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Décisions

Ministre de l’Économie, 23 novembre 2007, n° ECEC0800704S

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils des sociétés SFR et Somart

Ministre de l’Économie n° ECEC0800704S

23 novembre 2007

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 30 octobre 2007, vous avez notifié l'acquisition du contrôle conjoint de la société Débitel France SA (" Débitel ") par les sociétés SFR et Somart via la Compagnie d'Investissements Diversifiés (" CID "). Cette opération a été formalisée par un contrat d'acquisition d'actions signé le 19 juillet 2007.

1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION NOTIFIÉE

1.1. Les acquéreurs

SFR est une société anonyme dont le capital est détenu à 56 % par Vivendi et à 44 % par Vodafone. SFR est contrôlée conjointement par ses deux sociétés-mères. Vodafone est la société mère d'un groupe intervenant en tant qu'opérateur de réseaux de téléphonie mobile et fournisseur d'autres services de télécommunications dans plusieurs États membres de l'Union européenne, et dans le monde. Vodafone n'exerce pas d'activité de télécommunication en France. Vivendi est quant à lui présent dans les secteurs de la télévision, du cinéma, de la musique, des jeux interactifs et des télécommunications mobiles et fixes par l'intermédiaire de sa filiale SFR. Plus précisément, SFR propose des services de téléphonie mobile par abonnement ou par carte, avec ou sans terminaux, ainsi que des services multimédia mobiles et de transmission de données. SFR détient également une participation de 49 % dans la société SFD, active dans le secteur de la distribution de produits et de services de téléphonie mobile par l'intermédiaire d'un réseau de 271 points de vente à l'enseigne Espace SFR. SFR détient en outre une participation, non contrôlante, d'environ 40 % dans Neuf Cegetel, société active dans le secteur des télécommunications fixes (voix, transmission de données et accès Internet haut débit). Cette absence d'influence déterminante de SFR sur Neuf Cegetel a été rappelée par la Commission européenne à l'occasion de l'acquisition par SFR des activités de Télé2 France (1). Avec cette opération, les activités de SFR se sont étendues aux secteurs de la téléphonie fixe, de la fourniture d'accès Internet et ADSL et de la télévision payante.

Concernant la détermination du chiffre d'affaires à attribuer à l'acquéreur, au titre d'entreprise concernée, il convient de distinguer l'article 3 et l'article 5 du Règlement (CE) n°139-2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, le " droit de gestion " qui figure à l'article 5 ne devant pas être confondu avec la notion de " contrôle " au sens de l'article 3. S'il apparaît que SFR est bien contrôlée conjointement par Vivendi et Vodafone, au sens de l'article 3, la Commission a considéré que Vodafone dispose uniquement d'un droit limité à la gestion des activités de téléphonie mobile de SFR depuis l'acquisition de Télé2 France qui a étendu les activités de SFR à la téléphonie fixe et à l'accès à Internet (2). Ainsi, seul le chiffre d'affaires de Vivendi doit être pris en considération pour déterminer si les seuils de contrôle prévus par le Code de commerce sont atteints (3).

En 2006, le chiffre d'affaires total mondial de Vivendi s'est élevé à 20 044 millions d'euro hors taxes, dont 14 366 millions d'euro réalisés au sein de l'Union européenne et 12 372 millions d'euro en France.

Somart est une société en nom collectif réunissant des investisseurs privés autour de la banque Saint Olive. Son capital est détenu à 99,8 % par Segipa SARL. Somart a pour objet la prise de participations dans des sociétés non cotées, en appui de groupes industriels.

Au titre de son dernier exercice clos au 30 juin 2006, le chiffre d'affaires total mondial de Segipa s'est élevé à environ 1,1 million d'euro hors taxes, intégralement réalisé en France.

CID est le véhicule d'acquisition de l'opération notifiée. CID est une société holding dont le capital est détenu à 60 % par Somart et à 40 % par SFR. Ses deux actionnaires la contrôlent conjointement au sens du droit des concentrations. CID a notamment pour objet toute prise de participation dans des sociétés actives dans le secteur des télécommunications. CID détient des participations dans deux sociétés : Futur Télécom, à hauteur de 100 %, et Cinq sur Cinq (38 % (4)). Futur Télécom est une société de commercialisation de services (" SCS ") qui distribue des services de télécommunications fixe et mobile à destination des très petites entreprises. Cinq sur Cinq distribue des produits et des services de téléphonie mobile et fixe au travers d'un réseau de 147 points de vente à l'enseigne Espace SFR. En dépit de la participation minoritaire de CID dans le capital de Cinq sur Cinq, la question d'une influence déterminante exercée par cet actionnaire peut se poser. Sans approfondir l'examen à ce stade, il convient toutefois de considérer que les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit la nature du contrôle qu'exercerait CID sur Cinq sur Cinq. Dès lors, cette question n'a pas à être tranchée, étant par ailleurs également entendu qu'elle n'a pas d'incidence sur la contrôlabilité de l'opération.

Ainsi que le précise la Commission européenne au point 145 de sa communication juridictionnelle consolidée, " dans les opérations où une entreprise commune prend le contrôle d'une autre société, la question se pose de savoir si l'entreprise commune [en l'espèce CID] doit ou non être considérée comme l'entreprise concernée (dont le chiffre d'affaires inclurait celui de ses entreprises fondatrices) ". Les parties (5) ont soutenu, devant la Commission, que seule CID devait être considérée comme entreprise concernée au motif qu'elle exercerait une activité sur l'un des marchés concernés par l'opération, à travers la société Futur Télécom. Il apparaît toutefois que d'autres éléments, tels que notamment le financement de l'acquisition par SFR (6), pourraient amener à considérer les deux sociétés mères de CID comme les entreprises concernées par l'opération, au sens de la communication juridictionnelle consolidée de la Commission. Quelle que soit l'identité des entreprises concernées (les deux sociétés mères ou seule l'entreprise commune), la nature concentrative et la dimension de l'opération demeurent toutefois inchangées.

1.2. La cible

Débitel est une société qui a été créée en 1993, active dans un premier temps dans le secteur de la téléphonie mobile en tant que SCS en collaboration avec Orange et SFR. Elle est devenue par la suite un opérateur mobile virtuel (ou " MVNO (7) ") dont l'activité consiste en la vente de services de téléphonie mobile. Débitel détient un réseau de distribution de produits et de services de téléphonie mobile, Videlec, qui exploite 63 magasins en France métropolitaine.

