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Décisions

CA Montpellier, 3e ch. corr., 1 août 2006, n° 06-00008

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Comité de la foire nationale des vins de Macon, DGCCRF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thiolet

Conseillers :

Mme Leca, M. Grimaldi

Avocats :

Mes Scheuer, Pegaz

TGI Montpellier, ch. corr., du 14 déc. 2…

14 décembre 2005

Rappel de la procédure

Par actes au greffe, en date du 15 décembre 2005, Monsieur X Gilbert a interjeté appel à titre principal des dispositions pénales et civiles et le Ministère public a formé appel incident, d'un jugement contradictoire rendu le 14 décembre 2005, par lequel le Tribunal correctionnel de Montpellier statuant à la suite d'une ordonnance de renvoi du 21 janvier 2005 rendue par un juge d'instruction de ce siège a :

Sur l'action publique : déclaré X Gilbert Gabriel coupable :

* d'avoir à Perpignan, sur le territoire national, courant décembre 2001, effectué une publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, sur les qualités substantielles, des biens ou services, en l'espèce, en apposant sur des bouteilles de vin doux naturel Maury AOC, une étiquette portant la mention "concours des grands vins de France, médaillé d'or 1999"

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 Al.1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

* d'avoir à Paris, Perpignan, sur le territoire national, courant février 2001, effectué une publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles, des biens ou services, en l'espèce, en apposant sur des bouteilles AOC de Muscat de Rivesaltes 1997 "Domaine du Mas de la Garrigue", une étiquette portant la mention "sélectionné par le Guide Hachette des vins 2000" et la mention "ce vin a obtenu deux étoiles au guide Hachette" ;

infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 Al.1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation

* d'avoir à Perpignan, sur le territoire national, courant décembre 2001, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, trompé la société Leader Price, contractant sur les qualités substantielles de marchandises, en l'espèce pour la vente de 90 294 bouteilles de Vin Doux Naturel Maury AOC médaillé d'or concours des vins de Macon 1999, alors que ce produit n'avait obtenu aucune distinction audit concours ;

infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation

* d'avoir à Perpignan, sur le territoire national, le 30 novembre 2000, reproduit une marque sans autorisation de son propriétaire, en l'espèce la reproduction non autorisée "médaillé d'or concours des vins de Macon 1999" et de son logo "Le Buveur", marque déposée, au préjudice de la Foire Nationale des vins de France Exposition de Macon

infraction prévue par les articles L. 716-10 C), L. 711-1, L. 712-1, L. 713-1, L. 716-11, L. 713-2 A), L. 713-3 A) du Code propriété intellectuelle et réprimée par les articles L. 716-10 Al.1, L. 716-11-1, L. 716-13, L. 716-14 du Code propriété intellectuelle ;

et après requalification de la prévention,

*d'avoir à Maury (66) sur le territoire national, le 31 octobre 2000, contrefait, falsifié ou altéré un imprimé destiné à l'administration des douanes, document délivré par une administration publique en vue de constater un droit, une indemnité ou une qualité, ou accorder une autorisation, en l'espèce l'imprimé "cerfa n° 10736*01 n° 8102-02aa (DCA2), intitulé Acquis à caution, enregistré sous le n° 99-1734 ;

infraction prévue par les articles 441-2 Al.1, 441-1 Al.l du Code pénal et réprimée par les articles 441-2 Al.1, 441-10, 441-11 du Code pénal

En usage de faux de ce document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, faits prévus par les articles 441-2 al 2, Al. 1, article 441-1 Al. 1 du Code pénal et réprimés par les articles 441-2 Al. 1, 441-10 et 441-11 du Code pénal, déclaré le prévenu coupable de ce délit d'usage de faux,

Par ce jugement, le Tribunal correctionnel de Montpellier ;

en répression, l'a condamné à la peine d'1 mois d'emprisonnement, avec sursis, à titre de peine principale et une amende délictuelle de 10 000 euro (dix mille) ;

Ordonné la publication du jugement dans le Midi Libre sans que le coût de la publication ne dépasse la somme de 450 euro ainsi que l'affichage du jugement aux portes des sièges des sociétés Z et W pendant 7 jours.

Le Comité de la foire nationale des vins de Macon a été reçu en sa constitution de partie civile, et le prévenu a été condamné solidairement avec M. Y Jean-Luc son co-prévenu à verser au Comité de la foire nationale des vins de Macon la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts et la somme de 500 euro en application des dispositions, de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Appels

Les appels ont été interjetés par :

* Le prévenu le 15 décembre 2005

* Le Ministère public le 15 décembre 2005

Les faits

Le 13 décembre 2001, M. Monegel Georges, Directeur Général de la SCAV "Les Vignerons de Maury" a déposé plainte auprès de la Direction de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes pour dénoncer le comportement de l'entreprise de négoce en vins Z, co-dirigée par M. X Gilbert et M. Y Jean-Luc.

Ces deux hommes sont également les dirigeants de la société W.

