européen (ci-après l'"EEE") ou dans un État avec lequel le Royaume de Suède a conclu une convention fiscale contenant une disposition prévoyant l'échange de renseignements.

7 Le 7 mai 1965, une convention a été conclue entre la Confédération suisse et le Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ci-après la "convention"). Les articles 10 et 11 de cette convention traitent du régime d'imposition, respectivement, des dividendes et des intérêts.

8 L'article 27 de la convention prévoit une procédure amiable entre les autorités compétentes des États contractants en vue d'éviter une imposition non conforme aux dispositions de cette convention ainsi que pour résoudre les difficultés ou dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l'interprétation ou l'application de celle-ci.

9 Il ressort du point 5 du protocole de négociation et de signature établi lors de la conclusion de la convention (ci-après le "protocole") que la délégation suisse a considéré que les seuls renseignements qui sont susceptibles de faire l'objet d'un échange sont ceux nécessaires à une bonne application de la convention et ceux permettant d'éviter qu'il soit fait une application abusive de cette dernière. Il ressort du même point 5 que le Royaume de Suède a pris acte de cette déclaration et a renoncé à une disposition conventionnelle expresse portant sur l'échange de renseignements.

10 Le 17 août 1993, un arrangement a été conclu entre la Confédération suisse et le Royaume de Suède concernant la mise en œuvre des articles 10 et 11 de la convention (ci-après l'"arrangement"). Cet arrangement précise la procédure à suivre par un particulier pour obtenir un dégrèvement de l'impôt conformément aux conditions d'imposition prescrites par ces articles, ainsi que le traitement de telles demandes par les autorités fiscales des États contractants.

Le litige au principal et la question préjudicielle

11 A est actionnaire de la société X, laquelle a son siège social en Suisse et envisage de distribuer les actions qu'elle détient dans l'une de ses filiales. Il a demandé au Skatterättsnämnden (commission de droit fiscal) un avis préalable sur la question de savoir si une telle distribution est exonérée de l'impôt sur le revenu. Selon A, X a un statut analogue à celui d'une société anonyme suédoise et les conditions d'exonération requises par la loi sont remplies, hormis celle tenant à la localisation du siège de cette société.

12 Dans son avis préalable, notifié le 19 février 2003, le Skatterättsnämnden a répondu que la distribution d'actions envisagée par X devait être exonérée de l'impôt sur le revenu en application des dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des capitaux.

13 Selon le Skatterättsnämnden, un tel droit à l'exonération ne découle pas de la loi, dès lors que la convention ne contient pas d'obligation pour la Confédération suisse de fournir les renseignements nécessaires à l'administration fiscale suédoise. Toutefois, l'article 16 a du chapitre 42 de la loi devrait être considéré comme une restriction aux mouvements de capitaux au sens de l'article 56 CE. Une telle restriction serait, certes, motivée par l'objectif de faciliter les contrôles fiscaux dans un contexte dans lequel n'est pas applicable la directive 77-799-CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects (JO L 336, p. 15), telle que modifiée par la directive 92-12-CEE du Conseil, du 25 février 1992 (JO L 76, p. 1, ci-après la "directive 77-799"). Cependant, ladite restriction serait disproportionnée par rapport audit objectif. L'arrangement semblerait en effet ouvrir dans une certaine mesure la possibilité pour l'administration fiscale suédoise d'obtenir les renseignements nécessaires à l'application de la législation fiscale interne. En outre, pourrait être donnée au contribuable la possibilité de démontrer lui-même que toutes les conditions requises par la loi sont remplies.

14 Le Skatteverket a interjeté appel de cet avis préalable du Skatterättsnämnden devant le Regeringsrätten.

15 Dans son recours, le Skatteverket souligne que les dispositions relatives à la liberté de circulation des capitaux ne sont pas claires en ce qui concerne les mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers, en particulier avec ceux de ces derniers qui s'opposent à l'échange de renseignements à des fins de contrôle fiscal. Lorsque la possibilité d'obtenir des informations est limitée, une restriction telle que celle instituée par ledit article 16 a pourrait être justifiée pour garantir l'efficacité des contrôles fiscaux.