En 2006, le chiffre d'affaires total mondial de Débitel s'est élevé à 260 millions d'euro hors taxes environ, intégralement réalisé en France.

1.3. L'opération

L'opération consiste en la cession de 100 % des actions de Débitel à CID. En ce qu'elle entraîne l'acquisition du contrôle conjoint de Débitel par SFR et Somart via CID, la présente opération constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

Le 18 septembre 2007, la notification de cette opération a été effectuée à la Commission européenne. Suite à l'envoi aux parties d'une lettre de confort de la Commission, dans laquelle cette dernière indique ne pas être l'autorité de concurrence compétente pour connaître du cas, SFR et Somart ont décidé de retirer leur notification le 15 octobre 2007. Il apparaît en effet que " la règle des deux tiers " (8) doit être appliquée en l'espèce, en considérant que le chiffre d'affaires de Vodafone, qui ne dispose pas du droit de gérer les affaires de SFR, ne doit pas être pris en compte, comme cela a été évoqué supra (9).

Ainsi, Vivendi, Somart et Débitel réalisant chacune plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires communautaire en France, l'opération n'est pas de dimension communautaire. Compte tenu des chiffes d'affaires des entreprises concernées, elle relève du contrôle national des opérations de concentration en vertu de l'article L. 430-2 du Code de commerce. L'opération notifiée est donc soumise à la procédure prévue aux articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

2. LES MARCHÉS CONCERNÉS

A titre liminaire, il est précisé que les différents marchés concernés par l'opération ont été définis sur la base des circonstances de l'espèce et ne sauraient préjuger de définitions alternatives pour l'analyse concurrentielle de futures opérations.

2.1. Les marchés de services

En février 2003, la Commission européenne a publié une recommandation concernant les marchés pertinents de produits et de services dans le secteur des télécommunications (" la Recommandation ") (10), adoptée en application de l'article 15, paragraphe 1, de la directive n° 2002-21-CE (11). Elle a toutefois laissé la possibilité aux autorités de régulation nationales d'adapter la Recommandation aux spécificités de chaque État membre.

Ce texte, qui n'a pas de valeur normative, recense les marchés de produits et de services dans le secteur des communications électroniques dont les caractéristiques peuvent justifier l'imposition de certaines obligations réglementaires par les autorités nationales de régulation, notamment à l'encontre d'opérateurs qui y détiennent une " puissance significative ".

La définition des marchés susceptibles d'être soumis à une régulation sectorielle ex ante a été effectuée conformément aux principes du droit de la concurrence. La Commission précise toutefois que la définition des marchés retenue dans la Recommandation " ne porte pas préjudice à la définition des marchés dans le cadre d'affaires spécifiques en droit de la concurrence " (12).

C'est sur la base de ce document qu'au niveau national, l'Autorité de Régulation des Communications Électroniques et de la Poste (ARCEP) et le Conseil de la concurrence ont analysé plusieurs marchés du secteur des télécommunications. Compte tenu de cette pratique nationale, mais aussi des décisions adoptées par la Commission en matière de concentrations, la délimitation des marchés concernés par l'opération s'est appuyée sur un corpus existant relativement borné.

Selon les éléments figurant dans le dossier de notification, les parties sont concomitamment actives dans le secteur de la téléphonie mobile qui peut être segmenté en trois marchés distincts :

- en amont, le marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux téléphoniques mobiles (a) ;

- au stade intermédiaire, le marché de détail de la téléphonie mobile (b) ;

- en aval, le marché de la distribution de produits et de services de téléphonie mobile (c).

a. Le marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux téléphoniques mobiles

Au sens de la Recommandation précitée de la Commission, le marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux mobiles (appelé également " marché 15 ") regroupe " les prestations qui sont fournies par un opérateur de réseau mobile à un acteur ne disposant pas d'une autorisation d'utilisation de fréquences pour la zone considérée, en vue de permettre à ce dernier de fournir au détail un ensemble de services d'accès et de départ d'appel mobile pertinents ".

Ainsi, sur ce marché, se rencontrent une offre, constituée par les opérateurs de réseaux mobiles hôtes, qui disposent d'une licence d'exploitation et d'un réseau mobile ad hoc (" MNO (13) "), et une demande constituée par les opérateurs virtuels (ou " MVNO ") qui s'approvisionnent en temps de communication. Il s'agit d'un marché caractérisé par la conclusion de contrats de gré à gré, suite à des négociations sur les tarifs et les services proposés par le MNO au futur MVNO utilisateur de son réseau.

Du côté de l'offre, seuls deux MNO, Orange et SFR, sont actuellement actifs sur ce marché de gros. Le troisième MNO, Bouygues Telecom doit entrer sur le marché à très court terme. En effet, selon les informations publiques disponibles, Bouygues Telecom aurait conclu avec Numéricâble un contrat qui entrerait en vigueur au début de l'année 2008. En outre, un quatrième MNO pourrait éventuellement se voir accorder une licence d'exploitation par l'ARCEP même si la candidature de Free a été rejetée en octobre 2007.

Du côté de la demande, les différents MVNO utilisent un seul MNO et lui achètent du temps de communication en gros afin de proposer des services de communications mobiles à leurs propres abonnés, sur le marché aval. Le tableau ci-après précise, pour chaque MVNO actuellement sur le marché, l'identité de son fournisseur de réseau.

<emplacement tableau>

La délimitation d'un marché global de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux téléphoniques mobiles, conforme à la pratique de l'ARCEP et de la Commission, a été confirmée par le test de marché effectué dans le cadre de la présente opération. En conséquence, il convient de retenir l'existence d'un marché global pour les besoins de la présente opération.

b. Le marché de détail de la téléphonie mobile

Sur ce marché, MNO et MVNO sont en concurrence pour la fourniture de services de téléphonie mobile au consommateur final. Ces deux types d'opérateurs, qui sont en relation verticale de fournisseur à client sur le marché amont, constituent l'offre de services de téléphonie mobile à destination d'une demande finale constituée par les consommateurs, particuliers et professionnels. Qu'ils soient MNO ou MVNO, les opérateurs de téléphonie mobile maîtrisent la conception et le lancement de leurs offres commerciales, et sont entièrement responsables de la fourniture des services et des communications mobiles à leurs clients.

