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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 7 septembre 2006, n° 05-02039

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Delplanque (SARL)

Défendeur :

Baxi (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Fossier

Conseillers :

MM. Zanatta, Reboul

Avoués :

SCP Masurel-Thery-Laurent, SCP Carlier-Regnier

Avocats :

Mes Lemistre, Cussac

T. com. Saint-Omer, du 24 févr. 2005

24 février 2005

Vu le jugement du Tribunal de commerce de St-Omer du 24 février 2005 qui a débouté la SARL Delplanque de ses demandes et l'a condamnée à payer 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu l'appel formé le 31 mars 2005 par la SARL Delplanque ;

Vu les conclusions déposées le 26 juillet 2005 pour la SARL Delplanque ;

Vu les conclusions déposées le 30 mars 2006 pour la SA Baxi ;

Vu l'ordonnance de clôture du 10 mai 2006 ;

La société Delplanque (l'installateur), créée le 12 juillet 2000, a une activité d'installation de chauffage et vend des chaudières de marque Chappée ; cette activité était exercée par M. Delplanque, en nom personnel, avant l'année 2000. La société Baxi (le fabricant), anciennement dénommée Compagnie Internationale du Chauffage (CICh), fabrique du matériel de chauffage, dont les chaudières de marque Chappée. La société Bossu Cuvelier (le grossiste) est celui, par l'intermédiaire duquel l'installateur achète les chaudières fabriquées par la société Baxi.

Par lettre du 4 mars 2002, adressée directement par le fabricant à l'installateur et rappelant : "... Vous trouverez ci-après, les conditions dont vous bénéficierez pour 2002 : Les conditions qui vous ont été accordées par Bossu Cuvelier en 2000 et 2001 pourront être reconduites en 2002 ...", il est proposé, pour l'année 2002, les conditions tarifaires suivantes : une remise de 25 % plus 18 %, majorée d'une remise de 7 % par avoir séparé. Les commandes de la société Delplanque sont livrées directement par l'usine Chappée, sans passer par les entrepôts du grossiste, qui, en contrepartie, bénéficie d'une remise exceptionnelle de 5 %, de la part de la société Baxi.

À la fin du mois de mai 2002, la société Bossu Cuvelier, ayant reçu une commande de la société Delplanque, faisait parvenir un avis de réception indiquant une remise de 25 % plus 15 %, contrairement à ce qui avait été prévu par la lettre du 4 mars 2002. Par ordonnance de référé du premier août 2002, confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Douai du 16 janvier 2003, il a été ordonné à la Compagnie Internationale du Chauffage (aujourd'hui la société Baxi) d'honorer les conditions tarifaires prévues dans la lettre du 4 mars 2002 et de procéder à la livraison des commandes de la société Delplanque, sous astreinte. Pour l'année 2002, les livraisons ont été honorées aux conditions prévues dans la lettre du 4 mars 2002.

La société Delplanque faisant appel du jugement déféré, soutient que la société Baxi a rompu abusivement les relations commerciales établies, en supprimant unilatéralement les conditions tarifaires privilégiées dont elle bénéficiait, rupture qui constitue une pratique discriminatoire.

Le 11 mars 2003, la société Delplanque fait état d'une lettre reçue de la société Bossu Cuvelier lui faisant part de : "... suite à la décision de la société Chappée de réduire nos conditions spécifiques vous concernant à partir du premier mars 2003, nous vous confirmons notre décision d'arrêter la commercialisation de ces produits à partir de cette même date ce qui confirme notre échange téléphonique de début janvier 2003 ; cela ne concerne que la marque Chappée...".

L'installateur reproche à la société Baxi la rupture abusive des relations commerciales établies.

Elle sollicite la condamnation du fabricant à lui payer 400 000 euro de dommages-intérêts, en application de l'article L. 442-6 -1° et 5° du Code de commerce ; subsidiairement, elle sollicite une expertise pour évaluer son préjudice et le versement d'une provision de 150 000 euro.

Elle demande en outre, 1 524,49 euro de bonification et 5 000 euro en application de l'article 700 nouveau Code de procédure civile.

La société Baxi conteste l'existence de relations contractuelles directes avec la société Delplanque ; elle conclut à la confirmation du jugement ; subsidiairement, elle rappelle que la société Delplanque a bénéficié d'un préavis de trois mois, et réfute le préjudice invoqué.

Elle soutient que le préjudice subi est égal à la perte de marge brute sur la revente de produits Chappée, pendant la durée supplémentaire que le préavis aurait dû avoir, perte qui n'est pas établie.

Elle sollicite la condamnation de la société Delplanque à lui payer 7 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS

1) Sur l'existence de relations contractuelles directes entre le fabricant et l'installateur ;

La société Baxi conteste l'existence de relations contractuelles directes avec la société Delplanque.

Chaque année, depuis que Delplanque, en nom personnel, puis la société Delplanque vend des chaudières Chappée, le fabricant fixe directement à l'installateur les prix pratiqués, et les ristournes accordées ; ce dernier demeure libre de ne pas les accepter. L'une des obligations imposées à l'installateur est d'acheter les chaudières à un grossiste qui les lui facture (la société Bossu Cuvelier). L'installateur est informé par lettre du fabricant, des prix qui vont être pratiqués pour l'année en cours. C'est ainsi que la lettre du 4 mars 2002, a prévenu la société Delplanque des conditions tarifaires de l'année 2002 : "... Vous trouverez ci-après, les conditions dont vous bénéficierez pour 2002 : Les conditions qui vous ont été accordées par Bossu Cuvelier en 2000 et 2001 pourront être reconduites en 2002... ".

