CA Caen, 1re ch. sect. civ. et com., 15 mars 2007, n° 05-02183
CAEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Héricher
Défendeur :
Colin (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Fevre
Conseillers :
Mmes Holman, Boissel Dombreval
Avoués :
SCP Terrade Dartois, SCP Parrot Lechevallier Rousseau
Avocats :
Me Bourdon, SCP Ladeveze-Prado
Madame Annick Héricher a interjeté appel du jugement rendu le 15 juin 2005 par le Tribunal de commerce de Caen dans un litige l'opposant à Monsieur Jean-Pierre Colin et à Madame Marie-Claude Garault épouse Colin.
Aux termes d'un contrat oral d'avril 2001, Madame Héricher, qui exploite un fonds de commerce de pressing-blanchisserie à Cabourg, s'est vu confier par les époux Colin, qui exploitent le même type de commerce à Pont l'Evêque, des travaux de blanchisserie, et ce à raison de deux livraisons par semaine, effectuées par les époux Colin avec un véhicule acheté à cet effet.
Les époux Colin ont rompu toute relation commerciale en janvier 2004.
Par acte du 2 juin 2004, Madame Héricher a fait citer les époux Colin devant le tribunal afin de voir juger le caractère brutal de la rupture des relations en application de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce et d'obtenir paiement des sommes de 4 941,54 euro au titre des gains manqués, 2 730 euro au titre du préjudice financier personnel, 6 000 euro au titre du préjudice d'exploitation.
Par le jugement déféré, le tribunal a débouté Madame Héricher de ses demandes et l'a condamnée à payer aux époux Colin la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu les écritures signifiées;
* le 31 octobre 2005 par Madame Héricher qui conclut à l'infirmation du jugement et au bénéfice de son assignation devant le tribunal, outre paiement d'une somme de 1 500 euro en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,
* le 16 janvier 2007 par les époux Colin qui concluent à la confirmation du jugement et demandent paiement des sommes de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Aux termes de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce, engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout commerçant, de rompre brutalement une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis, déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Cependant ces dispositions ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations.
En l'espèce, l'existence d'un contrat de fourniture d'une prestation de service et de relation commerciales établies n'est pas contestée.
Les époux Colin justifient la rupture des relations par l'inexécution, par Madame Héricher, de ses propres obligations, à savoir la mauvaise qualité du travail, des difficultés d'organisation, et surtout une hausse tarifaire excessive eu égard aux accords contractuels qui la limitaient à 5 % par an.
Ils précisent qu'en tout état de cause Madame Héricher a bénéficié d'un préavis raisonnable puisque dès l'annonce des nouveaux tarifs, les époux Colin lui ont indiqué que si elle les maintenait, ils cesseraient toute relation.
Madame Héricher conteste l'existence d'un accord relatif au tarif et soutient que l'augmentation n'est pas exorbitante et correspond à un ajustement aux prix du marché.
Aucun écrit n'a été régularisé entre les parties.
Cependant, la communication des factures établit qu'en septembre 2002, Madame Héricher a augmenté les tarifs de 5 % puis en septembre 2003 de 11 %.
Il n'est pas contesté qu'en décembre 2003, Madame Héricher a communiqué aux époux Colin ses nouveaux tarifs applicables au 1er janvier 2004 comportant une augmentation de 25 % sur les draps blancs, qu'une négociation s'est engagée entre les parties, les époux Colin ayant différé leur réponse à cette proposition, que le 20 janvier 2004, Madame Colin a informé Madame Héricher qu'elle ne lui confierait plus de travaux, et que les époux Colin ont réglé la facture établie au nouveau tarif du 28 janvier 2004, afférente aux prestations exécutées entre le 1er et le 20 janvier, avant de rompre toute relation.
S'il n'est pas démontré que l'augmentation annuelle était limitée à 5 % puisque les époux Colin en ont accepté une de 11 % en septembre 2003, la hausse de 25 %, s'ajoutant à celle de 11 % quatre mois seulement auparavant, unilatéralement décidée par Madame Héricher et ce alors qu'elle n'était justifiée par aucune contrepartie et que les époux Colin n'avaient pas la possibilité de la répercuter sur leurs propres clients puisqu'elle ne s'accompagnait d'aucune amélioration de prestation (par exemple des finitions à la main), et qu'elle devenait prohibitive eu égard aux conditions économiques locales, ce que Madame Héricher, professionnelle de la même branche, ne pouvait ignorer, doit être considérée comme contraire, par son caractère exorbitant, à la commune intention des parties lors de la conclusion du contrat, et incompatible avec la poursuite de relations contractuelles.
Elle n'a jamais été acceptée des époux Colin puisque les derniers travaux ont été par eux confiés alors que les parties se trouvaient en période de négociation et les liens rompus à réception de la première facture appliquant le tarif contesté, qu'il ne saurait leur être reproché d'avoir réglée à titre commercial.
Ainsi, le comportement de Madame Héricher constitue un manquement à la loyauté du contrat et donc une inexécution fautive laquelle est suffisamment grave pour justifier la résiliation sans préavis.
Le jugement sera donc confirmé, sans qu'il soit besoin d'examiner l'argumentation complémentaire respectivement développée par les parties, relative aux autres manquements allégués et à l'existence d'un préavis.
L'exercice d'une action et/ou d'un recours ne dégénère en faute susceptible d'entraîner une condamnation à des dommages et intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou tout au moins une erreur équivalente au dol.
En l'espèce, les époux Colin ne démontrent pas en quoi l'action et le recours exercés par Madame Héricher présenteraient de telles caractéristiques.
En conséquence leur demande en dommages et intérêts infondée, sera rejetée.
Succombant en son appel, Madame Héricher a contraint les intimés à exposer des frais irrépétibles qui seront fixés en équité à 1 500 euro.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement, Y additant, Déboute Monsieur Jean-Pierre Colin et Madame Marie-Claude Garault épouse Colin de leur demande en dommages et intérêts, Condamne Madame Annick Héricher à payer aux époux Colin, unis d'intérêt, la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.