16 A soutient, en revanche, que les dispositions contenues dans le protocole et dans l'arrangement peuvent être assimilées à une disposition relative à l'échange de renseignements qui serait contenue dans la convention elle-même. L'article 16 a du chapitre 42 de la loi constituerait, en tout état de cause, une restriction à la libre circulation des capitaux qui ne saurait être justifiée. En effet, il n'y aurait aucun besoin de demander des renseignements aux autorités suisses, dès lors que le contribuable peut être sommé de démontrer qu'il remplit toutes les conditions pour bénéficier de l'exonération prévue par la loi.

17 Dans ces conditions, le Regeringsrätten a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

"Les dispositions relatives à la libre circulation des capitaux entre les États membres et un pays tiers font-elles obstacle à ce que, dans une situation comme celle [de l'affaire au principal], A soit imposé pour les dividendes qui lui ont été distribués par X, au motif que X n'a pas son siège dans un État membre de l'EEE ni dans un État avec lequel [le Royaume de] Suède a conclu une convention fiscale contenant une clause prévoyant l'échange de renseignements?"

Sur la question préjudicielle

18 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à la législation d'un État membre en vertu de laquelle l'exonération de l'impôt sur le revenu de dividendes, distribués sous forme d'actions d'une filiale, ne peut être accordée que si la société distributrice est établie dans un État membre de l'EEE ou dans un État avec lequel une convention fiscale prévoyant l'échange de renseignements a été conclue par l'État membre d'imposition.

19 À titre liminaire, il importe de rappeler que, en vertu d'une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C-35-98, Rec. p. I-4071, point 32; du 7 septembre 2004, Manninen, C-319-02, Rec. p. I-7477, point 19, ainsi que du 6 mars 2007, Meilicke e.a., C-292-04, Rec. p. I-1835, point 19).

20 À cet égard, l'article 56, paragraphe 1, CE, entré en vigueur le 1er janvier 1994, a mis en œuvre la libéralisation des capitaux entre les États membres ainsi qu'entre les États membres et les pays tiers. À cet effet, il dispose que, dans le cadre du chapitre du traité intitulé "Les capitaux et les paiements", toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres ainsi qu'entre les États membres et les pays tiers sont interdites (arrêts du 14 décembre 1995, Sanz de Lera e.a., C-163-94, C-165-94 et C-250-94, Rec. p. I-4821, point 19, ainsi que du 23 février 2006, van Hilten-van der Heijden, C-513-03, Rec. p. I-1957, point 37).

Sur l'effet direct de l'article 56, paragraphe 1, CE dans les relations entre les États membres et les pays tiers

21 D'emblée, il convient de rappeler que l'article 56, paragraphe 1, CE énonce une interdiction claire et inconditionnelle, qui ne nécessite aucune mesure de mise en œuvre et qui confère aux particuliers des droits qu'ils peuvent faire valoir en justice (voir, en ce sens, arrêt Sanz de Lera e.a., précité, points 41 et 47).

22 Toutefois, le Gouvernement allemand fait valoir que, dans les relations entre les États membres et les pays tiers, cette disposition n'aurait un effet direct qu'à l'égard de restrictions relatives aux catégories de mouvements de capitaux qui ne sont pas visées à l'article 57, paragraphe 1, CE. En effet, s'agissant des catégories de mouvements de capitaux visées audit paragraphe 1, le paragraphe 2 de ce même article laisserait au Conseil de l'Union européenne le pouvoir d'adopter des mesures de libéralisation si et dans la mesure où celles-ci permettent de promouvoir le fonctionnement de l'Union économique et monétaire. Si la Cour, au point 46 de l'arrêt Sanz de Lera e.a., précité, a certes reconnu que l'adoption de mesures par le Conseil ne constitue pas une condition nécessaire pour la mise en œuvre de l'interdiction énoncée à l'article 56, paragraphe 1, CE, elle aurait limité cette interprétation aux restrictions qui ne relèvent pas de l'article 57, paragraphe 1, CE.

23 À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l'article 57, paragraphe 1, CE, l'article 56 CE ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant au 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés des capitaux.

24 En vertu de l'article 57, paragraphe 2, première phrase, CE, tout en s'efforçant de réaliser l'objectif de libre circulation des capitaux entre les États membres et les pays tiers, dans la plus large mesure possible et sans préjudice d'autres chapitres du traité, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission des Communautés européennes, peut adopter des mesures relatives aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés des capitaux. La seconde phrase dudit paragraphe 2 prévoit que l'unanimité est requise pour l'adoption de mesures qui constituent un pas en arrière dans le droit communautaire en ce qui concerne la libéralisation des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers.

