CCE, 10 juillet 2007, n° 2008-91
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Concernant l'aide d'État C 19/06 (ex NN 29/06) mise à exécution par la Slovénie en faveur de Javor Pivka Lesna Industrija d.d.
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les parties intéressées à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1), considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) Le 1er décembre 2004, la Commission a reçu une plainte concernant une aide d'État présumée en faveur de l'entreprise slovène de transformation du bois Javor Pivka Lesna Industrija d.d. (ci-après dénommée "Javor Pivka").
(2) La plainte portait sur des mesures financières adoptées le 27 mai 2004 en faveur de Javor Pivka par décision du Gouvernement de la République de Slovénie conformément à l'article 21 de la loi slovène régissant les aides au sauvetage et à la restructuration en faveur d'entreprises en difficulté. En outre, il est apparu que cette mesure n'a pas été notifiée à la Commission au motif qu'elle avait été approuvée par la commission d'experts interministérielle slovène le 23 avril 2004, c'est-à-dire avant l'adhésion. Cependant, le critère déterminant pour établir l'octroi d'une aide étant l'acte juridiquement contraignant par lequel l'autorité compétente nationale s'engage à accorder une aide d'État, la Commission a estimé que la mesure en cause constitue une nouvelle aide et aurait donc dû être notifiée en vertu de l'article 88 et appréciée au regard de l'article 87 du traité CE (2).
(3) Par lettre du 16 mai 2006, la Commission a informé la Slovénie de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE à l'égard de cette aide.
(4) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (3). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur l'aide en cause.
(5) La Commission n'a reçu aucune observation de la part des parties intéressées.
(6) La Slovénie a présenté ses observations par lettre du 17 juillet 2006. Par lettre du 23 février 2007 (portant la référence D/50797), la Commission lui a demandé des renseignements complémentaires, qui lui ont ensuite été fournis le 23 avril 2007. Par ailleurs, une réunion entre des représentants de services de la Commission et des autorités slovènes a eu lieu le 28 juin 2006.
II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE
1. Bénéficiaire
(7) Javor Pivka fabrique des produits semi-finis en bois et des meubles. La société est implantée dans la région de Pivka (Slovénie), région assistée au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE. En 2003, elle comptait 800 salariés. Elle possède quatre filiales à 100 %.
(8) La société est contrôlée par quelque 1 264 actionnaires: neuf sociétés d'investissement ou autres personnes morales contrôlent 60 % de son capital, les 40 % restants se répartissant entre 1 255 actionnaires, dont aucun ne détient une participation supérieure à 1 % (4).
(9) Au cours des années qui ont précédé l'octroi de l'aide, Javor Pivka a rencontré des difficultés financières. Les principaux indicateurs financiers et d'exploitation sont présentés dans le tableau suivant:
<emplacement tableau>
2. Programme de restructuration
(10) Pour surmonter ses difficultés, Javor Pivka a présenté en avril 2004 au ministère de l'Economie un plan de restructuration pour une période allant de 2004 à 2008.
(11) La société indiquait que ses difficultés étaient dues à son manque de compétitivité par rapport aux importations, en provenance de pays en développement, producteurs à bas coût de revient, sur ses marchés d'exportation traditionnels (en particulier l'Allemagne et les États-Unis). Afin de faire face à cette concurrence et de rétablir sa viabilité, Javor Pivka a constaté qu'elle devait accroître sa productivité au moyen d'une modernisation technologique et d'une réduction de ses coûts et se repositionner sur des créneaux de marché à marge plus élevée ainsi que sur de nouveaux marchés géographiques.
(12) À cette fin, le programme de restructuration prévoyait les mesures suivantes:
(13) Restructuration technologique : Cela consistait dans une modernisation complète des équipements obsolètes et des programmes de production. L'objectif n'était pas d'augmenter la capacité de production, mais la productivité, et de satisfaire les demandes des clients en introduisant de nouveaux produits et en s'adaptant aux normes environnementales en matière de production. Les nouvelles installations de production permettraient également à la société de passer de produits semi-finis à des biens ayant atteint un stade de transformation plus avancé et à plus grande valeur ajoutée (en particulier dans le programme des bois contreplaqués). 50 % des coûts de ce volet de la restructuration devaient être couverts par des crédits bancaires assortis d'une garantie d'État, les 50 % restants par les ressources propres de Javor Pivka.
(14) Restructuration du personnel : Ce volet du plan de restructuration prévoyait une réduction des effectifs, soit le licenciement de quelque 100 salariés (ayant droit à des indemnités de licenciement), et la formation des 700 salariés maintenus en poste afin de leur permettre de répondre aux nouvelles exigences du programme de restructuration.
