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Décisions

Cass. com., 15 janvier 2008, n° 07-11.677

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Colas Ile-de-France Normandie (SA)

Défendeur :

Ministre de l'Economie des Finances et de l'Industrie, Le Foll TP (SA), Rameny BTP (Sté), Gagneraud Construction (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Beaudonnet

Avocat général :

M. Mellottée

Avocats :

SCP Delaponte, Briard, Tnichet, Mes Le Prado, Ricard, SCP Piwnica, Molinié

Cass. com. n° 07-11.677

15 janvier 2008

LA COUR : - Joint les pourvois n° 07-12.132 formé par la société Gagneraud construction, n° 07-12.357 formé pan la société Le Foll TP et n° 07-1 1.677 formé par la société Colas Ile-de-France Normandie, qui attaquent le même arrêt ; - Statuant tant sur les pourvois principaux que sur le pourvoi incident; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2007), que, saisi par le ministre de l'Economie le 12 janvier 1998 d'un rapport relatif à des "pratiques anticoncurrentielles relevées dans le secteur des travaux publics en Seine-Maritime", puis le 13 janvier 1999 d'un rapport "relatif à 'la situation de la concurrence dans le secteur des enrobés en Seine-Maritime" le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, par décision n° 05-D-69 du 15 décembre 2005, dit établi que plusieurs sociétés, dont les sociétés Gagneraud construction (Gagneraud), Le Foll TP (Le Foll) et Colas Ile-de-France Normandie (Colas) ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en participant à une entente complexe et continue portant sur le marché de l'épandage des enrobés bitumineux sur les routes de première et deuxième catégories dans le département de la Seine-Maritime et a prononcé des sanctions pécuniaires allant de 60 000 à 21 000 000 euro;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 07-12.132 formé par la société Gagneraud et le moyen unique du pourvoi incident formé par la société Colas, rédigés en termes identiques : - Attendu que ces sociétés font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs recours contre la décision du Conseil, alors, selon le moyen : 1°) que si lorsqu'il est saisi de faits concernant plusieurs appels d'offres le Conseil peut, a posteriori, sanctionner non seulement les pratiques anticoncurrentielles commises à chaque appel d'offres mais aussi une entente organisée à un échelon plus vaste révélée par l'instruction, une infraction distincte est cependant consommée à l'occasion de la passation de chaque appel d'offres qui constitue à lui seul un marché de référence; qu'il s'ensuit que la saisine du Conseil n'a pour effet d'interrompre la prescription qu'en ce qui concerne les marchés visés dans la plainte; qu'en retenant, pour conclure à l'existence d'une infraction unique complexe et continue entre 1991 et 1998 et considérer que la prescription des faits dénoncés en janvier 1998 avait été interrompue par la seconde saisine du Conseil de la concurrence du 13 janvier 1999, que celle-ci portait sur des pratiques identiques commises sur un marché unique à savoir celui de l'épandage des enrobés bitumineux sur les routes de première et de deuxième catégorie dans le département de la Seine-Maritime, tout en constatant que les deux saisines successives du Conseil par le ministre ne concernaient pas les mêmes appels d'offres et ne couvraient pas non plus la même période, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 462-7 ancien du Code de commerce; 2°) que le régime de la prescription applicable devant le Conseil déroge au droit commun et interdit tout raisonnement par analogie à la procédure pénale; qu'un acte tendant à la recherche ou à la sanction de pratiques anticoncurrentielles n'est susceptible d'interrompre la prescription de faits connexes qu'à la condition qu'ils aient été commis au moins partiellement au cours d'une même période et dénoncés au terme d'une saisine unique; qu'en retenant pour considérer que la prescription des faits