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Décisions

CA Rennes, 8e ch. prud'homale, 6 juillet 2006, n° 06-00029

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ginkgo (SAS)

Défendeur :

de Simone

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Segondat

Conseillers :

Mme L'Hénoret, M. Patte

Avocats :

Mes Bazire, Le Guillou Rodrigues

Cons. prud'h. Quimper, du 5 déc. 2005

5 décembre 2005

Faits et procédure

La société Ginkgo a été créée en février 2002 en vue notamment de développer une activité de franchisé régional en matière de transport de plis et de petits colis avec le Groupe Fastway et a recherché des partenaires dans le cadre de contrats de franchisé courrier, pour procéder à la concession d'une partie du territoire de sa propre franchise régionale.

C'est ainsi que par acte en date du 28 mars 2003 la société Ginkgo et l'EURL Transport Gil représentée par son gérant Monsieur Gil de Simone ont conclu un contrat de franchisé courrier aux termes duquel la société Kermarrec disposait de l'exclusivité d'activité sur un secteur défini et s'engageait à exploiter la marque agréée Fastway à l'aide de ses véhicules et de son personnel.

Après avoir mis en demeure la société Ginkgo de respecter les dispositions du Code du travail, Monsieur Gil de Simone par lettre du 19 juin 2004 a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société.

C'est dans ces conditions que par requête du 16 juin 2004 Monsieur Gil de Simone a saisi le Conseil de prud'hommes de Quimper pour voir dire qu'il était lié à la société Ginkgo par un contrat de travail, que la rupture de celui-ci s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour obtenir un rappel de salaire, de congés payés, des remboursements de frais, une indemnité de préavis, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages intérêts.

La société Ginkgo, contestant la qualité de salarié de Monsieur Gil de Simone, a soulevé l'incompétence de la juridiction prud'homale au profit du Tribunal de commerce de Brest.

Par jugement en date du 5 décembre 2005 le Conseil de prud'hommes de Quimper, présidé par le juge départiteur, s'est déclaré compétent et a tardé à statuer sur le fond du litige jusqu'à expiration du délai pour former contredit.

La société Ginkgo a formé contredit.

Prétentions et moyens des parties

La société Ginkgo conclut à l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour de renvoyer l'affaire devant le Tribunal de commerce de Brest et de lui allouer une indemnité de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle fait valoir:

- que les conditions posées par l'article L. 781-1-2 du Code du travail dont Monsieur Gil de Simone se prévaut pour demander la requalification des relations contractuelles ne sont pas réunies en l'espèce,

- que Monsieur Gil de Simone était gérant de la SARL Kermarrec,

- qu'il avait la maîtrise de ses horaires, de son organisation et de son circuit d'activité,

- qu'il avait également la maîtrise de sa démarche commerciale,

- qu'il avait le droit et la possibilité de développer d'autres activités que celle du courrier franchisé,

- qu'il était responsable de son activité économique et commerciale,

- que l'EURL Gil de Simone exerçait son activité dans ses propres locaux avec son propre matériel et procédait elle-même à l'établissement de la facturation et à la tenue de sa comptabilité.

Monsieur Gil de Simone conclut au rejet du contredit, à la confirmation du jugement et sollicite une indemnité de 1 500 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il soutient:

- que sa profession consistait à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter ou à transporter pour le compte d'une seule entreprise,

- qu'il exerçait dans un local fourni ou agréé par la société Ginkgo et aux conditions et prix imposés par cette dernière,

- qu'il n'avait aucune liberté pour gérer le stock,

- que lorsque le contrat a été rompu, d'autres salariés de la société Ginkgo ont transporté les colis dans des conditions identiques,

- qu'il devait respecter des horaires et un itinéraire,

- que les conditions de l'article L. 781-1-2e étaient réunies.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties la cour se réfère expressément aux conclusions déposées et développées oralement à l'audience.