(15) Aperçu de la stratégie commerciale : Un autre élément du plan de restructuration consistait dans l'adaptation à l'évolution de la demande et de la concurrence sur les anciens marchés de la société par le biais d'un repositionnement sur de nouveaux créneaux de marché plus lucratifs et l'entrée sur de nouveaux marchés géographiques (la Russie, en particulier pour les meubles, et l'Europe du Sud-Est). En ce qui concerne les produits, la société prévoyait de s'orienter vers des bois contreplaqués ayant atteint un stade de transformation plus avancé, des bois contreplaqués spéciaux destinés au secteur de la construction et, dans le secteur du meuble, des sièges spécifiques destinés aux hôpitaux, aux maisons de retraite et à d'autres établissements spécialisés.
(16) Réorganisation de la structure de la société : Le retour à la viabilité exige également une réorganisation de la société (par exemple, la fusion de filiales et une amélioration du contrôle des coûts par la centralisation de ses fonctions de vente, d'achat et financière). Le coût de ces mesures devrait être entièrement couvert par les ressources propres de Javor Pivka.
(17) Restructuration financière : Faute de liquidités suffisantes, les dettes et les charges financières de la société s'étaient accumulées. L'objectif de la restructuration financière consistait à adapter les sources de financement de la société et ses échéanciers de remboursement, afin de garantir sa capacité de paiement courante et à long terme. L'attention devait se porter sur le rééchelonnement de la dette, l'abaissement des taux d'intérêt, l'allongement des délais de remboursement et l'obtention d'un moratoire sur le remboursement du principal.
3. Coûts et financement de la restructuration
(18) Le tableau ci-dessous fournit une vue d'ensemble du financement des coûts de la restructuration (5).
<emplacement tableau>
(19) Le principal élément de l'aide provenant de ressources d'État consiste dans la garantie d'État pour des emprunts d'un montant de 1 100 000 000 SIT destinés au financement de la restructuration technologique de Javor Pivka. À titre de sûreté pour ces garanties, les autorités slovènes ont reçu une hypothèque sur des actifs appartenant à Javor Pivka, d'une valeur correspondant au montant couvert par les garanties, soit 1 100 000 000 SIT (environ 4 584 000 EUR).
(20) En outre, une subvention de 382 250 000 SIT (environ 1 592 000 EUR) a été accordée à Javor Pivka pour les coûts de la restructuration du personnel. Cette aide couvrira les indemnités de licenciement versées aux salariés licenciés ainsi que les coûts de la formation des salariés maintenus en poste.
(21) La Slovénie a indiqué que Javor Pivka contribuerait à la restructuration à hauteur de 2 119 650 000 SIT (environ 8 832 000 EUR), soit à hauteur de 53,7 % des coûts totaux.
4. Situation du marché
(22) Javor Pivka produit les produits suivants, pour lesquels ses parts de marché respectives au niveau de l'UE sont les suivantes (les chiffres se rapportent à 2003 et les codes NC à la nomenclature combinée):
a) coffrages (NC 4418 40) : 3,91 %
b) bois contreplaqués (NC 4412) : 0,18 %
c) feuilles pour placage (NC 4408) : 0,22 %
d) sièges en bois (NC 9401 61 + 9401 69 + 9401 90 30) : 0,08 %
(23) La part de marché cumulée de Javor Pivka dans sa gamme de produits sur le marché de l'UE-25 était de 0,21 % en 2003.
III. MOTIFS DE L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE PRÉVUE À L'ARTICLE 88, PARAGRAPHE 2, DU TRAITÉ CE
(24) Ainsi qu'il a été indiqué plus haut, les autorités slovènes n'ont pas notifié les mesures en faveur de Javor Pivka. Dans sa lettre du 16 mai 2006 relative à l'ouverture de la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE, la Commission a expliqué en détail les raisons pour lesquelles les mesures en cause constituent une nouvelle aide devant lui être notifiée en vertu de l'article 88 du traité CE et devant être appréciée au regard de l'article 87 du traité CE.