dénoncés en janvier 1998 avait été interrompue par la seconde saisine du Conseil du 13 janvier 1999, que celles-ci portaient sur les mêmes pratiques, tout en constatant l'existence de deux saisines distinctes couvrant des faits commis sur une période différente, la cour d'appel qui n'a pas davantage tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 462-7 ancien du Code de commerce; 3°) que méconnaît les dispositions de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, le rapporteur du Conseil qui participe, même sans voix délibérative, au délibéré d'une décision du Conseil; qu'en affirmant que le décision du Conseil de la concurrence du 11 juillet 2001 n'avait pas été prise dans des conditions incompatibles avec les exigences de la Convention tout en constatant non seulement que les rapporteur et rapporteur générale adjointe ont été entendus, mais aussi qu'il en avait été délibéré sur le rapport oral de M. Komiha, ce dont il résulte que le rapporteur est demeuré présent pendant le cours du délibéré, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé le texte susvisé; 4°) que les garanties d'impartialité édictées par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales s'imposent au Conseil de la concurrence; qu'il en résulte non seulement qu'aucun membre du Conseil ne doit avoir été amené à formuler une accusation ou à préjuger antérieurement du fond de l'affaire, mais aussi que les fonctions d'instruction et de jugement doivent être séparées afin notamment que le rapporteur puisse, lorsqu'il est désigné, instruire et notifier les griefs aux entreprises intéressées en toute indépendance et sous le seul contrôle du rapporteur général; qu'en décidant que la décision du Conseil de la concurrence du 11 juillet 2001 prise sur le fondement de l'article L. 463-5 du Code de commerce réservant au seul Conseil le pouvoir de demander à un juge d'instruction la communication de procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec des faits dont le Conseil est saisi avait pu, sans méconnaître l'article 6 § 1 de la Convention, interrompre la prescription, quand il ressortait de ces énonciations que cette décision de la commission permanente portait au contraire atteinte à la séparation des fonctions d'instruction et de jugement et plus encore à l'indépendance du rapporteur, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, L. 462-7, ancien et L. 463-5 du Code de commerce; 5°) que les juridictions d'instruction et de jugement peuvent communiquer au Conseil de la concurrence, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec des faits dont le conseil est saisi : qu'en affirmant que la délibération du 11 juillet 2001 avait valablement interrompu la prescription dans la mesure où le Conseil se serait, en réalité, borné à transmettre au juge d'instruction une demande de pièces émanant du rapporteur, quand les dispositions de l'article L. 463-5 du Code de commerce prévoient que l'usage de cette prérogative appartient au seul Conseil, la cour d'appel a violé l'article L. 463-5 du Code de commerce, ensemble les articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et L. 462-7 du Code de commerce ; 6°) qu'en affirmant, pour conclure à l'existence d'une infraction unique complexe et continue entre 1991 et 1998 et fixer au 1er janvier 1999 le point de départ de la prescription, que le Conseil de la concurrence pouvait, sans avoir à se saisir d'office, retenir les pratiques révélées par les investigations auxquelles il a procédé à la suite de sa saisine, tout en constatant que celui-ci s'était borné à solliciter périodiquement la communication d'un dossier pénal, ce dont il résultait que ni le Conseil, ni le rapporteur n'avait accompli la moindre investigation avant la notification des griefs adressée aux parties en février 2005, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article L. 462-7 ancien du Code de commerce; 7°) que seuls les actes tendant directement et effectivement à la recherche à la constatation