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Décisions

CA Metz, 1re ch., 16 janvier 2008, n° 04-04358

METZ

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Noël (ès qual.), Philippe Automobiles (SA), Philippe

Défendeur :

Groupe Volkswagen France (SA), Volkswagen AG (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Staechele

Conseillers :

Mmes Duroche, Cunin-Weber

Avocats :

Mes Rozenek & Monchamps, Bettelfeld-Fontana-Rigo

CA Metz n° 04-04358

16 janvier 2008

Saisi par Me Jean-Marc Noël, en sa qualité de liquidateur de la SA Philippe Automobiles, et par M. Daniel Philippe de demandes dirigées contre la SA Groupe Volkswagen France et la société de droit allemand Volkswagen AG tendant à la condamnation de ces deux sociétés à les indemniser des conséquences dommageables des fautes commises par ces dernières et ayant abouti selon eux à la liquidation judiciaire de la société Philippe Automobiles, le Tribunal de grande instance de Metz, chambre commerciale, par jugement du 26 octobre 2004, faisant droit partiellement aux prétentions des demandeurs, a condamné la société Volkswagen AG à payer à Me Noël, ès qualités, une indemnité de 150 000 euro, a condamné la société Groupe Volkswagen France à payer à Me Noël, ès qualités, une indemnité du même montant, a débouté les parties de leurs autres demandes, spécialement s'agissant des demandes présentées par M. Philippe à titre personnel, a ordonné l'exécution provisoire, et a condamné in solidum la société Volkswagen AG, la société Groupe Volkswagen France et M. Daniel Philippe aux dépens dans la proportion de 1/3 chacun.

Pour statuer ainsi, le tribunal a en premier lieu considéré que la dualité des concessions, consenties par la société Volkswagen à la société Philippe SA d'une part et à la société Philippe Automobiles entre le 1er janvier 1984 (date à laquelle la société Philippe Automobiles a résilié le contrat de location-gérance la liant à la société Philippe SA et a conclu un contrat de concession de 4 ans) et le 31 décembre 1989, date à laquelle la société Philippe Automobiles est devenue le seul concessionnaire Volkswagen sur la place de Metz, ne présentait aucun caractère fautif, alors que la période des années 1980 semble avoir été marquée par une forte augmentation des ventes pouvant justifier le maintien des deux concessions.

Le tribunal a écarté comme non constitué le grief relatif à la construction d'un bâtiment à Augny pour un montant de 5 272 000 F, en retenant que la société Philippe Automobiles a développé une stratégie pour emporter une situation qui paraissait plus intéressante et que le lien de causalité entre la liquidation finale et une situation antérieure de plus de 10 ans restait à démontrer, et alors que la société Philippe Automobiles, qui soutient que la situation n'était pas viable durant la période considérée, a néanmoins continué son exploitation.

Le tribunal n'a pas jugé fautif le refus d'autorisation de la part de la société Volkswagen France en vue de permettre à la société Philippe Automobiles de diversifier son activité par l'ouverture d'un commerce de pièces de rechange toutes marques en estimant non établies les conséquences d'un tel refus sur des événements survenus 10 ans plus tard.

Le tribunal a jugé que l'implication de la société Volkswagen France dans la construction par la société Philippe Automobiles, courant 1989 et 1990, d'un autre établissement à Woippy ne pouvait avoir engagé sa responsabilité, quand bien même le concédant a établi des normes à respecter de la part du concessionnaire et a donné son approbation au profit de la société Philippe Automobiles, accord concrétisé par l'octroi de prêts et de subventions; le tribunal a précisé qu'il était normal de la part du titulaire de la marque d'imposer au concessionnaire des marques distinctives et une capacité de vente correspondant à ses besoins, qu'il n'était pas démontré que le concessionnaire avait eu l'obligation de se limiter aux normes du concédant, et qu'il existe un doute sur le point de savoir si le concédant a réellement imposé une construction d'un tel coût, ou si, dans le but de plaire pour obtenir la concession, la société Philippe Automobiles a élaboré un projet plus onéreux, un tel doute ne permettant pas de retenir la responsabilité du concédant.

Le tribunal a de même énoncé qu'il ne pouvait être reproché aux défenderesses d'avoir fourni des prévisionnels qui se sont avérés faux, alors que par nature un prévisionnel peut être aléatoire, ce qui exclut une obligation de résultat en l'absence d'une clause particulière du contrat de concession, que les demandeurs restent taisants quant à la critique du mode de calcul mis en œuvre, et alors que l'écart allégué entre les prévisions et la réalité peut s'expliquer par des phénomènes politiques, en particulier la réunification de l'Allemagne, et par des phénomènes économiques, ainsi la crise économique du début des années 1990, qui, selon les pièces mêmes des demandeurs, a affecté le marché national et a occasionné une chute des ventes des véhicules Volkswagen plus importante que celle des autres constructeurs.

Le tribunal a jugé que aucune faute ne pouvait être mise à la charge du constructeur et de l'importateur dans leur manière d'affronter le développement des commerces d'importation des véhicules venant d'autres pays de la communauté européenne (activité des mandataires) et l'habitude prise par certains acheteurs d'acheter des véhicules à l'étranger, et notamment pour la Lorraine au Luxembourg et en Belgique.

Le tribunal n'a pas retenu de faute relativement à la politique tarifaire du constructeur sur la base de documents fournis par les demandeurs eux-mêmes, et a fait référence à la jurisprudence européenne qui montre qu'il était délicat pour les constructeurs de restreindre le droit d'exporter de la concessionnaire.

De même le tribunal n'a pas imputé à faute aux défenderesses le refus des concessionnaires italiens en octobre 1993, concernant des véhicules Audi.

Le tribunal a tiré des documents versés aux débats la preuve de ce que le constructeur allemand avait bien favorisé son marché interne, à l'intérieur duquel la demande était fortement augmentée à la suite de la réunification de l'Allemagne et de ce que cette préférence pour le marché allemand a entraîné corrélativement une insuffisance d'approvisionnement sur le marché français, insuffisance qui a perduré jusqu'en 1994/1995;

Le tribunal en conséquence caractérisé une faute de nature délictuelle à la charge du constructeur au préjudice des victimes de la discrimination, et en l'espèce de la société Philippe Automobiles.