(25) En outre, la Commission a émis des doutes quant à la compatibilité de cette aide avec le Marché commun et, en particulier, avec les Lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté (6) (ci-après dénommées "les lignes directrices"), de 1999, pour les motifs suivants:
a) La Commission doutait que Javor Pivka puisse bénéficier d'une aide à la restructuration au titre des lignes directrices. La Commission doutait en particulier qu'il s'agisse d'une société "en difficulté" au sens des lignes directrices, car ses mauvais résultats de 2003 pouvaient avoir constitué une circonstance exceptionnelle et ne pas s'inscrire dans une tendance. De plus, il n'était pas clair pour la Commission si Javor Pivka faisait partie d'un groupe commercial plus grand et si elle ne pouvait pas obtenir les fonds nécessaires de ses actionnaires.
b) La manière dont la société devait rétablir sa viabilité à long terme n'était pas claire, puisque la Commission n'avait pas reçu suffisamment de données pour apprécier les résultats qu'elle obtiendrait à l'avenir grâce au plan de restructuration.
c) Aucune étude du marché n'a été présentée pour justifier l'absence de mesures compensatoires.
d) La Commission doutait aussi que l'aide soit limitée au minimum nécessaire, parce qu'il n'était pas certain que Javor Pivka ait contribué de manière importante au financement de sa restructuration sur ses propres ressources, l'origine de ces dernières n'étant pas claire.
e) Enfin, la Commission a demandé des renseignements sur l'ensemble des autres aides qui avaient été octroyées à Javor Pivka en 2004, afin de s'assurer qu'elle n'avait pas déjà reçu une aide au sauvetage et à la restructuration, auquel cas la condition de l'aide unique, énoncée aux points 48 à 51 des lignes directrices, lui interdirait de bénéficier à nouveau de ce type d'aide.
IV. OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR LA SLOVÉNIE
(26) Au cours de la procédure formelle d'examen, la Slovénie a présenté les observations suivantes.
1. Nouvelle aide ou aide octroyée avant l'adhésion
(27) La Slovénie a soutenu que la décision d'octroi de l'aide, qui était contraignante pour l'État slovène, avait été adoptée sur la base de l'avis favorable de la commission d'experts interministérielle. Étant donné que cette décision avait été adoptée le 6 avril 2004, c'est-à-dire avant l'adhésion de la Slovénie à l'Union européenne, et que l'aide n'était plus d'application après l'adhésion, la Slovénie a considéré qu'il s'agissait d'une aide octroyée avant l'adhésion à laquelle ne s'appliquent pas les dispositions de l'article 87 et de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE.
2. Éligibilité
2.1. Notion de société "en difficulté"
(28) La Slovénie a montré, en présentant entre autres les indicateurs d'exploitation du tableau 1 ci-dessus, que Javor Pivka présentait plusieurs caractéristiques d'une société en difficulté et qu'il ne s'agissait pas que d'une circonstance exceptionnelle en 2003, mais d'une tendance qui avait pu être observée pendant quatre ans (de 2000 à 2003).
(29) À cet égard, la Slovénie a signalé que Javor Pivka n'était pas parvenue à accroître son chiffre d'affaires net au cours de cette période. Ses résultats d'exploitation ont été négatifs pendant toute la période, sauf en 2000, et ses pertes se sont accrues de 2001 à 2003. Ses pertes courantes en 2003 représentaient près de la moitié de son capital social. La marge d'exploitation, le rendement des capitaux propres et le rendement des actifs étaient négatifs et se sont détériorés pendant toute la période 2001-2003. Le flux de trésorerie d'exploitation disponible a diminué au cours de cette période et était même négatif en 2003. Cette tendance négative a atteint son paroxysme lorsque Javor Pivka a été menacée de faillite en 2003.
2.2. Actionnariat de Javor Pivka
(30) La Slovénie a expliqué la structure de l'actionnariat de Javor Pivka en se référant aux particularités du modèle de privatisation appliqué par la Slovénie après la fin du régime communiste. La Slovénie a appliqué un modèle particulier selon lequel le capital des sociétés n'avait pas de propriétaires identifiables, ni privés ni publics, mais constituait du "capital social" appartenant à l'ensemble de la population. Le processus de privatisation visant à transformer cette notion abstraite en structures de propriété plus claires a consisté dans la distribution de certificats de propriété à la population. Ces certificats ont ensuite pu être échangés contre des actions de ces entreprises anciennement "sociales".
(31) Dans ce processus, un rôle important a été joué par les "sociétés d'investissement agréées" (connues sous le sigle "PID") et les sociétés de gestion ("DZU"), qui ont été créées afin de permettre aux investisseurs privés de placer leurs certificats. Ces certificats ont ensuite été transformés par les PID en actions des différentes entreprises privatisées, tandis que les investisseurs individuels ont reçu en contrepartie des actions dans les PID, plutôt que dans les sociétés privatisées elles-mêmes (les PID agissant en quelque sorte comme des fonds d'investissement).