25 Au point 48 de l'arrêt Sanz de Lera e.a., précité, la Cour a jugé que les dispositions de l'article 73 B, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 56, paragraphe 1, CE), en liaison avec les articles 73 C et 73 D, paragraphe 1, sous b), du traité CE [devenus, respectivement, articles 57 CE et 58, paragraphe 1, sous b), CE], peuvent être invoquées devant le juge national et entraîner l'inapplicabilité des règles nationales qui leur sont contraires.

26 Ainsi, la Cour a reconnu l'effet direct de l'article 56, paragraphe 1, CE, sans opérer une distinction entre les catégories de mouvements de capitaux qui relèvent de l'article 57, paragraphe 1, CE et celles qui n'en relèvent pas. En effet, la Cour a jugé que l'exception prévue à l'article 57, paragraphe 1, CE ne saurait faire obstacle à ce que l'article 56, paragraphe 1, CE confère aux particuliers des droits qu'ils peuvent faire valoir en justice (arrêt Sanz de Lera e.a., précité, point 47).

27 Il s'ensuit que, s'agissant des mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers, l'article 56, paragraphe 1, CE, en liaison avec les articles 57 CE et 58 CE, peut être invoqué devant le juge national et entraîner l'inapplicabilité des règles nationales qui lui sont contraires, indépendamment de la catégorie de mouvements de capitaux en cause.

Sur la notion de restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers

28 Il convient de répondre, en premier lieu, aux arguments du Skatteverket ainsi que des Gouvernements suédois, allemand, français et néerlandais, selon lesquels la notion de restriction aux mouvements de capitaux visée à l'article 56, paragraphe 1, CE ne saurait être interprétée de la même manière dans les relations entre les États membres et les pays tiers que dans celles entre les États membres.

29 Les Gouvernements allemand, français et néerlandais soulignent que, contrairement à la libéralisation des mouvements de capitaux entre les États membres, qui a pour but de réaliser le marché intérieur, l'extension du principe de libre circulation des capitaux aux relations entre les États membres et les pays tiers est liée à l'instauration de l'Union économique et monétaire. L'ensemble desdits gouvernements soulignent que, dans les relations avec les pays tiers, le respect de l'interdiction énoncée à l'article 56, paragraphe 1, CE conduirait à une libéralisation unilatérale de la part de la Communauté européenne, sans que cette dernière obtienne la garantie que les pays tiers concernés procéderont à une libéralisation équivalente et sans qu'il existe, dans les rapports avec ces derniers, des mesures d'harmonisation des dispositions nationales, notamment en matière de fiscalité directe.

30 Les Gouvernements allemand et néerlandais font également valoir que si le principe de la libre circulation des capitaux était interprété d'une manière identique dans les relations avec les pays tiers et à l'intérieur de la Communauté, celle-ci serait privée des moyens de négocier une libéralisation avec ces pays, dès lors qu'une telle libéralisation aurait déjà automatiquement et unilatéralement ouvert le marché communautaire à ces derniers. Ils soulignent, à cet égard, que les clauses relatives à la libre circulation des capitaux que contiennent les accords d'association conclus avec les pays tiers ont souvent une portée plus restreinte que celle de l'article 56 CE, ce qui n'aurait pas de sens si cette disposition était applicable de manière aussi rigoureuse dans les relations avec les pays tiers et dans les rapports communautaires.

31 Ainsi que l'a relevé M. l'avocat général aux points 74 à 77 de ses conclusions, même si la libéralisation des mouvements de capitaux avec les pays tiers peut, certes, poursuivre des objectifs autres que celui de réaliser le marché intérieur, tels que ceux, notamment, d'assurer la crédibilité de la monnaie unique communautaire sur les marchés financiers mondiaux et de maintenir, dans les États membres, des centres financiers de dimension mondiale, force est de constater que, lorsque le principe de la libre circulation des capitaux a été étendu, par l'article 56, paragraphe 1, CE, aux mouvements de capitaux entre les pays tiers et les États membres, ces derniers ont choisi de consacrer ce principe dans le même article et dans les mêmes termes pour les mouvements de capitaux qui ont lieu à l'intérieur de la Communauté et ceux qui concernent des relations avec des pays tiers.