L'orientation de la société Volkswagen, titulaire de plusieurs marques, principalement Volkswagen et Audi, d'abord d'une commercialisation par un réseau de concessionnaires représentant les deux marques, puis à partir de la première moitié des années 1990 d'une différenciation de marque et des concessionnaires, a été analysée comme constitutive d'un manquement de loyauté dans l'exécution du contrat de la part de la société Volkswagen France et donc comme fautive et génératrice de dommages-intérêts, spécialement pour n'avoir pas tenu compte des investissements réalisés par le concessionnaire pour mettre en œuvre des structures importantes susceptibles d'accueillir les deux marques après des années difficiles, alors que la société Philippe Automobiles connaissait de graves difficultés et qu'il n'a été donné au concessionnaire aucun signe permettant un espoir à cet égard, ni même de délais.

Par contre le tribunal a écarté le grief relatif aux exigences de la société Volkswagen France en vue de conférer la qualité de concessionnaire au candidat repreneur de la société Philippe Automobiles, en rappelant que la société Volkswagen avait consenti d'importants abandons de créances, tout en imposant des normes strictes au repreneur proposé dans le cadre de la procédure collective, et en mentionnant que, dans le cadre de la délicate analyse du devoir de loyauté, il était difficile de savoir si l'importateur devait favoriser la reprise de la société Philippe Automobiles ou s'il était bien fondé à estimer que cette entreprise n'avait plus d'avenir et que lui-même pouvait alors développer plus librement sa nouvelle stratégie commerciale.

Le tribunal a remarqué que 2 reproches formulés par les demandeurs étaient inconciliables, savoir d'une part le reproche fait par la société Philippe Automobiles à la société Volkswagen France de ne l'avoir pas soutenue suffisamment face aux difficultés engendrées par les ventes par importation ou par mandataires, et d'autre part le reproche avancé par le mandataire liquidateur d'un soutien abusif;

Le tribunal a rappelé que la société Volkswagen a aidé la société Philippe Automobiles en abaissant les quotas de vente exigés, ce qui a permis au concessionnaire de toucher les primes promises en cas de satisfaction à ces quotas, et lui a versé une prime de 750 000 F, outre l'aide apportée par le biais du crédit-fournisseur qui s'est élevé de façon importante entre 1993 et 1994, un tel soutien ne pouvant être jugé fautif dans une période de crise, et relevant de choix économiques très délicats à apprécier.

Le tribunal a observé que la décision de fermer le site d'Augny, qui générait des frais trop importants, relevait de la seule autorité de la société Philippe Automobiles qui a finalement fermé ce site, mais en dernière limite et trop tard, alors qu'il n'avait pas été soutenu par la société Philippe Automobiles qu'elle n'avait plus d'autonomie par rapport à la société Volkswagen France.

Reprenant l'analyse des causes de la déconfiture de la société Philippe Automobiles et des responsabilités encourues, le tribunal a estimé que, s'agissant de l'investissement de Woippy, que l'entreprise liquidée avait mis en œuvre des investissements trop lourds, notamment en adoptant la forme d'un crédit-bail représentant un loyer important, et que la déconfiture de la société Philippe Automobiles résultait de la rencontre entre cette charge excessive et les problèmes aigus du marché de l'automobile en 1993, problèmes graves et durables pour la marque représentée;

Il a donc été jugé qu'il n'était pas prouvé par les demandeurs que les fautes retenues à l'encontre des défenderesses (distribution préférentielle en période de pénurie et dissociation des concessions Volkswagen et Audi) ont mené la société Philippe Automobiles à la déconfiture, expliquée suffisamment par d'autres causes, mais en même temps et de façon quelque peu contradictoire, [sic] a considéré que ces fautes ont finalement aggravé le passif, ce qui justifiait l'allocation, au titre chacune de ces fautes, d'une indemnité de 150 000 euro à verser au mandataire liquidateur.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 17 décembre 2004,

Me Jean-Marc Noël, en sa qualité de liquidateur de la société anonyme Philippe Automobiles, et M. Daniel Philippe ont relevé appel de cette décision.

Par conclusions récapitulatives du 11 décembre 2006, les appelants ont demandé à la cour de:

- confirmer le jugement dont appel en ce que le tribunal a retenu la responsabilité de la société Volkswagen AG en raison de sa décision de privilégier le marché allemand à partir de 1990, et en raison de ses conséquences dans l'approvisionnement de la société Philippe Automobiles par la société Groupe Volkswagen France, ainsi que la responsabilité de la société Groupe Volkswagen France en raison de sa décision de séparer la distribution des marques Volkswagen et Audi;

- réformer la décision entreprise pour le surplus;

- juger que la responsabilité des deux sociétés est également engagée en raison de la politique tarifaire appliquée pour les véhicules neufs de marque Volkswagen et Audi sur le marché français sur la période 1991/1995, politique incompatible avec les volumes de vente en fonction desquels la société Philippe Automobiles avait investi avec leur accord, ainsi que par l'obstruction faite à la possibilité pour la société Philippe Automobiles de s'approvisionner sur le marché italien;

- dire que l'ensemble des fautes commises engage la responsabilité de la société Volkswagen AG et de la société Groupe Volkswagen France;

- juger que ces fautes présentent un caractère délictuel vis-à-vis des créanciers de la société Philippe Automobiles et vis-à-vis de M. Philippe, tiers au contrat de concession

- juger que ces fautes ont provoqué la liquidation judiciaire de la société Philippe Automobiles,

- condamner solidairement les défenderesses à payer à Me Noël, ès qualités, la somme de 1 542 593 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par les créanciers de la société Philippe Automobiles;

- condamner solidairement les mêmes à payer à M. Daniel Philippe, à titre de dommages-intérêts, les sommes de:

* au titre de la perte de ses participations dans la société anonyme Philippe: 1 312 480 euro,

* au titre de la perte de ses droits dans la SCI Philippe : 624 902 euro,

* au titre de la garantie de ses engagements de caution, en premier lieu la somme de 113 763,64 euro réclamée par la Société Générale Alsacienne de Banque, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 1996, ainsi que la somme de 346 055 euro mise en compte par la société Volkswagen Finance, somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 1999 et des intérêts capitalisés par année entière;

- condamner les intimées aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une indemnité de 15 000 euro pour frais irrépétibles.