Dans sa pratique décisionnelle, le Conseil de la concurrence a eu l'occasion de distinguer le marché de la téléphonie mobile du marché de la téléphonie fixe. Ainsi, " du point de vue de la demande, les services de téléphonie mobile GSM offrent la faculté, à partir d'un terminal dédié, de recevoir et de donner des appels téléphoniques ainsi que des messages textuels courts (SMS) [...]. Ces services se caractérisent par leur souplesse d'utilisation par rapport à ceux de la téléphonie fixe, tant en émission qu'en réception, et ne leur apparaissent donc pas substituables. La pratique consistant à résilier un abonnement au réseau de téléphonie fixe au profit de l'abonnement pour la téléphonie mobile est d'ailleurs restée jusqu'à présent marginale "(15).

La possibilité de segmenter plus finement le marché, par type de consommateurs (entreprises/particuliers) ou par type d'offres (abonnement prépayé/abonnement postpayé) a été évoquée par une minorité de tiers à l'occasion du test de marché. Certains éléments, que la Commission a déjà eu l'occasion de pointer dans de précédentes décisions, relativisent la pertinence de telles segmentations pour les motifs suivants :

- d'une part, il existe une forte substituabilité du côté de l'offre pour ces différents services, chaque opérateur étant en mesure de proposer indifféremment une offre destinée aux entreprises ou aux particuliers, et de concevoir des forfaits prépayés ou sous forme d'abonnements mensuels ;

- d'autre part, les offreurs ne sont pas spécialisés selon un certain type d'acheteurs. Aucun élément ne permet donc de supposer que des discriminations tarifaires significatives puissent être effectuées entre les différentes catégories d'acheteurs même s'il existe des offres spécifiques pour chacun d'entre eux. La Commission précise à cet égard que " concernant la distinction selon les différents groupes de clients, clients privés ou professionnels, clients contractuels et prépayés, l'offre peut être substituée par les exploitants du réseau, lesquels ne sont pas en mesure de distinguer clairement les clients professionnels et les clients privés " (16)

Enfin, la présente décision a tenu compte de l'avis de la plupart des tiers interrogés qui ont confirmé la pertinence de ne pas segmenter le marché de détail de la téléphonie mobile. Cette délimitation est conforme à la pratique de la Commission européenne pour laquelle une distinction par type de consommateurs, tels que les particuliers et les entreprises, ou les abonnés ou les prépayés, ne semble pas pertinente.

En conséquence, l'analyse concurrentielle sera menée au cas d'espèce sur un marché global de la vente au détail de téléphonie mobile.

c. Le marché de la distribution de produits et de services de téléphonie mobile

La Commission a déjà eu l'occasion de définir un marché de la distribution de téléphonie mobile qui inclut la vente de combinés de téléphonie mobile, de temps de communication et d'autres services aux consommateurs finaux (17).

Sur ce marché, l'offre de produits et de services de téléphonie mobile est délivrée par les points de vente (boutiques, corners...). La vente finale au consommateur s'effectue par le biais de différents canaux de distribution qui sont en concurrence entre eux, que le Conseil de la concurrence présente par la typologie suivante (18) :

- les réseaux propres des opérateurs (les agences France Télécom et Mobistore, les Espaces SFR contrôlés par SFR, les Club Bouygues Télécom) ;

- les grandes surfaces généralistes (Carrefour, Auchan, Leclerc, But, FNAC...) ;

- les réseaux spécialisés intégrés (The Phone House, Videlec, Telephone Store, Internity....) ;

- les réseaux généralistes intégrés (Connexion, Gitem, Pro et Co...) ;

- les réseaux spécialisés indépendants (selon une étude de l'ARCEP publiée en 2004, le nombre de ces points de vente serait estimé à environ 2 500 en 2001) ;

- les réseaux de vente directe ou par correspondance (comme, par exemple, les sites Internet des opérateurs de téléphonie mobile).

Les parties considèrent que le marché de la distribution de produits et de services de téléphonie mobile ne doit pas être segmenté plus finement, en fonction du type de produits ou de services vendus, ou du canal de distribution. Dans la mesure où la très grande majorité des tiers interrogés a confirmé la pertinence d'un marché global et où aucun élément à l'appui d'une segmentation plus fine du marché n'a pu être apporté, il convient donc de retenir un tel marché global aux fins de l'analyse concurrentielle.

2.2. Les marchés géographiques

a. Le marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux téléphoniques mobiles

Conformément à la pratique décisionnelle de la Commission, les marchés concernés par l'opération seraient de dimension nationale.

En premier lieu, il apparaît que la nature des services est homogène sur l'ensemble du territoire national.

En second lieu, il peut être relevé que les clients et les concurrents sont les mêmes dans toutes les régions françaises de métropole et ne différent que marginalement, en fonction des produits ou services offerts.

En troisième lieu, les politiques tarifaires et de commercialisation des services de télécommunications sont généralement fixées au niveau national.

Compte tenu de ces éléments, confirmés par le test de marché, il convient donc de retenir un marché national métropolitain aux fins de la présente analyse concurrentielle.

b. Le marché de détail de la téléphonie mobile

Les parties estiment que ce marché doit être circonscrit à la France métropolitaine compte tenu des éléments suivants, empruntés à la pratique du Conseil de la concurrence. Dans son analyse, ce dernier a en effet reconnu que " les DOM, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon (collectivités territoriales) possèdent de nombreuses particularités faisant d'eux des marchés distincts de la métropole :

- l'éloignement géographique et l'isolement des îles ;

- les caractéristiques météorologiques et environnementales particulières (risques climatiques, séismes, paysages accidentés) ;

- les caractéristiques socio-économiques différentes ;

- une pénétration des mobiles spécifiques ;

- un démarrage de l'activité mobile plus tardif " (19).

Il convient également de prendre en compte le cadre réglementaire et le système d'octroi de licences qui s'organisent au niveau de la France métropolitaine, dans la mesure où " des licences d'autorisation d'utilisation des fréquences GSM sont spécifiquement attribuées pour la zone regroupant les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane " (20).

Du côté de l'offre, les opérateurs de téléphonie mobile sont actifs dans toutes les régions métropolitaines et s'adressent à tous les consommateurs, quelle que soit leur localisation (21). En outre, les parties indiquent que les politiques tarifaires et de commercialisation des services proposés sont généralement fixés au niveau national.

Du côté de la demande, les parties relèvent que la nature des services de téléphonie mobile est suffisamment homogène sur l'ensemble du territoire national.

Le test de marché a confirmé que le marché géographique du marché de détail de la téléphonie mobile est circonscrit à la France métropolitaine.

