Cass. crim., 22 novembre 2006, n° 06-83.008
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Rognon
Avocat général :
M. Mouton
Avocats :
SCP Celice, Blancpain, Soltner
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 20 décembre 2005, qui, pour revente à perte, l'a condamnée à 30 000 euro d'amende ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 442-2 du Code de commerce, 1582 du Code civil, 111-4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la société X coupable de revente à perte au regard des produits commercialisés sous sa propre marque " Passion " ;
"aux motifs que la société X SA entend faire juger que l'article L. 442-2 du Code de commerce ne s'applique pas au processus de production adopté entre elle-même et sa filiale, juridiquement appelé contrat d'entreprise ; que la distinction entre contrat de vente et contrat d'entreprise présente un intérêt à plusieurs niveaux, notamment quant au transfert de propriété et des risques qui y sont liés ou quant à l'applicabilité de la clause de réserve de propriété, qu'il incombe à la cour de vérifier qu'elle serait aussi susceptible d'influer sur la notion de revente à perte ; que l'exposé du processus d'élaboration puis de production et de livraison des produits de marques Passion renvoie aux données bien connues des rapports entre donneurs d'ordre et façonniers, que la SA X serait le donneur d'ordre et A le façonnier ; que le donneur d'ordre est un client et le façonnier un fournisseur, qu'ils sont l'un et l'autre nécessairement des entités juridiquement autonomes, à la tête d'un patrimoine propre et aptes à contracter en leur nom ; qu'en l'espèce, le client est la SA X et le fournisseur la SNC A ; que la prévenue affirme que l'éclatement entre la SA X et la SNC A serait à négliger, qu'il aurait été adopté dans un proche passé pour des raisons totalement étrangères aux intérêts économiques en jeu, qu'en réalité le processus de fabrication n'aurait pas changé, qui mélange les interventions des salariés de l'une et de ceux de l'autre ; que, cependant, le choix qui a été fait par les dirigeants de la SA X d'externaliser partie de sa production dans la SNC A lui est opposable, qu'elle ne saurait aujourd'hui l'escamoter car tel serait aujourd'hui son intérêt pour faire accroire que la structure de fabrication serait toujours intégrée dans une chaîne de fabrication unique ; que les interventions successives des personnels de la SA X dans l'élaboration des produits ne changent rien au fait que celle-ci acquiert en final à la SNC A un produit achevé pour un prix donné, qu'il importe peu de savoir comment a été déterminé ce prix et si des considérations extra-économiques ont ou non présidé à son calcul ; qu'il est sans intérêt de savoir que celle-ci serait une filiale à 100 % de la précédente et qu'il y aurait intégration fiscale entre les deux entités qui gommerait toute différence entre elles à la clôture du bilan consolidé dès lors que l'article L. 442-2 précité ne distingue pas entre les opérateurs économiques et réprime tout fait de revente d'un produit en l'état pour un prix inférieur au prix de revient ; que l'infraction est caractérisée ;
"alors que le délit de revente à perte incriminé par l'article L. 442-2 du Code de commerce implique, dans les rapports entre le distributeur et son fournisseur, l'existence d'un contrat de vente au sens de l'article 1582 du Code civil ; que le délit ne saurait donc embrasser la vente aux consommateurs de produits conçus pour les seuls besoins d'un distributeur selon ses propres spécifications puis fabriqués par un tiers en vertu d'un contrat d'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a implicitement admis que le processus de fabrication des produits de marque " Passion " relevait de la qualification de contrat d'entreprise, la société X agissant comme donneur d'ordre et sa filiale, A, comme façonnier ; qu'en jugeant néanmoins que le délit de revente à perte était constitué aux motifs inopérants que le choix de la société X d' "externaliser" sa production vers une de ses filiales lui était opposable et que la circonstance qu'elle soit intervenue dans le processus d'élaboration de ces produits ne changeait rien au fait qu'elle faisait l'acquisition d'un produit achevé pour un prix donné, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, lors d'une campagne promotionnelle, la société X a mis en vente des vêtements et des chaussures de sport à des prix qu'elle a reconnu être inférieurs au prix d'achat effectif majoré des taxes et du coût du transport ;
Attendu que, pour écarter les conclusions de cette société faisant valoir que certains de ces produits avaient été fabriqués, sous sa propre marque et selon ses spécifications, par la société A dont elle était le seul client, en exécution d'un contrat d'entreprise, et dire le délit de revente à perte constitué, l'arrêt retient notamment, par motifs propres et adoptés, que les sociétés X et A sont des personnes morales distinctes et que les opérations effectuées entre elles étaient enregistrées dans leur comptabilité comme étant des ventes ; que les juges relèvent que les produits étaient commercialisés sans avoir subi de transformation par la société X qui n'achetait pas la matière première destinée à leur confection et qu'ainsi, la société A n'était pas un façonnier ; qu'ils ajoutent que ces opérations sont soumises aux dispositions de l'article L. 442-2 du Code de commerce qui ne fait aucune distinction entre les opérateurs et incrimine tout commerçant qui revend un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.