Par conclusions récapitulatives du 8 janvier 2007, la société anonyme Groupe Volkswagen France et la société de droit allemand Volkswagen AG ont demandé à la cour de:

- infirmer le jugement déféré en ce que le tribunal les a condamnées chacune à payer à Me Noël, ès qualités, une indemnité de 150 000 euro et les a condamnées in solidum à supporter un tiers chacune des dépens;

- confirmer ce jugement en ce que Me Noël, ès qualités, a été débouté de ses autres demandes et en ce que M. Daniel Philippe a été également débouté de ses demandes et prétentions;

- juger qu'elles n'ont commis aucune faute à l'encontre de la société Philippe Automobiles et de M. Daniel Philippe, et en conséquence, les débouter de l'ensemble de leurs demandes ;

- subsidiairement, juger que les appelants ne démontrent pas la réalité du préjudice allégué, ni le lien de causalité entre ce prétendu préjudice et les fautes reprochées aux sociétés Volkswagen;

- à titre infiniment subsidiaire, prendre acte de ce que la créance de la société Groupe Volkswagen France à l'encontre de la société Philippe Automobiles a été définitivement admise au passif de cette dernière à hauteur de la somme de 529 180 euro, et par suite ordonner la compensation de cette créance avec toutes condamnations pouvant être mises à la charge de la société Groupe Volkswagen France;

- en tout état de cause, condamner solidairement Me Noël, ès qualités, et M. Daniel Philippe aux dépens de première instance et d'appel et à payer à chacune des sociétés en cause la somme de 15 000 euro en application de l'article 700 du NCPC.

Motifs de la décision:

Attendu que, s'agissant de l'exposé des faits de la cause, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs écritures respectives des 11 décembre 2006 et 8 janvier 2007, ainsi qu'aux énonciations du jugement attaqué;

Attendu qu'il se déduit des écritures des appelants qu'ils attribuent la ruine de la société Philippe Automobiles à l'incompatibilité existant entre l'investissement fait par cette société à Woippy, convenu avec la société Groupe Volkswagen France d'une part, et d'autre part:

- les difficultés enregistrées par Volkswagen France de 1990/1994 dans l'approvisionnement du réseau français compte tenu de la décision de la société Volkswagen AG de privilégier le marché allemand;

- les écarts tarifaires pratiqués par la société allemande entre les différents marchés, qui ont gravement nui à la compétitivité de la société Philippe Automobiles;

- le refus de la société Groupe Volkswagen France de permettre à la société Philippe Automobiles d'adapter son activité ou de réduire en temps utile ses structures;

- la modification brutale par la société Groupe Volkswagen France des conditions d'exécution du contrat de concession qui la liait à la société Philippe Automobiles à la suite de la décision de la société Volkswagen AG de séparer la distribution des deux marques sur le marché européen, ce à quoi les défenderesses, intimées et appelantes à titre incident, ont résisté en soutenant n'avoir à se reprocher aucune faute de nature à engager leur responsabilité délictuelle (pour le constructeur) ou contractuelle (pour le concédant);

Qu'il y a lieu de remarquer que ne sont pas repris en cause d'appel 3 griefs, plus mineurs, déjà écartés par le Tribunal de grande instance de Metz, savoir la dualité des concessions de 1984 à 1989, l'investissement réalisé à Augny en 1981-1982 et le refus de la part de la société Volkswagen France de permettre au concessionnaire de diversifier son activité au moyen de l'ouverture de commerce de pièces de rechange toutes marques;

Sur l'implication de la société Volkswagen France dans l'investissement de Woippy:

Attendu qu'il ressort des pièces produites par les parties que, si effectivement la société importatrice et concédante s'est impliquée dans la réalisation de cette nouvelle implantation de la société Philippe Automobiles et a veillé au respect des normes posées par la société Volkswagen AG dans le but que sa marque soit présentée dans des locaux et selon des conditions propres à la mettre en valeur à l'égard de la clientèle, il n'en demeure pas moins que ce même document démontre que c'est la société Philippe Automobiles qui a sollicité l'importateur en vue d'obtenir l'exclusivité de la représentation de la marque Volkswagen sur la place de Metz et qui, dans ce but, a mis en œuvre le projet d'une deuxième installation à Woippy;

Que spécialement la lettre de son gérant du 17 mars 1987, et surtout celle en date du 13 février 1988, adressées à la société Groupe Volkswagen France, montrent l'importance de ce projet pour la société Philippe Automobiles malgré une situation difficile, le concessionnaire exprimant par le biais de son représentant légal sa préférence quant à la réalisation d'un projet plus important (plus important qu'une première phase d'une surface minimum de 2200 m² avec possibilité d'une extension) " à la condition d'être le seul partenaire dès que la construction serait terminée ", l'entreprise faisant état en outre de " ses comptes d'exploitation prévisionnels et annuels devant apparaître avec des ratios plus conformes à ceux de ses collègues du réseau VAG ";

Qu'il apparaît en conséquence que les investissements très onéreux de Woippy représentent la contrepartie de l'exclusivité Volkswagen consentie par l'importateur et alors qu'il n'a jamais été allégué que les conditions imposées dans le cadre de cette opération n'ont pas été les mêmes que celles requises de tout concessionnaire exclusif;

Attendu que la société Philippe Automobiles, son gérant et son liquidateur judiciaire, ne peuvent se fonder sur les études prévisionnelles réalisées dans le cadre de cet investissement de Woippy, ni sur le caractère erroné des prévisions énoncées par ses études pour se prévaloir de ce que le constructeur et l'importateur étaient tenu[s à l'égard] du concessionnaire quasiment d'une obligation de résultat, afin de lui permettre d'atteindre les chiffres mentionnés dans lesdites études, et qu'ils auraient commis une faute grave en ne mettant pas tout en œuvre pour qu'il parvienne effectivement aux chiffres annoncés;