Cette délimitation géographique est par ailleurs conforme à la pratique décisionnelle de la Commission sur ce marché (22).

Aucun élément n'ayant permis de segmenter plus finement ce marché, ni de l'élargir au niveau supranational, l'analyse concurrentielle de l'opération sera menée, au cas d'espèce, en France métropolitaine, les activités des parties ne se chevauchant pas dans les DOM.

c. Le marché de la distribution de produits et de services de téléphonie mobile

Selon les parties, ce marché serait de dimension nationale, en raison notamment de la répartition relativement homogène et dense des points de vente de produits et de services de téléphonie mobile sur l'ensemble du territoire national. Elles mettent également en avant l'absence significative de différences de prix des produits et services en fonction de la localisation géographique de ces points de vente. Enfin, les parties arguent de la similitude des offres pratiquées par les différents acteurs de la téléphonie mobile, quel que soit le mode de distribution (Internet ou physique).

Néanmoins, il convient de relever plusieurs éléments factuels plaidant pour une délimitation plus étroite du marché géographique. En effet, il est intéressant de remarquer que les principaux opérateurs de téléphonie mobile développent constamment leur propre réseau de distribution. En outre, selon l'ARCEP, " depuis quelques années, les opérateurs de réseaux mobiles ont procédé à une internalisation de leur distribution, dont une première étape s'est traduite par la disparition progressive des sociétés de distribution ". Or cette volonté des opérateurs de maîtriser la distribution de leurs produits et services nécessite de mailler le territoire national avec un réseau de proximité, au plus près du consommateur final. Aussi, la dimension locale des marchés de la distribution ne peut être écartée prima facie.

Cette hypothèse d'une dimension locale a d'ailleurs été avancée par plusieurs tiers interrogés dans le cadre du test de marché, qui ont notamment fait état d'une concurrence parfois intense au niveau local entre les distributeurs de produits et de services de téléphonie mobile. La question de l'implantation des points de vente détenus en propre aux meilleurs emplacements (centre-ville, centre commercial) semble par ailleurs faire l'objet d'une importante compétition entre les MNO.

En outre, d'une manière plus générale, il peut enfin être rappelé que pour les marchés de la distribution de biens ou de services, les autorités de concurrence considèrent le plus souvent que, du point vue du consommateur final, leur délimitation géographique est locale, circonscrite à des zones de chalandise.

Toutefois il n'est pas nécessaire de trancher définitivement la question de la définition exacte du marché géographique de la distribution de services et de produits de téléphonie mobile, dans la mesure où, quelles que soient les définitions de marché retenues, les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées au cas d'espèce.

3. L'ANALYSE CONCURRENTIELLE

3.1. Les effets horizontaux

a. Le marché de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux mobiles

Les parts de marché des MNO, sur la base du nombre d'abonnés des MVNO présents sur leur réseau, sont les suivantes :

Opérateur Part de marché des fournisseurs de temps de communication aux MVNO

SFR [40-50] %

Orange [50-60] %

Bouygues Telecom (23) [0-10] %

Dans la mesure où Débitel n'est pas actif sur ce marché du côté de l'offre, la concentration n'engendre aucun chevauchement horizontal et n'augmente pas, par conséquent, la part de marché de SFR (24).

En outre, l'opération n'a pas d'impact sur les pouvoirs de négociation respectifs de SFR et de ses clients compte tenu du fait que d'une part, les contrats les liant sont conclus pour une période relativement longue (9 ans) et d'autre part, les MVNO n'ont pas la possibilité de faire jouer la concurrence entre les offreurs en cours de contrat. La disparition de Débitel est donc neutre du point de vue du fonctionnement de ce marché.

Compte tenu de ces éléments, l'acquisition de Débitel par SFR n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence d'un point de vue horizontal.

b. Le marché de détail de la téléphonie mobile

A titre liminaire, il peut être indiqué que le marché de la téléphonie mobile a désormais atteint une phase de maturité : le taux de pénétration de la téléphonie mobile est d'environ 84 % en France au 30 septembre 2007, avec 53,1 millions d'abonnés. Les parties ont toutefois indiqué qu'il existait encore des perspectives de croissance, avec plusieurs millions de primo-accédants à conquérir (25). Pour autant, le marché de détail de la téléphonie mobile sera essentiellement à l'avenir un marché de renouvellement.

Sur ce marché, les positions des opérateurs actifs en France sont les suivantes :

<emplacement tableau>

L'opération se traduit par l'acquisition de Débitel ([0-10] %) par SFR ([30-40] %) qui portera ainsi sa part de marché à environ [30-40] %. A l'issue de la concentration, SFR restera le deuxième opérateur du marché, derrière Orange ([40-50] %). Ainsi, l'opération n'est pas susceptible de créer une position dominante simple au profit de SFR.

Dans la mesure où, préalablement à l'opération, SFR n'était pas en position dominante simple, la question de son renforcement est sans pertinence au cas d'espèce. Le point 330 des Lignes directrices de la DGCCRF précise en effet que " si une des parties à la concentration est déjà en position dominante, l'acquisition d'un opérateur, même de taille minime, est constitutif d'un renforcement de position dominante ". A contrario, un opérateur qui n'est pas dominant ne peut, par définition, renforcer cette dominance.

Le même point des Lignes directrices précise qu' " une augmentation minime de parts de marché peut également engendrer des risques d'atteinte à la concurrence, en particulier si la capacité du détenteur de cette faible part de marché à animer la concurrence était importante avant l'opération (élimination d'un " maverick "), qui a conduit à son absorption ". Il convient donc de vérifier si Débitel possède les caractéristiques d'un animateur de la concurrence.

D'une manière générale, il convient de relativiser la pression concurrentielle que les MVNO exercent aujourd'hui à l'encontre des MNO. Les MVNO représentent actuellement entre 3,5 % et 4 % du parc total de clients mobiles, soit environ 2 millions de clients même si cette proportion est en augmentation constante depuis 2004 (29). Il convient également de noter que les MVNO représentent, en moyenne, sur les six premiers mois de l'année 2007, 11 % des ventes brutes post-payées trimestrielles et 15 % des ventes brutes prépayées trimestrielles. Toutefois le potentiel existant de concurrence par les MVNO semble contraint compte tenu du caractère oligopolistique des marchés, et en particulier des conditions posées par les MNO sur le marché amont de gros de l'accès et du départ d'appel sur les réseaux téléphoniques mobiles.