L'enquête a permis d'établir :

- que de nombreuses bouteilles de vin, remplies avec du vin de Maury en vrac que la société Z avait acquis auprès de la SCAV "Les Vignerons de Maury" et qui avaient été remplies et vendues par la société "W" portaient la mention "médaille d'or" à Macon 1999" alors qu'aucune médaille de cette sorte n'avait été obtenue ;

- c'est ainsi que sur des bouteilles vendues à la chaîne de distribution Leader Price figurait un macaron autocollant sur fond jaune sur lequel pouvait être lu la mention "'Macon médaillé d'or 1999 - concours des grands vins de France" et au centre duquel était reproduit une image de buveur levant un verre de vin dont le dessin était le logo associé à la marque déposée par la Foire Nationale des vins de France, Foire exposition de Macon.

Par ailleurs et dès le 22 février 2001 un consommateur M. Jean Michel Peffer avait saisi la Direction de la Concurrence de la Consommation et des Fraudes pour dénoncer une tromperie sur une bouteille de Muscat de Rivesaltes "Domaine du Mas de la Garrigue" qu'il avait achetée au magasin Leader Price et qui comportait l'étiquette "sélectionné par le guide Hachette des Vins 2000" alors que ce muscat de Rivesaltes ne figurait pas dans ce guide.

M. Robert Vila producteur de Muscat de Rivesaltes qui a au un vin sélectionné affirme avoir vendu à la société Z 277 hectolitres de Muscat de Rivesaltes en vrac selon facture du 19 janvier 1997 et 250 hectolitres de muscat de Rivesaltes en vrac AOC 1998 Domaine du mas de la Garrigue".

S'il avait obtenu des distinctions dans le guide Hachette des éditions 1999 et 2000, ces distinctions étaient limitées à un lot de 6 000 bouteilles du domaine Bobe 1997 et à 5 000 bouteilles du domaine Bobe 1998 qui toutes avaient été embouteillées par ses soins.

L'enquête a permis d'établir que la société Z avait revendu à la société Leader Price 4 620 bouteilles de AOC Muscat du mas de la Garrigue suivant facture n° 1316 du 13 décembre 2000 qui ne pouvait provenir que du Muscat en vrac qu'elle avait acheté et qui ne bénéficiait d'aucune sélection et que malgré ce, elle avait fait imprimer par une imprimerie de Montréal de l'Aude 20 000 collerettes portant la fausse mention "sélectionné par le guide Hachette des Vins 2000" et qu'elle avait porté sur la fiche de présentation de ce produit adressée à la SNC DLP Distribution Leader Price la fausse affirmation que "'ce produit a obtenu deux étoiles au guide Hachette.

La société Z devait agir de même à l'égard de la société Distribution Leader Price pour le vin de Maury qu'elle lui avait vendu puisqu'elle lui avait adressé des documents dont une copie d'un document fiscal portant la fausse mention " Médaille Macon " et constituant l'acquit exigé par les douanes enregistré sous le n° 99-1734 et portant la référence de l'imprimé DCAZ dont le second original se trouvait dans les mains de la société Z avec cette mention alors que le premier original se trouvant à la SCAV Les vignerons de Maury ne portait pas cette mention.

Interrogé sur les faits qui lui ont été reprochés le prévenu :

1) en ce qui concerne l'acquit a déclaré que la mention "Médaille Macon" avait du être portée sur l'acquit par l'employé de la cave coopérative,

2) en ce qui concerne les mentions Concours des grands Vins de France Médaille d'or 1999 a déclaré que selon lui le vin qui avait été acheté à la cave des Vignerons de Maury était un vin médaillé qui avait été acheté sur l'appellation UDN AOC Maury médaillé 1999,

3) en ce qui concerne les étiquetages des bouteilles, il a simplement déclaré que c'était pas lui qui s'en était occupé et a rejeté la responsabilité sur son cogérant M. Y.

Le 26 octobre 2004 la SCAV, Les Vignerons de Maury, informait le juge d'instruction qu'elle abandonnait toutes plaintes vis-à-vis de la SARL Z.

Le prévenu a un casier vierge de toute condamnation.

Sur quoi, LA COUR

La cour, après en avoir délibéré,

X Gilbert comparait à l'audience assisté de son conseil ; il sera statué par arrêt contradictoire à son égard ;

Les appels du prévenu et du Ministère public interjetés dans les formes et délais de la loi sont recevables.