(32) Cependant, les PID n'avaient pas de fonds librement disponibles (leurs investissements étant réalisés en "certificats ") ni ne possédaient l'expertise et l'expérience nécessaires pour pouvoir participer activement à la gestion des entreprises. Par conséquent, les PID ont été des actionnaires passifs qui ne sont guère, voire pas du tout intervenus dans la direction des entreprises qu'ils détenaient.
(33) Ces investisseurs passifs représentent une grande partie de l'actionnariat de Javor Pivka (quelque 44 % de son capital-actions). Ils n'ont pas de capitaux frais à investir dans l'entreprise. Lors de l'élaboration du programme de restructuration, tous les actionnaires institutionnels ont été invités à participer au refinancement, mais aucun d'entre eux n'a répondu. En outre, 1 255 petits actionnaires se partagent 40 % du capital-actions, ce qui signifie qu'au moins 80 % du capital de Javor Pivka ne font pas l'objet d'une gestion active.
3. Retour à la viabilité
(34) À cet égard, la Slovénie a expliqué que les projections de résultats de Javor Pivka présentées dans le plan de restructuration et son retour à la viabilité avaient été basés sur des analyses de marché incluses dans le plan de restructuration, des prévisions de ventes pour les différents segments de la société et une étude du marché.
(35) À l'appui de ces prévisions, la Slovénie a fourni des renseignements complémentaires. Elle a notamment cité les sources des données sur lesquelles étaient fondées ses projections et a présenté des projections de ventes pour la période 2004-2006, ventilées par article de la gamme de produits de la société.
4. Mesures compensatoires
(36) Sur ce point, la Slovénie a soutenu qu'aucune mesure compensatoire n'était nécessaire puisque, vu la part de marché négligeable de Javor Pivka, il n'y avait aucune distorsion indue de concurrence. En outre, la Slovénie a indiqué qu'il convenait de tenir compte du fait que Javor Pivka se trouve dans une zone pouvant bénéficier d'aides régionales en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE (voir le point 54 des lignes directrices), pour apprécier la nécessité des mesures compensatoires.
5. Contribution propre
(37) La Slovénie a indiqué les sources des contributions propres de Javor Pivka, telles qu'elles sont exposées dans le tableau figurant au considérant 18 de la présente décision. Ces sources devaient être les suivantes : la cession d'actifs (financiers et immobiliers) devait rapporter 958 427 170 SIT; 900 000 000 SIT supplémentaires devaient provenir d'emprunts bancaires, obtenus aux conditions du marché sans aide. Le reste devait provenir de l'"amortissement" des actifs (soit, selon les prévisions, un montant total de 1 111 786 000 SIT pour la période 2004-2006).
6. Autres aides
(38) Enfin, à cet égard, la Slovénie a informé la Commission que Javor Pivka avait reçu une aide d'État en faveur des économies d'énergie. Cette aide lui avait été octroyée dans le cadre du programme de promotion des sources d'énergie renouvelables, d'une utilisation rationnelle de l'énergie et de la cogénération (production combinée de chaleur et d'électricité). Elle lui avait été accordée le 1er septembre 2003 et versée le 19 février 2004. Cette information est étayée par des documents.
V. APPRÉCIATION DE L'AIDE
1. Existence d'une aide d'État
(39) Aux termes de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, " sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ", à moins qu'elles ne puissent être justifiées en vertu de l'article 87, paragraphe 2 ou 3, du traité CE.
(40) La Commission constate que l'aide est accordée au moyen de ressources d'État à une entreprise individuelle. Le critère selon lequel une entreprise individuelle est favorisée est également rempli. En ce qui concerne l'aide octroyée sous la forme d'une subvention, l'avantage pour le bénéficiaire est manifeste. Dans le cas de la garantie, l'avantage peut paraître moins manifeste en ce sens que Javor Pivka a constitué, en contrepartie de la garantie, une sûreté sous la forme d'une hypothèque. Cependant, les autorités slovènes ont accepté d'accorder la garantie moyennant une hypothèque au ratio 1:1 (la valeur de l'hypothèque étant égale au montant de la garantie). Dans le même cas de figure, des établissements de crédits auraient, quant à eux, exiger un ratio d'au moins 2,5:1 pour l'hypothèque. Javor Pivka n'aurait alors pas été en mesure de constituer une hypothèque suffisante pour garantir le remboursement du même crédit accordé aux conditions du marché. En fait, l'hypothèque constituée pour la garantie représentait la totalité des avoirs disponibles que détenait alors Javor Pivka. Par conséquent, la garantie consentie par les autorités slovènes a favorisé Javor Pivka en lui permettant d'obtenir un emprunt plus important que celui qu'elle aurait autrement pu obtenir moyennant la sûreté qu'elle pouvait constituer.
