CA Grenoble, ch. com., 20 juin 2007, n° 06-00208
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Générale Agricole Industrielle et Commerciale (SA)
Défendeur :
Chaix, Boulangerie Benjamin Chaix (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Uran
Conseillers :
M. Bernaud, Mme Cuny
Avoués :
SELARL Dauphin & Mihajlovic, SCP Grimaud
Avocats :
Mes Michal Dupoizat, Dumont
Pour financer en partie un fonds artisanal de Boulangerie pâtisserie situé à Theys (Isère) la SA GAIC a consenti à Monsieur Benjamin Chaix deux prêts d'un montant global de 19 818,37 euro en contrepartie desquels l'emprunteur s'est engagé à se fournir en farines auprès d'elle.
Le 8 janvier 2002 un contrat d'approvisionnement exclusif a été signé entre les parties pour une durée de 5 ans.
Le même jour, par acte séparé, Monsieur Chaix a reconnu devoir à la société GAIC les sommes de 14 254,37 euro et de 5 564 euro, outre intérêts au taux de 6 % l'an, remboursables respectivement en 48 et 36 mois.
Le 9 mai 2003 Monsieur Chaix a remboursé par anticipation les sommes empruntées et a cessé de s'approvisionner auprès de la société GAIC à la fin de l'année.
Cette dernière l'a fait assigner en paiement de la somme de 14 011,98 euro au titre de la pénalité contractuelle fixée à 25 % du chiffre d'affaires perdu jusqu'au terme normal du contrat.
Par jugement du 28 novembre 2005 le Tribunal de commerce de Grenoble, après avoir retenu sa compétence territoriale, a condamné solidairement Monsieur Chaix et la SARL Boulangerie Benjamin Chaix (BBC), à laquelle le fonds a été apporté, à payer à la SA GAIC la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat d'approvisionnement exclusif, outre une indemnité de 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SA GAIC a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 10 janvier 2006.
Vu les dernières conclusions signifiées et déposées le 8 novembre 2006 par la SA GAIC qui sollicite, par voie de réformation partielle, la condamnation solidaire de Monsieur Benjamin Chaix et de la SARL BBC à lui payer la somme de 14 011,98 euro à titre de dommages-intérêts, outre une nouvelle indemnité de procédure de 2 500 euro, aux motifs que le remboursement anticipé des sommes prêtées n'a pas mis fin au contrat d'approvisionnement distinct qui devait perdurer, jusqu'à son terme, qu'aucune preuve n'est apportée de la prétendue mauvaise qualité des farines, que l'indemnité réclamée représente sa perte de marge pendant les trois années restant à courir.
Vu les conclusions signifiées et déposées le 19 septembre 2006 par Monsieur Benjamin Chaix et par la SARL BBC qui s'opposent, par voie d'appel incident, à l'ensemble des demandes formées par la société GAIC, qui subsidiairement demandent à la cour de réduire la pénalité à une somme de principe et de leur accorder les plus larges délais de paiement et qui en tout état de cause prétendent obtenir une indemnité de 2 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile aux motifs que les prêts et l'obligation d'approvisionnement exclusif constituent un seul et même contrat indivisible, que le remboursement anticipé des prêts, accepté par la société GAIC, a fait disparaître l'obligation d'approvisionnement qui a été privée de cause, qu'en toute hypothèse la mauvaise qualité des farines, qui n'ont de surcroît pas été livrées dans les quantités convenues, justifie la rupture du contrat d'approvisionnement en vertu de l'exception d'inexécution, que la pénalité réclamée excède le préjudice subi.
Motifs de l'arrêt
Tant le contrat d'approvisionnement que la reconnaissance de dette régularisés le même jour stipulent que les avantages financiers octroyés au boulanger sont la contrepartie de l'obligation d'achat exclusive. Le contrat de fourniture rappelle les modalités des deux prêts et renvoie expressément à la reconnaissance de dette.
Les deux opérations sont donc incontestablement liées.
Pour autant il n'existe aucune indivisibilité entre elles, de nature à faire obstacle juridiquement ou matériellement à une exécution séparée.
La durée plus longue du contrat d'approvisionnement (5 ans pour des prêts remboursables en 3 et 4 ans) témoigne de l'intention des parties de dissocier l'obligation de fourniture exclusive de l'amortissement des prêts. La faculté de remboursement anticipé reconnue à tout moment à l'emprunteur, sans que la durée de la convention d'achat en soit affectée, apporte une preuve supplémentaire de cette volonté.
Le remboursement anticipé des prêts n'a donc pas fait disparaître l'obligation distincte d'approvisionnement exclusif.
Il ne l'a pas plus privée de cause, laquelle s'apprécie au moment de la formation du contrat.
Quant à la contestation tardive relative à la qualité et aux quantités des farines fournies, soulevée pour la première fois en appel, elle est dénuée de tout sérieux, alors qu'il n'est justifié d'aucune protestation écrite, ni à l'occasion du remboursement des prêts par anticipation le 9 mai 2003, ni à réception de la mise en demeure du 1er mars 2004 reçue le 3 mars 2004.
Ayant manqué de leur seul fait à leur obligation valable d'approvisionnement exclusif pendant une durée de cinq ans, les intimés encourent par conséquent la peine contractuelle prévue à l'article 7 de la convention en cas de violation par le boulanger de l'une quelconque de ses obligations, ainsi qu'en a justement décidé le tribunal.
Pour demander la réduction de cette clause pénale, fixée à 25 % du chiffre d'affaires total HT à réaliser jusqu'au terme normal du contrat, les intimés soutiennent que la société GAIC n'a plus aucune prestation à effectuer, qu'elle n'a pas correctement exécuté ses obligations et que l'exécution du contrat pendant deux ans, ainsi que le remboursement intégral du prêt lui ont procuré un avantage.
Ce faisant ils ne contestent pas que la somme réclamée représente la perte de marge brute d'exploitation du fournisseur, calculée sur la base du volume minimum d'achat (43 tonnes par ans) prévu au contrat.
Il n'est donc pas démontré que la pénalité litigieuse excède manifestement le préjudice subi; étant observé que loin de lui procurer un avantage, le remboursement anticipé des sommes prêtées a privé la société GAIC d'une partie de la rémunération financière prévue (seul le capital restant dû au 25 mai 2003 a été remboursé).
Par voie de réformation du jugement sur ce point il sera par conséquent intégralement fait droit à la demande en paiement de la somme de 14 011,98 euro, le principe de l'obligation solidaire entre Monsieur Chaix et la société BBC, à laquelle il a été fait apport du fonds de commerce, n'étant pas contesté.
Enfin ne justifiant pas d'une situation financière précaire les intimés seront déboutés de leur demande de délai de grâce.
Par ces motifs, Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement en ce qu'il a décidé que la rupture anticipée du contrat d'approvisionnement exclusif ouvrait droit à dommages-intérêts au profit de la SA GAIC, Réformant sur le quantum de la condamnation et statuant à nouveau : - condamne solidairement Monsieur Benjamin Chaix et la SARL BBC à payer à la SA GAIC la somme de 14 011,98 euro au titre de la clause pénale contractuelle, - dit n'y avoir lieu à nouvelle indemnité de procédure au profit de l'appelante, la condamnation prononcée de ce chef en première instance étant confirmée, - déboute les intimés de leur demande de délai de grâce, Condamne solidairement Monsieur Benjamin Chaix et la SARL BBC aux entiers dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SELARL d'avoués Dauphin-Mihajlovic.