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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 14 novembre 2006, n° 04-01291

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Arlington France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Hoffbeck

Conseillers :

MM. Cuenot, Allard

Avocats :

Mes Boudet, Barberon, Zimmermann

TGI Mulhouse, ch. com., du 3 nov. 2003

3 novembre 2003

Attendu que se plaignant de la rupture d'un contrat d'attachée de presse par la SARL Arlington France, Mme Danielle Y a assigné cette société en paiement d'une indemnité de 720 000 F, soit 109 763,29 euro ;

Attendu qu'elle a été déboutée des fins de cette demande par jugement du Tribunal de grande instance de Mulhouse du 3 novembre 2003, et que sur une demande reconventionnelle de la SARL Arlington France, elle a été condamnée à lui payer une fourniture d'un montant de 381,61 euro ;

Qu'elle a été condamnée également à payer à la SARL Arlington France une compensation de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que Mme Y a relevé appel de ce jugement le 5 mars 2004, dans des conditions de recevabilité qui n'ont pas été contestées, en l'absence de justification de sa signification ;

Attendu qu'au soutien de son recours, Mme Y fait essentiellement état du caractère précipité de la résiliation de son contrat, avec un préavis insuffisant compte tenu d'une ancienneté de près de 17 années ;

Qu'elle invoque spécialement les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

Qu'elle sollicite une indemnité globale de 64 000 euro en réparation des conditions préjudiciables de la rupture des relations contractuelles ;

Qu'elle conteste devoir le prix d'une veste à la société Arlington France, et qu'elle demande enfin 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que la SARL Arlington France indique que la demande d'indemnité de préavis de Mme Y est nouvelle en cause d'appel, et qu'elle n'est donc pas recevable ;

Qu'elle en conteste subsidiairement le bien-fondé, en faisant valoir qu'elle a respecté le préavis contractuel de trois mois ;

Qu'elle estime que Mme Y ne caractérise pas l'insuffisance du délai contractuel ;

Qu'elle conclut à la confirmation du jugement entrepris, et qu'elle demande 5 000 euro de dommages et intérêts et 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que les pièces versées aux débats montrent que par contrat initial du 25 août 1983, la société de droit allemand Arlington Socks a confié à Mme Y un travail indépendant d'attachée de presse ;

Que Mme Y devait promouvoir en France les vêtements produits par la société Arlington France ;

Attendu que ce contrat, qui stipulait un préavis de trois mois, a été dénoncé le 16 mars 1992, dans des conditions non contestées, par la société Arlington Socks ;

Attendu que par protocole d'accord du 6 juillet 1992, une autre société à responsabilité limitée Arlington France, établie à Mulhouse, a confié à Mme Y un nouveau contrat d'attachée de presse ;

Qu'il y a été stipulé que Mme Y acceptait comme auparavant d'après le contrat du 25 août 1983 de faire le suivi, les contacts avec la presse ainsi que le prêt de produits vestimentaires ;

Qu'il a été précisé qu'en particulier, les numéros 1-3 du premier contrat restaient en vigueur ;

Attendu qu'en 1995, la rémunération de Mme Y a été portée à un montant de 20 000 F HT par mois ;

Attendu que par courrier du 14 mars 2000, la SARL Arlington France a dénoncé le contrat avec effet au 30 juin 2000 ;

Attendu que Mme Y a tenté de faire revenir le nouveau directeur de la SARL Arlington France sur cette décision, et que faute d'avoir obtenu satisfaction, elle a intenté l'action actuellement dévolue à cette cour ;

Attendu qu'il est exact qu'elle se plaignait principalement à l'origine d'une rupture sans motif d'un contrat qualifié de mandat ;

Attendu qu'il ne s'agissait pas en réalité d'un mandat, et que ce point n'est plus en discussion actuellement ;

Attendu que Mme Y fonde essentiellement la demande modifiée devant cette cour sur l'insuffisance du préavis qui lui a été accordé ;