(41) Étant donné qu'il existe des échanges de produits en bois transformé et de meubles entre la Slovénie et d'autres États membres, cette mesure est susceptible de favoriser le bénéficiaire par rapport à ses concurrents en Slovénie et dans l'UE, ce qui signifie que l'aide fausse la concurrence et affecte les échanges entre États membres.
(42) La Commission considère donc que la garantie et la subvention constituent effectivement une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.
2. Existence d'une nouvelle aide
(43) Les autorités slovènes ont d'abord mis en doute le fait que la Commission soit compétente pour apprécier l'aide au regard des articles 87 et 88 du traité CE, faisant valoir que celle-ci avait été accordée avant l'adhésion. Ainsi que la Commission l'a expliqué sans sa décision d'ouverture de la procédure, le critère pertinent pour établir si une aide a été mise à exécution avant ou après l'adhésion est l'acte juridique par lequel les autorités nationales compétentes s'engagent à l'octroyer (7). L'absence d'une telle décision avant l'adhésion signifie qu'il s'agit d'une nouvelle aide, même si le niveau d'intervention de l'État était connu avant.
(44) Dans le présent cas d'espèce, la Commission conclut que l'acte juridique par lequel les autorités nationales compétentes se sont engagées à octroyer l'aide n'a pas pris effet avant l'adhésion. Les dispositions slovènes applicables stipulent qu'une aide est accordée par décision du gouvernement sur proposition du ministère compétent. Si les décisions antérieures de la commission d'experts interministérielle et du ministère compétent sont certes nécessaires pour accorder l'aide, elles ne sont pas suffisantes pour l'octroyer. La décision finale appartient au gouvernement. En l'espèce, la décision du gouvernement a été publiée le 27 mai 2004, alors que la Slovénie a adhéré à l'Union européenne le 1er mai 2004. Par conséquent, les mesures en cause constituent une nouvelle aide et auraient dû être notifiées en vertu de l'article 88 du traité CE et appréciées au regard de l'article 87 du traité CE.
3. Compatibilité de l'aide
(45) Étant donné qu'elle constitue une aide à la restructuration, l'aide en cause n'est compatible avec le Marché commun que si elle satisfait aux critères des lignes directrices.
(46) Sur la base des observations présentées par la Slovénie et des renseignements qu'elle a recueillis au cours de son enquête, la Commission est parvenue aux conclusions suivantes au sujet des éléments ayant motivé l'ouverture de la procédure formelle d'examen.
3.1. Éligibilité
(47) Vu les renseignements fournis par la Slovénie, la Commission est d'avis que les résultats de Javor Pivka, tels qu'ils sont décrits à la section 2.1 ci-dessus, montrent qu'il s'agissait bel et bien d'une entreprise en difficulté au moment de l'octroi de l'aide en cause. La Commission constate en particulier que Javor Pivka enregistrait des pertes croissantes, une diminution de son chiffre d'affaires, ainsi qu'un recul de son flux de trésorerie. La Commission constate en outre que ces difficultés s'inscrivaient dans une tendance observée de 2000 à 2004 et ne constituaient pas qu'une circonstance exceptionnelle en 2003.
(48) La Commission prend également en considération les explications fournies par la Slovénie au sujet de la nature de l'actionnariat de Javor Pivka. Compte tenu de la nature passive et des faibles ressources en capital de ses actionnaires institutionnels et de la dispersion du reste de son actionnariat, la Commission admet que Javor Pivka ne pouvait obtenir les fonds nécessaires de ses actionnaires. Pour la même raison et du fait qu'aucun actionnaire ne détient à lui seul plus de 15 % du capital de la société, la Commission considère également que Javor Pivka ne fait pas partie d'un groupe commercial plus grand.
(49) En conséquence, la Commission admet que Javor Pivka pouvait bénéficier d'une aide à la restructuration.
3.2. Retour à la viabilité
(50) La Commission a indiqué dans sa décision d'ouverture de la procédure que la manière dont le plan de restructuration de Javor Pivka devait lui permettre de rétablir sa viabilité à long terme n'était pas claire. Cela concernait avant tout les projections sur cinq ans qui indiquaient la manière dont la société devait évoluer en conséquence des mesures de restructuration. La Commission a fait observer que la Slovénie ne lui avait pas fourni les renseignements dont elle avait besoin pour apprécier les hypothèses relatives aux résultats probables de Javor Pivka sur lesquelles était fondé le plan de restructuration.