ou à la sanction de pratiques anticoncurrentielles ou les voies de recours exercées contre ces derniers sont interruptifs de prescription; que les dispositions de l'article L. 463-5 du Code de commerce organisant une procédure de communication de pièces entre le Conseil de la concurrence et une juridiction ne tendent pas à faire découvrir ou à sanctionner une infraction, mais seulement à mettre à la disposition du Conseil des procès-verbaux ou des rapports d'enquête portant sur des faits d'ores et déjà constatés; qu'en affirmant que la demande de communication de pièces, comme la simple transmission de celles-ci par le juge d'instruction étaient en elles mêmes interruptives de prescription, la cour d'appel a violé les articles 462-7, ancien et L. 463-5 du Code de commerce; 8°) qu'en toute hypothèse, la réponse apportée à une demande du rapporteur ou du conseil n'est pas interruptive de prescription au sens de l'article L. 462-7, ancien du Code de commerce ; qu'en outre le juge d'instruction n'est jamais tenu de répondre à une demande de communication de pièces qui lui est faite et détermine librement l'étendue de cette transmission; qu'en décidant que la transmission des pièces opérée le 7 juillet 2002 par le juge d'instruction en réponse à la demande du 11 juillet 2001 du Conseil de la concurrence avait eu pour effet d'interrompre à nouveau la prescription moins de trois ans avant la notification des griefs du 28 février 2005, la cour d'appel a violé le plus fort les articles 462-7 ancien et L. 463-5 du Code de commerce;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé que le Conseil a été saisi le 13 janvier 1999 par le ministre de l'Economie d'un rapport daté du 26 août 1998 tendant à compléter et à actualiser le dossier relatif à des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des travaux routiers en Seine-Maritime dont le ministre avait saisi le Conseil le 12 janvier 1998, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que les faits reprochés à dix entreprises s'agissant du premier grief et à onze entreprises s'agissant du second constituent une pratique complexe et continue de répartition de marchés se manifestant notamment par l'application d'une clé de répartition de tonnages convenue mise en œuvre à l'occasion des appels d'offres de l'Etat et du département et par des systèmes de compensation des répartitions convenues, que le dernier marché, attribué le 28 octobre 1997 et objet de la seconde saisine du Conseil, faisait partie de cet accord général de répartition des tonnages avant la rupture de l'entente intervenue en 1999; qu'en l'état de ces énonciations, c'est à juste titre que l'arrêt retient que la seconde saisine du Conseil, qui porte sur la même entente que la première saisine tout en présentant des éléments de preuve complémentaires, constitue un acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction des faits dont le Conseil a été saisi le 12 janvier 1998 et comme tel, interrompt la prescription;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt relève qu'en l'état des dispositions de l'article L. 463-5 du Code de commerce, il appartient au Conseil de demander aux juridictions d'instruction et de jugement communication des procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil est saisi ; que l'arrêt retient que le Conseil, après avoir entendu le rapporteur et le rapporteur général, s'est borné, par sa décision du 11 juillet 2001, à transmettre au juge d'instruction une demande émanant du rapporteur qui sollicitait, au regard du déroulement de son instruction, des pièces du dossier en cours d'instruction judiciaire; qu'en l'état de ces énonciations, dont il se déduit que le Conseil n'a fait qu'user des pouvoirs qui lui sont conférés pour que soit mise en œuvre la demande du rapporteur, sans porter atteinte aux attributions de celui-ci, la cour d'appel n'a méconnu ni le principe de la séparation des fonctions d'instruction et de jugement, ni les textes invoqués;