Attendu que la question se pose effectivement de savoir si la demande ainsi modifiée par elle en cause d'appel, notamment dans son fondement, constitue une demande nouvelle ;

Attendu que cette cour observe qu'elle tendait généralement aux mêmes fins que la demande initiale, en ce qu'elle visait à faire réparer les conséquences de la rupture des relations contractuelles ;

Que la cour estime donc que sa demande ainsi transformée reste malgré tout admissible conformément à l'article 565 du Code de procédure civile ;

Attendu que la rédaction ambiguë du second contrat de Mme Y amène à douter que le préavis contractuel de trois mois fixé initialement ait été transposé dans le cadre des nouvelles dispositions mises en vigueur en 1992 ;

Attendu cependant qu'une telle question n'a pas d'importance véritable, dans la mesure où les dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6 du Code de commerce prohibent la rupture brutale des relations commerciales établies, sans préavis écrit suffisant tenant compte des usages ou des accords interprofessionnels en la matière ;

Attendu que cette disposition s'applique même si un préavis contractuel a été convenu, et qu'elle amène à reconsidérer le cas échéant la durée du préavis contractuel;

Attendu que Mme Y produit un contrat-type qui a été établi par le Syndicat des Attachés de Presse, et qui prévoit un préavis de six mois pour les attachés de presse dont la mission a durée plus de trois années ;

Qu'elle produit également un arrêt de la Cour d'appel de Paris, qui a fait application de ce délai de six mois ;

Attendu qu'un délai de préavis de six mois doit donc être considéré comme normal;

Attendu que Mme Y a bénéficié d'un préavis de trois mois et demi ;

Qu'elle doit donc percevoir une indemnité correspondant à une période de deux mois et demi ;

Que sa rémunération était de 20 000 F par mois, et que l'indemnité compensatrice de préavis s'élève donc pour deux mois et demi à 50 000 F, soit 7 622,45 euro ;

Attendu que pour le surplus, le principe de la résiliation d'un contrat à durée indéterminée demeure évidemment normal, et que la société Arlington France était libre de ses choix commerciaux, sauf à respecter un préavis suffisant ;

Que les plus amples demandes indemnitaires présentées par Mme Y ne se justifient donc pas ;

Attendu que réformant le jugement entrepris, la cour condamne par conséquent la SARL Arlington France à payer à Mme Y une indemnité de 7 622,45 euro ;

Attendu que Mme Y a commandé une veste de cuir au cours de l'année 2000, et qu'elle l'a reçue à la fin de cette année là ;

Attendu qu'elle invoque un usage qui aurait constitué à lui donner des vêtements de marque Arlington, mais qu'elle ne l'établit pas, et qu'au demeurant, une telle pratique devenait nécessairement caduque après la fin des relations contractuelles ;

Attendu qu'il convient par conséquent de confirmer la condamnation de Mme Y à payer le prix non contesté de cette veste de cuir, soit la somme de 381,61 euro;

Attendu que Mme Y succombe pour la plus grande part dans son instance en paiement de sommes fixées à un montant manifestement excessif ;

Attendu que dans de telles conditions, la cour estime approprié de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et de mettre l'intégralité des dépens à la charge de Mme Y ;

Que les plus amples demandes émises de part et d'autre sont rejetées.

Par ces motifs, LA COUR, Reçoit l'appel de Mme Y contre le jugement du 3 novembre 2003 du Tribunal de grande instance de Mulhouse ; Au fond, Reforme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté intégralement les demandes indemnitaires de Mme Y, et statuant à nouveau de ce chef, Condamne la SARL Arlington France à payer à Mme Danielle Y une indemnité de 7 622,45 euro (sept mille six cent vingt-deux euro quarante cinq centimes) ; Confirme la condamnation de Mme Y à payer à la SARL Arlington France une somme de 381,61 euro, et Dit que les créances réciproques sont éteintes à due concurrence de ce montant par compensation ; Rejette toutes les autres demandes plus amples, en ce compris celles émises en première instance et en appel par les parties sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne Mme Danielle Y aux entiers dépens de première instance et d'appel.