CA Grenoble, ch. com., 15 mai 1996, n° 94-0258
GRENOBLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Thermo King (Sté)
Défendeur :
Cigna Insurance Company of Europe (SA), Transports Norbert Dentressangle (SA), Frappa (SA), Sorhofroid (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Beraudo
Avoués :
SCP Grimaud, SCP Calas, Balayn, SCP Dauphin, Neyret, Me Ramillon
Avocats :
Mes Callies, Le Nezet, Plichon, Delafon, Paillaret
Attendu que, pour les faits de la cause, la cour se reporte au jugement déféré ;
Que, les résumant, elle indique que la société Sorhofroid, concessionnaire de la société Thermo King, a vendu à la société Frappa un groupe frigorifique installé dans une semi-remorque thermostatique vendu à la société de Transports Norbert Dentressangle, en février 1989 ;
Que, le 16 octobre 1989, la société Dentressangle chargeait des cartons de noix de Saint-Jacques et de filets de merlu congelés, destinés à la société Système U ; Que cette dernière les a refusés pour cause de décongélation ;
Attendu que le jugement déféré a condamné la société Thermo King à payer à la société Dentressangle des sommes correspondant à la moitié du préjudice subi par elle ;
Que le tribunal a, en effet, jugé que les dommages étaient dus pour moitié à un vice de fabrication du groupe frigorifique et à un défaut d'entretien de ce group ;
Attendu que la société Thermo King conclut ainsi qu'il suit ;
"Il est demandé à la cour de constater que :
- la clause compromissoire contenue dans le contrat liant Thermo King et Sorhofroid est opposable à tout appel en garantie devant une juridiction étatique formulé par Sorhofroid à l'encontre de Thermo King Corporation et concernant un matériel vendu par cette dernière à Sorhofroid dans les cadre dudit contrat ;
- l'expert a été dans l'impossibilité d'exécuter sa mission dans les conditions fixées dans le jugement du Tribunal de commerce de Vienne du 24 septembre 1991 ;
- la société Thermo King Corporation ne peut être tenue pour responsable du dépérissement des preuves survenu entre la date de l'avarie et l'expertise de 1992 ;
- le rapport d'expertise du 2 décembre 1992 dresse un constat de carence dans la recherche des causes de l'avarie survenue le 17 octobre 1989, et n'apporte donc aucune preuve que celle-ci fut causée par un dysfonctionnement du groupe frigorifique imputable à Thermo King Corporation ;
- la société Transports Norbert Dentressangle a commis des fautes dans l'entretien et le suivi de l'unité frigorifique ainsi que dans le transport des marchandises avariées.
En conséquence de :
- se déclarer incompétente en tant que besoin sur la demande en garantie faite par Sorhofroid à l'encontre de Thermo King Corporation, au profit du tribunal arbitral désigné dans le contrat de distribution liant Thermo King Corporation et Sorhofroid ;
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Vienne le 12 octobre 1993 ;
- mettre hors de cause Thermo King Corporation.
- ordonner le remboursement par la Compagnie Cigna et la société Transports Norbert Dentressangle des condamnations prononcées à l'encontre de Thermo King Corporation qui posteront intérêt un taux légal à compter du jour de leur paiement entre les mains des intimées, soit le 31 mars 1994 ;
- condamner solidairement les intimées à la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel et autoriser la SCP JC Grimaud à les recouvrer directement contre eux."
Que, par conclusions en réponse du 24 janvier 1996, elle conclut ainsi qu'il suit :
"Il est demandé à la cour :
- d'adjuger à Thermo King Corporation le bénéfice de ses précédentes écritures et de porter de 50 000 à 60 000 F sa demande formée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- de débouter Cigna et les Transports Norbert Dentressangle de leur demande de capitalisation des intérêts formulée dans leurs écritures de 26 septembre 1994 ;
Subsidiairement,
- de donner acte à Thermo King Corporation que le point de départ des intérêts capitalisés ne sera pas antérieur au 26 septembre 1994."
Que, sur le droit applicable, elle indique ceci :
"Les sociétés Cigna et Transports Norbert Dentressangle invoquent les articles 35 et 36 de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente international de marchandises conclue à Vienne le 11 avril 1980 (la "Convention de Vienne") qui disposent que le vendeur a l'obligation de délivrer les produits conformes aux prévisions du contrat.
La cour constatera que le recours par les intimées à cette convention et particulièrement à ses articles 35 et 36 est sans intérêt dans le cadre du présent litige puisque le droit interne stipule, en effet, à la charge du vendeur une obligation comparable.