Attendu, en troisième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, la demande de communication de pièces du dossier pénal portant sur des éléments constatés par le juge d'instruction, constitue un acte qui tend à la recherche, à la constatation ou à la sanction des faits dont le Conseil est saisi ;

Attendu, en dernier lieu, que si c'est à tort que l'arrêt retient que la transmission le 7 juillet 2002 par le juge d'instruction des pièces demandées par le Conseil tend à la recherche, à la constatation ou à la sanction des faits dont est saisi le Conseil, l'arrêt n'encourt néanmoins pas la censure dès lors qu'il constate, par motifs adoptés, que le procès-verbal de réception de ces pièces établi le 12 juillet 2002 par le rapporteur du Conseil, qui tend à ces fins, a interrompu la prescription des faits; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 07-12.132 formé par la société Gagneraud, le second moyen du pourvoi n° 07-12.357 formé par la société Le Foll et le premier moyen du pourvoi n° 07-11.677 formé par la société Colas, pour certains rédigés en termes identiques, réunis:

Attendu que ces sociétés font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs recours contre la décision du Conseil, alors, selon le moyen : 1°) que les juridictions d'instruction et de jugement peuvent communiquer au Conseil, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec des faits dont le Conseil est saisi; qu'en décidant que le rapporteur général du Conseil avait pu valablement, par une lettre du 12 janvier 2005, saisir un juge d'instruction d'une demande de copie de pièces précisément identifiées d'une information pénale en cours quand seule une formation du Conseil de la concurrence était habilitée à présenter une telle requête, la cour d'appel a violé l'article L. 463-5 du Code de commerce; 2°) que les règles de répartition des compétences entre les formations d'instruction et des formations de jugement du Conseil sont d'interprétation stricte que l'article L. 463-5 du Code de commerce réserve au seul Conseil le pouvoir de demander à un juge d'instruction communication de procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec des faits dont il est saisi; qu'en affirmant encore qu'aucune disposition légale n'interdisait au rapporteur général de mettre en œuvre au nom du Conseil les dispositions de l'article L. 463-5 du Code de commerce, la cour d'appel a violé de plus fort le texte susvisé; 3°) que les juridictions d'instruction et de jugement peuvent communiquer au Conseil, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec des faits dont le Conseil est saisi; que l'article L. 463-5 du Code de commerce confère à la seule juridiction d'instruction ou de jugement le pouvoir d'apprécier le bien-fondé et l'étendue de la communication à laquelle celle-ci entend donner suite ; qu'en considérant que le juge d'instruction avait valablement remis, le 2 février 2005, au rapporteur du conseil, les copies de procès-verbaux et de rapports d'enquête dont ce dernier avait sollicité la transmission, après avoir constaté que le magistrat l'avait préalablement invité à prendre connaissance sur place de l'intégralité du dossier, la cour d'appel a violé l'article L. 463-5 du Code de commerce; 4°) qu'aux termes de l'article L. 463-5 du Code de commerce, les juridictions d'instruction et de jugement peuvent communiquer au Conseil, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil est saisi; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que, s'agissant de la deuxième demande de communication de pièces au juge pénal, la demande de communication a été le fait du rapporteur lui-même, et non du Conseil, et que le rapporteur a procédé à la consultation du dossier pénal, pour en extraire non seulement les procès-verbaux et rapports d'enquête, mais encore les pièces nécessaires à leur exploitation, ce dont se déduisait que les conditions de mise en œuvre de l'article L. 463-5 du Code de commerce ont été méconnues; qu'en admettant néanmoins que le Conseil avait pu fonder sa condamnation sur les pièces ainsi recueillies du dossier pénal, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; 5°) que l'examen du dossier d'instruction, pourtant protégé par le secret de l'instruction et auquel n'a pas accès la partie à l'encontre de laquelle des griefs pourraient être ultérieurement notifiés, par le rapporteur qui est à même, de son propre chef, de choisir certaines pièces et d'en écarter d'autres, fait bénéficier le Conseil d'avantages dans l'accès aux informations figurant au dossier, provoquant un déséquilibre significatif et une méconnaissance du principe de l'égalité des armes; que, s'agissant de la seconde communication de pièces du juge d'instruction, la cour d'appel, pour refuser d'annuler la procédure, a fait siennes les appréciations du Conseil par lesquelles il avait retenu que la communication des pièces n'avait pas fait grief à la société Colas, qui n'avait acquis la qualité de partie qu'à compter de la notification des griefs, en observant notamment que les griefs retenus par le rapporteur sont fondés sur des pièces dont il a été dressé un inventaire, qui ont été citées, versées au dossier, proposées à la consultation et soumises à la contradiction de la société Colas, qui disposait alors de la faculté de produire tous les éléments