Cass. com., 19 décembre 2006, n° 04-11.749
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Friendly France (Sté)
Défendeur :
Les Fontanettes (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
SCP Thomas-Raquin, Bénabent, Me Blondel
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2003), que la société Manor Gare Hotels, aux droits de laquelle est la société Friendly, a conclu avec la société Les Fontanettes un contrat de franchise, stipulant notamment, en son article 1.2, qu'elle accordait à ce franchisé, dans une zone géographique, le droit exclusif d'utiliser une "marque agréée", et, en son article 1.3, qu'elle s'engageait à ne conclure aucun contrat de franchise dans la zone d'exclusivité pour cette marque, tout en se réservant le droit, dans cette même zone, de conclure un contrat de franchise portant sur l'une quelconque des "marques déposées", utilisée seule ou en association, et faisant l'objet d'une liste, se référant notamment aux marques "Choice Hotels" ; que la cour d'appel a retenu qu'en autorisant un tiers concurrent à faire usage, dans la zone de concession exclusive, du signe "Comfort Inn Residence", le franchiseur avait manqué au respect du contrat, et a rejeté sa demande en paiement de redevances ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société Friendly fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait manqué à ses obligations contractuelles, alors, selon le moyen : 1°) que la marque "Comfort Inn" figurait expressément parmi les "marques Choice Hotels" (art. 2.2), "désignées sous la dénomination collective marques déposées" (art. 2.5) ; qu'il en était de même de la marque "Primevère" (art. 2.5) ; que l'article 2.6 précise que les marques "Comfort Inn" et "Primevère" sont "désignées ensemble sous le terme marque agréée"; que l'article 1.3 stipule que l'exclusivité est consentie pour "la marque agréée" tandis que "le franchiseur se réserve le droit, dans cette même zone, de conclure un contrat de franchise portant sur l'une quelconque des marques déposées"; qu'en énonçant que "le terme marque agréée concerne les marques "Comfort Inn" et "Primevère", pour en déduire que l'emploi de la première dans la dénomination Comfort Inn residence (ou Com fort residence) constituerait une violation de l'exclusivité, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs, précis et cohérents du contrat, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 2°) que les "marques déposées" dont le franchiseur se réservait l'emploi dans l'article 1.3 étaient définies ainsi à l'article 2.5 de l'exposé: "l'ensemble des marques Choice Hotels et des marques énumérées au présent paragraphe seront désignées dans ce contrat sous la dénomination collective marques déposées"; que les "marques Choîce Hotels" étaient énumérées à l'article 2.2 et que cette énumération incluait la marque "Comfort Inn"; qu'en restreignant les "marques déposées" aux seules marques mentionnées dans l'article 2.5, sans prendre en considération les marques "Choice Hotels" que cet article 2.5 y incluait expressément, la cour d'appel a dénaturé cette stipulation, en violation de l'article 1134 du Code civil ; 3°) qu'une clause d'exclusivité ne peut être étendue au-delà de son objet; que l'exclusivité consentie à la société Les Fontanettes par les articles 1.2 et 1.3 du contrat ne visait que "la marque agréée"; que le seul fait que le franchiseur se soit réservé le droit de conclure des contrats portant sur d'autres marques lui appartenant, rappelées dans une liste de "marques déposées", n'avait pas pour effet d'étendre l'exclusivité à toute marque tierce absente de cette liste ; qu'en énonçant que "la marque Comfort résidence" n'étant pas expressément mentionnée au titre "des marques déposées, la société Friendly ne pouvait librement disposer de cette marque", la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil; 4°) qu'à supposer même que la marque "Comfort Inn" ou "Comfort" ait constitué à elle seule une "marque agréée", objet d'exclusivité, la cour d'appel ne pouvait déduire une violation de l'exclusivité consentie du seul fait de la présence de ces termes dans l'ensemble Comfort Inn Residence (ou Comfort Residence), sans expliquer en quoi ils conservaient dans cet ensemble une individualité de nature à créer un risque de confusion; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que le contrat de franchise stipulant, en son article [sic] que "le franchiseur s'engage à ne conclure aucun contrat de franchise dans la zone d'exclusivité pour la marque agréée, mais se réserve le droit, dans cette même zone, de conclure un contrat de franchise portant sur l'une quelconque des marques déposées, utilisée seule ou en association", puis mentionnant, en ses articles 2.2 et 2.5, les marques "Comfort Inn" et "Primevère" sur la liste des marques déposées, et prévoyant enfin, en son article 2.6, que ces mêmes marques étaient "désignées ensemble sous le terme de marque agréée", ce dont il résultait que la convention, qui classait tout à la fois ces deux marques, ensemble, sous la dénomination de "marque agréée", tout en permettant la concession à un tiers de l'usage de chacune d'entre elles, seule ou en association à titre de "marque déposée", n'était ni claire ni précise, c'est par une interprétation nécessaire, exclusive de toute dénaturation, que la cour d'appel a retenu que la "marque agréée" au sens du contrat devait s'entendre des marques "Comfort Inn" et "Primevère", séparément;
Attendu, en second lieu, qu'en retenant que le nouveau franchisé exploite sous le nom de "Comfort Hotel Residence" un établissement de même nature que celui de la société Les Fontanettes, dénommé "Comfort Inn restaurant Primevère", et qu'un client n'est pas en mesure, à la seule lecture des annonces respectives, de percevoir qu'il serait en présence de deux produits différents, de sorte que le consommateur ne peut qu'être amené à penser que les établissements hôteliers en cause appartiennent à la même chaîne, la cour d'appel a caractérisé le risque de confusion résultant de l'emploi du terme commun "Comfort" en faisant ressortir que ce terme conservait son individualité dans l'ensemble incriminé, et ainsi légalement justifié sa décision;
Et attendu, enfin, que le moyen s'attaque pour le surplus à un motif surabondant; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société Friendly fait en outre grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement de redevances;
Mais attendu que ce moyen pris de la violation des articles 1134 et 1184 du Code civil et de manque de base légale ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.