Par ailleurs, le fait pour les intimées de citer dans leurs conclusions les articles 35 et 36 de la Convention de Vienne ne saurait avoir pour effet de rendre Thermo King Corporation responsable de la perte des marchandises.
Encore faudrait-il, et c'est là le cœur du litige soumis à la cour, que Thermo King Corporation ait violé lesdits articles.
La question centrale est, en effet, de savoir si l'expert a, lors de la seconde mission d'expertise (seule responsable à Thermo King Corporation) établi les éléments de fait permettant au juge de désigner Thermo King Corporation comme responsable de la perte des marchandises.
A cette question, Thermo King Corporation a suffisamment répondu et démontré dans ses précédentes écritures que l'expert n'avait, ni dans la seconde expertise, ni même dans la première expertise de toute façon inopposable à Thermo King, établi aucun tel élément de fait.
Dès lors, le recours par les intimés à la Convention de Vienne est sans portée.
Cependant et afin de répondre complètement à l'argument avancé par les intimées, il convient de noter que la Convention de Vienne n'est pas applicable en l'espèce.
En effet, le champ d'application de la convention est expressément limité dans son article 1er " aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des états différents. "
L'article 4 précise : " La présente convention régit exclusivement la formation du contrat de vente et les droits et obligations qu'un tel contrat fait naître entre le vendeur et l'acheteur ".
Le champ d'application de la convention est donc assorti d'une double limite : il est limité, d'une part, aux ventes entre parties ayant leurs établissements dans des états différents et, d'autre part, aux seules relations entre le vendeur et son acheteur direct. La convention ne régit par les rapports entre le vendeur et les sous-acquéreurs.
Les intimées admettent, d'ailleurs, dans leurs conclusions qu'aucun contrat de vente de marchandises n'est intervenu entre Thermo King Corporation et les Transports Norbert Dentressangle.
Pour tenter de contourner cet obstacle rendant la convention inapplicable, les intimées invoquent le régime particulier de l'action directe qui permet au dernier acquéreur d'agir contre le fabricant.
A cet argument, il convient de répondre que la théorie de l'action directe ne saurait avoir pour effet d'étendre le champ d'application d'une convention internationale au-delà des limites, en l'espèce sans ambigüité, que cette convention s'est fixée.
La convention de Vienne est, compte-tenu des raisons exposées ci-dessus, inapplicable en l'espèce. "
Attendu que société Cigna et la société Dentressangle concluent ainsi qu'il suit :
" Donner acte à Cigna Insurance Company of Europe SA - NV de son intervention dans la procédure aux droits de Cigna France dont elle reprend toutes les demandes et tous les moyens.
Dire et juger la société Thermo King irrecevable et subsidiairement mal fondée en son appel ainsi qu'en ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence :
- Débouter purement et simplement la société Thermo King de l'ensemble de ses prétentions.
- Dire et juger la société Dentressangle et la Compagnie Cigna recevable et bien fondées en leur appel incident.
En conséquence :
- Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Vienne du 12 octobre 1993 en ce qu'il a refusé d'homologuer les conclusions du rapport d'expertise ;
- L'infirmer en ce qu'il a rejeté l'action en vice caché introduite par la société Dentressangle et la Compagnie Cigna ;
- L'infirmer en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés Frappa et Sorhofroid ;
- L'infirmer en ce qu'il a retenu un partage de responsabilité dans le cadre de la responsabilité contractuelle ;
Et faisant droit à l'appel incident de la société Dentressangle et la Compagnie Cigna :
- Condamner solidairement, tant au titre de la garantie des vices cachés qu'au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun, les sociétés Frappa, Sorhofroid et Thermo King à payer à la société Dentressangle la somme de 53 649,11 F avec intérêts au taux légal depuis le 16 octobre 1989 et à la Compagnie Cigna la somme de 612 822,12 F majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 août 1990 ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
Dans tous les cas :
- Condamner solidairement les sociétés Frappa, Sorhofroid et Thermo King à payer à la société Dentressangle et la Compagnie Cigna la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- Les condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Calas et Balayn, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, dépens qui comprendront les frais des expertises."
Attendu que la société Sorhofroid conclut ainsi qu'il suit :
" Dire mal fondé l'appel principal interjeté par la société Thermo King et l'appel l'incident relevé par la Compagnie Cigna France et la société Transports Norbert Dentressangle.