Qu'en effet ces études ont concerné les années 1988 à 1991 pour des travaux dont il était prévu qu'ils soient terminés au premier semestre 1990, alors qu'ils ne l'ont été que dans le courant de l'année 1990, et alors qu'il ne peut être fait grief aux sociétés Volkswagen de n'avoir pas prévu la chute du mur de Berlin, avec ses conséquences sur le marché de l'automobile, surtout concernant une marque allemande, ni la crise économique ayant affecté le marché de l'automobile à compter des années 1990, étant relevé que les appelants dans leurs écritures font état des difficultés apparues principalement à partir de 1993, soit bien au-delà de la période envisagée par les prévisions incriminées;

Attendu de surcroît que la société Volkswagen France ne peut être obligée à l'égard de la société Philippe Automobiles que dans les termes des contrats qui les ont successivement liées, savoir un premier contrat de concession souscrit en 1980 alors que la société Philippe Automobiles était locataire-gérant de la société Philippe SA, un contrat de concession conclu le 31 janvier 1990 pour une durée de 4 ans devant prendre fin le 31 décembre 1993 et un contrat à durée indéterminée en date du 1er janvier 1994, contrat auquel la société Groupe Volkswagen France a mis fin, selon les prévisions contractuelles, par lettre de résiliation du 27 septembre 1995 à effet au 30 septembre 1996;

Qu'il convient de rappeler dès à présent que le présent litige ne porte pas sur le mérite de cette résiliation ou sur ses conditions, le concédant ayant mis en application la faculté de résiliation ouverte à chaque partie dans le cas d'un contrat de concession à durée indéterminée, sans devoir fournir aucun motif à l'autre partie, selon préavis d'un an commençant à courir dès réception de la notification de la résiliation, en sorte que n'est pas applicable à la cause la jurisprudence afférente aux investissements imposés ou accordés par le concédant au concessionnaire et au caractère abusif de la résiliation;

Que ces deux dernières conventions, hormis leur durée et ses conséquences sur les modalités de la résiliation, comportent des dispositions similaires:

- quand aux rapports commerciaux et obligations respectifs des parties,

- quant à la possibilité, qui sera évoquée ci-après, pour le concessionnaire de provoquer une procédure tendant à la contestation des objectifs quantitatifs de vente arrêtés pour chaque année par le concédant,

- quant à la mention selon laquelle le concessionnaire atteste avoir vérifié la faisabilité des objectifs ainsi soumis à sa signature;

- quant à la situation juridique du concessionnaire (qui n'est pas le mandataire du concédant, qui agit en son nom et pour son propre compte en tant que commerçant indépendant, lequel, quelles ques soient les recommandations prodiguées ou les exigences formulées, reste seul responsable de ses décisions de gestion et de leur opportunité),

- quant à la nature des budgets ou études prévisionnelles établis avant signature ou en cours de contrat et qui ne constituent que de simples simulations, le concessionnaire devant sous sa seule responsabilité fournir les éléments précis nécessaires à leur établissement et les vérifier ou faire vérifier par des professionnels compétents,

- quand aux normes posées par le concédant, en particulier en matière de distribution des marques et d'organisation interne;

Attendu enfin qu'il échet encore de relever la solution particulièrement onéreuse adoptée par la société Philippe Automobiles pour disposer du terrain de Woippy et y faire édifier les bâtiments nécessaires à son exploitation;

Que le montage financier adopté n'est en effet pas conforme à celui conseillé par le concédant à ses concessionnaires, savoir la conclusion d'un contrat de crédit-bail par la SCI propriétaire du terrain et la conclusion d'un contrat de location avec la société d'exploitation, alors qu'en l'espèce c'est la société Philippe automobile qui a contracté un contrat de crédit-bail et un bail à construction, supportant ainsi l'essentiel des charges de l'opération;

Que le caractère onéreux et complexe de cette solution et son incidence sur la déconfiture de la société Philippe Automobiles ou tout au moins sur l'absence de reprise de la société Philippe Automobiles en redressement judiciaire par une autre entreprise a été mise en évidence par le Tribunal de grande instance de Metz dans son jugement du 28 février 1996 (invoqué par ailleurs par les appelants pour mettre en cause l'attitude de VAG quant à l'absence de reprise ou de repreneur), jugement convertissant le redressement judiciaire de la société Philippe Automobiles en liquidation judiciaire en l'absence de toute possibilité de redressement;

Attendu que pour ces motifs la cour juge qu'il y a lieu de confirmer le jugement querellé en ce que les premiers juges n'ont pas retenu les griefs relatifs à l'investissement de Woippy et l'inexactitude des études prévisionnelles ayant précédé cet investissement;

Sur la préférence donnée au marché allemand par le fabricant et les problèmes d'approvisionnement du réseau français:

Attendu que les pièces produites par les appelants concernant la modification par la société Volkswagen AG de sa politique de distribution en Europe à la suite de la chute du mur de Berlin et de la réunification allemande (déclarations de ses organismes dirigeants dans la presse, rapports annuels d'activité de 1990 à 1995, courriers de l'Amicale des concessionnaires Volkswagen) montrent que le constructeur allemand a bien privilégié, et a reconnu l'avoir fait, le marché allemand au détriment des autres marchés européens, entraînant une insuffisance d'approvisionnement du marché français qui a perduré jusqu'en 1995;

Qu'à partir de cette position de principe les responsabilités, délictuelle du constructeur, et contractuelle du concédant, à l'égard du concessionnaire, pourraient être recherchées, mais ce pour autant que la société Philippe Automobiles justifie qu'elle en a personnellement pâti, qu'elle n'a pu honorer les commandes effectivement passées par ses clients, ou qu'elle n'a été en mesure de livrer les véhicules réellement commandés que à l'issue de délais de livraison anormalement longs et qu'elle a ainsi perdu des commandes et des clients;

