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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 21 mars 2007, n° 05-13581

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ada (Sté)

Défendeur :

Ucar (Sté), U Top LCD (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cabat

Conseillers :

MM. Roche, Byk

Avoués :

Me Huyghe, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Bartfeld, Fourgoux

T. com. Paris, du 27 mai 2005

27 mai 2005

Vu l'appel interjeté par la SA Ada, d'un jugement prononcé le 27 mai 2005 par le Tribunal de commerce de Paris qui, après avoir dit que la mise en place le 3 novembre 2003 par la SA Ucar, d'une campagne de publicité comparative entre le prix de location de véhicules chez Ucar et le prix de location chez Ada et ce, pour une journée et pour 100 kms n'avait pas été constitutive d'un acte de concurrence déloyale et qui l'a déboutée de ses demandes formées contre la SA Ucar en la condamnant à régler à cette dernière ainsi qu'à la société de publicité, la SAS U Top LCD, une indemnité pour frais hors dépens de 1 000 euro;

Vu les conclusions signifiées le 23 janvier 2007 par la société Ada, appelante;

Vu les écritures signifiées le 29 janvier 2007 par la société Ucar et la société U Top LCD, intimées;

Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction intervenue le 5 février 2007;

Sur ce, LA COUR,

Considérant qu'il résulte des pièces mises au dossier et des explications concordantes des parties que le 3 novembre 2003, la SA Ucar a mis en place une campagne d'affichage publicitaire sur de nombreux panneaux de quatre mètres sur trois à Paris, sur le boulevard périphérique intérieur, dans des endroits exposés à la vue du public, que ces affiches comparaient le prix de la location d'un véhicule de type Opel Corsa essence pour une journée et pour une distance de 100 km, les prix indiqués étant pour la SA Ucar de 30 euro et pour la SA Ada de 45 euro, cette campagne qui devait durer sept jours ayant eu une durée plus longue selon la SA Ada et ayant été complétée par des panonceaux situés dans les agences Ucar, selon la même société appelante;

Considérant que cette campagne faisait référence à un constat d'huissier établi le 17 octobre 2003 et relatif à une apparente différence de prix entre la SA Ucar et la SA Ada;

Considérant que l'article L. 121-8 du Code de la consommation prévoit que la publicité ne doit pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur, qu'elle doit porter sur des biens ou sur des services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif et qu'elle doit comparer objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie;

Considérant en l'espèce que la caractéristique essentielle comparée était le prix de location;

Considérant que comme le soutient utilement la SA Ada, aucune des factures versées au débat par la SA Ucar ne concerne des locations effectuées dans Paris le samedi, pour la journée;

Considérant que si la comparaison litigieuse était pertinente au regard du type de véhicule proposé et du nombre de kilomètres pouvant être parcourus dans la journée de location, elle ne l'était pas pour ce qui était du lieu et du jour de la semaine où une location au prix de 30 euro pouvait être souscrite chez Ucar;

Considérant qu'en effet, comme le soutient utilement la SA Ada, il n'était pas possible de prendre en location un véhicule Ucar dans aucune des quatre agences ayant son siège à Paris intra-muros, le samedi et pour la journée, du fait que Ucar n'avait, en 2003, que quatre agences à Paris et que ces dernières étaient toutes fermées le samedi;

Considérant que ce dernier fait n'est pas dénié par la SA Ucar qui se contente d'indiquer que l'annonce par laquelle l'employée de sa centrale de réservation indiquait à l'huissier requis après ordonnance du président du Tribunal de commerce de Paris ayant autorisé le constat, que la location n'était possible que pour les deux jours de chaque fin de semaine et non pour le samedi seulement, était fausse;

Considérant qu'il appartenait au contraire à la SA Ucar, annonceur qui doit être en mesure de prouver, à bref délai, l'exactitude matérielle de la comparaison à laquelle il a procédé, de justifier de la réalité de locations prises le samedi dans une agence de Paris au prix de 30 euro, ce dont elle s'est abstenue;

Considérant que la location chez Ucar n'était donc possible ce jour là au prix de 30 euro annoncé dans la publicité comparative qu'à la condition que le client se rendît à la périphérie de Paris, c'est-à-dire au plus près à Puteaux ou à Saint-Denis ou à la porte de Vincennes;

Considérant que cette restriction importante qui n'a pas été indiquée par un astérisque renvoyant au bas de l'affiche, a constitué en l'espèce un mensonge par omission de nature à induire en erreur le consommateur, le bien offert en location n'étant pas disponible le samedi dans Paris;

Considérant qu'il s'agit donc d'une publicité comparative illicite dont s'infère l'existence d'un préjudice causé à la SA Ada, l'importance de la différence de prix annoncée ayant inévitablement causé à cette dernière un trouble commercial qui n'a pas à être démontré par une baisse de son chiffre d'affaires;

Considérant que les trois constats dressés en juin 2004 montrent que dans des conditions plus ou moins lisibles de l'extérieur, suivant les agences, la SA Ucar affichait encore à cette époque à l'intérieur de ses établissements, la même publicité comparative;

Considérant néanmoins que la différence de taille des deux entreprises (403 agences en France dont 11 à Paris pour Ada contre 194 agences dont 4 à Paris pour Ucar à l'époque) et le fait que la SA Ada ait consacré en 2003 le budget publicitaire le plus élevé du marché de la location de véhicules automobiles, ont été des facteurs de diminution du préjudice ayant été causé à cette dernière par la publicité litigieuse par affiches de Ucar, laquelle a, en outre été très limitée dans le temps;

Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces considérations, la cour estime avoir les éléments d'appréciation suffisants pour fixer à 10 000 euro le préjudice de la SA Ada;

Considérant qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris;

Considérant qu'en raison du temps écoulé depuis les faits reprochés, les interdictions d'utilisation, de publication, de reproduction, de diffusion de "la campagne de publicité litigieuse" ou de "nouvelle campagne publicitaire dans des conditions similaires à la campagne litigieuse" telles que réclamées par la SA Ada, n'offrent actuellement plus aucun intérêt pour cette dernière dès lors que les prix de location ont évolué depuis plus de trois ans, qu'il est incertain que l'indisponibilité des biens de la SA Ucar à Paris pour la journée du samedi ait été maintenue et qu'enfin, la demande d'interdiction pour le futur présente un caractère trop général pour être admise puisque le législateur autorise désormais dans certaines conditions la publicité comparative;

Considérant que la SA Ucar et la société U Top LCD qui succombent et qui seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel, ne peuvent prétendre ni à des dommages-intérêts pour procédure et appel abusifs ni au bénéfice des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA Ada les frais hors dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel et que la cour estime à la somme de 8 000 euro, somme qui ne sera mise à la charge que de la SA Ucar qui est la seule à laquelle la SA Ada réclame cette indemnité;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme en toutes ses dispositions la décision déférée; Statuant de nouveau : Dit que la campagne de publicité comparative mise en place par la SA Ucar le 4 novembre 2003 contrevenait aux dispositions de l'article 121-8 du Code de la consommation; Condamne en conséquence la SA Ucar à régler à la SA Ada la somme de 10 000 euro à titre de dommages intérêts; Et y ajoutant, Condamne la SA Ucar à régler à la SA Ada la somme de 8 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Rejette toutes autres demandes des parties; Condamne solidairement la SA Ucar et la société U Top LCD aux dépens de première instance et d'appel et admet pour ceux-ci, Maître Huyghe, titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.