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 octobre 1993 par le Tribunal de commerce de Vienne.
A titre infiniment subsidiaire, dire et juger que la société Thermo King devra être condamnée à relever et garantir la société Sorhofroid de toutes les condamnations qui pourront être éventuellement prononcées contre elle.
Condamner la société Dentressangle et la Compagnie Cigna France à payer à la société Sorhofroid une somme de 5 000 F, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel sui seront recouvrés par Maître Ramillon, conformément aux entiers dépens de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Sous toutes réserves. "
Attendu que la société Frappa conclut ainsi qu'il suit :
" Juger l'appel de la société Thermo King et l'appel incident de la Compagnie Cigna et de la société Transports Norbert Dentressangle mal fondé.
Les en débouter.
Au principal :
Confirmer purement et simplement la décision déférée en ce qu'elle a mis hors de cause la société Frappa.
A titre subsidiaire :
Juger, pour le cas où par impossible la cour viendrait à mettre à la charge de la société Frappa une quelconque condamnation, que celle-ci en sera relevée et garantie intégralement et solidairement par les sociétés Sorhofroid et Thermo King.
En toute hypothèse :
Condamner la société Thermo King et la Compagnie Cigna et la société Transports Norbert Dentressangle à payer à la société Frappa la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce qui concerne ces derniers, autoriser la SELARL Dauphin à les recouvrer directement contre la partie condamnée conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. "
Sur ce :
Attendu, sur l'exception d'incompétence du juge étatique, que la société Thermo King fait valoir une convention d'arbitrage stipulée dans l'accord de concessionnaire conclu avec la société Sorhofroid, le 15 juin 1988 ;
Que cette clause compromissoire conduit à l'incompétence de la cour s'agissant de l'appel en garantie de la société Sorhofroid ;
Mais que cette clause ne lie pas les sociétés Dentressangle et Cigna qui n'y sont pas parties ;
Que la cour est donc compétente pour statuer sur l'action intentée par ces sociétés à l'encontre de la société Thermo King :
Attendu, sur la qualification de l'action intentée par les sociétés Dentressangle et Cigna, qu'il est de jurisprudence que, dans une chaîne de contrats, la partie qui n'a pas contracté directement avec la personne contre laquelle elle agit, doit fonder son action sur les règles régissant les rapports délictuels ;
Mais qu'en l'espèce, les sociétés Dentressangle et Cigna produisent une garantie délivrée par la société Thermo King sur un imprimé établi par elle, à son entête, où figure le nom de la société Dentressangle en qualité d'opérateur du groupe frigorifique à côté des identifications et des signatures de la société Sorhofroid, vendeur, et de la société Frappa, installeur ;
Que la société Thermo King, en délivrant cette garantie directement à l'utilisateur final de l'équipement vendu, a accepté de se placer dans un rapport contractuel avec lui ; Que les qualifications juridiques relatives aux droits dont on peut disposer ne sont pas d'ordre public et qu'il est loisible à des personnes de stipuler un rapport contractuel dans une situation où, en l'absence d'accord de volonté de leur part, le juge devrait qualifier la relation de délictuel ;
Que les sociétés Cigna et Dentressangle ont donc qualité pour faire valoir le défaut de la chose vendue ;
Attendu, sur le droit applicable aux relations contractuelles entre la société Thermo King et les sociétés Cigna et Dentressangle, que la société Thermo King fait valoir que le contrat de concessionnaire compte une clause de choix de loi en faveur de la loi du Minnesota (USA) ;
Mais que le contrat de concessionnaire est signé de la seule société Sorhofroid ;
Que la clause est donc dépourvue d'effet à l'encontre des sociétés Cigna et Dentressangle ;
Qu'au surplus, seul le contrat de concessionnaire est régi par la loi choisie ("this agreement") ; Que le choix de loi ne s'applique donc pas aux ventes réalisées en exécution de ce contrat donc les dispositions ne peuvent pas être transposées aux relations entre un vendeur et un acheteur ;
Qu'il s'ensuit que les sociétés Cigna et Dentressangle peuvent donc fonder leur action contre la société Thermo King sur la convention de Vienne du 11 avril 1980, applicable, sauf convention contraire, aux ventes conclues après le 1er janvier 1988 entre un vendeur et un acheteur, domiciliés respectivement aux États-Unis et en France ;
Attendu, sur l'opposabilité à la société Thermo King du rapport d'expertise déposé le 28 novembre 1989, qu'il est de fait que la société Thermo King, présente en la cause le 27 juillet 1990, n'a pas été convoquée aux réunions d'expertise et que le jugement du 24 septembre 1991 déclarant inopposable ce rapport à la société Thermo King et définitif ; Que ce rapport doit donc être écarté des débats ;
Attendu, sur le rapport déposé le 7 décembre 1992, que la société Thermo King fait valoir ceci :
" - La cour constatera, à l'instar du tribunal, que la responsabilité de Thermo King Corporation ne saurait être engagée sur le terrain de la garantie des vices cachés, en l'absence de preuves permettant de déterminer les causes de l'avarie.