Que force est de constater que les documents susvisés restent d'ordre général et ne visent pas précisément la société Philippe Automobiles;

Que en outre la société Philippe automobile n'a que très peu fait état de ce type de difficultés à l'intention du concédant dans ses nombreux courriers exprimant ses doléances de tous ordres;

Que les chiffres produits quant aux ventes sur le marché français des marques Volkswagen et Audi et des autres marques durant la période 1990/1995 n'autorisent pas à tenir pour bonne l'allégation selon laquelle les ventes des marques Volkswagen et Audi auraient baissé sur le territoire français dans des proportions plus considérables que les cessions de véhicules intéressant les autres marques;

Attendu que ces griefs doivent en conséquence être écartés, le jugement déféré devant être infirmé en ce que le tribunal a consacré la responsabilité des défenderesses et en ce qu'il a alloué de ce chef à Me Noël, ès qualités, une indemnité de 150 000 euro, dont il y a lieu d'observer qu'elle a été fixée forfaitairement, faute de pouvoir évaluer précisément un préjudice dont l'effectivité n'est pas établie;

Attendu que les appelants, faisant état de la particularité du marché de Metz, qui se trouve à proximité de diverses frontières dont la frontières luxembourgeoise et de la double conséquence en résultant de meilleurs prix offerts par les concessionnaires luxembourgeois de la marque, ceux-ci attirant ainsi la clientèle locale, et de l'activité des mandataires locaux profitant des écarts de prix appliqués par la société Volkswagen sur les différents marchés, reprochent au constructeur et au concédant de n'avoir pas pris les mesures propres à pallier ces difficultés et de n'avoir pas pris à son égard des mesures de soutien suffisant;

Mais attendu que la société Volkswagen AG ne peut être jugée responsable des différentiels de prix relevés en Europe, les écarts tarifaires provenant, ainsi que l'a déjà relevé le Tribunal de grande instance de Metz, d'éléments indépendants de la volonté du constructeur, savoir notamment les fiscalités différentes selon les États membres, l'influence des taux de change entre les différentes monnaies, les équipements différents dont sont dotés les véhicules neufs en fonction des demandes spécifiques de chaque marché, la législation de chaque État membre relativement aux équipements de véhicules circulant sur son territoire, les charges sociales, les services spécifiques accordés par l'importateur à ses concessionnaires, les frais de transport et de publicité propres à chaque marché;

Attendu qu'il n'est pas démontré non plus par les appelants que les concessionnaires Volkswagen en France, et en particulier la société Philippe Automobiles, ont souffert des écarts tarifaires, alors que en premier lieu cette société peut avoir bénéficié concomitamment du fait que les véhicules Volkswagen étaient vendus plus chers en Allemagne qu'en France, et alors qu'il n'existe pas de données publiques exhaustives afférentes aux écarts de prix à l'intérieur de l'Union européenne, que les plaintes émises à cet égard par la société Philippe Automobiles elle-même n'ont pas en soi de caractère probant et que les méventes dont elle se prévaut peuvent aussi pour avoir leur cause dans la crise du marché de l'automobile au cours des années 1990, crise reconnue par le Gouvernement français par la mise en œuvre de primes à partir de l'année 1994, et en outre que les données plus concrètes produites ne tiennent pas compte des équipements différents selon les marchés et des différentiels de taxes selon les pays;

Attendu d'autre part qu'il n'est pas exact de la part du liquidateur de la société Philippe Automobiles et de la part de M. Philippe d'exposer que le cocontractant de la société Philippe Automobiles n'aurait pas adopté les mesures destinées spécialement à mettre fin aux conséquences dommageables de l'activité des mandataires, ainsi que les mesures visant à l'aider à surmonter ce type de difficultés;

Qu'en effet la société Volkswagen France a adressé à ses concessionnaires diverses circulaires dans le but de les dissuader de céder à l'étranger des véhicules neufs en contravention des dispositions de la Commission européenne ;

Qu'elle a eu recours à des huissiers à l'effet de constater les manquements de certains mandataires et a entrepris à l'encontre de certains d'entre eux des actions en publicité mensongère et concurrence déloyale;

Que surtout il ne peut être méconnu que en 1993 la société Groupe Volkswagen France a réduit les objectifs de ses concessionnaires, y compris ceux de la société Philippe Automobiles, afin de les mettre en mesure de réaliser le pourcentage de l'objectif fixé autorisant la perception des primes d'objectifs, la société Philippe Automobiles n'ayant pas démenti avoir de cette manière perçu une prime d'objectifs de 400 KF en 1993;

Que en sus de cette baisse générale des objectifs des concessionnaires français, la société Philippe Automobiles, selon courrier de la société Groupe Volkswagen France du 24 décembre 1993, a bénéficié d'une réduction supplémentaire en ce que 250 véhicules non vendus selon le concessionnaire en raison des agissements des mandataires ont été déduits de l'objectif 1993;

Que par ailleurs la société Groupe Volkswagen France a alloué à la société Philippe Automobiles, toujours au titre de ce même exercice, une prime de 750 000 F, en annonçant toutefois que cette mesure était exceptionnelle et ne l'engageait pas pour les exercices postérieurs, aide que la société Philippe Automobiles ne conteste pas avoir également reçue, devant être souligné que les appelants, qui invoquent à présent le seul caractère insuffisant de ce soutien, ont renoncé à l'allégation contradictoire, contradiction déjà signalée par le Tribunal de grande instance de Metz, selon laquelle l'importateur aurait accordé un soutien abusif à une société en difficulté et aurait ce faisant provoqué sa perte et majoré son passif;

Attendu que la plainte de la société Philippe Automobile ou de son liquidateur judiciaire concernant l'insuffisance de l'aide apportée n'est pas davantage fondée en ce qu'il ne découle pas des contrats passés entre les parties l'obligation pour le concédant d'octroyer à ses concessionnaires des aides pour résister à la concurrence des mandataires;