Discussion

Considérant que l'article L. 781-1 du Code du travail prévoit que les dispositions de ce Code sont applicables aux personnes dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises ou denrées de toute nature, des titres, des volumes, publications, billets de toute sorte qui leur sont fournis exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise industrielle ou commerciale, soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise;

Considérant que l'activité de Monsieur Gil de Simone consistait à effectuer des livraisons de plis ou de petits colis;

Que dès lors les conditions requises pour bénéficier des dispositions de l'article précité étaient les suivantes :

- transporter les marchandises pour le compte d'une seule entreprise industrielle ou commerciale,

- exercer sa profession dans un local fourni ou agréé par la société Ginkgo,

- être soumis aux conditions et aux prix imposés par cette société.

Considérant en premier lieu que malgré les demandes officielles de communication de pièces effectuées par le conseil de la société Ginkgo, Monsieur Gil de Simone n'a fourni aucun élément comptable et notamment ni les bilans, ni les comptes de résultat de l'EURL Transports Gil qui lui avalent été réclamées et qui étaient de nature à permettre de déterminer si l'entreprise Transports Gil avait réalisé un chiffre d'affaires supérieur à celui enregistré dans le cadre de l'activité "Fastway";

Que Monsieur Gil de Simone ne démontre dès lors pas qu'il transportait des marchandises uniquement pour le compte de la société Ginkgo;

Considérant en second lieu que si la société Ginkgo fournissait des étiquettes de transport à des prix fixes, il résulte toutefois des éléments produits aux débats qu'il ne s'agissait que de prix conseillés et que dans une note interne elle indique expressément : "l'esprit réseau nous impose de communiquer sur un prix d'étiquettes identique. Néanmoins vous avez la possibilité d'ajuster vos prestations si nécessaire en ajoutant des vignettes";

Considérant en troisième lieu que si la société Ginkgo a effectivement attiré l'attention des courriers franchisés sur l'importance de respecter les horaires d'enlèvement et de livraison, il est tout aussi constant que plusieurs franchisés dans des témoignages que rien ne permet de remettre en cause, soulignent qu'ils possédaient une clé du dépôt ce qui leur permettait d'avoir toute latitude dans la gestion de leur emploi du temps qu'ils organisaient à leur convenance et en fonction des attentes des clients;

Que sur ce point l'attestation produite par Monsieur Gil de Simone et émanant d'un salarié de la société Ginkgo qui n'est resté qu'un mois et qui indique avoir eu les mêmes horaires que Monsieur Gil de Simone est dépourvue de pertinence dès lors que cet employé fait état d'horaires qui ne coïncident ni avec son bulletin de salaire ni avec sa fiche horaire ;

Considérant enfin qu'il sera relevé que la société Gil de Simone établissait elle-même les factures des clients et utilisait son propre matériel et que les commerciaux de la société Ginkgo ne pouvaient visiter la clientèle qu'avec l'autorisation du courrier franchisé du secteur;

Considérant qu'il s'ensuit que même si incontestablement il existait une certaine dépendance économique entre la société Ginkgo et la société Transports Gil de Simone, les conditions fixées par l'article L. 781-1- 2e) du Code du travail qui sont cumulables n'étaient pas toutes remplies et que dès lors Monsieur Gil de Simone ne peut valablement se prévaloir des dispositions de ce texte et revendiquer d'une façon, générale l'application du Code du travail;

Que c'est en conséquence à tort que les premiers juges ont retenu leur compétence;

Considérant qu'il n'y a pas lieu en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Que Monsieur Gil de Simone qui succombe supportera les dépens et les frais du contredit.

Par ces motifs, LA COUR, Déclare recevable et bien fondé le contredit formé par la société Ginkgo. Dit que le Conseil de prud'hommes de Quimper n'était pas compétent pour connaître du litige. Renvoie l'affaire devant le Tribunal de commerce de Brest. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Condamne Monsieur Gil de Simone aux dépens de première instance et aux frais du contredit.