32 En outre, ainsi que l'a également relevé M. l'avocat général aux points 78 à 83 de ses conclusions, il ressort de l'ensemble des dispositions introduites dans le traité, sous le chapitre relatif aux capitaux et aux paiements, que, afin de tenir compte du fait que l'objectif et le contexte juridique de la libéralisation des mouvements de capitaux sont différents selon qu'il s'agit des relations entre les États membres et les pays tiers ou de la libre circulation des capitaux entre les États membres, ceux-ci ont estimé nécessaire de prévoir des clauses de sauvegarde et des dérogations qui s'appliquent spécifiquement aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers.

33 En effet, outre l'exception prévue à l'article 57, paragraphe 1, CE pour certaines restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire, l'article 59 CE accorde au Conseil, dans des circonstances exceptionnelles où lesdits mouvements de capitaux causent ou menacent de causer des difficultés graves pour le fonctionnement de l'Union économique et monétaire, le pouvoir d'adopter des mesures de sauvegarde. L'article 60, paragraphe 1, CE autorise en outre le Conseil à prendre les mesures urgentes nécessaires à l'égard de pays tiers si, dans les cas envisagés à l'article 301 CE, une action de la Communauté est jugée nécessaire. Enfin, l'article 60, paragraphe 2, CE prévoit la possibilité pour un État membre, pour des raisons politiques graves et des motifs d'urgence, de prendre, aussi longtemps que le Conseil n'a pas exercé le pouvoir qui lui est conféré par le paragraphe 1 du même article, des mesures unilatérales à l'encontre d'un pays tiers concernant notamment les mouvements de capitaux.

34 À cet égard, il importe de rappeler que, contrairement à ce que soutient le Gouvernement allemand, il ne saurait être déduit des conditions auxquelles est soumis le pouvoir reconnu au Conseil, par l'article 57, paragraphe 2, CE, d'adopter des mesures relatives aux catégories de mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers énumérées à cette disposition que lesdites catégories échappent au champ d'application de l'interdiction énoncée à l'article 56, paragraphe 1, CE. En effet, le paragraphe 2 de l'article 57 CE doit être lu en combinaison avec le paragraphe 1 du même article et se limite à permettre au Conseil d'adopter des mesures relatives auxdites catégories de mouvements de capitaux, sans que les restrictions nationales ou communautaires dont le maintien est explicitement prévu par ce paragraphe 1 puissent lui être opposées.

35 Ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 86 de ses conclusions, les restrictions que les États membres et la Communauté peuvent appliquer, en vertu de l'article 57, paragraphe 1, CE, aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers s'ajoutent non seulement à celles prévues aux articles 59 CE et 60 CE, mais également à celles qui découlent de mesures prises par les États membres conformément à l'article 58, paragraphe 1, sous a) et b), CE ou qui sont autrement justifiées par une raison impérieuse d'intérêt général.

36 Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour que la mesure dans laquelle les États membres sont ainsi autorisés à appliquer certaines mesures restrictives relatives aux mouvements de capitaux ne peut pas être déterminée sans tenir compte de la circonstance, soulignée par plusieurs gouvernements ayant soumis des observations à la Cour, que les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers se déroulent dans un contexte juridique différent de ceux qui ont lieu au sein de la Communauté.

37 Ainsi, en raison du degré d'intégration juridique existant entre les États membres de l'Union européenne, et notamment de l'existence de mesures législatives communautaires visant à la coopération entre les autorités fiscales nationales, telles que la directive 77-799, l'imposition par un État membre d'activités économiques ayant des aspects transfrontaliers qui se situent au sein de la Communauté n'est pas toujours comparable à celle d'activités économiques ayant trait à des relations entre les États membres et les pays tiers (arrêt du 12 décembre 2006, Test Claimants in the FII Group Litigation, C-446-04, Rec. p. I-11753, point 170). Selon la Cour, il ne saurait non plus être exclu qu'un État membre puisse démontrer qu'une restriction aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers est justifiée par un motif donné dans des circonstances où ce motif ne serait pas de nature à constituer une justification valide pour une restriction aux mouvements de capitaux entre États membres (arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 171).