Si Débitel est le premier MVNO à être entré sur le marché à la fin du mois de juin 2004, il représente à peine environ [0-10] % des recrutements nets (30) des MVNO en juin 2007, avec [...] recrutements nets au premier trimestre 2007. Les recrutements nets de Débitel sont en effet en forte baisse depuis la fin de l'année 2005, période à laquelle d'autres MVNO sont entrés sur le marché, tels que Télé2 Mobile et NRJ Mobile. Ainsi, Débitel a été devancé, en nombre d'abonnés, par des concurrents entrés plus récemment : Virgin Mobile, Télé2 Mobile, NRJ Mobile, Neuf Mobile, Auchan Telecom.

Il apparaît ainsi que Débitel (i) ne bénéficie pas d'un accès privilégié à certaines infrastructures, (ii) n'a pas de capacités techniques propres, (iii) ne dispose pas de produits ou de services prometteurs, et (iv) n'est pas un opérateur particulièrement agressif sur le marché.

(i) L'accès aux infrastructures

Aucun MVNO ne disposant, par définition, de son propre réseau à l'amont, c'est sur le marché aval de la distribution que la question des infrastructures peut se poser. Les 63 magasins à l'enseigne Videlec ne sont pas de nature à constituer un avantage par rapport à ses concurrents pour la distribution de ses offres. En effet, ces points de vente, qui représentent au niveau national [0-10] % des ventes de produits et de services de téléphonie mobile, distribuent principalement les offres de ses concurrents, Orange ([50-60] %) et SFR ([20-30] %). En outre, d'autres MVNO, tels que les opérateurs actifs dans la grande distribution, disposent d'un maillage territorial plus dense que Débitel via Videlec et d'une expérience plus significative en matière de distribution. C'est notamment le cas d'Auchan Telecom et de Carrefour Mobile, mais aussi de The Phone House (Omer Télécom).

(ii) Les capacités techniques

Les parties ont indiqué que Débitel ne disposait pas de capacités techniques particulières par rapport à ses concurrents. Ce MVNO bénéficie de conditions contractuelles analogues à celles de ses concurrents pour l'accès au réseau de téléphonie mobile de SFR. Le test de marché et l'étude des contrats communiqués n'ont pas permis d'infirmer cet argument.

(iii) La détention de produits ou de services prometteurs

Débitel a un positionnement d'opérateur à bas coûts (" low cost "), notamment par la vente d'un forfait sans mobile et sans abonnement, sous la marque " Ma Puce " dont il convient de relativiser l'attractivité. D'une part, cette marque n'est pas notoire, en comparaison de NRJ Mobile ou de Virgin Mobile, en particulier auprès des jeunes consommateurs. D'autre part, différents opérateurs (Coriolis, Breizh Mobile, Télé2 Mobile et Auchan Mobile) proposent des services similaires à ceux de Débitel, par exemple une offre sans engagement d'une durée de 30 minutes.

(iv) Le caractère particulièrement agressif de la politique commerciale

Bien que figurant parmi les moins chères du marché, les offres de Débitel sont directement concurrencées par celles d'autres MVNO. Ainsi, alors que Débitel propose 30 minutes de communication sans engagement au prix de 9,9 euro par mois, Coriolis propose la même durée pour 9,8 euro, Télé2 Mobile pour 9,85 euro et Breizh Mobile pour 9,9 euro. Toutes choses égales par ailleurs, et bien que l'hétérogénéité des offres de téléphonie mobile rende parfois hasardeuses les comparaisons, il semble exister des opérateurs tout aussi agressifs que Débitel au regard des prix pratiqués.

En outre, les parties ont indiqué que les dépenses publicitaires de Débitel étaient limitées par rapport à celles supposées d'autres opérateurs (NRJ Mobile, Virgin Mobile). Selon les informations communiquées par les parties, Débitel aurait dépensé en publicité en 2006 environ [...] millions d'euro, soit [0-10] % de son chiffre d'affaires. A titre de comparaison, Virgin Mobile aurait investi environ 20 millions d'euro la première année de son lancement (31).

Compte tenu de ces éléments, il apparaît que Débitel n'a pas les caractéristiques d'un maverick. Dès lors, la présente opération n'est pas de nature à produire d'effets structurels sur le marché de la téléphonie mobile et l'analyse concurrentielle n'a pas à être d'avantage approfondie sur ce marché. En particulier, il n'apparaît pas nécessaire de se prononcer plus avant sur une analyse des effets coordonnés, Débitel n'ayant en aucun cas la capacité à remettre en cause un éventuel oligopole collusif préexistant.

En conséquence, la présente concentration ne saurait être de nature à renforcer une quelconque position dominante, y compris collective, sur ce marché.

Dans le cadre des effets horizontaux de l'opération, la question d'éventuels effets unilatéraux peut toutefois se poser en l'absence de création ou de renforcement de position dominante de SFR. Ceux-ci pourraient notamment consister en une augmentation unilatérale des prix des offres de téléphonie mobile de Débitel à l'issue de l'opération, au détriment de ses abonnés (32).

Interrogées sur ce point de l'analyse, les parties ont indiqué que dans l'hypothèse où Débitel augmenterait ses tarifs à la suite de son rachat par SFR, ses abonnés auraient non seulement la liberté de résilier leur abonnement mais également la possibilité de souscrire un nouvel abonnement auprès d'autres opérateurs, proposant un tarif comparable ou inférieur pour des offres analogues.

En présence de clients non captifs sur un marché où la concurrence se fait par les prix (" modèle à la Bertrand "), la profitabilité d'une augmentation unilatérale d'une partie des prix par la nouvelle entité est sujette à caution. En effet, il semble improbable " qu'à la suite de la concentration, la nouvelle entité puisse juger profitable de relever une partie ou l'ensemble de ses prix [...] alors qu'avant la fusion, un tel comportement aurait conduit à une réduction trop importante des ventes au profit d'autres opérateurs ".

Il peut être relevé que l'existence sur le marché d'offres concurrentes proches rend économiquement inefficace une telle augmentation unilatérale des prix, la nouvelle entité ne recueillant qu'une partie peu substantielle des bénéfices escomptés. En effet, des concurrents tels que Coriolis, Breizh Mobile et Télé2 Mobile proposent des services pouvant être considérés comme les plus proches substituts des offres de Débitel, à des prix identiques, voire inférieurs, pour un service équivalent. Selon un tableau comparatif des tarifs des opérateurs de téléphonie mobile (hors promotions), SFR et MobiSud proposent en effet des substituts qui apparaissent moins proches du point de vue du consommateur. Compte tenu du positionnement low cost de Débitel, le report de la clientèle de Débitel vers une offre concurrente à un prix similaire ou inférieur semble la plus probable.