Qu'il a déjà été dit précédemment que la société Philippe Automobiles ne pouvait tirer, à la charge du concédant, de la mise en place de l'investissement lourd entrepris par elle pour obtenir l'exclusivité de la représentation de la marque Volkswagen à Metz, une obligation particulière qui dépasserait l'obligation générale de loyauté s'attachant à l'exécution des contrats de distribution exclusive, et en particulier l'obligation de donner à l'exploitant des moyens de rester compétitif, et ce en fonction de la vente d'un nombre de véhicules neufs correspondant au potentiel de vente convenue lors de cet investissement;

Attendu que les appelants ont aussi invoqué un mauvais positionnement tarifaire ayant réduit la compétitivité des marques Volkswagen et Audi sur le marché français expliquant les méventes relevées par eux;

Que les intimés ont répliqué à cet égard, de façon pertinente, que le prix de vente final au client ne dépend pas du constructeur, ni de l'importateur, mais bien des concessionnaires qui définissent les prix de vente auprès de leurs clients, et alors que les documents produits font apparaître que la société Philippe Automobiles vendait ses véhicules neufs plus chers que les concessionnaires Volkswagen en dehors de Metz, les chiffres donnés tenant compte des remises consenties aux clients, une telle politique de prix pouvant apparaître inadéquate à une époque délicate au plan de la vente en France des véhicules automobiles et de l'intervention malheureuse au point de vue concurrentiel des mandataires;

Attendu que les appelants émettent également le reproche supplémentaire, à l'encontre de la société Volkswagen AG, d'avoir fait obstacle à deux reprises à la liberté d'approvisionnement de la société Philippe Automobiles sur d'autres marchés, savoir la tentative en septembre 1993 de se procurer des véhicules Audi auprès de la société Soverini, concessionnaire Volkswagen/Audi implanté à Bologne, et en mai 1994 de s'approvisionner en véhicules pour profiter des prix pratiqués sur le marché italien, en s'adressant cette fois directement à l'importateur Volkswagen/Audi en Italie, la société Autogerma;

Que toutefois à l'appui de cette doléance les appelants ne sont pas en mesure de rapporter la preuve d'une intervention directe de la société allemande ou de l'importateur français pour s'opposer aux demandes du concessionnaire, alors que dans le premier cas le concessionnaire italien a fait part à la société Philippe Automobiles de l'interdiction qui lui aurait été faite par son propre concédant, la société Autogerma;

Que certes le Tribunal de première instance des Communautés européennes a condamné la société Volkswagen AG pour sanctionner les pratiques de la société Autogerma sur les marchés allemand et autrichien, en retenant que la société Autogerma était sa filiale à 100 %;

Que néanmoins cette décision ne concerne pas le marché français, ni la société Philippe Automobiles, et pas non plus la date considérée, la juridiction européenne ayant sanctionné de surcroît la mise en œuvre de procédés non visés dans ce litige;

Que par ailleurs la quantité de véhicules commandés en Italie par la société Philippe Automobiles a été extrêmement faible et ne pouvait dès lors avoir une incidence particulière sur le montant des ventes de cette entreprise et être analysée comme constituant un remède durable aux problèmes rencontrés par le concessionnaire français;

Que pour ce qui concerne la tentative réalisée en mai 1994 auprès de la société Autogerma il faut remarquer que le refus opposé par celle-ci à la demande de la société Philippe Automobiles ne peut être jugé illicite pour avoir été motivé (lettre de la société Autogerma du 14 juillet 1995) par l'obligation de la société Autogerma, en sa qualité d'importateur, de ne livrer que son propre réseau de distribution ;

Sur le refus de la société Volkswagen France d'accéder en temps utile aux demandes de la société Philippe Automobiles pour assurer le maintien de sa rentabilité:

Attendu que les appelants se plaignent de ce que la société Volkswagen France a refusé à la société Philippe Automobiles l'octroi des panonceaux des marques Skoda (début 1993) et Seat (en novembre et décembre 1994);

Qu'il ne peut être valablement prétendu que l'octroi la société Philippe Automobiles de la représentation de ces deux marques faisait partie des obligations contractuelles du concédant, alors surtout que dans les deux cas, à la date des demandes du concessionnaire les sociétés Skoda France et Seat France, distribuant ces marques, étaient des sociétés autonomes et disposaient en conséquence de leur propre pouvoir de décision et de leur propre politique commerciale, et ce quand bien même, la société Skoda faisait partie du " groupe " Volkswagen, et quand bien même encore la société Seat a été absorbée par la société Volkswagen France en 1995, soit postérieurement à la date de la tentative considérée;

Qu'il faut noter que, de même que pour les sociétés Soverini et Autogerma, les appelants n'ont pas attrait dans la cause les sociétés concernées, ni produit un quelconque document révélant une intervention et une opposition directe de la société Groupe Volkswagen France relativement à l'attribution des panonceaux Skoda et Seat;

Que au contraire, s'agissant en particulier de la marque Skoda, il découle de la lettre écrite par le gérant de la société Philippe Automobiles le 10 juin 1993 au concédant, que la société Philippe Automobiles avait demandé l'appui des représentants de la société Volkswagen France pour obtenir la représentation Skoda à Metz, que cette intervention en sa faveur a bien été effectuée, mais n'a pas été suivie d'effet, la direction de Skoda ayant choisi d'accorder le panonceau à un autre concédant;

Que d'autre part, par lettre du 17 décembre 1993, la société Philippe Automobiles a reconnu, à l'adresse du concédant, que l'ajout de la marque Skoda aux marques déjà représentées par elle n'était pas de nature à améliorer sa situation;

Attendu que sous la même rubrique, Me Noël, ès qualités, et M. Philippe évoquent le refus de la part de la société Groupe Volkswagen France d'autoriser la société Philippe Automobiles à procéder à la fermeture du site d'Augny, demande présentée selon courriers des 17 novembre 1993 et 17 décembre 1993;

Que toutefois, en se reportant à ces courriers, il peut être constaté que la demande de la société Philippe Automobiles n'était qu'une demande de fermeture partielle concernant le service après-vente, et non de façon immédiate puisque à effet du 1er mars 1994, la société Philippe Automobiles entendant poursuivre sur ce site d'Augny la vente des véhicules neufs et d'occasion;