38 Pour ces motifs, ne saurait être considéré comme déterminant l'argument soulevé par les Gouvernements allemand et néerlandais, selon lequel, si la notion de restrictions aux mouvements de capitaux est interprétée de la même manière dans les relations entre les États membres et les pays tiers que dans celles entre les États membres, la Communauté ouvrirait unilatéralement le marché communautaire aux pays tiers sans conserver les moyens de négociation nécessaires pour obtenir une telle libéralisation de la part de ces derniers.

39 La notion de restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers ayant été ainsi clarifiée, il y a lieu d'examiner, en second lieu, si une réglementation telle que celle en cause au principal doit être considérée comme une telle restriction et, le cas échéant, si elle peut être objectivement justifiée sur le fondement des dispositions du traité ou par des raisons impérieuses d'intérêt général.

Sur l'existence d'une restriction aux mouvements de capitaux

40 À cet égard, il convient de rappeler que les mesures interdites par l'article 56, paragraphe 1, CE, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents à faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d'en faire dans d'autres États (voir arrêts van Hilten-van der Heijden, précité, point 44, et du 25 janvier 2007, Festersen, C-370-05, Rec. p. I-1129, point 24).

41 En l'occurrence, l'article 16 a du chapitre 42 de la loi accorde aux contribuables résidant en Suède une exonération d'impôt pour les dividendes distribués, sous forme d'actions d'une filiale, par une société anonyme établie en Suède ou dans un autre État membre de l'EEE, mais refuse de leur accorder le bénéfice de cette exonération lorsqu'une telle distribution émane d'une société établie dans un pays tiers non membre de l'EEE, sauf si celui-ci a conclu avec le Royaume de Suède une convention prévoyant l'échange de renseignements.

42 Une telle législation a pour effet de dissuader les contribuables résidant en Suède d'investir leurs capitaux dans des sociétés établies en dehors de l'EEE. En effet, dans la mesure où les dividendes qu'elles versent aux résidents suédois sont fiscalement traités de manière moins favorable que ceux distribués par une société établie dans un État membre de l'EEE, les actions desdites sociétés sont moins attrayantes pour les investisseurs résidant en Suède que celles de sociétés établies dans un tel État (voir, en ce sens, arrêts précités Verkooijen, points 34 et 35, et Manninen, points 22 et 23, ainsi que, s'agissant des mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers, arrêt Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, point 166).

43 Une réglementation telle que celle en cause au principal comporte donc une restriction aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers qui, en principe, est interdite par l'article 56, paragraphe 1, CE.

44 Avant d'examiner si, ainsi que le soutiennent le Skatteverket et les gouvernements ayant déposé des observations devant la Cour, ladite restriction peut être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, il convient de répondre à l'argument soulevé par le Gouvernement italien selon lequel cette restriction relève de l'exception prévue à l'article 57, paragraphe 1, CE.

Sur l'application de l'exception prévue à l'article 57, paragraphe 1, CE

45 Ainsi qu'il a été rappelé au point 23 du présent arrêt, en vertu de l'article 57, paragraphe 1, CE, l'article 56 CE ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés de capitaux.

46 Une restriction aux mouvements de capitaux constituée par le traitement fiscal moins avantageux de dividendes d'origine étrangère relève de la notion d'"investissements directs" au sens de l'article 57, paragraphe 1, CE pour autant qu'elle se rapporte aux investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l'entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l'exercice d'une activité économique (voir, en ce sens, arrêts Test Claimants in the FII Group Litigation, précité, points 179 à 181; du 24 mai 2007, Holböck, C-157-05, non encore publié au Recueil, points 33 et 34, ainsi que du 23 octobre 2007, Commission/Allemagne, C-112-05, non encore publié au Recueil, point 18).

47 Dès lors que la décision de renvoi n'exclut pas que les dividendes que la société X envisage de distribuer à A se rapportent à de tels investissements, il convient d'examiner si une réglementation telle que celle en cause au principal est susceptible de relever de l'exception prévue à l'article 57, paragraphe 1, CE en tant que restriction existant le 31 décembre 1993.