Cette négociation directe entre les parties implique l'existence de relations contractuelles entre les sociétés Baxi et Delplanque.

Les conditions tarifaires sont fixées d'un commun accord entre le fabricant et l'installateur, qui s'adresse directement au fabricant, si les conditions ne sont pas respectées.

En 2003, la société Bossu Cuvelier, qui négocie elle-même ses prix et peut décider de cesser de vendre un produit, n'est pas un simple mandataire ; sa décision de ne plus commercialiser les chaudières Chappée affecte directement son client la société Delplanque.

Il existe ainsi des relations triangulaires entre les sociétés Baxi, Delplanque et Bossu Cuvelier ; les décisions tarifaires prises par la société Baxi sont susceptibles d'entraîner la rupture des relations commerciales établies avec la société Delplanque.

2) Sur la modification des conditions tarifaires;

La SARL Delplanque (société créée en juillet 2000), a été informée par le fabricant (lettre du 23 décembre 2002), de ce que : "... les conditions visées par la lettre du 4 mars 2002 ne sont que les seules conditions 2002. Nous vous informons que nous n'allons plus, en 2003, consentir à Bossu Cuvelier les mêmes conditions que celles que nous avons consenti jusqu'à présent. Nous ignorons totalement la décision que celle-ci prendra à la suite de cette modification, mais il est fort possible qu'il en résulte un changement de tarifs pour votre société. Nous vous remercions, ces précisions ayant été apportées, de nous confirmer l'intérêt de votre société pour la vente de nos produits en 2003...".

Les conditions tarifaires prévues par la lettre du 4 mars 2002, adressée directement par le fabricant à l'installateur, constituent un engagement pour la seule année 2002, à durée déterminée.

La société Baxi n'est pas tenue de maintenir les mêmes conditions tarifaires pour l'année 2003, et le principe de la liberté du commerce et de l'industrie autorise la société Bossu Cuvelier à arrêter la commercialisation des produits Chappée à partir du premier mars 2003, en raison des nouvelles conditions tarifaires.

Le changement de tarifs est intervenu le premier mars 2003, soit avec un délai de trois mois, après deux ans et demi de relations commerciales établies.

La société Baxi n'a pas l'obligation de vendre ses produits à la société Delplanque, par l'intermédiaire de la société Bossu Cuvelier à un tarif immuable, et ce grossiste à la liberté de décider de ne plus distribuer tel ou tel matériel.

Après le premier mars 2003, la société Delplanque pouvait toujours acheter des chaudières autres que de la marque Chappée, à la société Bossu Cuvelier, (chaudières Viessmann ou Vaillant) et se procurer éventuellement des chaudières Chappée, auprès d'autres grossistes, mais à un prix supérieur à celui qui était consenti en 2002.

En modifiant ses tarifs à partir du premier mars 2003, la société Baxi n'a pas interrompu brutalement les relations commerciales établies avec la société Delplanque.

3) Sur les pratiques discriminatoires;

L'article L. 442-6-I du Code de commerce dispose que "... Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait ... 1° De pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique... des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ; ...".

Les simples installateurs de chaudières vendent directement leurs matériels aux particuliers ; ils réalisent une partie de la marge sur les travaux d'installation eux-mêmes. Les grossistes, vendent des chaudières, en nombre, aux installateurs sans ajouter à la vente une prestation d'installation.

Les installateurs et les grossistes qui ne travaillent pas avec la même catégorie de clientèle ne sont pas en concurrence ; la situation différente vis-à-vis de la clientèle justifie que les fabricants ne pratiquent pas les mêmes tarifs vis-à-vis de ces deux catégories de clients.

L'interdiction légale des pratiques discriminatoires vise en particulier les différences affectant directement les prix de vente fixés par l'entreprise à l'égard de certains de ses clients et non à l'égard des autres.

Toutefois, la pratique de la pluralité des tarifs est admise dans la mesure où celle-ci est justifiée, notamment pour des clients opérant sur des secteurs différents ou lorsqu'ils sont destinés à des catégories de clientèles qui ne sont pas en concurrence entre elles.

Le fait que la société Delplanque réalise un chiffre d'affaires important, en sa qualité d'installateur de chaudières, notamment de marque Chappée, ne l'autorise pas à revendiquer la qualité de grossiste, et le seul fait pour la société Baxi de ne pas lui consentir les mêmes tarifs que ceux accordés aux grossistes, n'est pas une pratique discriminatoire.

La société Delplanque ne peut non plus imposer au fabricant des méthodes commerciales qu'il ne choisit pas, à savoir la vente directe de chaudières, sans l'intermédiaire des grossistes. La société Delplanque ne prouve l'existence d'aucune pratique discriminatoire.

4) Sur le paiement d'une bonification;

Le versement d'une bonification de 1 524,49 euro suppose l'achat de 150 chaudières en 2002, volume de vente qui n'a pas été atteint par la société Delplanque, qui ne prouve pas que le fabricant soit à l'origine d'un déficit de vente.

La société Delplanque ne peut qu'être déboutée de cette demande en paiement. Le jugement déféré ne peut qu'être confirmé.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, en dernier ressort, Confirme le jugement déféré ; Condamne la société Delplanque à payer à la société Baxi 4 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Delplanque aux dépens avec le bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile pour l'avoué adverse.