(51) Au cours de la procédure, la Slovénie a fourni les renseignements complémentaires mentionnés à la section 4.3 ci-dessus et a ainsi pu expliquer d'une manière suffisante les fondements de ces hypothèses. La Commission observe que les prévisions de vente de Javor Pivka peuvent paraître trop optimistes au regard de la forte concurrence de l'Extrême-Orient à laquelle le secteur était confronté en 2005 et 2006 et qui a entraîné une offre excédentaire ainsi qu'une pression à la baisse sur les prix. Cependant, il n'est pas clair si cette information était déjà connue au début de l'année 2004. En outre, la Commission a elle-même constaté en 2006 que : "la production et la consommation des bois contreplaqués ont connu une forte augmentation ces dernières années, qui s'est notamment traduite par le développement d'un solide marché d'exportation pour certaines classes" (8). Étant donné qu'elle n'a reçu aucun renseignement contradictoire de nature à remettre en cause les hypothèses de l'entreprise et les siennes, la Commission n'a aucune raison de les contester. Elle considère donc que la validité de ces projections de 2004 n'est pas remise en cause, ce qui dissipe ses doutes sur ce point.
3.3. Mesures compensatoires
(52) Conformément aux points 35 et 36 des lignes directrices, des mesures doivent être prises pour atténuer, autant que possible, les conséquences défavorables de l'aide pour les concurrents. Cependant, de telles mesures compensatoires ne sont pas nécessaires, lorsque la part du marché en cause détenue par le bénéficiaire est négligeable. Dans ce cas, les mesures compensatoires ne constituent donc pas une condition de compatibilité de l'aide d'État avec le Marché commun.
(53) La Commission constate que, selon les renseignements transmis par les autorités slovènes, Javor Pivka exerce des activités sur plusieurs marchés de produits (bois contreplaqués, coffrages, feuilles de placage et meubles, voir le considérant 22 de la présente décision). En ce qui concerne les bois contreplaqués, la Commission constate tout d'abord que dans une affaire de concentration une "étude du marché a largement confirmé que les différents types de panneaux à base de bois tels que les panneaux de contreplaqué, les panneaux durs, les panneaux de particules bruts et enduits, les feuilles décoratives stratifiées (HPL/CPL) et les composants de panneaux à base de bois destinés aux secteurs du meuble et de la construction relèvent de marchés de produits distincts" (9).
(54) Aux fins de la définition du marché en cause, la Slovénie a présenté à la Commission une étude du marché indiquant les parts sur le marché de produits en cause dans l'UE-25. À cet égard, la Commission n'a guère de raison de s'écarter de la supposition qui est faite à la note de bas de page n° 20 des lignes directrices selon laquelle le marché géographique en cause est l'EEE. Elle rappelle qu'elle avait déjà réalisé des études de marché dans le secteur européen des produits à base de bois (notamment des panneaux de particules en bois) dans une affaire de concentration (10) et qu'elle avait conclu que le marché en cause était plus vaste que le marché national et au moins régional transfrontalier, ce que confirmaient d'importants flux commerciaux transfrontaliers. L'existence de flux commerciaux comparables dans le cas des bois contreplaqués ressort des données fournies par la Slovénie, ainsi que le confirment les experts internes de la Commission (ce qui est aussi confirmé par le fait que les exportations intracommunautaires de Javor Pivka représentent la plus grande partie de son chiffre d'affaires, à savoir 55 %). En outre, un marché régional transfrontalier se rapportant à une distance d'environ 1 000 km a été mis en évidence, la distance variant selon la valeur ajoutée des produits, c'est-à-dire la distance étant encore plus grande pour les produits enduits que pour les produits non enduits. Étant donné que les bois contreplaqués constituent déjà un produit de qualité supérieure et que les exportations concernent principalement ces bois, les coûts de transport sont moins élevés que pour les panneaux de particules (et ils le sont encore moins pour les sièges et les autres meubles en contreplaqué). Eu égard à ce qui précède, la Commission estime que le marché en cause pour les produits fabriqués par Javor Pivka devrait couvrir, sinon tout l'EEE ou l'UE-25, au moins une bonne partie de l'UE-25.