48 Ainsi que l'a relevé M. l'avocat général aux points 110 à 112 de ses conclusions, la notion de restriction existant le 31 décembre 1993 suppose que le cadre juridique dans lequel s'insère la restriction en cause ait fait partie de l'ordre juridique de l'État membre concerné d'une manière ininterrompue depuis cette date. En effet, s'il en était autrement, un État membre pourrait, à tout moment, réintroduire des restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers qui existaient dans l'ordre juridique national le 31 décembre 1993, mais qui n'ont pas été maintenues.

49 C'est dans le même esprit que s'est exprimée la Cour lorsqu'elle a été invitée à se prononcer sur l'applicabilité de l'exception prévue à l'article 57, paragraphe 1, CE à des restrictions aux mouvements de capitaux existant dans l'ordre juridique d'un État membre le 31 décembre 1993. En effet, si la Cour a admis qu'une mesure nationale adoptée postérieurement à cette date n'est pas, de ce seul fait, automatiquement exclue du régime dérogatoire prévu audit paragraphe 1, elle a compris cette possibilité comme englobant des dispositions qui, dans leur substance, sont identiques à une législation antérieure ou qui se bornent à réduire ou à supprimer un obstacle à l'exercice des droits et des libertés communautaires figurant dans la législation antérieure, tout en excluant des dispositions qui reposent sur une logique différente de celle du droit antérieur et mettent en place des procédures nouvelles (voir, en ce sens, arrêts précités Test Claimants in the FII Group Litigation, point 192, et Holböck, point 41). Ce faisant, la Cour n'a pas entendu viser des dispositions qui, tout en étant en substance identiques à une législation qui existait le 31 décembre 1993, ont réintroduit un obstacle à la libre circulation des capitaux qui, à la suite de l'abrogation de la législation antérieure, n'existait plus.

50 En l'occurrence, il y a lieu de constater que, à la date de son entrée en vigueur en 1992, l'article 16 du chapitre 42 de la loi excluait déjà du bénéfice de l'exonération prévue pour les dividendes distribués sous la forme d'actions d'une filiale ceux versés par des sociétés établies dans des pays tiers n'ayant pas conclu avec le Royaume de Suède une convention prévoyant l'échange de renseignements. En effet, il ressort de la décision de renvoi que cette exonération ne s'appliquait, à ladite date, qu'aux dividendes versés par des sociétés établies en Suède.

51 Il est vrai que les dispositions relatives à l'exonération ont été abrogées à partir de 1994, puis réintroduites à partir de 1995 et étendues en 2001 aux dividendes versés par des sociétés établies dans un État membre de l'EEE ou dans un autre État avec lequel le Royaume de Suède a conclu une convention prévoyant l'échange de renseignements. Toutefois, il n'en demeure pas moins que, ainsi que le soutient le Gouvernement italien, le bénéfice de cette exonération a été exclu, d'une manière ininterrompue, à tout le moins à partir de 1992, pour les dividendes versés par des sociétés établies dans un pays tiers, non membre de l'EEE, qui n'a pas conclu une telle convention avec le Royaume de Suède.

52 Dans ces circonstances, l'exclusion, depuis 1992, du bénéfice de l'exonération prévue par la loi de dividendes versés par une société établie dans un pays tiers, non membre de l'EEE, qui n'a pas conclu avec le Royaume de Suède une convention prévoyant l'échange de renseignements, doit être considérée comme une restriction existant le 31 décembre 1993 au sens de l'article 57, paragraphe 1, CE, à tout le moins lorsque ces dividendes se rapportent à des investissements directs dans la société distributrice, ce qu'il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier.

53 Dans la mesure où il ne ressort pas de la décision de renvoi que les dividendes en cause au principal se rapportent à des investissements directs, il convient d'examiner si une législation nationale telle que celle en cause au principal peut être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général.