Les clients de Débitel sont en effet supposés être particulièrement sensibles aux tarifs pratiqués par leur opérateur de téléphonie mobile, ce qui explique notamment un attachement à pouvoir de ne pas s'engager contractuellement (" offre sans engagement ").

Concernant l'absence de contraintes dans le choix du consommateur à changer d'opérateur, les parties ont précisé que les conditions générales d'abonnement de Débitel prévoient que " les tarifs applicables sont ceux fournis à la souscription du contrat. Débitel se réserve le droit de modifier ses tarifs mais en informera préalablement l'Abonné. Ce dernier pourra - s'il n'accepte pas cette modification - résilier son contrat dans un délai de 4 semaines à compter de la transmission de ce nouveau tarif " (33). En outre, depuis le 21 mai 2007, le système de la portabilité du numéro mobile (34) permet à l'abonné de demander la conservation de son numéro dans un délai de dix jours en s'adressant au nouvel opérateur de son choix (35).

Dès lors, compte tenu de ces éléments, l'opération ne saurait engendrer d'effets unilatéraux de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché national de la vente au détail de la téléphonie mobile.

c. Le marché de la distribution de produits et de services de téléphonie mobile

Au niveau national, les parties ont calculé leurs parts de marché à partir de leurs ventes brutes :

- SFR, notamment via les ventes brutes de ses Espaces SFR détiendrait une part de marché estimée entre [0-10] % et [10-20] % ;

- Débitel, notamment via ses boutiques Videlec détient une part de marché de l'ordre de [0- 10] %.

Ainsi, à l'issue de l'opération, la nouvelle entité détiendrait une part de marché estimée entre [0- 10] % et [10-20] %.

Afin d'établir une comparaison avec les autres opérateurs présents sur le marché, les positions des parties et des concurrents ont également été appréhendées par le nombre de points de vente contrôlés par les parties distribuant leurs produits et services respectifs, de manière exclusive (" mono-marques ") ou sélective (" multimarques ").

- SFR distribue ses offres notamment à travers un réseau de 737 points de vente sous l'enseigne Espace SFR.

- Débitel via sa filiale Videlec, dispose d'un réseau de 63 points de vente. Cependant cette enseigne distribue les offres de plusieurs marques, à savoir Orange ([50-60] % des activations au sein de ce réseau en 2006), de SFR ([20-30] %) et de Débitel ([10-20] %).

Eu égard à la faiblesse relative du nombre de points de vente à enseigne Videlec, l'opération ne modifie pas substantiellement la structure du marché de la distribution au niveau national, l'incrément de la part de marché de SFR étant inférieur à 5 %.

La nouvelle entité restera principalement concurrencée par les deux autres MNO, Orange (887 points de vente (36)) et Bouygues Télécom (539 magasins). En outre, plusieurs MVNO détiennent un réseau de distribution étendu tels qu'Auchan (120 hypermarchés), Carrefour (192 hypermarchés), Omer Télécom (281 magasins The phone house) et Coriolis (180 points de vente Téléphone Store).

Dans la mesure où la concentration ne crée ni ne renforce une position dominante de SFR sur le marché national de la distribution de produits et de service de téléphonie mobile au niveau national, Orange demeurant le premier acteur du marché, elle n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

Au niveau local, il ressort de l'analyse réalisée sur les 50 communes dans lesquelles les parties sont concomitamment présentes que l'opération a un impact très limité. La prise de contrôle des points de vente à l'enseigne Videlec ne confère à SFR une position incontournable sur aucun marché local, dans la mesure où les concurrents implantés dans les mêmes zones de chalandise disposent également de points de vente.

Ainsi, à l'issue de l'opération, dans 42 communes, la nouvelle entité restera concurrencée par les magasins d'Orange, de Bouygues et d'au moins une enseigne généraliste indépendante (37).

Dans deux communes, Dieppe (76) et Saint Maur des Fosses (94), et dans la conurbation Deauville-Trouville (14), l'opération se traduit par la disparition de l'unique point de vente indépendant des opérateurs Orange, SFR et Bouygues. Sur ces communes les deux MNO concurrents de SFR disposent toutefois de points de vente. En outre, à proximité des communes de Dieppe et de Saint Maur, des enseignes de la grande distribution spécialisée ou alimentaire distribuant des offres de téléphonie mobile (Darty et Carrefour) sont également présentes. Enfin, à proximité de Deauville- Trouville, est situé, à Touques, un magasin Leclerc disposant d'un espace de téléphonie mobile.

Dans cinq communes, Thoiry (01), Louvier (27), Saint Gaudens (31), Biarritz (64) et Orthez (64), la nouvelle entité ne sera directement concurrencée que par des boutiques du groupe Orange. En effet, le groupe Bouygues ne posséde pas de points de vente en propre dans ces communes. Toutefois, la présence de points de vente indépendants à Thoiry, Louvier et Saint-Gaudens permet dans ces villes de maintenir une offre diversifiée. A Biarritz et Orthez, le risque d'effets unilatéraux peut également être écarté en raison de la présence proche de plusieurs magasins généralistes distribuant des offres de téléphonie mobile dont Darty et Auchan.

Ainsi, au niveau local, l'opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution de services et de produits de téléphonie mobile.

3.2. Les effets verticaux

L'opération consiste en le rachat d'un MVNO par son fournisseur de réseau. Cette concentration a donc un impact sur les trois principaux marchés étudiés, dans la mesure où elle concerne des activités situées à des stades différents de la vie d'un même service, à savoir la téléphonie mobile.

Au cas d'espèce, l'intégration verticale peut poser des problèmes si elle prive les concurrents de leurs inputs ou les rend dépendants, pour leur approvisionnement, de SFR. Comme le précisent les Lignes directrices de la DGCCRF, la même dépendance peut se produire pour la commercialisation ou la distribution. Le dernier risque identifié consisterait en un phénomène de fermeture du marché (" forclusion ") dans le cas où SFR se retirerait d'un des marchés concernés pour favoriser des transactions internes.