- Bien que reconnaissant l'indétermination de la cause du dommage, l'expert conclut curieusement à la responsabilité de Thermo King Corporation, en affirmant que "la dernière intervention sur le groupe avant l'avarie ayant été effectuée en juin 1989 par Thermo King Agen au titre de la garantie la responsabilité de Thermo King reste pleinement engagée." (Rapport d'expertise de 1992, page 10).
Par cette affirmation, l'expert outrepasse les limites de sa mission telles qu'elles sont fixées par la loi - qui interdit à l'expert de porter des appréciations d'ordre juridique - et par le jugement du 24 novembre 1991 qui dispose que l'expert doit "fournir tous les éléments techniques ou de fait de nature à permettre au tribunal de déterminer s'il y a lieu les responsabilités encourues et les préjudices subis." (jugement du 24 septembre 1991, page 5).
Cette conclusion péremptoire de l'expert, que le tribunal a reprise telle quelle dans son jugement comme seul fondement de la condamnation de Thermo King Corporation, ne saurait être retenue par la cour, et ce, d'autant plus qu'elle est fausse.
En effet, contrairement à ce qu'affirme l'expert, il n'existe pas de société Thermo King Agen, mail seulement un concessionnaire EFR SARL, société indépendante de Thermo King Corporation qui n'a aucun pouvoir pour représenter Thermo King ; par ailleurs, la société EFR a indiqué, à la demande de l'expert, que l'intervention de juin 1989 avait été effectuée non pas au titre de la garantie contractuelle, mais "au titre d'une garantie exceptionnelle et commerciale, à la suite d'un défaut notoire d'entretien hebdomadaire par l'utilisateur".
Cette intervention hors garantie de EFR, justifiée par des motifs commerciaux propres à EFR ne saurait, en tout état de cause, n'engager que son auteur et non Thermo King Corporation.
Enfin, aucun lien ne saurait être établi entre cette intervention de EFR effectuée en juin 1989 sur les tuyaux de condenseur et une éventuelle responsabilité de Thermo King Corporation pour une avarie de cargaison survenue en octobre 1989, avarie dont la cause, recherchée en vain par l'expert au niveau d'une valve solénoïde, demeure indéterminée ainsi que le reconnaît l'expert lui-même.
La responsabilité contractuelle de Thermo King Corporation ne saurait donc être mise en jeu sur le fondement de cette argumentation.
- Alors que l'indétermination de la cause de l'avarie interdit toute mise en cause de la responsabilité de Thermo King Corporation, la cour relèvera, à l'instar de l'expert (rapport définitif de 1992, page 9) et du tribunal, les fautes commises par la société Transports Norbert Dentressangle dans le suivi et l'entretien du groupe frigorifique, ainsi que dans les conditions du transport de la marchandise avariée.
Ainsi que le relève le Tribunal de commerce de Vienne, la société Transports Norbert Dentressangle n'a pas été en mesure de remettre à Frappa le carnet d'entretien du groupe frigorifique lors de la vente du semi-remorque à cette dernière en décembre 1991. Le seul document fourni par Norbert Dentressangle est le relevé informatique de suivi du véhicule lui-même. Ce relevé ne fait apparaître aucune intervention sur le groupe entre sa mise en service en avril 1989 par Frappa et l'avarie survenue en octobre 1989, bien que, comme le relève le tribunal, le cap des 500 heures de fonctionnement avait été dépassé durant cette période et qu'une intervention obligatoire aurait donc dû être effectuée. Enfin, le concessionnaire EFR a informé l'expert que l'intervention de juin 1989 sur le groupe était due à un manque notoire de vérifications hebdomadaires par l'utilisateur.