Sur la justification tirée de la nécessité de garantir l'efficacité des contrôles fiscaux

54 Selon le Skatteverket ainsi que les Gouvernements suédois, danois, allemand, espagnol, français, italien, néerlandais et du Royaume-Uni, le refus d'octroyer l'exonération prévue à l'article 16 du chapitre 42 de la loi, lorsque les dividendes sont versés par une société établie dans un pays tiers avec lequel le Royaume de Suède n'a pas conclu une convention fiscale prévoyant un échange de renseignements, est justifié par la nécessité de garantir l'efficacité des contrôles fiscaux. En effet, à l'égard d'un pays tiers, l'administration fiscale suédoise ne pourrait recourir à l'assistance mutuelle entre les autorités compétentes prévue par la directive 77-799. En outre, ni la convention ni le protocole ne contiendraient une disposition prévoyant un échange de renseignements comparable à celui prévu à l'article 26 du modèle de convention élaboré dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Or, même si le contribuable dispose des informations nécessaires pour démontrer que les conditions requises par ledit article 16 sont remplies, il incomberait encore à l'administration fiscale de vérifier la valeur des preuves fournies, ce qui serait impossible si celle-ci ne dispose pas du pouvoir d'obtenir la collaboration des autorités compétentes de l'État d'établissement de la société distributrice.

55 En vertu de l'article 58, paragraphe 1, sous b), CE, l'article 56 CE ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale. Ainsi, la Cour a reconnu que la nécessité de garantir l'efficacité des contrôles fiscaux constitue une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier une restriction à l'exercice des libertés de circulation garanties par le traité (arrêts du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer, C-250-95, Rec. p. I-2471, point 31; du 15 juillet 2004, Lenz, C-315-02, Rec. p. I-7063, points 27 et 45, ainsi que du 14 septembre 2006, Centro di Musicologia Walter Stauffer, C-386-04, Rec. p. I-8203, point 47).

56 Une mesure restrictive, pour pouvoir être justifiée, doit respecter le principe de proportionnalité, en ce sens qu'elle doit être propre à garantir la réalisation de l'objectif qu'elle poursuit et ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir, notamment, arrêt du 4 mars 2004, Commission/France, C-334-02, Rec. p. I-2229, point 28).

57 Selon A et la Commission, la législation en cause au principal est disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, dès lors que les autorités fiscales suédoises peuvent exiger du contribuable qu'il fournisse la preuve que les conditions requises pour bénéficier de l'exonération prévue par cette législation sont remplies. Dans la mesure où une telle exonération porte sur des dividendes versés par une société cotée en Bourse, certaines informations pourraient aussi être obtenues en consultant les données qu'une telle société est légalement tenue de rendre publiques.

58 Ainsi que le relèvent A et la Commission, s'agissant d'une réglementation nationale restreignant l'exercice de l'une des libertés de circulation garanties par le traité, la Cour a jugé qu'un État membre ne saurait invoquer l'impossibilité de solliciter la collaboration d'un autre État membre pour effectuer des recherches ou recueillir des informations afin de justifier le refus d'un avantage fiscal. En effet, même si la vérification des informations fournies par le contribuable s'avère difficile, notamment en raison des limites de l'échange des informations prévues à l'article 8 de la directive 77-799, rien n'empêche les autorités fiscales concernées d'exiger du contribuable les preuves qu'elles jugent nécessaires pour l'établissement correct des impôts et des taxes concernés et, le cas échéant, de refuser l'exonération demandée si ces preuves ne sont pas fournies (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1992, Bachmann, C-204-90, Rec. p. I-249, point 20; du 30 janvier 2007, Commission/Danemark, C-150-04, Rec. p. I-1163, point 54, ainsi que du 11 octobre 2007, ELISA, C-451-05, non encore publié au Recueil, points 94 et 95).

59 Dans ce contexte, la Cour a considéré qu'il ne saurait être exclu a priori que le contribuable soit en mesure de fournir les pièces justificatives pertinentes permettant aux autorités fiscales de l'État membre d'imposition de vérifier, de façon claire et précise, qu'il ne tente pas d'éviter ou d'éluder le paiement de taxes (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 1999, Baxter e.a., C-254-97, Rec. p. I-4809, points 19 et 20; du 10 mars 2005, Laboratoires Fournier, C-39-04, Rec. p. I-2057, point 25, ainsi que ELISA, précité, point 96).

60 Toutefois, cette jurisprudence, qui porte sur des restrictions à l'exercice des libertés de circulation au sein de la Communauté, ne saurait être intégralement transposée aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers, de tels mouvements s'inscrivant dans un contexte juridique différent de celui des affaires ayant donné lieu aux arrêts mentionnés aux deux points précédents.