Que la réponse apportée par la société Volkswagen France permet de se convaincre que celle-ci n'a pas émis un refus absolu à l'encontre de cette requête, mais a formulé des réserves et des doutes dans ce cas sur la capacité du site à assurer la gestion du parc et a proposé une rencontre;

Que la société Philippe Automobiles n'a réitéré sa demande que le 30 août 1994, demande cette fois de fermeture totale du site, après quoi la société Volkswagen a délégué un responsable pour procéder à un examen de la situation de la concession, visite du 4 octobre 1994, date à laquelle est apparue clairement la nécessité de fermer ce site;

Que la société Philippe Automobiles a finalement procédé à la fermeture totale du site en novembre 1994, ce qui démontre bien que cette mesure relevait de son pouvoir de décision et de gestion de sa pratique commerciale, et après avoir fermé auparavant l'activité après-vente de ce site;

Qu'il est par ailleurs inexact de soutenir que la société Volkswagen France n'a pas réagi ou tardé à le faire, puisqu'elle a accordé en 1993 à son concessionnaire les aides déjà mentionnées consistant en une baisse des objectifs permettant la perception des primes d'objectifs contractuelles, ainsi qu'une prime de 750 KF, octroyée de façon conjoncturelle eu égard aux difficultés de l'entreprise;

Que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont quant à eux refusé d'admettre ces griefs;

Sur le changement par la société Volkswagen AG de sa politique de représentation de marque Volkswagen et Audi et sur la modification brutale imputée à la société Groupe Volkswagen France des conditions d'exécution du contrat de distribution exclusive:

Attendu que, concomitamment à la décision du constructeur de séparer la distribution des marques Volkswagen et Audi, les appelants prêtent à la société groupe Volkswagen France l'intention d'écarter délibérément la société Philippe Automobiles de son réseau et, pour ce faire, d'avoir brutalement modifié les conditions d'exécution du contrat de concession en cours et d'en avoir rendu la poursuite impossible;

Que sur le premier point les documents versés aux débats émanant des sociétés Volkswagen AG et Groupe Volkswagen France démontrent qu'il n'a pas été demandé aux concessionnaires de mettre en œuvre immédiatement et brutalement cette politique de séparation des marques, mais que au contraire il y était affirmé la volonté de traiter ce problème avec pragmatisme et en aménageant une possibilité de négociation et d'adaptation au cas par cas;

Qu'il ne peut dès lors être jugé, comme l'a fait le Tribunal de grande instance de Metz, qu'une telle politique condamnait en 1995 et 1996 les investissements réalisés en 1989 et 1990, soit l'investissement de Woippy, dont le tribunal a pourtant jugé que les sociétés intimées ne pouvaient se voir reprocher la mise en œuvre, devant être ajouté que la question ne pouvait plus se poser quant à l'investissement antérieur réalisé à Augny, ce site ayant été fermé en novembre 1994;

Attendu sur le second point que la société Volkswagen France n'avait pas l'obligation de reconduire d'année en année les aides consenties à la société Philippe Automobiles et qu'elle n'avait donc pas reproduire 1994 celle qu'elle avait déjà octroyée de façon exceptionnelle en 1993, alors que à cette date elle avait pris la précaution d'insister sur le caractère conjoncturel de cet apport;

Attendu que le liquidateur de la société Philippe Automobiles et M. Philippe font état encore de ce que la société Groupe Volkswagen France s'est en même temps abstenue de reconsidérer en 1995 les objectifs de vente que la société Philippe Automobiles devait remplir, pour les ramener au niveau de ses réalisations, comme cela avait été fait en 1993, privant de cette façon l'entreprise de primes pour un montant d'environ 250 KF;

Que ce grief concernant l'absence de modification des objectifs pour 1995 ne résiste pas non plus à l'examen, alors que la société Philippe Automobiles, qui indique que les objectifs qui lui ont été communiqués au premier trimestre 1995 étaient totalement irréalisables et inaccessibles, n'a jamais mis en œuvre la procédure de contestation qui a été expressément prévue au contrat de distribution exclusive, et ce malgré les multiples courriers adressés par M. Philippe à la société Volkswagen France pour exprimer de façon insistante ses difficultés, en particulier sur ce point;

Que par suite les appelants ne peuvent affirmer que, en procédant de cette manière, la société Volkswagen aurait poussé la société Philippe Automobiles au dépôt de bilan, atteignant ainsi le but qu'elle s'était assignée de pousser le concessionnaire à vendre son affaire;

Que à ce niveau de la discussion il est opportun de rappeler que la société Philippe Automobile a déposé son bilan le 2 octobre 1995, soit assez tardivement, puisque le jugement prononçant son redressement judiciaire, jugement non contesté par la société redressée, a fixé la date de cessation des paiements au 4 avril 1994, soit à une date bien antérieure d'une part à la communication à la société Philippe Automobiles des objectifs 1995 et à la décision de la société Volkswagen AG de modifier sa politique de représentation des marques, puis à la décision de la société Groupe Volkswagen France d'appliquer cette nouvelle politique au réseau français;

Attendu que la cour juge que ce grief n'est pas établi et qu'il y a lieu d'infirmer le jugement dont appel sur ce chef du litige, tant en ce qui concerne les responsabilités retenues que en ce qui concerne l'allocation aux demandeurs d'une deuxième indemnité de 150 000 euro;

Sur la cession de l'entreprise et le refus d'agrément des candidats à la reprise de la part de la société Groupe Volkswagen France:

Attendu que, mettant en œuvre sur le territoire français la stratégie de séparation des marques Volkswagen et Audi, décidée par la société Volkswagen AG, stratégie au sujet de laquelle il a été jugé précédemment qu'elle ne peut être regardée comme fautive à l'encontre de la société Philippe Automobiles, la société Groupe Volkswagen France, importateur en France de ces marques, était tout à fait en droit de formuler des exigences à l'égard d'un candidat à la reprise des activités de représentation Volkswagen et Audi de la société Philippe Automobiles, objet d'une procédure collective, alors que le contrat de distribution exclusive avait été valablement résilié et que le préavis était en cours, et alors que la société Groupe Volkswagen France n'avait aucune obligation à l'égard des repreneurs potentiels du concessionnaire;