à décharge; qu'en statuant comme elle l'a fait, par un motif inopérant tiré de la nature des pièces qu'avait extraites le rapporteur du dossier d'instruction quand il ressortait de ses propres constatations que le rapporteur avait consulté personnellement le dossier d'instruction, pour en extraire non seulement les procès-verbaux ou rapports d'enquête, seuls visés par l'article L. 463-5 du Code de commerce, mais encore les pièces nécessaires à leur exploitation et qu'il avait pu sélectionner les pièces extraites ce dont se déduisait nécessairement que le Conseil a bénéficié d'avantages dans l'accès aux informations figurant au dossier d'instruction, provoquant un déséquilibre significatif et une méconnaissance du principe de l'égalité des armes, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ; 6°) que le principe d'égalité des armes posé par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit permettre à la société poursuivie d'avoir la possibilité raisonnable d'exposer sa cause dans des conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse; que ce principe n'est pas respecté par l'article L. 463-5 du Code de commerce qui énonce que les juridictions d'instruction et de jugement peuvent communiquer au Conseil, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil est saisi; qu'en effet, ce texte ne prévoit aucun débat contradictoire ou, à défaut, aucune voie de recours permettant à la société poursuivie de s'assurer de la communication de l'intégralité des procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien avec l'affaire, dès lors qu'ils peuvent contenir aussi bien des éléments à charge qu'à décharge, débat qui serait seul à même de rétablir l'égalité des armes dans l'accès au dossier pénal, qu'en outre, l'examen du dossier d'instruction, protégé par le secret de l'instruction, et auquel n'a pas accès la partie à l'encontre de laquelle des griefs pourraient être ultérieurement notifiés, par le seul rapporteur qui est à même, de son propre chef, de choisir certaines pièces et d'en écarter d'autres, fait bénéficier le Conseil d'avantages dans l'accès aux informations figurant au dossier pénal, provoquant un déséquilibre significatif et une méconnaissance de l'égalité des armes; qu'en l'espèce, en décidant cependant que le Conseil pouvait condamner la société Le Foll, en se fondant sur des pièces du dossier pénal, alors que le Conseil a bénéficié d'avantages dans l'accès aux informations figurant au dossier d'instruction, provoquant un déséquilibre significatif et une méconnaissance du principe de l'égalité des armes, la cour d'appel a violé l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme; 7°) que, le principe d'égalité des armes posé par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales doit permettre à la société poursuivie d'avoir la possibilité raisonnable d'exposer sa cause dans des conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à la partie adverse, ce qui suppose que la procédure permette un débat contradictoire effectif, relativement aux modalités de communication au Conseil par d'autres juridictions des éléments de preuve pouvant servir de base aux poursuites; que, l'article L. 463-5 du Code de commerce, qui énonce que les juridictions d'instruction et de jugement peuvent communiquer au Conseil, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil est saisi ne prévoit aucun débat contradictoire ou, à défaut, aucune voie de recours permettant à la société poursuivie de s'assurer de la communication de l'intégralité des procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien avec l'affaire, dès lors qu'ils peuvent contenir aussi bien des éléments à charge qu'à décharge, débat qui serait seul à même de rétablir l'égalité des armes dans l'accès au dossier pénal ; que la partie à laquelle sont opposées les pièces ainsi communiquées au Conseil est privée de toute voie de droit lui permettant de s'assurer de leur régularité; qu'en décidant cependant de faire application de l'article L. 463-5 du Code de commerce, qui prive la société poursuivie de tout débat contradictoire relativement aux pièces communiquées au Conseil, et à leur régularité, la cour d'appel a violé les exigences de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; 8°) que tout document de preuve obtenu dans des conditions irrégulières ou déloyales doit être écarté sans que la partie intéressée ait à démontrer l'existence d'un préjudice particulier; qu'en retenant que la communication de certaines pièces du dossier d'instruction n'avait de toute façon pas fait grief aux requérantes dans la mesure où ces pièces avaient ensuite été versées aux débats, quand la seule irrégularité des procédures de communication suivies suffisait à vicier la procédure fondée sur ces pièces, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 463-5 du Code de commerce;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient que la demande de pièces adressées par le rapporteur général au juge d'instruction fait suite à la transmission de pièces du dossier d'instruction demandée à ce juge par le Conseil dans sa délibération du 11 juillet 2001 qu'en l'état de ces seules énonciations, dont il résulte qu'une nouvelle délibération du Conseil était sans objet, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 463-5 du Code de commerce;