Sur l'action publique

Attendu que c'est à juste titre que le tribunal tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient, a retenu la culpabilité du prévenu ;

Attendu en effet que si les deux prévenus avaient nié l'ensemble des faits qui leur étaient reprochés devant les premiers juges M. Y n'a pas relevé appel du jugement querellé ;

Attendu que pour sa défense devant la cour M. Gilbert X se contente de mettre en avant les agissements de son beau-frère et cogérant des sociétés concernées M. Y en déclarant être pour sa part totalement étranger aux faits qui lui sont reprochés et en imputant à ce dernier l'entière responsabilité des délits visés à la prévention à l'exception du délit relatif au faux document administratif d'acquis à caution qu'il met à la charge de M. Culie Christian auquel une délégation de pouvoir avait été confiée dans le cadre de son contrat de travail ;

Attendu que M. Gilbert X qui ne conteste pas être cogérant des sociétés Z et W occupait au sein de ces sociétés le poste de responsable technique et plus particulièrement de juriste ;

Attendu qu'à ce titre et même en sa seule qualité de consommateur, il ne pouvait être ignorant de la quantité très importante de vins de Maury et de Muscat de Rivesaltes qui avait été commercialisée auprès des grandes surfaces avec un étiquetage comportant des références de qualités inexactes tenant notamment pour le premier de ces vins à la fausse distinction de "'Macon médaillé d'or 1999 concours des grands vins de France" et pour le second de ces vins à la fausse indication de "Sélectionné par le guide Hachette des vins 2000" ;

Que de même il ne pouvait être ignorant en sa qualité de juriste de la nécessité qu'il y avait pour les sociétés qu'il dirigeait de vérifier auprès de l'INPI les marques utilisées et le logo déposé ;

Attendu en réalité que ce n'est que lorsque les enquêtes étaient en cours et qu'était dévoilé le stratagème utilisé pour donner aux vins commercialisés par l'intermédiaire des 2 sociétés qu'il cogérait, des qualités ou des reconnaissances qu'ils n'avaient pas, que M. X s'est empressé d'adresser à son cogérant soit le 15 juillet 2002 deux lettres de démission en estimant que ce dernier assurait seul la direction de ces sociétés ;

Attendu outre les milliers de bouteilles comportant ces fausses distinctions et indications, et que ne pouvait pas ne pas voir M. X sur les chaînes d'embouteillage et d'étiquetage que ce dernier a manifestement vu les factures d'achat des vins concernés et se devait de faire le rapprochement qui s imposait entre les qualités des vins achetés et les inscriptions sur les bouteilles offertes à la vente ;

Que son attention a manifestement été attirée par le médaillon Macon médaille d'or apposé sur les bouteilles de Maury et par les 20 000 collerettes portant sur la fausse mention "sélectionnée par le guide Hachette des vins 2000", que M. Y avait fait imprimées à Montréal de l'Aude ;

Attendu enfin que le logo et la marque "le Buveur" déposés par "la Foire Nationale des Vins de France Foire de Macon" sont particulièrement connus des professionnels et ne pouvaient être apposés sur un macaron collé sur des bouteilles de vin, sans que le "juriste" des sociétés Z et W ne vérifie l'accord de la personne physique ou morale titulaire de cette marque ou de ce logo ;

Attendu que c'est donc en toute connaissance de cause que M. Gilbert X a accepté, voire a cogéré la mise en place du procédé de fraude visé dans la prévention, lequel avait pour effet inéluctable de provoquer des reventes en plus grand nombre auprès de consommateurs de plus en plus attirés par les marques et les distinctions décernées aux produits ;

Attendu s'il est vrai que le responsable d'une entreprise est dégagé de toute responsabilité. Lorsqu'une faute a été commise par une personne ayant reçu une délégation expresse de pouvoir dans le cadre de cette délégation, il en est autrement lorsque cette faute n'inscrit directement dans le pouvoir de direction et de contrôle que ce responsable détient à l'encontre de son délégataire;

Attendu en effet que les fausses indications "Médaille Macon" portées sur "l'acquis à caution" ont servi à couvrir notamment auprès de la société Leader Price, la tromperie sur l'étiquetage des vins de Maury ;

Que si l'auteur de ce faux n'a pas été identifié, l'usage de ce faux profitait aux deux sociétés Z et W et n'a pu être commis qu'avec l'accord des deux cogérants de ces sociétés ;

Attendu que c'est à bon droit que las premiers juges ont donc requalifié à l'encontre de Gilbert X, le délit de faux qui lui était reproché en usage de faux ;

Attendu qu'en conséquence, la décision déférée sera confirmée sur la culpabilité ;

Attendu qu'elle le sera également sur la peine prononcée, qui constitue une sanction bien proportionnée à la gravité des faits et bien adaptée à la personnalité du prévenu ;

Sur l'action civile

Attendu que la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour confirmer le jugement entrepris sur l'action civile, les premiers juges ayant fait une juste appréciation des conséquences civiles de l'infraction ;

Attendu qu'il apparaît conforme à l'équité d'allouer à la partie civile la somme de 1 000 euro (mille) en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, au titre des frais de procédures non payés par l'Etat et exposés par elle en cause d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard du prévenu contradictoire à l'égard de la partie civile, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi ; En la forme Reçoit les appels réguliers et dans les délais. Au fond Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Condamne Monsieur Gilbert X à payer au Comité de la Foire Nationale des Vins de Macon la somme de 1 000 euro (mille) au titre de ses frais non répétibles exposés par lui en cause d'appel ; Dit que le condamné sera soumis au paiement du droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro prévu par l'article 1018 A du Code général des impôts. Le tout par application des textes visés au jugement et à l'arrêt, des articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.