(55) Étant donné que la part de marché de Javor Pivka dans l'UE-25 - telle qu'elle est indiquée à la section 2.4 ci-dessus - s'élève à 0,21 % (en 2003) pour l'ensemble de sa gamme de produits et ne devrait pas, en principe, plus que doubler si le marché géographique était réduit de moitié, la Commission considère que sa part de marché serait toujours bien inférieure à 1 %, ce qui peut - vu le grand nombre de producteurs de petite et moyenne importance que compte le marché - être considéré comme une part négligeable (11). Par conséquent et puisque la présente décision est fondée sur les lignes directrices de 1999, aucune mesure compensatoire n'est nécessaire pour garantir la compatibilité de l'aide d'État avec le Marché commun.
3.4. Aide limitée au minimum
(56) Conformément au point 40 des lignes directrices, l'aide doit être limitée au strict minimum nécessaire pour permettre le retour à la viabilité, tandis que les bénéficiaires de l'aide doivent contribuer de manière importante au plan de restructuration sur leurs propres ressources, "y compris par la vente d'actifs, lorsque ceux-ci ne sont pas indispensables à la survie de l'entreprise, ou par un financement extérieur obtenu aux conditions du marché".
(57) La contribution propre de Javor Pivka à la restructuration est présentée à la section 4.5 ci-dessus. Il convient tout d'abord de souligner que la Commission ne saurait accepter l'amortissement d'actifs comme une véritable contribution propre (12), parce qu'il ne confère pas de ressources disponibles à la société et dépend aussi des activités futures qui résulteront de l'aide d'État octroyée (13). Par conséquent, aucun fonds de cette source ne saurait être pris en considération aux fins du calcul de la contribution propre de Javor Pivka.
(58) En revanche, les actifs cédés par Javor Pivka ne semblant pas être indispensables à sa survie, le produit de cette cession constitue donc une contribution propre valable. Cela vaut également pour les fonds provenant des crédits bancaires qui ont été consentis aux conditions du marché sans aide. Les fonds provenant de ces sources s'élèvent au total à 2 119 650 000 SIT, ce que la Commission considère comme la contribution propre de Javor Pivka à la restructuration.
(59) La contribution propre représente 45,5 % du coût total de la restructuration, ce qui peut être considéré comme une contribution importante au regard des lignes directrices (14). Il semble que l'aide soit également limitée au strict minimum nécessaire, puisqu'elle n'apporte que les fonds supplémentaires nécessaires à la restructuration technologique et à la restructuration du personnel, et ne confère pas de liquidités excédentaires à la société.
3.5. Autres aides
(60) Selon le principe de l'"aide unique", défini aux points 48 à 51 des lignes directrices, la Commission ne peut autoriser l'octroi d'une aide à la restructuration à une société qui en a déjà reçue une. La Commission considère que ce principe lui impose de tenir compte de toute aide à la restructuration ayant été octroyée au cours des dix années précédant l'aide en cause, indépendamment du fait que la première aide d'État ait été octroyée avant l'adhésion à l'UE de l'État concerné. Une aide d'État autre qu'une aide à la restructuration n'entre pas en ligne de compte.
(61) La Slovénie a indiqué que cette aide avait pour objet de promouvoir les économies d'énergie pour des motifs écologiques, ce que la Commission n'a aucune raison de remettre en cause. La Commission accepte donc que cette aide n'a pas été octroyée à des fins de restructuration et, partant, que le principe de l'aide unique ne lui est pas applicable.
4. Observation complémentaire
(62) Il est apparu au cours de l'enquête que la mise en œuvre du plan de restructuration avait pris du retard et que certains éléments de la restructuration technologique n'avaient pas été réalisés selon le plan. Il ne semble pas que ces problèmes aient été apparents dans le plan de restructuration à la date de l'octroi de l'aide. Ceux-ci ne justifient donc pas une remise en cause de la capacité du plan de restructuration à rétablir la viabilité de Javor Pivka. Toutefois, la Commission rappelle que l'autorisation de l'aide est subordonnée à la mise en œuvre complète du plan de restructuration (point 43 des lignes directrices) et qu'elle contrôlera sa mise en œuvre (point 45 des lignes directrices).
(63) La Commission s'attend donc à ce que la Slovénie, conformément au point 46 des lignes directrices, présente au moins deux rapports de suivi, l'un fin janvier 2008 sur l'exercice 2007 et l'autre fin janvier 2009 sur l'exercice 2008. Ces rapports contiendront des informations détaillées sur les résultats financiers de la société ainsi que sur les investissements réalisés. La Commission souligne que si elle ne réalise pas tous les investissements prévus dans le plan de restructuration, la société peut se voir contrainte de rembourser une partie de l'aide d'État, et ce même si elle parvient à rétablir sa viabilité (15).