A titre liminaire, les parties soutiennent que les risques d'effets anticoncurrentiels liés à une intégration verticale des activités de Débitel à SFR sont " quasiment inexistants " dans la mesure où, comme il a été montré, SFR n'est en position dominante sur aucun des marchés de la chaîne de valeur. Toutefois, il n'est pas nécessaire qu'une entreprise soit en position dominante sur l'un des marchés concernés pour qu'une intégration verticale des activités acquises puisse poser des problèmes de concurrence. Dès lors, les risques d'atteinte à la concurrence résultant des trois configurations évoqués ci-dessus doivent être examinés de manière plus approfondie.

a. Le marché de détail de la téléphonie mobile

Sur ce marché, il convient de relever que SFR ne dispose pas de la possibilité de mettre fin à ses relations contractuelles avec les MVNO qui utilisent son réseau. Les parties ont également indiqué que l'opération ne remettait pas en cause l'arrivée de nouveaux MVNO sur le marché, tels que Numéricâble, Alice ou Leclerc. La présence en amont d'Orange et de Bouygues qui devrait passer du statut d'entrant potentiel à celui d'opérateur actif au début de l'année 2008 assure par ailleurs aux MVNO une alternative dont l'opération n'a pas restreint le champ. Dès lors, les risques de forclusion de ce marché peuvent être écartés.

Le test de marché a toutefois révélé le risque de pratiques tarifaires discriminatoires de SFR au détriment de ses clients MVNO et au seul bénéfice de Débitel. Une telle stratégie pourrait consister à dégrader l'offre des autres MVNO, clients de SFR, positionnés de manière comparable à Débitel, et permettrait à la nouvelle entité de capter une part importante des clients des MVNO concurrents, qui pourraient alors être évincés du marché.

Cependant, cette stratégie d'éviction des concurrents de SFR et de Débitel sur le marché de détail de la téléphonie mobile n'apparaît pas rentable pour SFR. Pour qu'elle le soit, il faudrait que la majeure partie des clients des MVNO concurrents qui utilisent le réseau de SFR se reporte sur l'offre, plus compétitive, de Débitel. Or un tel report massif de la demande vers les offres de la nouvelle entité est peu probable. D'une part, Orange, Bouygues Télécom et, vraisemblablement à court ou à moyen terme, un quatrième fournisseur, constitueraient des sources alternatives d'approvisionnement pour les MVNO sous contrat SFR victimes de cette discrimination tarifaire (38) D'autre part, cette stratégie serait sans effet sur les MVNO concurrents utilisant le réseau d'Orange, ou de Bouygues Telecom, dont les offres en matière de téléphonie mobile apparaissent déjà à l'heure actuelle comme parfaitement substituables à celle Débitel. Ce serait notamment le cas de Télé2 Mobile, Breizh et Virgin Mobile. Enfin, il convient d'indiquer la présence sur ce marché d'Orange qui, compte tenu de sa position et des moyens financiers dont elle dispose, a les capacités de réagir pour contrer toute stratégie d'éviction.

Compte tenu de ces éléments, les risques d'atteinte à la concurrence liés à l'intégration verticale des activités des parties sur les marchés de détail de la téléphonie mobile peuvent être écartés.

b. Le marché de la distribution de produits et de services de téléphonie mobile

Sur ce marché, le risque d'éviction des autres opérateurs pour l'accès à un réseau de distribution peut également être écarté. En effet, au cas d'espèce, les points de vente Videlec distribuaient avant l'opération les produits et les services d'Orange ([50-60] %), de SFR ([20-30] %) et de Débitel ([10- 20] %). Ainsi, aucun autre MVNO n'était distribué par ce circuit de distribution. Dès lors, l'opération ne saurait créer à leur encontre un risque d'éviction. Seul Orange pourrait se voir refuser par la nouvelle entité la distribution de ses produits et ses services dans les points de vente Videlec. Cependant, si un tel risque ne peut être écarté en théorie, il convient d'en relativiser l'impact concurrentiel. En effet, il ne saurait être de nature à porter atteinte à la concurrence au regard de la position d'Orange sur le(s) marché(s) de la distribution. En effet, Orange dispose du plus large réseau de points de vente de produits et de services de téléphonie mobile au niveau national. Une analyse locale, au niveau de chaque zone de chalandise, n'a pas montré qu'Orange serait privé d'un débouché substantiel pour la distribution de ses produits et ses services.

Dans le cadre du test de marché, certains tiers ont souhaité que les clauses des contrats conclus entre les MNO et les MVNO fassent l'objet d'un examen approfondi sur leurs conséquences économiques sur des marchés oligopolistiques. Or l'analyse concurrentielle menée au titre du contrôle des concentrations à l'occasion du rachat de Débitel par SFR n'est pas l'outil prévu par le législateur pour examiner les contrats ou les pratiques qui ne sont pas rattachables à l'opération en cause.

Ainsi certains tiers ont indiqué qu'il eût été préférable d'autoriser d'autres MVNO à procéder au rachat de Débitel, possibilité de rachat limitée par l'existence de clauses de préemption en faveur de SFR. Il n'appartient pas au ministre d'interférer dans le choix des actionnaires de la cible du repreneur, pas plus que le contrôle des concentrations n'a vocation à rendre les marchés " plus concurrentiels " en favorisant des concurrents plus faibles : il doit en revanche examiner ex-ante si une opération soumise à son contrôle par les parties qui procèdent à la notification est compatible avec l'ordre public économique, et notamment vérifier que cette opération est insusceptible de porter atteinte à la concurrence.

Si une attention toute particulière doit être accordée à ces marchés, considérés de l'avis de l'ensemble des tiers interrogés comme non suffisamment concurrentiels, le ministre rappelle que cette mission relève du régulateur sectoriel. En aucun cas, le ministre ne peut prendre prétexte d'une opération pour remodeler la structure de marchés sur lesquels elle n'aurait pas d'impact. L'examen mené procède d'une analyse au cas d'espèce, qui tient compte des circonstances de droit et de fait et des caractéristiques propres à l'opération notifiée.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération.

Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes, et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes

1 Voir la décision de la Commission européenne n°COMP/M.4504 du 18 juillet 2007 dans l'opération de concentration SFR/Télé2 France.

2 Voir la décision de la Commission SFR/Télé 2 France précitée.

3 [...] La Commission a également adopté cette analyse, comme cela sera montré au point I.3 de la décision.

4 La famille Violas détient 62 % du capital de Cinq sur Cinq. Selon les parties, elle exercerait seule une influence déterminante sur cette société. Sur la base d'éléments factuels, l'instruction n'a toutefois pas écarté l'hypothèse selon laquelle CID contrôlerait conjointement Cinq sur Cinq.