Attendu, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêt retient, par motifs expressément adoptés, que le rapporteur du Conseil n'a consulté, sur l'invitation du juge d'instruction, que les pièces du dossier d'instruction ayant, selon l'appréciation de ce magistrat, un lien direct avec les faits dont était saisi le Conseil et qu'aucun élément ne corrobore l'allégation des parties selon laquelle le juge d'instruction n'aurait pas sélectionné lui-même les pièces remises en copie;

Attendu, en troisième lieu, que c'est sans méconnaître les dispositions de l'article L. 463-5 du Code de commerce, que l'arrêt retient que le Conseil était fondé à demander au juge d'instruction communication des pièces nécessaires à l'exploitation des procès-verbaux ou rapports d'enquête ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil est saisi ;

Attendu, en dernier lieu, que l'arrêt relève que les griefs retenus par le rapporteur sont fondés sur des pièces dont il a été dressé inventaire, qui ont été citées, versées au dossier, proposées à la consultation et soumises à la contradiction des parties, qui, après la notification des griefs, ont disposé de la faculté de présenter les moyens et de produire les pièces qu'elles estimaient utiles à la défense de leurs intérêts ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations dont elle déduit que la communication de pièces émanant de la procédure pénale, obtenue conformément aux dispositions de l'article L. 463-5 du Code de commerce, n'a pas été effectuée en violation du principe de l'égalité des armes, la cour d'appel n'a pas méconnu les dispositions invoquées; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 07-12.357 formé par la société Le Foll TP : - Attendu que cette société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil de la concurrence, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article L. 450-4 du Code de commerce, le déroulement des opérations de visite ou saisie peut faire l'objet d'un recours auprès du juge les ayant autorisées dans un délai de deux mois qui court, pour les personnes occupant les lieux où ces opérations se sont déroulées, à compter de la notification de l'ordonnance les ayant autorisées et, pour les autres personnes mises en cause ultérieurement au moyen de pièces saisies au cours de ces opérations, à compter de la date à laquelle elles ont eu connaissance de l'existence de ces opérations et au plus tard à compter de la notification des griefs prévue à l'article L. 463-2 ; que, selon l'article L. 463-1 du même Code, l'instruction et la procédure devant le Conseil sont pleinement contradictoires; qu'il résulte de ces textes que lorsqu'une notification de griefs repose sur des pièces qui ont fait l'objet de saisies, et qu'elle fait courir le délai de recours contre ces opérations de saisie, les décisions ayant autorisé les visites doivent figurer au dossier pour assurer le respect du principe du contradictoire, le respect des droits de la défense et le droit au recours contre les dites décisions; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés, et l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme;

Mais attendu que, pour rejeter l'argumentation de la société Le Foll qui soutenait, qu'ayant été mise en cause par des pièces saisies dans des locaux d'autres entreprises, elle avait été privée du recours prévue par l'article L. 450-4, dernier alinéa, du Code de commerce, en raison du fait que les ordonnances rendues respectivement par les présidents des Tribunaux de grande instance de Rouen le 2 juin 1994 et de Dieppe le 9 juin 1994 ne figuraient pas au dossier du Conseil lors de la notification des griefs, l'arrêt, après avoir relevé que la première ordonnance, qui autorisait des visites et des saisies et dressait la liste de toutes les entreprises concernées par ces opérations de visites et saisies, a été notifiée et remise en copie à la société Le Foll à l'occasion de la visite qui s'est déroulée dans ses locaux le 16 juin 1994, retient que la société Le Foll ne peut se prévaloir du fait qu'elle n'a pas conservé cette ordonnance qui, visant une demande d'enquête de la Direction générale de la concurrence, l'informait de l'existence d'une procédure portant sur l'entente à laquelle elle savait participer; qu'il ajoute que la seconde ordonnance, qui se bornait à désigner les enquêteurs compétents pour procéder aux opérations de visites et saisies dans des locaux situés hors du ressort du Tribunal de Rouen, n'était pas susceptible, en cas de recours, de donner lieu à un contrôle du bien-fondé de la demande initiale d'autorisation de visite et de saisie; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a pas méconnu les textes invoqués; que le moyen n'est pas fondé;

Sur le second moyen du pourvoi n° 07-11.677 formé par la société Colas : - Attendu que cette société reproche à l'arrêt d'avoir rejeté son recours en réformation de la décision du Conseil, alors, selon le moyen : 1°) que les dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce s'interprètent nécessairement à la lumière du principe général à valeur constitutionnel de proportionnalité des peines ; que si la société absorbante assure la continuité juridique et économique de la société absorbée, le principe de proportionnalité des peines fait obstacle à ce que le montant de la sanction prononcée soit calculé au regard du montant du chiffre d'affaires de la société qui a absorbé, après la commission des pratiques anticoncurrentielles, les sociétés qui les ont commises; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du Code de commerce et le principe général de proportionnalité des peines; 2°) que les dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce s'interprètent nécessairement à la lumière de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, selon lequel il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise; que, dès lors, si la société absorbante assure la continuité juridique et économique de la société absorbée, le principe issu de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales fait obstacle à ce que le montant de la sanction prononcée soit calculé au regard du montant du chiffre d'affaires de la société qui a absorbé, après la commission des pratiques anticoncurrentielles, les sociétés qui les ont commises ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 464-2 du Code de commerce et de l'article 7 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Colas, qui avait absorbé deux filiales, ne contestait pas devoir répondre des pratiques reprochées à ces dernières, ce dont il résultait que l'assiette de la sanction devait légalement être déterminée par le chiffre d'affaires de la société Colas, la cour d'appel, qui a fixé le montant de la sanction pécuniaire en faisant l'exacte application des dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, n'a pas méconnu les textes et principe invoqués; que le moyen n est pas fondé;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi n° 07-12.132 formé par la société Gagneraud qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi;

Par ces motifs : - Rejette les pourvois principaux et incident.