VI. CONCLUSION
(64) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission constate que l'aide en cause constitue une aide à la restructuration satisfaisant aux conditions des lignes directrices applicables, c'est-à-dire les lignes directrices pour les aides au sauvetage et à la restructuration de 1999. Elle conclut donc que, bien que la Slovénie ait illégalement mis à exécution l'aide à la restructuration en faveur de Javor Pivka, en violation de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE, cette aide d'État est compatible avec le Marché commun,
A arrêté la présente décision:
Article premier
L'aide d'État mise à exécution par la Slovénie en faveur de Javor Pivka est compatible avec le Marché commun au sens de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE et des Lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté, de 1999.
Article 2
1. Le plan de restructuration est mis en œuvre intégralement. Toutes les mesures nécessaires sont prises pour garantir sa mise en œuvre.
2. La mise en œuvre du plan de restructuration est contrôlée sur la base des rapports annuels communiqués par la Slovénie à la Commission. Un rapport détaillé relatif aux activités de 2007 sera présenté fin janvier 2008 et un rapport détaillé relatif aux activités de 2008 sera présenté fin janvier 2009. Ces rapports contiendront des informations détaillées sur les résultats financiers de la société et sur les investissements réalisés.
Article 3 La République de Slovénie est destinataire de la présente décision.
Notes
(1) JO C 194 du 18.8.2006, p. 26.
(2) Les modalités de la procédure ont été définies dans la décision d'ouverture de la procédure (voir la note 1 de bas de page) et s'appliquent également aux fins de la présente décision.
(3) Voir la note 1 de bas de page.
(4) Chiffres au 30 janvier 2004.
(5) Au cours de la procédure, la Slovénie a déclaré que les coûts de la restructuration financière étaient "en dehors du programme de restructuration" et seraient couverts par les emprunts commerciaux que Javor Pivka devait obtenir sans aucune aide d'État. La Slovénie n'a pas inclus le montant correspondant de 400 000 000 SIT dans le programme de restructuration. Cependant, la Commission considère que la restructuration financière fait nécessairement partie intégrante du programme de restructuration et que ses coûts doivent donc être inclus dans les coûts de la restructuration. Son financement, dans la mesure où il est assuré par des emprunts obtenus aux conditions du marché sans aide, doit être pris en considération en tant que contribution propre de Javor Pivka. Dans ce tableau, ainsi que dans le reste de la présente décision, la Commission a inclus ces montants dans les coûts de la restructuration et dans les "ressources propres".
(6) Lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté, JO C 288 du 9.10.1999, p. 2.
(7) Voir la décision d'ouverture de la procédure (citée à la note 1 de bas de page), points 19 et 20 de la lettre, ainsi que la décision de la Commission relative à l'aide C-3-2005, FSO, JO C 100 du 26.4.2005, p. 2, considérants 38 et suivants.
(8) http://ec.europa.eu/enterprise/forest_based/tradeflows_en.html
(9) Décision de la Commission du 28 juin 2006 dans l'affaire COMM/M.4165, Sonae Industria/Hornitex, considérant 11.
(10) Décision de la Commission du 28 juin 2006 dans l'affaire COMM/M.4165, Sonae Industria/Hornitex.
(11) Au moins au regard des autres exemples prévus par les lignes directrices de 1999, voir la décision de la Commission relative à l'aide C-3-2005, FSO (JO C 100 du 26.4.2005, p. 2, considérants 38 et suivants).
(12) Décision de la Commission du 22 février 2006 relative à l'aide N 464/05, AB Kauno (JO C 270 du 7.11.2006, considérant 17).
(13) En ce qui concerne le flux de trésorerie, cela est confirmé dans les décisions de la Commission relatives aux aides C-19-2000, TGI, JO L 62 du 5.3.2002, p. 30, considérant 106, et C-30-1998, Wildauer Kurbelwelle, JO L 287 du 14.11.2000, p. 51, considérant 52, et pour les lignes directrices de 2004, dans la décision AB Kauno (voir la note 12 de bas de page).
(14) Voir la décision de la Commission relative à l'aide C 39/2000, Doppstadt, JO L 108 du 30.4.2003, p. 8, considérant 74, et la décision de la Commission relative à l'aide C 33/1998, Babcock Wilcox (JO L 67 du 9.3.2002, p. 50).
(15) Voir la décision de la Commission du 13 septembre 2006 relative à l'aide N 350/06, MSO (JO C 280 du 18.11.2006).