5 Comme il sera précisé infra l'opération a été notifiée dans un premier temps aux services de la Commission européenne.

6 Voir le point 147 de la communication juridictionnelle consolidée de la Commission.

7 Mobile Virtual Network Operator.

8 Selon cette règle, une concentration n'est pas de dimension communautaire lorsque chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même État membre, alors que les seuils fixés aux points 2.a) et 2.b) et 3.a) à 3.d) du Règlement (CE) n°139-2004 sont atteints.

9 La Commission a appliqué l'article 5.4.b) iv) du Règlement qui ne prévoit pas la prise en compte des entreprises ayant les droits qu'il énumère sur une partie d'entreprise. Selon [...] la Commission, le " droit de gérer les affaires de l'entreprise ", tel qu'il est mentionné dans le texte du règlement, doit concerner l'entreprise en sa totalité.

10 Recommandation de la Commission n°C(2003)497 du 11 février 2003.

11 Directive 2002-21-CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive " cadre "), JOCE L 108 du 24 avril 2002, p.45.

12 Voir également l'avis du Conseil de la concurrence n° 05-A-05 du 16 février 2005 relatif à une demande d'avis de l'Autorité de Régulation des Télécommunications en application de l'article L. 37-1 du Code des postes et des communications électroniques, portant sur l'analyse des marchés de détail et de gros de la téléphonie fixe, paragraphe 21.

13 Mobile Network Operator.

14 Société contrôlée par Vivendi, société mère de SFR.

15 Décision du Conseil de la concurrence n° 02-D-69 du 26 novembre 2002 relatives aux saisines et aux demandes de mesures conservatoires présentées par l'Union fédérale des consommateurs Que Choisir et la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie.

16 Décision de la Commission européenne n° COMP/M.3916 du 26 avril 2006 relative à l'opération de concentration T-Mobile Austria/Tele.ring.

17 Décision de la Commission n° COMP/M.1760 du 20 décembre 1999 relative à l'opération de concentration Mannesmann/Orange.

18 Décision du Conseil de la concurrence n° 06-D-10 du 12/05/2006 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Bouygues Télécom contre le grossiste Stock-Com.

19 Avis du Conseil de la concurrence n° 04-A-17 du 14 octobre 2004 relatif à une demande d'avis présentée par l'Autorité de Régulation des Télécommunications en application de l'article L. 37-1 du Code des postes et communications électroniques.

20 Décision du Conseil de la concurrence n° 04-MC-02 du 9 décembre 2004 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Bouygues Télécom Caraïbe à l'encontre de pratiques mises en œuvre par les sociétés Orange Caraïbe et France Télécom.

21 Il convient de noter que Transatel est un MVNO qui propose une offre couvrant plusieurs pays limitrophes (France, Benelux). Mais il s'agit d'un cas isolé, concernant un opérateur détenant une part de marché très limitée.

22 Voir, par exemple, la décision de la Commission européenne n° COMP/M.4748 du 20 août 2007 relative à la concentration T-Mobile/Orange Netherlands.

23 Comme mentionné précédemment, Bouygues ne sera actif sur ce marché qu'à partir de janvier 2008.

24 Au contraire d'ailleurs, la part de marché de SFR diminuera mécaniquement à l'issue de l'opération dans la mesure où les relations entre SFR et Débitel devront être considérées comme internes à la nouvelle entité (" intragroupe "), c'est-à-dire hors marché.

25 Le taux de pénétration du mobile dans plusieurs pays européens est effet de l'ordre de 100 %.

26 Source : estimations de SFR sur la base des données publiées par les opérateurs et l'ARCEP (Le Suivi des Indicateurs Mobiles, données chiffrées au 30 juin 2007).

27 MobiSud est une filiale détenue à 66 % par Maroc Télécom, elle-même détenue à 51 % par Vivendi, à 16 % par SFR et à 18 % par le groupe marocain Saham.

28 Selon un communiqué de presse disponible sur le site Internet de France Télécom/Orange, en date du 12 septembre 2007, " Orange envisage une prise de participation majoritaire au capital de l'opérateur mobile virtuel Ten ".

29 En décembre 2005, les MVNO détenaient 0,6 % du parc de clients mobiles en France. Cette part de marché est passée à 1,4 % en juin 2006, puis à 2,8 % en décembre 2006.

30 Les recrutements nets (ou ventes nettes) représentent la différence entre les ventes brutes réalisées et les résiliations enregistrées. Les ventes brutes sont définies comme les clients d'un opérateur dont l'enregistrement a eu lieu au cours de l'année, incluant les ventes de cartes SIM correspondant à un service pré-payé. Elles excluent cependant les migrations entre offres prépayées et post-payées.

31 Source : www.silicon.fr, article paru le 12 janvier 2007 sous le titre " Virgin Mobile franchit le cap des 300 000 abonnés ".

32 La question des risques d'une dégradation de la qualité du service rendu ne se pose pas au cas d'espèce dans la mesure où il n'est pas techniquement possible pour un MNO de discriminer la qualité du réseau en fonction de l'opérateur qui l'utilise.

33 Article 14.2 des conditions générales d'abonnement de Débitel France.

34 La " portabilité ", ou " conservation " du numéro, permet à tout client de changer d'opérateur tout en conservant son numéro de téléphone. Cette fonctionnalité est un élément décisif pour que le consommateur puisse bénéficier des effets d'une concurrence entre les opérateurs de téléphonie mobile.

35 Le décret n°2006-82 du 27 janvier 2006 relatif à la conservation du numéro a modifié le Code des postes et des communications électroniques en précisant les modalités selon lesquelles un abonné peut conserver son numéro lorsqu'il change d'opérateur. Les modalités d'application de la portabilité des numéros mobiles en métropole sont précisées dans la décision n° 06-0381 de l'ARCEP du 30 mars 2006.

36 715 Agences France Télécom et 172 boutiques Mobistore. Par ailleurs, le 1er octobre 2007, le groupe Orange a notifié au ministre de l'Economie des Finances et de l'Emploi l'acquisition de 508 magasins sous enseignes Photo Service et Photo Station.

37 Dans la majorité des cas, il s'agit d'un point de vente à enseigne The Phone House ou Tel and Com.

38 Cette assertion doit être relativisée en raison de la durée importante des contrats souscrits par SFR avec ses clients MVNO (9 ans). Au demeurant certaines clauses limitent une réelle mise en concurrence des offres d'Orange et SFR pour les MVNO déjà sous contrat.

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