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Décisions

Cass. com., 19 décembre 2006, n° 05-14.256

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Ofratel (SARL)

Défendeur :

Basmaison et compagnie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Tric

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton, SCP Parmentier, Didier

T. com. Clermont-Ferrand, du 16 sept. 20…

16 septembre 2004

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal de la société Ofratel que sur le pourvoi incident de la société Basmaison et compagnie : - Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Ofratel est devenue, suivant contrat du 30 août 1994 à effet au 1er septembre 1994, agent commercial de la société Basmaison et compagnie (société Basmaison) avec exclusivité pour la région Rhône-Alpes; qu'invoquant des fautes contractuelles du mandant, elle l'a assigné afin qu'il lui soit ordonné d'exécuter le contrat, et à défaut, que sa résiliation soit ordonnée et que le mandant soit condamné à lui payer diverses sommes ; que la société Basmaison lui a notifié la rupture du contrat, puis a formé une demande reconventionnelle en résolution judiciaire du contrat aux torts de l'agent et en paiement de dommages-intérêts;

Sur le premier moyen du pourvoi principal : - Vu l'article L. 134-6 du Code de commerce; - Attendu que pour rejeter la demande de la société Ofratel en paiement de commissions sur les commandes émanant ou à destination du secteur qui lui était confié en exclusivité antérieurement au 2 août 1995, l'arrêt retient que les opérations de livraison intervenant sur des plates-formes situées dans le territoire affecté à la société Ofratel, opérations de transit sur un territoire, ne constituent pas un fait générateur de droit à commission dès lors que les grandes surfaces ainsi livrées n'étaient pas situées sur ledit territoire et que le siège des hypermarchés ou supermarchés était situé à l'extérieur;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à déterminer si les clients appartenaient au secteur exclusif de la société Ofratel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que pour rejeter la demande de la société Ofratel en paiement de commissions sur les commandes émanant ou à destination du secteur confié en exclusivité postérieurement au 2 août 1995, l'arrêt retient que conformément aux textes applicables et aux interprétations données par la Cour de justice des Communautés européennes, ainsi qu'en application des données du contrat lui-même, et sans réponse utile de la société Ofratel, les opérations invoquées ne constituent pas des faits générateurs de commissions ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Ofratel faisant valoir qu'il résultait d'un avenant signé les 1er août et 5 septembre 1995 avec la société Basmaison que, "d'une façon générale, chaque agence commerciale devra gérer entièrement tous les magasins dépendant de la plate-forme ou centrale d'achat située sur son secteur, y compris ceux qui seraient situés hors de son secteur", ce dont il résultait que ce n'était pas le lieu de situation du magasin qui déterminait le paiement des commissions mais le lieu de situation de sa plate-forme ou centrale d'achat, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé;

Sur le premier moyen du pourvoi incident : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour fixer, sur la demande de paiement d'arriérés de commissions formée par la société Ofratel, le taux de commission à 6 % dans le cadre des relations de clientèle définies pour les centrales d'achat à compter de février 1997, et en conséquence ordonner une expertise comptable sur la base de ce taux et rejeter la demande de la société Basmaison en paiement d'une somme de 162 108,20 euro au titre du trop-perçu par la société Ofratel entre 1997 et 2002, l'arrêt constate qu'il est constant qu'à compter du mois de février 1997, les commissions s'élevaient à 6 % et ce jusqu'en 2002, cet état de fait durable et constant excluant toute erreur ; qu'il relève que ce taux a été mentionné dans les relevés de comptes et dans les écrits des parties relatifs à une demande d'augmentation à 7 %; qu'il retient que si l'écrit du contrat ne pouvait être modifié verbalement, l'existence d'un écrit réciproque sur le montant du taux résulte d'un commencement de preuve par écrit du consentement d'un passage de 4 % à 6 % par les parties, conforté par la durée constante de sa mise en œuvre ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de la société Basmaison, si les parties n'avaient pas conditionné à l'article 5 du contrat, la modification du taux de commission à un accord écrit réciproque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Sur le deuxième et le troisième moyens du pourvoi incident, réunis : - Vu l'article 625, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que la cassation des chefs du dispositif ayant rejeté les demandes de paiement de commissions sur les commandes émanant ou à destination du secteur confié à l'agent en exclusivité antérieurement et postérieurement au 2 août 1995, de celui ayant fixé le taux de commissions à 6 % dans le cadre des relations de clientèle définies pour les centrales d'achat à compter de février 1997, de celui ayant ordonné une expertise comptable sur la base de ce taux et de celui ayant rejeté la demande en paiement de trop perçu, entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif relatif à l'imputabilité de la rupture et à ses conséquences;

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche : - Vu l'article L. 134-13 du Code de commerce ; - Attendu que l'indemnité de cessation de contrat est due à l'agent commercial sauf si la cessation du contrat est provoquée par sa faute grave ou si elle résulte de son initiative, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent;

Attendu que pour rejeter la demande d'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la cessation du contrat formée par la société Ofratel, l'arrêt retient que la rupture étant imputable pour moitié à chacune des parties, les demandes d'indemnités réciproques s'annulent et doivent être écartées;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle n'avait pas retenu de faute grave de l'agent ni constaté qu'il avait pris l'initiative de la rupture, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 février 2005, entre les parties, par la Cour d'appel de Riom remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Orléans.