Que de plus il n'apparaît pas que la lecture des courriers produits de la société Volkswagen France puisse fournir la démonstration de ce que celle-ci aurait exigé des repreneurs une séparation des marques et de ce que cette séparation n'aurait pu être réalisée dans les structures existantes, savoir à cette date la seule structure de Woippy;

Que au contraire l'administrateur judiciaire, M. Raeis, a évoqué dans son courrier du 12 décembre 1995 l'accord de la société Groupe Volkswagen France pour la conclusion du contrat de concession avec un repreneur dans le cadre de la cession de la société Philippe Automobiles, la société Groupe Volkswagen France étant cependant tout à fait fondée à formuler les réserves qui lui paraissaient adaptées à ce projet de reprise;

Qu'un courrier de ce même administrateur judiciaire en date du 18 décembre 1995 fait mention de ce que les repreneurs qui s'étaient manifestés, Messieurs Hess, n'étaient pas intéressés par la représentation des marques Volkswagen et Audi, mais étaient candidats à la reprise des bâtiments de Woippy, intérêt qui s'est finalement concrétisé par la signature du 22 janvier 1996 entre les consorts Hess et M. Philippe d'un protocole d'accord, selon lequel celui-ci leur cédait les parts de la SCI Philippe, en sorte qu'il y a lieu d'approuver l'observation des sociétés intimées quand elles font valoir que cette convention a condamné toute autre solution de reprise sur le site de Woippy, puisque les acquéreurs des parts de la SCI ont eu alors la maîtrise de l'immobilier dans lequel était exploitée l'entreprise de la société Philippe Automobiles et sont devenus les seuls candidats possibles à la reprise sur ce site des deux marques ou de l'une ou l'autre d'entre elles;

Que le Tribunal de grande instance de Metz, dans son jugement du 28 février 1996, s'il évoque sans plus de précisions " l'attitude de VAG ", stigmatise principalement " la complexité de la situation immobilière de la société Philippe Automobiles, complexité renforcée pendant la période d'observation par des cessions réalisées ou projetées, (ainsi que) l'absence de toute offre concrète pour la reprise, qui se résumerait à une reprise du personnel";

Que la cour confirmera la décision du Tribunal de grande instance de Metz en ce que le grief tiré du refus d'agrément des repreneurs a été jugé non constitué;

Sur les demandes de M. Philippe:

Attendu que les demandes d'indemnisation présentées à titre personnel par M. Daniel Philippe en vue d'obtenir la réparation des divers postes de préjudices d'ordre patrimonial que lui auraient causé les fautes délictuelle et contractuelle de la société Volkswagen AG et de la société Groupe Volkswagen France, doivent être rejetées en conséquence de ce qui précède, dès lors qu'il est en effet jugé que les sociétés intimées n'ont pas commis les fautes alléguées par leurs adversaires;

Sur les dépens et les demandes fondées sur l'article 700 du CPC:

Attendu que les appelants qui succombent dans leurs demandes et prétentions doivent supporter, chacun pour ce qui concerne les demandes qu'il a formulées, les dépens d'appel;

Qu'il n'y a pas un lieu cependant à solidarité entre eux, étant précisé que Me Noël a agi en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Philippe Automobiles;

Qu'il n'existe pas de motifs pour dispenser les appelants de la charge au profit des sociétés intimées d'une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel;

Qu'il faut ajouter que les dépens et l'indemnité au titre de l'article 700 du NCPC mis à la charge de Me Noël, ès qualités, seront employés en frais privilégiés de la procédure collective intéressant la société Philippe Automobiles;

Par ces motifs, Par arrêt contradictoire, prononcé publiquement : * juge recevables les appels principal et incident; * juge non fondé l'appel principal et le rejette, ainsi que toutes les demandes et prétentions de Me Noël en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Philippe Automobile et que les demandes de M. Daniel Philippe; * juge fondé l'appel incident élevé par les sociétés Volkswagen AG et Groupe Volkswagen France; * infirme le jugement prononcé le 26 octobre 2004 en ce que la responsabilité des sociétés Volkswagen AG et Groupe Volkswagen France a été retenue concernant la préférence donnée au marché allemand par la société Volkswagen AG et les difficultés d'approvisionnement qui en sont découlés, en ce que cette responsabilité a été admise à raison de la décision prise par l'importateur de mettre en œuvre une nouvelle politique de concession séparant la représentation des marques Volkswagen et Audi, et ce en ce que à ce titre le tribunal a condamné ces deux sociétés à payer à Me Noël en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Philippe Automobiles deux indemnités de 150 000 euro; * Statuant à nouveau : - dit et juge qu'il n'est pas rapporté par les appelants la preuve de la commission par les sociétés Volkswagen AG et Groupe Volkswagen France de fautes qui seraient à l'origine de la déconfiture de la société Philippe Automobiles; - dit n'y avoir lieu à condamnation de ce chef à paiement d'une quelconque indemnité au profit de Me Noël en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Philippe Automobiles et l'en déboute, - déboute M. Daniel Philippe de ses demandes dirigées contre la société Volkswagen AG et Groupe Volkswagen France; * condamne M. Daniel Philippe aux dépens découlant de son action personnelle en responsabilité à l'encontre des sociétés Volkswagen AG et Groupe Volkswagen France et à payer à chacune d'elles une indemnité de 2 000 euro pour frais irrépétibles; * condamne Me Noël en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Philippe Automobiles à payer à chacune des sociétés Volkswagen AG et Groupe Volkswagen France la somme de 2 000 euro pour frais irrépétibles et à supporter les dépens; * ordonne l'emploi de ces dépens et des indemnités pour frais irrépétibles, mis à la charge de Me Noël, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Philippe Automobiles, en frais privilégiés de la procédure collective de la société Philippe Automobiles.