61 En effet, en premier lieu, les relations entre les États membres se déroulent dans un cadre juridique commun, caractérisé par l'existence d'une réglementation communautaire, telle que la directive 77-799, qui a établi des obligations réciproques d'assistance mutuelle. Même si, dans les domaines relevant de cette directive, l'obligation d'assistance n'est pas sans limites, il n'en demeure pas moins que ladite directive établit un cadre de coopération entre les autorités compétentes des États membres qui n'existe pas entre celles-ci et les autorités compétentes d'un pays tiers lorsque ce dernier n'a pris aucun engagement d'assistance mutuelle.

62 En second lieu, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général aux points 141 à 143 de ses conclusions, s'agissant des pièces justificatives que le contribuable peut fournir afin de permettre aux autorités fiscales de vérifier si les conditions prévues par la législation nationale sont remplies, les mesures communautaires d'harmonisation qui s'appliquent dans les États membres en matière de comptabilité des sociétés offrent au contribuable la possibilité de produire des données fiables et vérifiables relatives à la structure ou aux activités d'une société établie dans un autre État membre, alors qu'une telle possibilité n'est pas garantie au contribuable s'agissant d'une société établie dans un pays tiers qui n'est pas tenu d'appliquer ces mesures communautaires.

63 Il s'ensuit que, lorsque la réglementation d'un État membre fait dépendre le bénéfice d'un avantage fiscal de la satisfaction de conditions dont le respect ne peut être vérifié qu'en obtenant des renseignements des autorités compétentes d'un pays tiers, il est, en principe, légitime pour cet État membre de refuser l'octroi de cet avantage si, notamment en raison de l'absence d'une obligation conventionnelle de ce pays tiers de fournir des informations, il s'avère impossible d'obtenir ces renseignements dudit pays.

64 Dans l'affaire au principal, le Skatteverket ainsi que le Gouvernement suédois font valoir que l'administration fiscale suédoise n'est pas en mesure de vérifier le respect des première, troisième, quatrième et sixième conditions énoncées à l'article 16 du chapitre 42 de la loi, à savoir les exigences selon lesquelles la distribution doit être effectuée proportionnellement au nombre d'actions détenues dans la société-mère, toutes les parts de cette dernière dans la société filiale doivent être distribuées et, après la distribution, les parts sociales dans la filiale ne doivent pas être détenues par une société appartenant au même groupe que la société-mère et l'activité principale de la filiale, ou des sociétés contrôlées par cette filiale, doit avoir un caractère industriel ou commercial.

65 Cette question relève d'une appréciation qui incombe à la juridiction de renvoi.

66 Il en va de même en ce qui concerne la question de savoir si le protocole ou l'arrangement permettent à l'administration fiscale suédoise d'obtenir les renseignements dont elle a besoin pour mettre en œuvre ledit article 16. En effet, si le Skatterättsnämnden a estimé que l'arrangement peut permettre d'obtenir les renseignements nécessaires, il ressort des documents et des explications fournies par le Gouvernement suédois à la demande de la Cour que les seuls renseignements qui peuvent être obtenus des autorités helvétiques sont ceux nécessaires à une bonne application de la convention.

67 Au vu de ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à la législation d'un État membre en vertu de laquelle l'exonération de l'impôt sur le revenu de dividendes, distribués sous la forme d'actions d'une filiale, ne peut être accordée que si la société distributrice est établie dans un État membre de l'EEE ou dans un État avec lequel une convention fiscale prévoyant l'échange de renseignements a été conclue par l'État membre d'imposition, lorsque cette exonération est soumise à des conditions dont le respect ne peut être vérifié par les autorités compétentes de cet État membre qu'en obtenant des renseignements de l'État d'établissement de la société distributrice.

Sur les dépens

68 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

Les articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à la législation d'un État membre en vertu de laquelle l'exonération de l'impôt sur le revenu de dividendes, distribués sous la forme d'actions d'une filiale, ne peut être accordée que si la société distributrice est établie dans un État membre de l'Espace économique européen ou dans un État avec lequel une convention fiscale prévoyant l'échange de renseignements a été conclue par l'État membre d'imposition, lorsque cette exonération est soumise à des conditions dont le respect ne peut être vérifié par les autorités compétentes de cet État membre qu'en obtenant des renseignements de l'État d'établissement de la société distributrice.