Le tribunal, mettant en regard la prétendue responsabilité contractuelle de Thermo King Corporation et les carences avérées de la société Transports Dentressangle dans le suivi et l'entretien du groupe, a procédé à un partage de responsabilité entre Thermo King Corporation, d'une part, et Transports Norbert Dentressangle et Cigna, d'autre part, et a condamné, en conséquence, Thermo King Corporation à supporter la moitié des dommages-intérêts réclamés par ces dernières.
Or, ce partage de responsabilité est totalement vis-à-vis de Thermo King Corporation, contre laquelle aucune responsabilité ne saurait être retenue en l'absence de preuve sur l'origine de l'avarie."
Mais attendu que l'article 36 de la convention de Vienne rend le vendeur " responsable, conformément au contrat et à la présente convention de tout défaut de conformité qui existe au moment du transfert des risques à l'acheteur, même si ce défaut n'apparaît qu'ultérieurement " ; Que la convention de Vienne, qui ignore la notion de vice caché, précise que " les marchandises ne sont conformes au contrat que si ... elles sont propres aux usages auxquels serviraient habituellement des marchandises du même type" (article 35.2) ;
Qu'en cas de défaut des marchandises, il appartient au vendeur, présumé responsable, de prouver la cause du défaut de conformité ;
Qu'en l'espèce, le groupe frigorifique acheté en octobre 1989 par la société Dentressangle, à laquelle la société Thermo King a apporté sa garantie contractuelle directe, est tombé en panne le 16 octobre 1989 ;
Que cette panne, dans un court délai, nonobstant toute connaissance plus précise du vice, établit le défaut de conformité ;
Qu'en affirmant que la cause du défaut est inconnue, la société Thermo King reconnaît, en fait, que selon le régime de la convention de Vienne, sa responsabilité est engagée ;
Et que " l'absence de preuve permettant de déterminer les causes de l'avarie " ainsi que l' " indétermination de la cause du dommage ", comme le conclut la société Thermo King, ne permettent pas d'engager la responsabilité des sociétés Cigna et Dentressangle, faute de lien de causalité entre le dommage et les griefs contestés formulés par la société Thermo King à l'encontre de la société Dentressangle ;
Que la société Thermo King est donc la seule responsable du dommage ;
Attendu, sur le quantum du dommage, que les sommes réclamées en principal par les sociétés Dentressangle (53 649,11 F) et Cigna (612 822,12 F) ne sont pas contestées ; Que la cour y fait droit ;
Que le point de départ des intérêts moratoires, 16 octobre 1989, pour la créance de la société Dentressangle, et 9 août 1990, pour la société Cigna, n'est pas non plus contesté ; Que la cour y fait droit ;
Que la capitalisation des intérêts demandée par conclusions du 26 septembre 1994, produira effet à compter de cette date ainsi que le sollicite la société Thermo King ;
Attendu, sur les demandes formées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, par les sociétés Dentressangle et Cigna (50 000 F) et Frappa (10 000 F), que la cour y fait droit ;
Attendu, sur la demande de la société Sorhofroid, qu'elle est dirigée contre les sociétés Cigna et Dentressangle qui voient leur appel prospérer ; Que la demande doit donc être rejetée ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Reforme partiellement le jugement déféré ; Juge que la cour est incompétente pour statuer sur l'appel en garantie formé par la société Sorhofroid contre la société Thermo King ; Juge que la clause compromissoire stipulée dans le contrat Thermo King - Sorhofroid est sans effet sur l'action introduite par les sociétés Cigna et Dentressangle ; Que la cour est donc compétente ; Juge que la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises est applicable aux relations entre la société Thermo King et la société Dentressangle à laquelle elle a donné sa garantie directe ; Juge que la société Thermo King est la seule responsable du dommage subi par les sociétés Cigna et Dentressangle ; La condamne à payer à la société Dentressangle 53 649,11 F (cinquante trois mille six cent quarante-neuf francs onze centimes), avec intérêts de droit, à compter du 16 octobre 1989, et capitalisation des intérêts, à compter du 26 septembre 1994 ; La condamne à payer à la société Cigna Insurance Company of Europe SA - NV 612 822,12 F (six cent douze mille huit cent vingt deux francs douze centimes), avec intérêts de droit, à compter du 9 août 1990, et capitalisation des intérêts à compter du 26 septembre 1994 ; La condamne à payer, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, aux sociétés Cigna Insurance Company of Europe SA - NV et Transports Norbert Dentressangle 50 000 F (cinquante mille francs), et à la société Frappa 10 000 F (dix mille francs) ; La condamne aux dépens, sauf à ceux exposés par la société Sorhofroid qui resteront à sa charge, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.